Signification de Saint Serge pour la Nation russe et l’Autorité de l’État.1/2

Vassili Ossipovitch Klioutchevski (1841-1911), est l’auteur de ce texte, ainsi que d’un magistral «Cours d’Histoire de la Russie».
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Lorsqu’on franchit, en compagnie d’une foule bigarrée de gens se signant pieusement, l’entrée de la Laure Saint Serge, parfois on pense : pourquoi n’y aurait-il pas dans ce monastère, un observateur particulier, comme dans les annales de la vieille ‘Rus, qui observerait d’un regard paisible et égal, et dont la main au mouvement régulier et sans passion inscrirait : «… en la terre russe». Et il ferait cela immuablement, d’année en année, de siècle en siècle, comme s’il s’agissait d’une seule et même personne ne mourant pas pendant des centaines d’années? Cet observateur immuable, et que la mort n’atteindrait pas, raconterait qui sont ceux qui sont entrés au cours de cinq cent ans, pour s’incliner devant le tombeau de Saint Serge, et avec quelles réflexions et quels sentiments ils s’en seraient retournées vers tous les horizons de la terre russe. Il nous dirait, entre autres, comment il se peut que demeure invariable la composition sociale de cette vague déferlant pendant cinq siècles vers le tombeau de Saint Serge. Du vivant de celui-ci, comme le racontent ceux de ses biographes qui lui furent contemporains, des multitudes vinrent à lui, de toutes les contrées et de toutes les villes. Et parmi ces foules, on comptait des moines, des princes, des dignitaires, des gens simples et des villageois. Et de nos jours, de gens de toutes les classes sociales viennent au tombeau du saint, avec leurs pensées, leurs prières et leurs espérances. Arrivent des hommes d’État, lors des moments de crises de la vie du peuple, des gens simples aussi, lors des moments tristes ou joyeux de leurs existences individuelles. Et cette affluence ne change pas, avec le cours des siècles, nonobstant les transformations profondes et répétées de l’organisation et des humeurs de la société russe ; les anciennes notions s’épuisent, de nouvelles émergent et les recouvrent. Mais les sentiments et les croyances qui attirent ici des gens de tous les coins de la terre russe continuent à sourdre jusqu’aujourd’hui, comme une source nouvelle, comme au XIVe siècle. S’il était possible de reproduire par écrit tout ce qui s’est uni à la mémoire du saint, tout ce qui pendant ces cinq cent années fut pensé et ressenti dans le silence devant son tombeau par des millions d’esprits et de cœurs, alors, cet écrit serait profondément imprégné de l’histoire politique et morale de la vie de notre nation. Lire la Suite

Signification de Saint Serge pour la Nation russe et l’Autorité de l’État.2/2

Deuxième partie du texte de Vladimir Klioutchevski dont vous pouvez trouver le début ici.sergij-radonezhskij_b-676x460

(…) Pour renverser le joug barbare, construire un État indépendant stable et introduire les étrangers dans l’enceinte de l’Église chrétienne, la société russe devait s’élever à un niveau lui permettant de faire face à un si grand défi. Elle devait relever et renforcer ses forces morales humiliées par un asservissement séculaire et par l’abattement. A cette troisième œuvre, celle de l’éducation morale de la nation, Saint Serge dédiera sa vie. Il s’agissait d’une mission intérieure devant servir à préparer et à garantir le succès d’une mission extérieure, entreprise par l’illuminateur de Perm. Saint Serge se mit à son ouvrage beaucoup plus tôt que Saint Étienne. Pour ce faire, il pu bien sûr recourir aux ressources de la discipline morale qui lui étaient accessibles et connues en ce siècle, mais parmi ces moyens, le plus puissant fut son exemple de vie, évident accomplissement des règles morales. Il commença par lui-même, s’isolant longuement en une vie de labeurs et de privations, au plus profond de l’épaisse forêt, se préparant à diriger d’autres ermites. L’hagiographe, lui-même membre de la fraternité, instruit par Saint Serge, dépeint cette éducation en des traits vivants, combien elle était progressive et empreinte d’amour d’autrui, de patience et de connaissance de l’âme humaine. Lire la Suite

Le Nom de l’Empire. Konstantinopolis 1/6

“La Ville est Tombée”, mais elle demeure en vie. Voilà le titre de la conférence donnée à Patras enIEROTHEOS_MHT_NAYPAKTOY 2002 par Son Éminence le Métropolite Hiérotheos de Naupacte, à propos de la chute de Constantinople. Voici le premier texte d’une série traduisant cette conférence.

Avant d’exposer mon propos, je souligne que le 29 Mai 1453 ne correspond pas à la chute de Byzance, mais à la chute de Constantinople, la Nouvelle Rome. Ceci revêt de l’importance, car, d’État Byzantin il n’y en eut pas. Cette dénomination naquit environ en 1562, de la plume de Jérôme Wolff. Il s’agissait d’un État Romain. Lire la Suite

L’Apport de K. Leontiev dans la Création d’une Théorie de la Civilisation.

