Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) « Il est bon pour moi d’être avec vous maintenant, je vous le dis en toute sincérité, car nos âmes sonnent sur le même ton… Je ne cherche rien d’autre que le Seigneur Jésus. Et qu’est-ce que cela peut me faire que tout le monde s’incline devant moi…»
Batiouchka a également parlé des tentations qui peuvent survenir lors du contact avec les personnes du sexe féminin. Puis Batiouchka cessa de parler : il se sentait de plus en plus mal, il avait une forte température, de la fièvre. Le Frère Nikita vint pour les cathismes. Nous nous assîmes autour de Batiouchka. Il était déjà tard quand je m’allongeai sur le divan près de la fenêtre. Je m’éveillai le matin, vers cinq heures.
Dimanche 11 juillet
Nous ne sommes pas allés à la liturgie. Batiouchka demeura couché. On appela l’infirmier, le Père Panteleimon. Je restais quasiment tout le temps assis à côté de Batiouchka. Il était incapable de se soulever, nous devions le soulever. Après la liturgie, le Père Hiérodiacre Arsène vint boire le thé. Batiouchka l’avait appelé pour une minute. Le Père Panteleimon arriva et trouva qu’il s’agissait d’un refroidissement. Le Père Théodose1 et le Père Archimandrite vinrent aux nouvelles. Le soir, vers sept-huit heures, le Père Théodose vint à nouveau. Batiouchka m’appela et me demanda de trouver les offices de tonsure au rason, à la mantia et au grand schème, et d’appeler ensuite les Pères Nectaire et Koukcha, ce que je fis. Ils commencèrent à parler ensemble de la tonsure de Batiouchka au grand schème.
Quand j’étais seul avec Batiouchka dans son bureau et que j’emportais diverses choses, il me dit : «Il va falloir que nous nous séparions ; ce que je n’ai pas achevé, que la grâce de Dieu l’accomplisse…». Les larmes me montèrent à la gorge. En quoi consisterait la séparation, je ne l’imaginais pas clairement ; et moi, qui n’admettais pas la possibilité que Batiouchka puisse mourir, je pensais : est-il possible que Batiouchka termine les jours de sa vie terrestre?..
Finalement, tout fut prêt et l’office de la tonsure commença. Je chantai, mais très faiblement, avec les autres, et ensuite je tins le livre pour Batiouchka afin qu’il puisse lire les réponses aux questions. Après, le Père Théodose tint le livre. Finalement, on revêtit Batiouchka du grand schème. J’observais en coin et de nouveau, les larmes remplirent ma gorge mais je parvins à me contenir. La tonsure prit fin et tous, nous nous succédâmes pour féliciter et recevoir la bénédiction. Voilà, me dis-je, Batiouchka a revêtu le grand schème en ma présence. Puis, Batiouchka a offert un pot de confiture à tous ceux qui avaient participé à la tonsure, sauf à moi.
Quand tous furent sortis, Batiouchka me dit : «Maintenant, une autre vie doit commencer». Vers dix heures, tout fut terminé, on avait lu les prières du soir et on était prêts à dormir.
Lundi 12 juillet
Batiouchka a communié aux Saint Dons du Christ. Il se sentait mieux. Il se leva pour lire le cathisme, et il se fait, comme Batiouchka me l’expliqua, qu’il dût lire le quatrième cathisme, celui-là même qu’il avait lu lors de sa tonsure à la mantia. Ce cathisme avait été qualifié par Batiouchka lors de sa tonsure à la mantia, de «grand», vraisemblablement parce que le chiffre quatre signifie la croix, selon le nombre de bras. La relation de la signification de ceci avec l’événement présent est que la mantia impose une croix à celui qui le reçoit selon la parole de l’Évangile : si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix, mais alors, le grand schème imposera une croix plus lourde encore.
