Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Jeudi 5 août
Aujourd’hui, je suis allé boire de l’eau sainte au monastère. Et ensuite, j’ai été trouvé digne du Mystère de la Confession. L’Évêque Ignace écrit que le repentir, outre qu’il purifie des transgressions commises, ouvre les yeux, si bien que l’homme commence à voir ses autres transgressions, qu’il n’avait pas remarquées plus tôt, ou qu’il avait oubliées. J’en fais l’expérience dans ma propre vie. Je commence à me souvenir de péchés commis jadis, non seulement au cours de ma vie passée, quand je vivais dans le monde, mais aussi depuis mon entrée au saint monastère. Gloire à la Miséricorde de Dieu.
Le 6 août, Transfiguration du Seigneur
Les frères de la Skite ont communié aux Saints Dons du Christ, mais je ne l’ai pas fait. Batiouchka m’a béni pour me préparer pour demain. Hier pendant le vigiles, je me suis senti fort fatigué.
Parfois, je sens que la Prière de Jésus est dite avec facilité, d’autres fois, avec difficulté, et il faut alors se forcer à prier. J’en ai parlé à Batiouchka. Il a répondu que c’était normal, et le fait de se forcer à la prière est très important pour le podvig de la prière.
A trois heures de l’après-midi, nous avons eu de l’orage. De façon générale, je n’ai, comme on dit, pas peur de l’orage, mais aujourd’hui j’étais un peu effrayé. Une pensée m’est venue : eh quoi, si je viens à être tué par la foudre ? Qu’arrivera-t-il ? Que m’adviendra-t-il, à moi qui suis tellement impréparé à la Vie Éternelle ? Je n’ai pas pu communier comme les autres. Si j’avais pu communier aujourd’hui, ce ne serait pas aussi effrayant de mourir.
J’interrompis ma lecture du Livre de Saint Païssii Velitchkovskii, je mis une chaise devant les icônes, je m’assis et commençai à dire la Prière de Jésus. Très vite, l’orage se calma, et je repris ma lecture. Le livre me plaisait. Je ne lus pas tout, mais seulement les passages indiqués par Batiouchka, concernant la Prière de Jésus. Gloire à Dieu pour tout !
Samedi 7 août
Aujourd’hui, j’ai pu recevoir les Saint Dons du Christ. Je suis allé au monastère, vénérer l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kalouga. Il y avait les vigiles chez nous. Mais nous avons été retenu très tard, Batiouchka et moi, et il m’a béni pour ne pas y aller du tout, pour me reposer après avoir dit la Prière de Jésus.
Lundi 9 août

Vers trois heures, mon réveil sonna pour que j’aille auprès de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu. Je suis allé d’abord à l’église, et de l’église au monastère, où j’ai suivi le sacristain pour qu’il nous ouvre l’église. En entrant dans l’église, j’ai vénéré la sainte icône. Puis ils l’ont prise et l’ont emmenée. Tout était comme d’habitude. Après un moleben dans la nouvelle église, nous sommes passés dans l’ancienne église, et puis chez Batiouchka, chez le Père Joseph, et ainsi de suite. J’ai suivi l’icône, en chantant, dans la Skite. Je n’ai pas raccompagné l’icône. Ils sont d’abord allé au puits Saint Ambroise, après quoi, la majorité des résidents de la Skite rentrèrent chez eux, même si une partie continua à suivre. Ceci se produisit suite à des instructions pas tout à fait précises de la part de Batiouchka. Le reste de la journée s’écoula sans rien de particulier, le repas au réfectoire eut lieu à une heure et ensuite, je suis allé me reposer un peu, avant de me hâter pour les vêpres. Aujourd’hui, je me suis souvenu que lorsque je suis venu voir le Père Siméon Lyapidevski, juste avant d’entrer à la Skite, il m’a dit, entre autres choses : « Oui, là, tu verras et tu expérimenteras réellement, tu feras ta propre expérience de ce qui est écrit dans les livres, au sujet de l’existence et des intrigues de l’ennemi, le malin. C’est à peu près ce qu’il a dit. Je viens de m’en souvenir, et il était encore mon confesseur, ce qui fait que ses paroles à mon égard peuvent avoir de la force et de la signification.»
