Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Le vingt-trois, Batiouchka a dit, d’abord à moi et ensuite à Ivanouchka, que le Père Archimandrite était prêt à prendre à nouveau Ivanouchka. Aujourd’hui, Ivanouchka est allé terminer certaines affaires à Moscou et attendre un peu pour voir si une cellule serait libérée, car deux personnes allaient être admises dans une semaine.
Je ne suis pas allé aux vigiles du vingt-trois octobre, par grand manque de temps. Batiouchka ne put terminer les choses nécessaires, ce que nous avons fait pendant les vigiles.
Le dimanche vingt-quatre octobre, j’ai terminé de lire «Un avertissement aux lecteurs…» Le livre est certes bon, mais le slavon est souvent incompréhensible. J’ai révélé mes pensées et j’en ressens les bienfaits. Sauve Batiouchka, Seigneur.
Dimanche 31 octobre
Le jeudi vingt-huit, tard dans la soirée, le Père Pimène est décédé. On dit qu’il a essayé d’enlever un bouton sur son front, puis son visage a commencé à enfler, et il est mort soit d’érysipèle, soit d’inflammation, transmise au cerveau. Que Dieu lui accorde le Royaume des Cieux. Batiouchka l’aimait et m’a dit que le Père Pimène était un vrai moine. Ces jours-ci, j’étais occupé à compiler des informations. Aujourd’hui, j’ai lu au réfectoire ; Batiouchka n’était pas au réfectoire. Aujourd’hui, je ressens une faiblesse dans mon corps, même si hier je n’étais pas fatigué lors des vigiles. Je lis les lettres de Batiouchka Macaire.
Vendredi 5 novembre

Le soir du vingt-huit octobre, le Comte Léon Tolstoï est arrivé à Optina, et le vingt-neuf, il quitta Optina, sans rendre visite au Père Archimandrite, ni à Batiouchka, ni au Père Joseph. Lorsqu’il atteignit la gare d’Astapovo, il ne se sentit pas bien et ne poursuivit pas son voyage. Je ne connais pas les détails, seulement que le saint synode a béni le Père Joseph (puisque le Comte le connaissait et avait déjà été chez lui) pour qu’il se rendît auprès du Comte afin de le convaincre des vérités de la Sainte Église Orthodoxe. Le Père Joseph voulut y aller, mais, se sentant très faible, il renonça. Puis on donna par télégramme la bénédiction à Batiouchka pour qu’il y aille à la place du Père Joseph. Hier soir, Batiouchka commença à se préparer. Pour une raison ou une autre, j’étais nerveux intérieurement, mais après avoir lu les canons, les acathistes et la règle générale de prière du soir, je me suis calmé. Batiouchka m’a dit qu’il pensait m’emmener avec lui.
Vers minuit hier soir, après avoir tout préparé, nous sommes rentrés dans nos cellules. Je me suis levé aujourd’hui à quatre heures du matin, et à six heures j’ai célébré un moleben avec le sacristain et le Père Nectaire. Batiouchka était dans le sanctuaire. Ensuite, après le moleben, tout le monde est allé voir Batiouchka. Puis je suis allé à ma cellule, je me suis enfin préparé, et finalement je suis allé au monastère auprès du Père Archimandrite. Batiouchka et le Père Théodose marchaient devant (le Père Théodose était venu chez Batiouchka pour la confession et aussi en tant que père spirituel). Je marchais derrière, Frère Grégoire à côté de moi portait un sac. Arrivés chez le Père Archimandrite, tous accomplirent leurs tâches. Frère Grégoire et moi attendions. Soudain, Batiouchka m’a appelé et m’a annoncé que je restais et il prit congé de moi.
J’ai quand même attendu que Batiouchka parte. Quand il est parti, je suis allé auprès des tombes des Startsy, j’ai prié pour Batiouchka et pour moi-même, puis je suis rentré à la Skite. Arrivé à la cellule de Batiouchka, je bus le thé, renvoyai l’acheteur et rentrai à ma cellule. Je ne ressentais aucune agitation particulière. J’ai prié pour le bien de Batiouchka et je me suis assis pour écrire ce journal. Mais hier, je me sentis agité, j’étais soit triste, soit affligé. Seigneur, sauve Batiouchka, et que Ta volonté soit faite !