Le Professeur Valentin Yourievitch Katasonov a consacré de nombreux textes à l’étude et la présentation de KAtasonovl’oeuvre de Konstantin Nikolaevitch Leontiev. Le 15 avril 2015, le site Ruskaia Narodnaia Linia a publié un texte du Professeur Katasonov sur la contribution de Konstantin N. Leontiev à la création d’une théorie russe de la civilisation. Voici la première partie de la traduction de ce texte.

«Civilisation» est un des termes-clés dans les lexiques de ceux qui étudient les sciences sociales : historiens, politiciens, philosophes, économistes. Chez nous, en Russie, il est parvenu à supplanter un concept tel que «formation socio-économique», catégorie-clé de la sociologie marxiste. Marx décrivait au moyen de cinq formations la diversité de la vie de la société tout au long du processus historique complexe : société primitive, système de l’esclavage, féodalisme, capitalisme et communisme (dans sa première phase, socialisme). La vision du monde en tant qu’ensemble de civilisation fournit un tableau beaucoup plus intéressant, vif et profond. Lire la Suite

L’Apport de K. Leontiev dans la Création d’une Théorie de la Civilisation. 2/3

Le 15 avril 2015, le site Ruskaia Narodnaia Linia a publié un texte du Professeur Valentin YourievitchKAtasonovKatasonov sur la contribution de Konstantin N. Leontiev à la création d’une théorie russe de la civilisation. Voici la deuxième partie de la traduction de ce texte. La première se trouve ici.

La place de Dieu et de la religion dans la sociologie de K.Leontiev.

Toutefois, on peut en fait qualifier Leontiev de penseur religieux. Dieu est invisiblement présent dans toutes les constructions intellectuelles de Leontiev. Le schéma de réflexion de Konstantin Nikolaevitch est le suivant. La société ne peut exister sans un pouvoir d’État fort, sinon, elle verse inévitablement dans le chaos et l’anarchie. La condition d’existence d’un État fort est la disposition du peuple à se soumettre à celui-ci. Mais pas à n’importe lequel ; il doit être monarchique. On ne peut se soumettre à l’empereur autocrate (le monarque) et le servir que dans le cas où les gens le reconnaissent en tant que oint de Dieu. Et pour pouvoir reconnaître la nature divine du pouvoir de l’empereur et le servir, les gens doivent croire en Dieu. Et non seulement croire en Lui, mais Le craindre. Leontiev est très radical dans ses choix ; si le peuple ne craint pas Dieu, la société est condamnée à la désintégration, la révolution, le chaos et l’entropie. Le libéralisme est une forme, une manifestation, un signe de cette désintégration. Il est possible de remplacer, de compenser la perte de la crainte de Dieu partiellement et provisoirement par une crainte artificielle. Lire la Suite

Le Sens de la Crise.

Le Métropolite Hiérotheos de Naupacte a été interrogé en Décembre 2014 par un journaliste du journal «Ἐκκλησιολόγος» de Patras, à propos des tenants et aboutissants de la crise contemporaine, de la façon dont celle-ci affecte la société et l’Église. Voici un extrait des propos du métropolite.

C’est devenu un lieu commun que d’affirmer que la crise est surtout morale et spirituelle.

Pour la plupart des gens, leur intérêt personnel passe avant le bien commun. Ils sont possédés par l’intérêt personnel et l’amour de soi plutôt que par l’amour pour Dieu et la philanthropie. Ils sont possédés non par l’ascétisme de l’Évangile, mais par la béatitude de la consommation, et dominés par l’éthique protestante plutôt que par l’ascèse orthodoxe. Voilà où se situe le problème.IEROTHEOS_MHT_NAYPAKTOY
Dans la société telle qu’elle est organisée aujourd’hui, ce qui prévaut, c’est le capitalisme, la «religion de l’avarice» ainsi que la «priorité du gain financier», le «droit à la propriété privée», la «priorité des intérêts individuels». Cette «religion de l’avarice» dispose de ses propres «temples», les marchés, de ses «apôtres» et de ses «prêtres», les financiers et les économistes; elle a son propre «évangile», qui encourage les individus à accumuler les biens matériels. Et elle a aussi ses «adeptes-adorateurs», les consommateurs.
Dès lors, la question n’est pas simplement de distribuer de la nourriture aux gens, bien que cela aussi nous devions le faire, mais il s’agit surtout de lutter pour le renversement de cette «religion de l’avarice» qu’est «l’Esprit du Capitalisme». Sans cela, l’Église soutient un système corrompu et une mentalité opposée à l’évangile.
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