Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.
Le Père Ioann Mironov se souvient : «Le jour de sa mort, le 3 avril 1949, le Père Seraphim m’a miraculeusement appelé chez lui. La veille, il m’a transmis un message par l’intermédiaire du Père Grigori Selivanov: «Que Vanya vienne» et il a précisé la date. Je suis donc parti le 3 avril par le train le plus matinal… A cette heure-là, seuls les plus proches étaient déjà informés de la mort du Juste. Le père Alexis Kibardine a célébré la première pannychide. J’ai eu l’honneur de prier avec lui. Quand nous avons transporté le Père du lit à la table, il semblait que nous portions seulement la mantia; il était si léger».

Le premier jour après la mort du Père Seraphim, une femme, venue prendre congé du Starets, amena sa petite fille aveugle auprès cercueil et dit:
-Embrasse la main de grand-père.
La fillette embrassa la main, et immédiatement, elle vit.
Pendant trois jours, il y eut un flot ininterrompu de gens qui s’approchaient du cercueil. Le Patriarche Alexis Ier avait ordonné au Métropolite Grigori (Tchoukov) de Leningrad d’annuler les cours au Séminaire et à l’Académie pendant trois jours après la mort du Starets. Le cercueil pour le funérailles du Starets fut envoyé par le Métropolite Grigori.
Le Père Seraphim avait promis au Père Alexis Kibardine tous ses accessoires et livres liturgiques. L’icône miraculeuse du Sauveur fut envoyée au Patriarche Alexis I. Les autres icônes furent offertes à l’église de Kazan à Vyritsa. On y conserve donc aujourd’hui encore l’icône de Tikhvine de la Très Sainte Mère de Dieu, l’icône de Saint Seraphim de Sarov et l’icône de Saint Panteleimon, transmises par le Starets Seraphim.
Les funérailles du Père Seraphim furent célébrées la veille de la fête de l’Annonciation dans l’église de Kazan à Vyritsa. A cette époque le trajet en train à vapeur jusque Vyritsa prenait deux heures, sans les arrêts. Le voyage durait près de trois heures. Le jour des funérailles et de l’enterrement du Starets, le train à vapeur du matin ne put emmener tous ceux qui voulaient monter dans les wagons, on n’aurait pu en glisser un de plus. La foule se jeta littéralement sur le chef de la gare:
– Il faut attendre deux heures pour le prochain train. Organisez-nous donnez-nous un convoi supplémentaire d’urgence!
Questionnés au sujet de la raison de leur empressement, les gens répondirent :
– À Vyritsa, le Starets Seraphim est décédé, nous arriverons en retard pour l’enterrement.

Et les retardataires étaient nombreux. Il y avait beaucoup de membres du clergé et d’élèves des institutions de théologie. Parmi eux se trouvait le futur Patriarche Alexis II, qui étudiait alors au séminaire de Leningrad. Pendant les funérailles et l’enterrement, ils furent des milliers agglutinés autour de l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan et les rues avoisinantes. Les chœurs de l’Académie de Théologie et du Séminaire chantèrent l’office.
Elena S. se souvient: «lors des funérailles, l’icône de Saint Seraphim de Sarov qui se trouvait dans la cellule de Batiouchka fut portée devant le cercueil. L’inhumation eut lieu le 6 avril. Il y avait tellement de gens que la fidèle auxiliaire de cellule du Père Seraphim eut une côte brisée par la pression de la foule, ce dont il l’avait prévenue bien à l’avance, en disant:
– Pendant mon enterrement, protége tes petites côtes…
Pendant plusieurs jours, le cercueil avec le corps du Juste défunt demeura dans l’église; les prêtres célébraient des pannychides, le peuple priait. J’ai toujours conservé une petite croix et des fleurs que j’ai appliquées sur sa main. Je suis venue plusieurs fois dire au revoir Batiouchka. Et ce qui était surprenant, c’était sa main, chaude, douce, tout à fait comme celle d’un vivant».

Le Père Seraphim fut enterré à Vyritsa, dans le petit cimetière à côté de l’église de Kazan. Celui qui va prier devant sa tombe ne peut jamais l’oublier. Il est maintenant évident pour beaucoup que Saint Seraphim de Vyritsa est devenu l’un des héros de l’ascèse les plus vénérés de l’Église russe du XXe siècle. Quand il était en vie, Saint Seraphim de Vyritsa disait : «Celui qui a besoin de mon aide, qu’il vienne devant ma tombe comme si j’étais vivant, qu’il raconte ce dont il a besoin, et je l’aiderai!» Nombreux sont ceux qui ont accompli cette démarche! Pendant plus de cinquante ans, les Orthodoxes vont encore et encore à Vyritsa sur la tombe du grand Starets, prient, pleurent, se repentent, y discutent comme avec un vivant, et reçoive une aide bienfaisante. Une chapelle a été érigée et consacrée sur la tombe de du Starets. Un interminable flot de gens vient à la chapelle, et à eux s’ouvre la grâce de ce lieu saint de la Terre Russe.
Comme le Père Seraphim l’avait prédit lui-même, arriva le moment de se poser la question de sa glorification par l’Église. La décision de la glorification du Père Seraphim parmi le chœur des saints fut prise par le Synode jubilaire de l’Église orthodoxe Russe, qui se tint du 13 au 16 août 2000 dans la cathédrale du Christ-Sauveur. En plus de Saint Seraphim de Vyritsa, fut également glorifié le chœur des néomartyrs et confesseurs russes, qui pendant les années de persécution par les mécréants, offrirent leur vie pour la foi en Christ.
Bien que Moine du Grand Schème Seraphim ait été glorifié dans le chœur des saints moines, tous ceux qui sont familiers avec sa vie comprennent que le podvig du Starets fut celui de confesseur et il peut donc à juste titre être commémoré dans le chœur des néomartyrs et confesseurs russes.

