Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) J’aimerais écrire beaucoup plus, mais je ne sais pas si je réussirai. Je me souviens, le 23 septembre, quand j’ai bu le thé du matin avec Batiouchka, il a commencé à me dire:
«Imaginez qu’un père de famille, jeune, ait été suspecté par erreur de meurtre et exilé en Sibérie pour le travail forcé à perpétuité. Il a une jeune femme et un jeune fils. Bien sûr, la femme savait que son mari souffrait alors qu’il était innocent. Pendant, disons, trente ans. cet homme qui souffrait malgré son innocence était donc en prison et voyait toujours par une étroite fenêtre que la maison du gouverneur général était éclairée le soir: il y avait des bals, des danses, des fêtes, du plaisir… Mais l’ancien gouverneur finit par être remplacé, et un nouveau arriva. En apparence, rien n’avait changé dans la maison du gouverneur: il y avait encore des fêtes et du plaisir. Mais le nouveau gouverneur souhaita effectuer une visite approfondie de la prison. Entouré de ses subordonnés, il se rendit à la prison et demanda à chaque détenu pour quelle faute il était là. Vint le tour de la victime innocente. Le jeune gouverneur demanda : «Et toi pour quoi?» «Pour meurtre», répondit l’autre, sans se justifier. Mais quelque chose fit que le gouverneur commença à le regarder de plus près, demanda d’où il venait, où il avait vécu, s’il avait des parents, et son histoire, il en ressortit qu’il était son père. Les deux hommes se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.
Pouvez-vous imaginer leurs sentiments?! Et le gouverneur aurait-il pu imaginer que son père était enfermé dans cette prison, qu’il voyait tous les jours depuis son haut balcon? Et le prisonnier pouvait-il supposer que son fils, qu’il avait abandonné enfant de cinq ans, vivait dans cette luxueuse maison où on se régalait et s’amusait tous les jours? Bien sûr, le fils libéra immédiatement son père! Il fit des enquêtes et des recherches, et il s’avéra que, en effet, il avait souffert innocemment, que le tueur était quelqu’un de complètement différent. Mais pourquoi ce prisonnier fut-il libéré? Parce que son fils, quand il l’a reconnu, par son influence et sa force, a orienté l’affaire dans une direction complètement différente…
Et de même, si un fils entre dans un monastère et que ses parents sont déjà morts, alors ils sauront que leur fils est entré dans un saint monastère, et ils seront heureux qu’il y ait là un intercesseur pour eux. Puis il offrira des prosphores pour eux, les commémorera lors de pannychides, et comment priera-t-il pour eux! Et ils recevront encore et encore de nouvelles intercessions et passeront à des tourments de plus en plus légers, car selon les prières de l’Église, les morts reçoivent un soulagement de leur sort après la mort. Et où serait l’avantage des parents si leur fils avait perdu la foi en Dieu et mourait avec des malédictions sur les lèvres?! Je me souviens, lorsque j’étais petit garçon, continua Batiouchka, à la maison, nous avions un petit tableau qui représentait ceci : Pierre Premier se tenait debout, et devant lui un jeune homme était agenouillé, et à côté de celui-ci on voyait son père, condamné à la détention en Sibérie pour l’une ou l’autre infraction. Le jeune homme demandait à Pierre de libérer son père car il était déjà vieux et ne pourrait supporter les labeurs pénibles et de plus, la famille avait besoin de lui : «Il vaudrait mieux que vous m’envoyiez moi en Sibérie au lieu de mon père, car je suis jeune, fort et libre», disait le jeune homme. Pierre Premier versa une larme et dit : «Je libère ce père parce qu’il a un tel fils!».
C’est ainsi que mon père me décrivit ce tableau et m’apprit à prier pour lui-même. D’ailleurs il m’apprit de façon générale à prier: il lui arrivait de m’appeler, de me mettre à côté de lui et me dire de réciter « Mère de Dieu et Vierge,…», «Roi Céleste» et d’autres prières encore. Il m’apprit à lire le Psaume 90, et je l’ai appris par cœur en un jour… Bien sûr, je prie maintenant pour lui tous les jours!..»
Tout cela, Batiouchka me le raconta avec plus de détails que ce que j’ai transmis ici. J’espère que j’ai produit quelque chose de sérieux; je ne compte pas trop sur ma mémoire, et cela fait plus de deux mois.
Le soir
Je viens juste de rentrer de chez Batiouchka. Il était très fatigué, il m’a parlé du défunt Batiouchka Anatole, le grand Starets: «Il aimait Dieu autant qu’il est possible de L’aimer. Et cela, tous ceux qui venaient à lui le ressentaient…»
Nous avons abordé un peu la Prière de Jésus et en général la vie spirituelle. J’aime ces entretiens…
Samedi 28 novembre
J’ai lu les cathismes lors des matines, je n’étais pas allé aux complies: il y avait à faire avec Batiouchka. C’est l’heure des vigiles. Hier, le Frère Kyrill est parti d’Optina, à Saint-Pétersbourg.
Dimanche 29 novembre
Hier, pendant les vigiles, Batiouchka a parlé du monachisme extérieur et intérieur. Il a bien parlé. Il a fait référence aux enseignements d’Abba Dorothée comme étant un merveilleux livre qui nous enseigne à la fois le monachisme extérieur et intérieur:
«Vous devez d’abord acquérir le monachisme externe, l’enseignement monastique, mais ne vous arrêtez pas là, allez plus loin. ainsi, Abba Dorothée enseigne comment connecter l’un à l’autre. Le monachisme intérieur est la purification des passions du cœur avec l’aide de la prière de Jésus. Le rang monastique est plus élevé que celui des rois, car le roi même s’il a longtemps régné, mourra tout de même, et son règne cessera. Et les moines doivent être les rois et les prêtres du Dieu Très-Haut pour les siècles des siècles» Et il a parlé de façon générale de la haute destinée du monachisme.
Aujourd’hui, je suis allé à la liturgie. Après la liturgie, je suis allé à la cellule de Batiouchka pour prendre le thé et une friandise. Quand il me vit arriver, Batiouchka, me donna un bonne tasse de thé de sa demi-livre.
Le Père Nectaire nous rejoignit bientôt, il a célébré aujourd’hui, car c’est son jour de l’Ange. Alors, je l’ai félicité et suis rentré chez moi dans ma cellule.
Avant le repas, j’ai lu. Après le repas, nous sommes allés auprès du Père Joël pour le travail. À deux heures, j’étais chez Batiouchka, qui m’a donné le livre «Sur les Monts du Caucase». Je l’ai lu jusqu’aux vêpres.
Maintenant, je suis rentré de chez Batiouchka. Après que j’eus révélé mes pensées, Batiouchka m’a dit que le Père Archimandrite était parti à Moscou pour y recevoir des soins, et Batiouchka avait été désigné comme son remplaçant temporaire. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.