AthanasiosEn Grèce et en Russie, le Métropolite Athanasios de Limasol prodigue des enseignements spirituels nombreux et denses, dont la conformité avec la tradition est unanimement reconnue. Avec régularité, le site pravoslavie.ru présente à ses lecteurs russes des entretiens et conférences du Métropolite Athanasios. Nous en proposons ici la traduction française.

C’est la deuxième année de suite que vous venez en Russie pour la Conférence sur le Monachisme. Comment qualifiez-vous l’édition actuelle?
Je suis très touché de ce que le Patriarche Cyrille, les évêques et les prêtres s’inquiètent du monachisme contemporain. Il existe incontestablement une série de choses qui doivent être constatées et auxquelles il convient d’accorder une grande attention. Il faudra apporter des modifications, et cela ne concerne pas seulement la Russie, mais aussi l’Athos. Chaque lieu a sa propre tradition, ses règles, ses gens. Le monachisme apparaît à un endroit et il y vit, entouré par les habitants de ce lieu. Je pense que tout se passe très  bien. Cela ne signifie toutefois pas que je ne sois pas conscient des réalités. Je constate que les choses évoluent de façon naturelle, j’observe les souhaits et aspirations des higoumènes à corriger les défauts et apprendre à mieux faire.
Existe-t-il un lien entre de bonnes familles chrétiennes et un bon monachisme?
Dans mes causeries, j’explique qu’un bon moine aurait fait un bon chef de famille, et un mauvais moine un mauvais chef de famille, s’il avait été marié. Le but du Chrétien dans la vie monastique et dans le mariage est pareil: il s’agit du mariage éternel avec le Christ. Il faut tendre vers cela tant dans la vie monastique que dans le mariage. Serait-ce mieux dans le cadre du monachisme, me demanderez-vous? Il n’en va pas ainsi. Chaque personne doit recourir à la manière qui lui paraît la plus commode pour trouver le Christ.
Souvent on entend dire «Qu’est-ce que les moines peuvent bien comprendre à la vie de famille?».
Il faut aller au fond des choses, et constater que le fond est identique. Les écrits des moines ascètes décrivent les méthodes permettant à l’homme de dépasser son égoïsme et ses passions, comment il peut se débarrasser du vieil homme, afin d’entrer en relation avec lui-même, avec les autres et surtout, avec Dieu.
Les personnes mariées doivent lire les paterikon pour apprendre comment construire une bonne famille, dans la mesure où les réponses à de nombreux problèmes de la vie peuvent être trouvées dans les paterikon.
Monseigneur, avez-vous, en qualité de dirigeant d’une grande métropole et père spirituel de nombreux monastères, la possibilité de confesser les laïcs et de leur offrir une guidance spirituelle?
Dans tout le monde grec, et pas seulement à Chypre, les évêques consacrent un temps énorme à confesser leurs ouailles. De plus, chez nous, la confession diffère de ce qu’elle est en Russie. Pour autant que je sache, chez vous, la confession est relativement courte et se réduit à énumérer ses péchés. Chez nous, les gens ont l’habitude de se confesser autrement. la confession peut prendre plusieurs heures, la personne parle de ses péchés, de ses problèmes, pose des questions, c’est-à-dire, parle de tout se qui la trouble. Voici quelques jours, un jeune enseignant est venu se confesser auprès de moi. Il est arrivé à cinq heures, le soir, et il est reparti à six heures du matin. Gloire à Dieu, il était seul! (rires)
Puisque vous confessez si abondamment, vous connaissez certainement bien l’état d’âme de votre troupeau. Quels sont les péchés les plus typiques de notre époque?
Une des raisons pour lesquelles je confesse personnellement consiste en ce que je ne veux pas perdre le contact avec les gens. Je ne veux pas rester assis dans mon bureau et devenir une sorte d’organisateur. La confession est le meilleur moyen de savoir à quoi pensent les gens, ce qui les préoccupe, en quoi consistent leurs problèmes. Je me réjouis beaucoup lorsque les gens considèrent leur évêque comme un père. Je me réjouis de savoir que les gens peuvent venir à moi dans l’église, me poser des question et me raconter leurs problèmes. Je ne vais à la métropole, au bureau qu’une ou deux fois par mois. Là j’ai l’impression d’être un maire, c’est pourquoi je préfère être à l’église et y rencontrer les gens. L’église est la place naturelle de l’évêque.
Quelle est la plus importante maladie de notre époque?
Vous savez, l’important n’est pas le nom du péché (meurtre, avortement, fornication,…). Ce qui importe, c’est son essence, et l’essence de tout péché c’est que l’homme s’est séparé de Dieu. En Grec, le mot «péché», ἁμαρτία, signifie «le fait d’avoir manqué la cible». Lorsque les anciens Grecs tiraient à l’arc et manquaient la cible, ils disaient «imarton», (ἥμαρτον), manqué. L’objectif avait été manqué. Et quand l’homme n’a pas le Christ en son cœur, ses choix sont manqués.
Je suis devenu père spirituel et ai commencé à confesser alors que je vivais encore au Mont Athos et j’étais encore jeune. Un jour j’interrogeai Geronda Païssios à propos de ce que me demandaient les paisios (1)personnes qui venaient se confesser. Certains d’entre eux me demandaient de leur poser des questions auxquelles ils répondraient. Geronda Païssios me dit: «Fuis les questions. Si les gens insistent, que ta première question soit: «Aimes-tu Dieu? Quelle relation entretiens-tu avec Dieu?». Ensuite, demande à la personne si elle aime ceux qui sont autour d’elle, s’aime-t-elle elle-même et aime-t-elle la situation dans laquelle elle se trouve, et après tu peux t’informer de tout le reste». Car le Seigneur a dit que le premier et le plus grand des commandements et d’aimer Dieu de tout son cœur (Mat.22:37-38). Et tout le reste suivra.

