Le site internet du Saint Monastère d’Optina propose une bibliothèque en ligne fournie. On y trouve de nombreux ouvrages des startsy d’Optina et des recueils de leurs lettres et homélies. Parmi ces ouvrages on compte le recueil des lettres écrites par le Saint Starets et Confesseur de la foi Nikon d’Optina, dont le journal fait l’objet d’une traduction depuis des mois sur le présent blogue. Nous proposons ici la traduction du recueil de ces lettres de Saint Nikon. Il ne s’agit plus du Novice Nicolas, auteur du journal précité, mais déjà du Hiéromoine Nikon, qui a intégré et mis en pratique dans son podvig les enseignements de son starets Saint Barsanuphe d’Optina, héritier de la tradition du Désert d’Optina.
A M. Ambrosia
Le Christ est ressuscité !
Ma chère fille M. Ambrosia. J’ai reçu ta lettre du 14 avril seulement le 28 avril. Je te remercie de tout cœur pour ton amour et ton empressement à mon égard. Que le Seigneur sauve ton âme . Bien sûr, je serais content de te voir. Mais il ne faut pas oublier que je n’ai pas de volonté propre, et il se pourrait que tu arrives à Pinega mais que tu n’aies pas la possibilité de me voir, car ici, il y a de nombreux transferts et déménagements vers divers endroits. C’est pourquoi je pense qu’il n’est pas nécessaire que tu lies ta situation à la mienne.
Je ne connais aucun exemple concernant la soumission d’une demande, l’existence d’une sorte d’attestation, et je ne sais absolument pas comment motiver ma demande (Kargopol n’est pas la Crimée), et je ne m’attends à aucun bon résultat, je décide dès lors de rester où je suis, en m’abandonnant à la volonté de Dieu. Et je ne me résous pas à te faire venir à Pinega, sachant quelles difficultés tu pourras rencontrer ici. D’un autre côté comment ne m’y résoudrais-je pas et repousserais-je ton souhait ? Je n’ai aucun pouvoir de décision en cette matière. Seigneur, aide et donne la sagesse. Il faut prier, et le Seigneur montrera le chemin.
En ce qui me concerne, je peux dire qu’il me semble que la maladie progresse car la température ne descend pas en-dessous de 38°-39°. Cela fait penser à une maladie de courte durée. Mais je me sens continuellement ainsi, tout le temps la même situation. Il y a une légère douleur dans tout le corps et dans la poitrine. La température m’inquiète et me fait penser à l’approche de la mort ; je ne pense quasi plus à mon rétablissement, considérant que c’est un rêve irréalisable. Je m’en remets à la volonté de Dieu.
Je remercie sincèrement les pères pour leur amour, leur attention et leur démarches pour moi. Sauve-les, Seigneur.
J’appelle sur toi la paix et les bénédictions de Dieu. Que le Seigneur te garde sous la protection de Sa Bonté. Je prie pour toi, avec mes pauvres prières, mais prières d’amour en Christ tout de même.
L’idée t’est venue d’aller là où les pères iraient, pour ne pas être complètement seule. Mais l’expérience montre que la séparation s’impose de manière inattendue. «Ne place pas ton espoir dans les princes, dans les fils des hommes, le salut n’est pas en eux» (Ps.145,3). «Bienheureux celui qui a son Aide dans le Dieu de Jacob, et son espoir dans le Seigneur son Dieu» (Ps. 145,5). Le seul espoir, c’est en Dieu. Voilà le fondement le plus ferme. Tout le reste est précaire, surtout dans notre position. Tu ne sais absolument pas où ce sera mieux, où ce sera pis, ni qu’attendre. Que la volonté de Dieu soit faite.
Saint Théodore Studite, quand il était lui-même en exil, se réjouissait pour ceux qui mouraient en exil. Et la pensée m’est venue, que nous, les moines qui avons renoncé au monde, maintenant, bien qu’involontairement, nous menons une vie de renoncement au monde. Ainsi en a décidé le Seigneur. Notre travail, c’est de rester dans la foi et de nous garder de tout pécher. Tout le reste est entre les mains de Dieu. Tu n’auras pas honte d’avoir espéré dans le Seigneur.
Ici, les bateaux-vapeur ont repris la navigation, mais rarement, et on dit que bientôt commencera la flottaison des grumes et cela imposera la cessation de la navigation. Tout cela provoque un supplément de difficultés pour le courrier, et pour toute circulation de l’information. Le temps est froid, venteux, avec de la bruine.. As-tu reçu ma lettre, envoyée par recommandé, mais au moment de la fonte des neiges ?