– Eh bien, pensez-vous que tout cela soit un hasard, Père Nicolas ?
Puis, tard dans la soirée, alors qu’on voulait commencer à lire les prières du soir, le Père Nikita a dit qu’il avait déjà lu les prières et qu’il était venu pour demander la bénédiction. Batiouchka le bénit et dit : «Père Nikita, souviens-toi, note-le, quel jour on m’a tonsuré au grand schème. Dans ta vie, ce jour sera remarquable car toi aussi tu as assisté à ma tonsure. Cela s’applique à toi, Frère Nikita, quant à toi, je ne dis même rien», dit Batiouchka en s’adressant à moi.
Mardi 13 juillet.
Batiouchka Joseph est venu rendre visite.
Ce jour, Batiouchka m’a dit : «Le schème est une limite : soit la mort, soit la guérison. J’ai l’impression que le schème m’a relevé. J’étais censé mourir, mais un répit m’a été accordé. Le père Nectaire est maintenant mon père adoptif. Il est venu aujourd’hui et m’a dit, entre autre, ce qui suit : «Voici ce qui a été lu au réfectoire aujourd’hui : un moine est mort et est revenu à la vie, et il a raconté à ses frères qu’on lui avait dit qu’un sursis de quinze ans était accordé. Et exactement quinze ans plus tard, ce jour-là, il est effectivement décédé… Le père Nectaire aurait peut-être pu ne pas le remarquer, mais il l’a remarqué et me l’a dit, et maintenant il est lié à moi en tant que père adoptif.
Et le Père Théodose m’a dit qu’il avait remarqué une tumeur sur mon visage depuis trois semaines, et donc il m’a immédiatement offert le schème, en considérant la tumeur comme un signe de mort. J’ai dit : «Que la volonté de Dieu soit faite», car il est terrible de renoncer au schème. Le schème donne le pardon de tous les péchés. De plus, j’avais en moi la sensation de la mort. Et le Père Théodose a dit : «Qui pourrait garantir que vous serez encore en vie cette nuit?». J’ai acquiescé, et le Père Archimandrite a acquiescé à son tour, et voilà, j’ai été tonsuré.»
Alors, Batiouchka me dit : «Que le Seigneur vous récompense de m’avoir suivi».
Ensuite j’ai ri doucement. Mais Batiouchka m’a dit «Ne continuez pas à rire ainsi de temps à autre, Sinon, que le Seigneur ne le permette, cela pourrait devenir une habitude». Souvenez-vous de la mort, des tourments de l’enfer et des paroles de l’Évangile : «Malheur à vous qui riez maintenant car vous pleurerez», et le rire se desséchera sur vos lèvres.
Le quatorze juillet, Batiouchka m’a dit, entre autre : «Je sens qu’une nouvelle vie a commencé pour moi, en quoi elle consistera, je ne le sais pas trop bien. Je sens une montée en puissance de la tempête. Je ne m’attendais pas à recevoir la tranquillité, mais je ne pensais tout de même pas que la tempête se renforcerait tellement. De grandes craintes pour le futur se sont levées. Et l’autre fois je vous avais dit que je sentais une forte vague de forces nouvelles».
Tous ces derniers jours, j’ai logé chez Batiouchka. Je ne sais où je logerai aujourd’hui. Hier j’ai dû aller à nouveau à l’infirmerie, ma jambe est redevenue douloureuse. Je ne suis pas allé aux vigiles. On a lu une règle très condensée des vigiles, chez Batiouchka. Il va mieux mais n’est pas encore tout à fait rétabli. Gloire à Dieu pour tout ce qui arrivera. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.

  1. Il s’agit de l’Higoumène du Grand Schème

    Saint Barsanuphe d’Optina

    Théodose (Pomortsev). Il fut désigné Supérieur de la Skite après le transfert de Batiouchka en qualité de Supérieur au Monastère de Goloutvine (en 1912). Il était à la fois fils spirituel et confesseur du Starets….. Ses contemporains le considéraient comme un starets rempli de sagesse, du même niveau que Saint Nectaire et Saint Anatole (Potapov)