Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

Le soir
Le 16 décembre, j’ai eu un entretien avec Batiouchka. J’en ai déjà noté une partie et maintenant je voudrais en écrire un peu plus.
Un jour, après les vigiles, Batiouchka a montré le portrait des saints pères dans l’église du Précurseur, au mur près de la porte et m’a dit de lui rappeler de m’en parler. Et le 16 décembre, de lui-même, Batiouchka a commencé à me dire ce qui suit.
«Quand ma mère est morte, je ne suis pas allé aux funérailles, car j’étais déjà à la Skite. J’ai confié toute l’affaire à un homme de confiance. Après les funérailles, on m’a envoyé mille roubles, et j’ai décidé de donner cet argent au Père Joseph en souvenir éternel de mon père, de ma mère et de moi-même. J’étais déjà rasophore à l’époque. Je ne sais pas pourquoi j’ai été mentionné sur la liste principale, comme il convenait selon le montant de la contribution, mais juste après le Père Joseph. Et ainsi, avec tout le monde, bien sûr, j’ai toujours entendu cette commémoration: «Le Hiéromoine du Grand Schème Joseph, le Moine Paul», etc… Et voici ce que j’en pensais: «Tu seras Supérieur et starets après lui, tu seras son successeur…». Mais je répondais : «Comment deviendrais-je tout cela, alors que je suis humilié, méprisé, persécuté par tous et infirme du fait de ma maladie des yeux ?»
Les années passèrent, je restais le même pauvre novice. On a commencé à réparer l’ancienne église. Auparavant, à l’endroit où il y a maintenant quatre saints : Joseph le Chantre, Barsanuphe le Grand, Saint Jean le Prophète et Précurseur et Abba Dorothée, il n’y en avait que trois : Saint Barsanuphe le Grand n’en était pas. Je suis allé voir, après la restauration, et j’aperçus qu’à côté de Saint Joseph le Chantre on avait peint Saint Barsanuphe, et une pensée me dit: «Oui, tu deviendras Supérieur et starets après le Père Joseph.» Les années continuèrent à s’écouler, et je restais toujours le même… L’Évêque Macaire vint. Toute la fraternité fut réunie dans l’église du Saint Précurseur. alors, le Père Daniel, qui proposait toujours à tout le monde de faire office de photographe amateur, le proposa à Vladika. Vladika accepta. On apporta l’appareil. Tout le monde se mit en place. Moi, pour ne pas me trouver sur la prise de vue, je m’écartai et me mis dans un coin, derrière tout le monde. Quand on a imprimé la prise de vue, j’y jetai un coup d’œil et vis que je me trouvais tout de même sur la photo, loin à l’arrière, mais en ligne droite derrière le Père Joseph, et ma pensée me dit: «Tu seras Supérieur et starets après le Père Joseph…». Les années passèrent, la guerre avec le Japon éclata, et j’allai à la guerre comme prévu par obéissance et je dis à ma pensée: «Eh bien, comment vais-je devenir starets? Quand est-ce que je reviendrai? Et si je dois revenir, je suis faible, je ne tiendrai pas, et la guerre, disent-ils, durera une vingtaine d’années». Et puis la guerre se termina et je revins à la Skite. Je suis allé voir Saint Séraphim De Sarov. C’était un dimanche, j’étais à la liturgie, soudain un moine complètement inconnu s’approcha de moi et dit: «A la mémoire de votre Starets, Batiouchka.» Je demandai : «Lequel?» «Batiouchka Ambroise, car aujourd’hui est le jour anniversaire de sa mort». «Oui, oui, je sais, je sais», dis-je, mais j’avais conscience d’avoir oublié cela. Je me suis avancé et j’ai pris une prosphore pour Batiouchka Ambroise… Puis, quand je suis rentré à la Skite, j’ai appris que le Père Joseph était tellement atteint qu’il ne semblait même pas pouvoir vivre jusqu’au lendemain matin. Il pensait célébrer, mais il eut une attaque en sortant des vigiles… Je venais de rentrer et je fus effectivement nommé confesseur, starets et finalement, Supérieur de la Skite… Ainsi, je vous dis que rien n’est un hasard dans notre vie. Même ce qui semble être une bagatelle a son sens… Je n’ai pas voulu ni cherché cette position, je n’ai pas demandé. Et je me tiens à ce poste par obéissance… Et je pense que ce serait peut-être mieux pour moi si je vivais dans ma petite cellule, endurant patiemment les afflictions et priant la prière de Jésus… Mais si je n’avais pas été le Supérieur de la Skite, vous n’auriez pas été accepté à la Skite… Mais tout ce que je pense, c’est que le Seigneur me donnera peut-être le repos, seulement quand je me préparerai à l’autre vie; maintenant c’est impossible, je suis déchiqueté en morceaux, par-ci, par-là. Et pourtant, je pense : peut-être que le Seigneur me trouvera digne.

