Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) L’automne a commencé ; il fait plus froid. Les arbres jaunissent et perdent leurs feuilles.
Lundi 20 septembre
Hier, la soirée s’est écoulée comme d’habitude. J’ai révélé mes pensées à Batiouchka. Par la grâce de Dieu, je suis parvenu à me lever pour les matines. Avant le réveil. Mais après les matines, je me suis rendormi jusqu’à huit heures moins le quart et je n’ai pas lu les heures. Je réussi une chose et je pèche dans l’autre. Seigneur prends pitié ! J’ai lu dans «Le Chemin vers le Salut» de l’Évêque Théophane qu’il faut parvenir à dénicher en soi la passion principale. J’ai réfléchi et je n’ai pu me décider pour aucune des passions. J’en ai parlé à Batiouchka et il m’a répondu qu’il fallait que je prie pour que le Seigneur révèle cette passion principale, car par moi-même, je ne parviendrai pas à la trouver. Et il est très important de l’identifier, afin de savoir dans quelle direction orienter mes forces, contre quelle passion je dois surtout lutter.
Aujourd’hui, Batiouchka est allé au monastère, pour les affaires de celui-ci. Il est l’heure des vigiles.
Dimanche 26 septembre
Aujourd’hui, c’est le jour de mon anniversaire. J’ai vingt-deux ans. Batiouchka a célébré. A la fin de la liturgie, il est sorti avec la croix, et bénissant, il a dit : «Vénérables pères et frères! C’est la Vivifiante Croix à la main que je vous prie et vous implore de mettre un terme à tout mécontentement entre vous. Les mécontentements, pour ne pas dire l’animosité, grandissent. S’il en est ainsi dans le monde, que ce ne soit pas le cas entre nous. Le premier commandement est l’amour. L’Apôtre Paul a dit : si je parle dans les langues des hommes ou la langue des anges et que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Si j’ai le don de prophétie mais n’ai pas l’amour, je ne suis qu’une cymbale retentissante. L’amour est supérieur à tout. J’ai décidé de vous rappeler cela le jour de la commémoration de Saint Jean le Théologien, l’Apôtre de l’amour. Ne vous attardez pas sur la correction extérieure, bien que cela soit nécessaire, mais l’essentiel est l’éradication des passions du cœur, en particulier le mal…
Voilà le ton général et le contenu des propos de Batiouchka.
Aujourd’hui, j’ai lu au réfectoire. J’ai reçu deux lettres, une de petite maman et une d’Ivanouchka. Ils me saluent et Ivanouchka m’annonce aussi qu’il compose un acathiste et a reconstitué l’office de Saint Parthénios, l’Évêque de Lampsaque. Il veut envoyer cela au Synode, pour la censure et l’édition!
Depuis deux ou trois jours, je sens que j’ai un refroidissement, mon nez coule, je tousse un peu et mes jambes sont plus douloureuses que d’habitude. Hier, aux vigiles, mes jambes étaient extrêmement fatiguées. Pour le moment, je lis encore «Le Chemin vers le salut» de l’Évêque Théophane.
Vendredi 1er octobre
Le soir du vingt-six septembre, pendant que je révélais mes pensées, Batiouchka a parlé de la lecture au sujet des talents, qui avait eu lieu au réfectoire pendant le repas :
«Dans la parabole évangélique des talents, il est dit que le serviteur qui avait reçu un talent de Dieu l’enterra dans le sol. D’aucuns comprennent les mots ‘enterrer dans le sol’ de façon littérale. Mais en fait enterrer dans le sol, c’est perdre dans ce qui est terrestre. Tout le talent que Dieu lui a donné, l’homme l’a consacré exclusivement à acquérir ce qui est terrestre, vain, éphémère ; il n’a rien acquis pour la vie future, éternelle. Ainsi, par exemple, les professeurs, les scientifiques (je ne parle pas de ces gens qui se corrompent directement et corrompent les autres par leurs enseignements), s’ils se limitent uniquement à la connaissance scientifique, ne faisant rien d’utile pour leur âme, alors, bien sûr, ils ont enterré leur talent dans le sol. Mais vous, laissant toute cette corruption, vous êtes venu au saint monastère, cela signifie que vous n’avez pas enterré votre talent. Je vous dis cela pour vous affermir…
– Mais ici, Père, dans le sermon que j’ai lu, il est dit que si quelqu’un a l’occasion ou le don de prêcher, d’enseigner et qu’il ne le fait pas, cela signifie qu’il enterre le talent dans le sol. Seulement, dans la vie des saints et des héros de l’ascèse contemporains, on sait que beaucoup, par exemple, Saint Athanase le Grand, ont eu l’occasion d’enseigner et de prêcher, mais il sont restés silencieux par humilité. Comment cela peut-il être concilié avec ce qui est dit dans l’enseignement?
– À chacun, il est donné ce qui est donné; aux uns l’activité, à d’autres le silence, il y a beaucoup de dons de Dieu. Saint Arsène a reçu une vie égale à celle des anges, pour servir Dieu en silence. D’autres, au contraire, servent Dieu dans une activité vigoureuse. Mais ceux qui refusent d’aller là où ils sont placés selon la volonté de Dieu sont assimilés à ceux qui enterrent leur talent. Par exemple, Saint Seraphim de Sarov refusa de devenir Supérieur, et que n’a-t-il souffert à cause de cela? Il faillit tomber dans le désespoir. Que de chagrins et de tentations! Il a donc pris sur lui le grand podvig de se tenir debout sur un rocher pendant trois ans afin de surmonter ces tentations. Voilà ce que signifie refuser. Et moi, j’occupe cette position. J’ai peur de refuser. Le Père Archimandrite m’a dit : «Supporterez-vous ce qui peut vous arriver si vous refusez?» Et donc je reste.
Le lundi vingt-sept septembre, Batiouchka m’a raconté les afflictions qu’il a traversées et comment le Seigneur l’en a toujours libéré par Sa grâce. «Je vous dis cela afin de vous inculquer la foi dans le Seigneur, parce que vous aurez à la montrer et à l’éprouver plus tard. Mon seul espoir est en Dieu, en vérité je vous le dis, ne mettez pas votre confiance dans les princes, dans les fils des hommes.»
Mardi, le 28 septembre, Batiouchka m’a dit : «Vous entrez dans le monachisme dans les conditions les plus favorables, parce que plus tard vous aurez de grandes afflictions et tentations, mais vous les endurerez, car vous devenez déjà plus fort, et elles serviront à glorifier le nom de Dieu et à recevoir des couronnes…»
Hier, j’ai logé chez Batiouchka car le Père Nikita était parti à la cueillette aux champignons, et le Frère Nikita est revenu de congés, mais il n’est plus auxiliaire de cellule de Batiouchka. Le soir aux vigiles, j’ai lu les parémies. J’ai mangé aujourd’hui chez Batiouchka. Il a célébré au monastère et revint donc trop tard pour le réfectoire. J’ai écrit et envoyé une lettre à maman et une à Ivanouchka. Il pense venir quelques jours. Je lui ai demandé d’apporter l’une ou l’autre chose pour ma cellule. Parfois, dans les paroles et les actes de Batiouchka, je vois, autant que cela m’est possible, la sagesse et le discernement de Batiouchka, la foi en Dieu, l’espérance en Sa miséricorde et en d’autres vertus monastiques, et moi je suis vraiment pauvre et misérable. Je n’en suis pas toujours conscient, seulemnt par moments. Seigneur, donne-moi l’humilité ! (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.