Pardonne-moi. Je te souhaite toutes les bénédictions et l’aide de Dieu. Je demande tes saintes prières et celles des pères.
Le pécheur Hiéromoine Nikon.
30 avril / 13 mai 1931
Pinega, village de Kozlovka.
A Lydia Mejekova
Mademoiselle Lydia, bien-aimée de Dieu !
Que les bénédictions de Dieu soient sur toi pour les siècles.
J’ai bien reçu tes lettres. La seconde complète la première et me facilite même ma réponse. Pour que ma lettre, ma réponse, soit claire pour toi, j’annexe ici un extrait du livre « La Confession Orthodoxe». Souvent on appelle ce livre «La Confession de la foi par les Patriarches Orientaux». Je me souviens qu’à ce livre se réfère souvent l’Évêque Théophane dans ses lettres à l’«église vivante», soulignant que l’opposition à la vérité évidente est un blasphème contre le Saint-Esprit. Cette constatation est très importante.
Je vais commencer à répondre maintenant, en passant directement à ta seconde lettre. Essayer d’accomplir la règle de prière qui t’a été donnée est indispensable ; ne l’augmente pas arbitrairement. Et lorsque pour l’une ou l’autre raison il se fait que tu ne l’accomplis pas, ne te trouble pas, mais reproche toi ta faiblesse. Batiouchka Ambroise disait que le trouble n’était nulle part mentionné comme faisant partie des vertus. Tu ne dois pas te troubler, mais bien te faire humble en reconnaissant ta faiblesse. Dieu bénira que tu augmentes ta règle de prière quand tu auras la possibilité de lire le matin, la première, la troisième et la sixième heure, et les psaumes 142 et 145 et le soir, la neuvième heure et les complies avec les canons, et les commémorations.
Je te mets en garde contre l’augmentation de la règle de la prière, parce que parfois à cause d’une règle de prière démesurée que l’on s’impose soi-même, accomplie sans humilité, mais avec orgueil, sans le sens de notre propre péché et du repentir de ceux-ci, il se forme dans le cœur et l’esprit de l’homme une disposition incorrecte qui donne naissance à de mauvais fruits, à rien de bon. Et l’un des premiers mauvais fruits est l’exaltation de soi-même, l’amour pour notre propre prière : «Je ne suis pas comme le reste des hommes» (Lc.18,11). Souviens-toi que notre Starets et Batiouchka Higoumène Antoine, quand on l’interrogea au sujet de la règle de prière, répondit qu’il y eut dans sa vie monastique de nombreuses règles de prière différentes, mais il n’en demeure qu’une : «Dieu, aie pitié de moi, pécheur» (Lc.18,13), c’est-à-dire l’humilité de la prière du publicain, présentée à Dieu suite à sa conscience de ses faiblesses et de son état de pécheur. J’ai demandé à ta Sœur Valentine de recopier une de mes remarques, dans laquelle il est question de la prière. Demande-lui de te la recopier : cela ne te sera pas inutile, en réponse à cette question. Parfois, en plus du souhait de prier, survient celui de lire quelque chose, par exemple plusieurs chapitres de l’Évangile, plutôt qu’un seul, ou l’acathiste à un saint ou à une icône de la Très Sainte Mère de Dieu, etc. sans faire bien sûr de cela une partie de la règle quotidienne qui t’a été donnée.
Pour ce que tu as présenté au Seigneur un repentir sincère, tu dois en rendre grâce au Seigneur. Dans cette affaire, l’homme n’est qu’un outil entre les mains de Dieu. Pour t’affermir dans le souvenir de tes péchés, j’ai ajouté une annexe, un extrait du livre «La Confession Orthodoxe». Ce livre est très important. Il contient des vérités irréfutables, des opinions et des concepts, venant non pas de personnes isolées qui peuvent interpréter malicieusement et perversement les paroles de l’Écriture Sainte, mais de toute l’Église. C’est pourquoi, mon enfant, ne sois troublée par aucune lettre ni par aucune preuve ; «prends courage et que ton cœur demeure ferme » (Ps. 26,14). Et la conception de l’acquisition de l’authentique humilité, la conception des saints pères, tu peux en prendre connaissance chez Abba Dorothée : «De l’humilité», pages 43 à 45 dans l’édition de 1913. (A suivre)
Traduit du russe
Source 
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.