Saint Barsanuphe d’Optina

Je ne l’ai jamais dit à personne, mais je vais le vous dire: quand je suis allé chez le Père Barnabé, il m’a prédit beaucoup de choses, et beaucoup de choses se sont déjà accomplies. Il m’a dit: «Tout le monde se prosternera devant toi…» et en effet, ils s’inclinent, et puis : «Tu vivras et tu feras la prière de Jésus». Ça serait bien…»
Pendant que Batiouchka parlait, je me tenais debout à côté de lui, contre la porte, près du canapé, sur lequel Batiouchka était assis sous les portraits des startsy. Je me souviens bien de cette image: dans la semi-pénombre de la cellule, seule une lampade était allumée devant l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu, éclairant son visage divin. Il faisait silence tout autour, on entendait seulement le balancier de l’horloge. Et le Père avec la tête non couverte, les cheveux tout blancs, prononçait, assis, ses paroles profondément réfléchies et significatives, peut-être prophétiques, et je me tenais près de ce grand starets, je me taisais et regardais mon cher Batiouchka.
Finalement, le moment arriva de nous séparer pour le repos nocturne. Sortant de chez Batiouchka, j’avançai dans la Skite, sous l’impression de la conversation. Autour de moi il y avait une nuit chantante et jubilatoire. Calme et claire. La pleine lune illuminait notre modeste petite Skite. Tout brillait et se réjouissait. Les pins et tous les arbres, recouverts de givre blanc, se tenaient debout dans leur parure, dans leur silence, louant Dieu; les deux églises, l’ancienne et la nouvelle, comme des palais, se dressaient couvertes par le clair de lune… Tout était merveilleusement bien…
Mardi 29 décembre
Aujourd’hui, en revenant de chez Batiouchka à l’heure du thé du matin, j’ai remarqué que Batiouchka semblait comme contrarié. Il avait déjà bu le thé, et pendant que j’en buvais, Batiouchka se coucha pour se reposer jusqu’à l’aube. Mais c’était déjà tout à fait l’aube, je m’approchai et dis qu’il faisait déjà clair. A cela, Batiouchka me répondit d’apporter une chaise et de m’asseoir près de son lit. J’apportai une chaise et m’assis. «Je dois me reposer ces jours-ci, et hier, quelqu’un m’a fortement offensé… Asseyez-vous ici…» Je me suis assis à côté de la tête de Batiouchka. Et je demeurais ainsi, faisant la prière de Jésus, jusqu’au repas, alors que Batiouchka restait couché. Quand le repas fut prêt, nous avons mangé, et Batiouchka s’est de nouveau couché pour se reposer. Je lui ai lu, avant son somme, trois ou quatre textes du «Pré Spirituel», puis, quand Batiouchka s’est endormi, je me suis assis sur le canapé et j’ai commencé à lire le «Paterikon» de Mgr Ignace. Puis, après le thé, je me suis comme d’habitude longuement occupé des travaux d’écriture de mon obédience, mais je n’ai pas dû aller aux vêpres ni participer à la règle du soir. La bénédiction fut donnée à distance, Batiouchka était très occupé du côté des visiteurs féminines, alors je n’ai pas attendu, et je suis rentré dans ma cellule. (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.