Le 4 novembre, jour anniversaire du transfert de Batiouchka à la Skite après son retour de Mandchourie après la guerre en 1905.
Hier, j’ai écrit une lettre à Ivanouchka, et de lui j’en ai reçue une le trente-et-un octobre. Il n’y avait rien de spécial dans la lettre. Hier, Batiouchka m’a donné quatre mouchoirs. Les ramenant à ma cellule, je me suis dit : «Mouchoirs, mouchoirs, ne devrez-vous pas essuyer des larmes de douleur?» Ce n’est pas que j’aie pris ça très au sérieux, je l’ai juste dit.
Samedi 6 novembre
Ce matin, j’étais occupé dans des travaux d’écriture. Mon âme était en paix. Je prie pour Batiouchka du mieux que je peux. Comment et ce qui est arrivé à Batiouchka, on ne sait pas encore. [N.d.E. comme on le sait, Saint Barsanuphe ne fut pas autorisé à voir Léon Tolstoï par l’entourage de celui-ci, qui ne voulait pas que le Comte «change ses convictions». Le Starets fut profondément attristé à cette idée : «Un anneau de fer entourait le défunt… bien que Léon fût là, il ne pouvait ni le briser ni en sortir.»]J’ai lu l’Apôtre aujourd’hui à la liturgie. Il semble qu’il n’y ait rien de spécial.
Dimanche 7 novembre
Du côté physique, j’ai pu tenir debout sans trop de difficultés pendant les vigiles. Et la prière venait facilement. Aujourd’hui aussi, pendant la liturgie, je suis resté facilement debout. Je me suis levé à six heures et demie, et dès lors, je n’ai pas réussi à lire les prières du matin avant la liturgie. C’était l’office du dimanche et de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu du Prompt Secours. Selon mes forces, j’ai prié devant Sa sainte icône pour Batiouchka. Je ressens de la faiblesse dans mon corps, mais pas trop. Je vais essayer d’écrire ce que Batiouchka à dit pendant les derniers jours.
Le 1er novembre, j’ai demandé à Batiouchka :
– La confession et la révélation des pensées doivent-elles avoir lieu auprès d’une seule et même personne, ou est-il possible de se confesser chez l’une et de révéler ses pensées chez l’autre ?
– Évidemment, la confession est une chose, la révélation des pensées en est une autre. Les Saints Pères ont écrit : quand on ne trouve personne auprès de qui aller, il faut se tourner vers un frère avec qui nous sommes en union d’âme et lui révéler nos pensées. On peut même révéler les pensées à quelqu’un qui n’a pas reçu l’ordination sacerdotale.
Le deux novembre aussi, nous avons conversé un peu. Batiouchka a, entre autre, raconté comment il est arrivé pour la première fois à Orembourg, âgé de huit ou neuf ans. Il y était déjà allé, mais il était alors tout bébé et ne se souvenait de rien. Il arriva avec son père, à qui il proposa de marcher dans la ville. Son père accepta. Le jeune Paul, aujourd’hui Starets d’Optina, courut voir la Cathédrale de la Transfiguration du Sauveur, une magnifique cathédrale, un immense clocher. Il regarda, courut, vit l’autre cathédrale, la cathédrale de l’Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu. il la regarda puis continua devant la maison du gouverneur jusqu’à la cathédrale de la Trinité, et de la cathédrale de la Trinité il continua sur la grand-place. Il y avait beaucoup de monde sur la place, un bazar. En se frayant un chemin à travers la foule, il aperçut soudain un nain agiter un long Bâton. Effrayé par ce nain, il se cacha derrière les gens. Ici, la loi…
C’est ainsi que se termine le journal du Saint Hiéromoine et Confesseur de la Foi Nikon, d’Optina Poustin’
Source : 
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.