Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Vendredi 25 décembre
Le 24, je suis allé aux matines, pour les heures. J’ai lu la première heure.
Ça fait deux ans que nous sommes entrés à la Skite. Après les heures, je suis allé à la cellule de Batiouchka, je l’ai nettoyée un peu pour la fête, j’ai lu. Je suis allé à la Liturgie, puis au repas. Après le repas, je suis allé chez Batiouchka, j’ai bu le thé. J’ai fait diverses choses et pour finir, j’ai commencé à lire la règle pour Batiouchka: les canons, qu’il faut lire pour célébrer la Liturgie. Vers sept heures, je suis parti de chez Batiouchka et suis rentré dans ma cellule.
C’était une nuit merveilleuse, calme, claire et glaciale. À huit heures, je me suis couché, et vers minuit moins le quart, je me suis levé et suis allé auprès de Batiouchka. Il a décidé de ne pas aller au monastère, mais de lire la règle des matines chez lui. Les deux auxiliaires de cellule, le Père Koukcha et moi, sommes restés avec Batiouchka. Après avoir terminé la règle des matines, nous nous sommes séparés. La liturgie a commencé à sept heures, mais j’ai dormi un peu, je suis arrivé lors de l’Apôtre, un peu avant. Après la liturgie, je suis allé comme d’habitude au réfectoire, et après le repas, sur les tombes des startsy. Puis chez Batiouchka, pour rendre gloire au Christ, et ensuite chez le Père Joseph. Après, je suis revenu chez Batiouchka pour l’aider à s’installer pour qu’il se repose, et je suis enfin rentré dans ma cellule, j’ai rechargé le poêle, et l’ai confié à Ivanouchka, puis je suis allé préparer le thé pour la communauté. Après le thé je suis retourné auprès de Batiouchka, qui me donna le livre «Sur les Monts du Caucase». Je l’ai lu jusqu’à ce qu’on sonne pour les vêpres. Arrivant pendant la sonnerie des vêpres, je me suis assis, et j’ai dit la prière, la paix régnait dans mon âme… Après les vêpres, repas au réfectoire et retour chez Batiouchka. J’ai bu un thé et j’ai lu les canons avec le Père Nikita. Batiouchka célèbre encore demain.
Maintenant, je suis dans ma cellule. Devant les icônes. Une nuit encore aussi merveilleuse, étoilée et glaciale, le gel a atteint moins 27 degrés. Gloire à Dieu pour tout. On dirait qu’Ivanouchka est devenu plus raisonnable. Gloire à Dieu!
Dimanche 27 décembre
Hier matin, je suis arrivé chez Batiouchka après le thé. Nous voulions lire «Sur les Monts du Caucase», mais ce livre était dans ma cellule. Nous avons donc discuté un peu. Batiouchka a parlé de la difficulté d’atteindre le salut à l’époque actuelle.
– Mais vous, dit Batiouchka en s’adressant à moi, avez choisi la bonne part. J’aimerais vous voir rasophore et portant la mantia, mais je ne sais pas si je vivrai. Alors (c’est-à-dire quand je recevrai la mantia) le sceau royal sera apposé sur vous. Ensuite, cela dépendra de vous, vous le préserverez ou le briserez.
Nous avons parlé du poème «la Grandeur de la Très Sainte Mère de Dieu», composé par Batiouchka lui-même. Ce poème a beaucoup plu au rédacteur en chef-éditeur de la revue, à laquelle Batiouchka a envoyé ce poème pour impression, et ils ont ajouté: «pour la célébration du jour de la synaxe de la Très Sainte Mère de Dieu, le 26 décembre». Batiouchka a même dit quelque chose comme : quand il serait au Jugement Dernier il demanderait à la Très Sainte Mère de Dieu de le délivrer des tourments éternels, en rappelant ce poème.
Mais nous n’avons pu parler longtemps. D’abord Batiouchka s’est un peu allongé, et je me suis assis pour lire le «Paterikon» de Mgr Ignace (Briantchaninov). «C’est bien, que vous ayez commencé à lire ce livre. Il fut composé comme suit: Mgr Ignace a écrit ce qui répondait aux questions troublant la vie monastique. De ce point de vue, cette œuvre est irremplaçable. Beaucoup de doutes qui avaient longtemps inquiété l’un ou l’autre pouvaient être immédiatement résolus en choisissant un extrait.»
Voilà ce que Batiouchka m’a dit quand il se leva. Alors, on commença à arriver pour la confession : moniales, mendiants, chanteurs ambulants. Et ainsi on atteignit l’heure du repas. La deuxième partie de la journée, après le repas, est passée rapidement, car il y avait complies et vigiles.
Aujourd’hui, j’étais à la liturgie, je suis passé chez Batiouchka une minute avant le déjeuner. Et puis j’ai lu « Sur les Monts du Caucase» dans ma cellule. Mais une tentation est arrivée. Comme il gelait à moins vingt, moins vingt-cinq degrés, je voulus faire chauffer le poêle. J’y ai mis des bûches en abondance, mais ensuite j’ai eu peur d’endommager le poêle avec un feu trop fort. Seulement, les bûches avaient déjà brûlé. Alors j’ai apporté de la neige et j’ai recouvert le feu. Quand le bois s’est éteint, je les ai sorties et les ai définitivement éteintes, enterrées dans neige. Cela m’a pris du temps, et c’était désagréable.
Après le repas, Ivanouchka est venu chez moi, comme très joyeux. Mais toujours rien. Bien qu’il ait pris mon temps, j’ai lu dans le «Psautier interprété» de Zigaben, le Psaume 100. Maintenant, bientôt les vêpres.
Le soir
La bénédiction fut donnée en même temps à toute la fraternité, à distance. Mais moi, comme d’habitude, je suis entré chez Batiouchka et, ayant reçu la bénédiction, je suis sorti. J’ai pris avec moi le livre «Sur les Monts du Caucase». Aujourd’hui, en me donnant ce livre, Batiouchka m’a dit : «Allez et profitez-en.» Je pense lire maintenant, car il est trop tard pour les cinq cents.
Lundi 28 décembre
Aujourd’hui, le sacristain du monastère est venu chez Batiouchka. Après son départ, quand je suis entré chez Batiouchka, celui-ci m’a dit: «Voilà qu’il m’a raconté des choses terribles, des choses terribles. Au sujet d’un moine. Que se passera-t-il quand le Désert d’Optina sera rempli de gens pareils…? Bien sûr, je ne vivrai certainement pas jusque là, mais vous, vous devrez combattre cela. Vous devrez verser beaucoup de sang et de larmes. Oui, vous devrez verser beaucoup de sueur et de larmes et de sang… Bien sûr, le Seigneur ne vous abandonnera pas, Optina tiendra…».
Parfois, Batiouchka parle comme en méditant, en supposant, mais parfois fermement, avec confiance, alors ce sont ces mots dont je me rappelle le plus. Aujourd’hui encore, il a particulièrement insisté sur les mots «verser la sueur, les larmes et le sang», et il les a même répétés, bien que la première fois, il n’ait pas dit «sueur». Que la volonté du Seigneur soit faite ! (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.