Aujourd’hui, j’ai eu un entretien avec Batiouchka, pas très long. Je le noterai plus tard, si Dieu le veut.
Mercredi 11 août
Aujourd’hui, je suis allé avec le Père Nikita à Kozelsk, pour soigner nos dents. J’étais un peu intimidé, parce que le médecin n’était pas un homme, mais une femme, la fille d’un prêtre, mais par les prières de Batiouchka, le Seigneur m’a protégé. Il n’y eut rien, pas même une pensée. Mais vous ressentez malgré tout un peu de distraction dans vos pensées. Demain, c’est la tonsure de quelques-uns des frères du monastère. Nous irons là-bas pour la liturgie et le repas.
Jeudi 12 août
Batiouchka et tous les frères sont allés au monastère pour la tonsure. Mais Batiouchka m’a béni pour que je reste et m’occupe d’une affaire très importante avec le Père Ioann (Vassilievitch). Mais il y a eu une tentation. Ne le souhaitant vraiment pas, et même sans penser le faire, j’ai irrité le Père Ioann. Il m’a éconduit. Que le Seigneur me pardonne ce péché involontaire. J’étais trop en retard pour aller à la tonsure, je pensai utiliser le temps pour noter la conversation du Lundi 9 août.
Alors, après avoir révélé ma faiblesse à Batiouchka pendant la journée, j’ai demandé quelque chose au sujet de la prière, et Batiouchka a commencé à parler : «Le premier don du Seigneur dans la prière, c’est l’attention, c’est-à-dire lorsque l’esprit peut s’accrocher aux paroles de la prière sans être distrait par les pensées. Avec une prière aussi attentive et sans distraction, le cœur reste silencieux. C’est le point où nos sentiments et nos pensées sont séparés, il n’y a pas d’accord en eux. Ainsi, la première prière, le premier don, est une prière sans distraction. La deuxième prière, le deuxième don, c’est la prière intérieure, quand l’esprit et le cœur sont déjà unis, c’est-à-dire quand les pensées et les sentiments sont dirigés en harmonie vers Dieu. Jusqu’à présent, chaque bataille contre la passion se terminait par la victoire de la passion sur l’homme, mais à partir de maintenant, lorsque l’esprit et le cœur prient ensemble, c’est-à-dire sentiments et pensées en Dieu, les passions sont d’ores et déjà vaincues. Vaincues, mais pas détruites, elles peuvent revivre par négligence. Ici, les passions sont comme des morts couchés dans des cercueils, et l’homme de prière, dès que la passion s’agite, la frappe et la vainc. Le troisième don est la prière spirituelle. De cette prière, je ne peux rien dire. Ici, il n’y a rien de terrestre dans l’homme. Certes, l’homme vit toujours sur terre, marche sur terre, s’assoit, boit, mange, mais dans son esprit et ses pensées, il est tout en Dieu, au Ciel. Certains purent même accéder au service des rangs angéliques. Cette prière est une prière de vision. Ceux qui ont atteint cette prière voient des choses spirituelles, par exemple, l’état de l’âme humaine, comme nous voyons des objets sensibles, comme dans un tableau. Ils regardent déjà avec les yeux de l’esprit, ils regardent déjà avec l’esprit. Je ne sais pas s’ils sont constamment en vision ou par moments. Ils ne parlent pas de ce qu’ils voient, révèlent rarement leurs visions aux autres. Nous lisons souvent que tel ou tel saint a eu une vision, et qu’il lui a été interdit de révéler ce qu’il a vu. L’évêque Ignace (Briantchaninov) a essayé d’écrire quelque chose à propos de cette prière. Je ne sais pas s’il l’avait, mais il avait sans doute la prière intérieure… Le grand modèle angélique, le grand schème, Saint Éphrem le Syrien l’appelle Seraphim, et il l’était vraiment, justifiant ce nom par lui-même. Oh, comme la destinée de l’homme est élevée… (A suivre)
Traduit du russe
Source : 
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.