Vous mentionnez Geronda Païssios. Vous vous souvenez certainement des enseignements des gerondas Païssios, Porphyrios et Joseph?
C’est juste. Le Seigneur a voulu que lorsque j’étais étudiant, un tout jeune homme, je fasse connaissance avec de nombreux saints contemporains. Au monastère, je connaissais Geronda Athanasios. Dans un autre monastère à Chypre, j’ai fréquenté un autre Geronda Athanasios, également très vertueux. Ensuite, quand je séjournais en Grèce, j’ai fait connaissance avec Geronda Ephrem, avec Geronda Charalampos du Monastère de Dionysios, de Geronda Ephrem qui est maintenant aux Etats-Unis, en Arizona, avec Geronda Joseph, qui fut mon père spirituel et me conféra la tonsure monastique. Le Seigneur me trouva digne de fréquenter Geronda Porphyrios, Geronda Iakovos d’Eubée, Geronda Philotheos, Geronda Sophrony d’Essex, Geronda Emilianos du Monastère de Simonos Petra et de nombreux autres dont les noms sont moins célèbres. Auprès degeron_aimilianos__geron_sofronios_essex tous, j’ai entendu de nombreux enseignements. L’impression générale que tous produisaient était qu’il s’agissait de personnes saines. Spirituellement, psychiquement et psychologiquement saines, de par la grâce de Dieu.Ils n’avaient pas de défaut, ce n’était pas des personnes extrémistes. Les gerondas étaient des gens équilibrés, raisonnables et délicats. Ils étaient remplis d’amour pour Dieu, d’amour pour les personnes et ils étaient très joyeux. Quand on regardait l’un d’eux, on se disait, voilà comment le Seigneur a créé l’homme, car ils réunissaient en eux l’image de Dieu et la ressemble de Dieu. Chacun d’eux était un enfant de l’Église. Tous enseignaient qu’il faut maintenir le lien avec l’Église, entretenir toujours le contact avec elle, quelles que soient les circonstances de la vie, et aussi toujours voir avec les yeux du Christ. Je pourrais parler d’eux longtemps, mais je ne souhaite pas abuser de votre temps.
Il existe sans doute certains enseignements dont vous vous rappelez particulièrement, et auxquels vous faites appel dans vos entretiens?
Geronda Païssios insistait toujours sur l’importance du travail exécuté avec un zèle ardent, avec philotimo, pour ne pas décevoir Dieu. Tout particulièrement, il disait: «Je sais que je suis tout juste digne d’aller en enfer, mais je ne veux pas y aller afin de ne pas décevoir le Christ». Geronda Ephrem de Katounakia disait que pour le moine, tout est dans l’obéissance. Geronda Porphyrios disait que Dieu est tout; «Avec le Christ, je suis prêt à aller n’importe où. J’irais même avec joie en enfer, si c’est avec le Christ».
Ces saints partageaient la même expérience de vie: tous vivaient par le Christ. Je me souviens de Geronda Joseph, lorsqu’il venait prendre le repas avec nous. Nous écoutions la lecture d’un livre ou d’instructions spirituelles. Dès que le Geronda entendait le mot «Christ», il commençait à pleurer et il ne parvenait plus à manger.
Monseigneur, permettez-moi de vous remercier pour la grâce que représente cet entretien si édifiant. Pourriez-vous, en votre qualité d’évêque, terminer par un mot à l’intention de nos lecteurs en Russie?
Je ne puis parler, ni ne suis capable de prononcer quelque mot que ce soit, de moi-même. Tout notre entretien ainsi que les prêches que j’ai prononcées à l’intention de nos frères de Russie, que je remercie, ce ne sont pas des paroles prononcées de mon propre chef. Tout ce que je puis dire, c’est que tous, nous devons aimer le Christ, et si nous Le gardons en nos cœurs, tout se passera bien. Si nous ne le faisons pas, tout ira mal.

Traduit du Russe. Source.