L’acte de la glorification des néomartyrs et confesseurs russes du XXe siècle, connus par leurs noms ou dont les noms sont jusqu’à présent inconnus au monde mais connus de Dieu, est devenu un jalon de notre histoire spirituelle. Car l’Église Orthodoxe Russe, qui a brillé sur son chemin millénaire à travers le chœur de ses saints hiérarques et saints moines, et ascètes qui ont glorifié le Seigneur par la prière, le jeûne, les veilles, la pureté et l’abstinence, est devenue, à la fin du deuxième millénaire de l’histoire de la chrétienté, l’Église des confesseurs et des martyrs pour la foi dans le Christ. Toute la vie spirituelle de la Russie du XIXe siècle a été illuminée par la prière ardente et les podvigs de Saint Seraphim de Sarov. Au tournant du vingtième siècle de l’histoire de la chrétienté, l’Église russe a glorifié un nouveau Seraphim, grand thaumaturge et intercesseur de notre Terre de Russie. (A suivre)
Traduit du russe

Peu de temps avant sa mort, il arriva au Père Seraphim de dormir, sans se réveiller pendant douze jours consécutifs. Le médecin venait le voir chaque jour et surveillait le travail du cœur. Le pouls était à peine audible. Quand le Père se réveilla, il a dit, s’adressant Matouchka Seraphima:
Le Starets demanda au Père Alexis d’aller à Moscou et de dire au Patriarche Alexis Ier que le misérable Seraphim s’en irait au Seigneur dans deux semaines et demandait que des émissaires du Séminaire et de l’Académie de Théologie viennent prendre congé de lui. Le Starets transmit une grande métanie et demanda pour lui les saintes prières du Patriarche. Comme l’a raconté le Père Alexis Kibardine, quand il transmit à sa Sainteté les paroles du Starets et fit la grande métanie devant le Patriarche, sans rien répondre, celui-ci se tourna vers les icônes, fit trois grandes métanies en se signant chaque fois. Puis il se retourna, et des larmes coulaient sur son visage. Il dit avec douceur:
…Un jeune homme se saoulait sans cesse, traînant tout le temps hors de la maison. Sa femme ne pouvait plus supporter une telle vie et elle fuit avec leur enfant. Un ami lui apprit qu’un vieux moine qui vivait à Vyritsa pouvait traiter les alcooliques, et le persuada d’y aller: peut-être le starets l’aiderait-il à guérir. Il refusa longtemps, mais finalement il céda à la persuasion. Ils achetèrent des billets de train et se rendirent à Leningrad. Quand ils arrivèrent à la gare de Vitebsk, l’ami de cet ivrogne alla à la caisse pour acheter les billets pour Vyritsa, mais alors qu’il faisait la file, son protégé fila aux toilettes et offrit ses vêtements à quelqu’un pour un quart de litre : il a donna sa chemise, ses sous-vêtements, et resta en chandail et en pantalon. Il but le quart immédiatement. Son ami le retrouva, mais ne put comprendre quand et où il avait eu le temps de boire. Ils prirent le train. Arrivés à la maison du Starets, ils avancèrent dans le porche d’entrée. A ce moment-là, Batiouchka expliquait la parabole de la brebis perdue et du berger qui va la chercher. L’ivrogne dit alors:

Les proches du Starets se souvinrent de ce podvig : «En 1941, Grand-Père avançait dans sa 76e année. Alors, il était très affaibli par la maladie, et il pouvait à peine se déplacer sans qu’on l’aide. Dans le jardin derrière la maison, à une cinquantaine de mètres, un roc de granit émergeait de terre. Un petit pommier poussait juste devant. C’est sur cette pierre que le Père Seraphim élevait ses demandes vers le Seigneur. On le conduisait par la main jusqu’à ce lieu de prière, et parfois même, il fallait tout simplement l’y transporter. Une icône avait été attachée au pommier, et Grand-Père, ses genoux malades sur la pierre, tendait les mains vers le ciel… Qu’est-ce qu’il lui en coûta! Il souffrait de maladies chroniques des jambes, du cœur, des vaisseaux sanguins et des poumons. Manifestement, c’est le Seigneur Lui-même qui l’aidait, mais il était impossible de regarder ce tableau sans verser de larmes. Souvent, nous l’avons supplié d’abandonner ce podvig. Il pouvait en effet prier dans sa cellule. Mais en l’occurrence, il demeura impitoyable vis-à-vis de lui-même, et de nous. Le Père Seraphim priait tant qu’il en avait la force, parfois une heure, parfois deux, parfois des heures durant… Je me souviens que Grand-Père me disait : «Un seul intercesseur pour le pays peut sauver les villes et tout…».
La femme comprit que le Starets savait tout, et avec des larmes de remords, elle s’agenouilla devant lui. Quand l’enfant naquit, c’était une petite fille, le Père Seraphim lui choisit son nom et désigna les parrain et marraine.