Le site internet du Saint Monastère d’Optina propose une bibliothèque en ligne fournie. On y trouve de nombreux ouvrages des startsy d’Optina et des recueils de leurs lettres et homélies. Parmi ces ouvrages on compte le recueil des lettres écrites par le Saint Starets et Confesseur de la foi Nikon d’Optina, dont le journal fait l’objet d’une traduction depuis des mois sur le présent blogue. Nous proposons ici la traduction du recueil de ces lettres de Saint Nikon. Il ne s’agit plus du Novice Nicolas, auteur du journal précité, mais déjà du Hiéromoine Nikon, qui a intégré et mis en pratique dans son podvig les enseignements de son starets Saint Barsanuphe d’Optina, héritier de la tradition du Désert d’Optina.
A la servante de Dieu N.
N., servante de Dieu vénérable dans le Seigneur !
Paix à toi et bénédiction de Dieu. J’ai reçu ta lettre mais pour plusieurs raisons, j’ai un peu tardé à répondre. Mais crois bien, mon enfant, que je me souviens toujours de toi et prie à la mesure de mes faibles forces. Dans quelques jours, si le Seigneur m’aide, j’écrirai une réponde détaillée à ta lettre. Aujourd’hui, je souhaite seulement t’exprimer ma compassion devant les afflictions que t’infligent tes épreuves, car je compatis profondément avec toi. Que le Seigneur t’aide et te console, tout Lui est possible. Il est dit dans le psaume 93 : «Seigneur, aussi nombreuses que les douleurs de mon cœur, tes consolations ont rempli mon âme de joie » (Ps.93,19). Ne te décourage pas. Crois que le Seigneur est proche.
De tout cœur je te souhaite toutes les miséricordes de Dieu et te salue à l’occasion des prochaines saints jours de carême et de fête.
Le pécheur Hiéromoine Nikon
Kozelsk
15/28 décembre 1924
A la Servante de Dieu N.
N., servante bien-aimée de Dieu et vénérable dans le Seigneur !
Que la bénédiction de Dieu soit sur toi pour les siècles des siècles.
Il y a peu, je t’ai écrit quelques mots. Je me hâte maintenant de t’écrire plus en détail.
Tout d’abord au sujet du péché. Tu écris que je te méprise et que tu comprends mon attitude envers toi… Je ne t’ai pas méprisée, mais je vois que tu n’as toujours pas compris mon attitude envers toi. Comment puis-je te convaincre, mon enfant de mes sentiments qui animent ma relation avec toi ? On dit que les saint pères haïssaient le péché mais aimaient les pécheurs. C’est ainsi que nous devons agir. C’est ainsi que j’essaie de faire moi-même. Si je ne te réponds pas rapidement, tu dois comprendre cela facilement : tu as vu comment est ma vie. Et de plus, le fait que je ne puisse répondre rapidement m’afflige en permanence. Si tu veux venir me voir, je suis prêt à t’accueillir avec amour. Que l’ennemi s’éloigne de toi, lui qui t’insuffle des pensées mensongères qui te mènent à l’acédie ! Le Seigneur t’attend, dans Son étreinte paternelle. Il attend ton repentir. Il te dit de Son amour qui pardonne tous ceux qui sont chargés de péchés : «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai.» (Mat.11,28). Le Seigneur est prêt à te pardonner tes péchés et, avec Son pardon, à donner Sa paix à ton cœur meurtri. Que des ailes poussent à ton espoir ! Tu me demandes mes prières comme si je ne priais jamais pour toi. Non, mon enfant, crois-en mes paroles de hiéromoine, je présente toujours ma pauvre prière pour toi à notre Seigneur. Toi-même, prie selon tes forces, cela revêt une grande importance : le Seigneur a promis d’exaucer les demandes qui Lui sont adressées dans une prière commune (Mat.18,19-20). Seulement, il n’est pas dit si elles seront rapidement exaucées. C’est pourquoi il faut prier et s’en remettre à la volonté de Dieu. Crois que l’aide de Dieu est proche de nous !
Ne te décourage pas quand tu vois en toi diverses infirmités. Cela dépend beaucoup de tes tribulations et de tes nerfs tendus. Endure patiemment ta manière d’être. Si Dieu le veut, tes forces spirituelles et corporelles s’affermiront.
Ne te permets pas la moindre pensée de suicide. Expulse de toi cette ruse du malin. Je vois en toi le souhait d’une bonne vie chrétienne, et si c’est le cas, cela signifie que ton âme est bien vivante. «Mon âme vivra et te louera, et tes décrets seront mon secours » (Ps.118,175). Ainsi s’écria le Saint Prophète David au nom de tous ceux qui croient en Dieu et ont leur recours en Lui. Crie toi aussi de la sorte, dans l’espoir de la miséricorde de Dieu, et le Seigneur ne t’abandonnera pas, car ni le Seigneur ni ton Ange Gardien ne se sont éloignés de toi, mais avec amour ils te gardent, te protègent. Il est seulement permis provisoirement que tu ne ressentes pas, que tu ne voies pas cette intercession, bien que tu admettes toi-même que tu ressens parfois de la légèreté et une sorte de pacification. Remercie le Seigneur pour cette miséricorde.
Je réponds maintenant à tes questions.
Lorsque tu te sens mal disposée vis-à-vis de quelqu’un, ou en colère, ou irritée, il faut prier pour cette personne, indépendamment de ce qu’ils soient coupables ou non de quoi que ce soit. Prie dans la simplicité de ton cœur, comme le conseillent les saints pères : «Seigneur aie pitié et sauve le serviteur (la servante) de Dieu X (le nom) et par ses saintes prières, aide-moi, pécheresse ! ». Avec cette prière la paix viendra dans ton cœur, même si parfois cela prendra du temps. Tu peux prier, si cela se produit en public, sans manifestation extérieure de prière, assise, en marchant, allongée, car Dieu voit dans le cœur. Mais quand cette tentation apparaît, alors prie, ne tarde pas et n’hésite pas quel que soit l’endroit, bien que, bien sûr, il vaut mieux se retirer et alors prier.
Si tu ne vois aucun mal pour ton âme dans ta relation avec ton frère et son épouse, alors aide-les dans leurs affaires, mais essaie de fuir toute conversation dans lesquelles on se juge l’un l’autre, ou on juge autrui. L’avenir montrera comment te comporter.
Tu ne m’as pas obéi au sujet de ta maman. Que Dieu te pardonne. Il n’y a pas grand-chose à faire dans ce cas.
A propos de mes paroles concernant la confession sans te rapprocher de ton confesseur en qui tu n’as pas entière confiance. Il faut bien comprendre que confesser tes péchés et recevoir l’absolution, tu le peux auprès de tout prêtre légitime, orthodoxe, car il est donné à tout prêtre le pouvoir d’ôter et d’absoudre les péchés. Mais s’entretenir au sujet des démarches et attitudes de la vie, et des choses spirituelles, on peut le faire avec tout un chacun, même s’il n’est pas prêtre. Il y eut beaucoup de cas semblables, et il y en a encore. Aujourd’hui, sur le Mont Athos, certains supérieurs de petites communautés (et donc dirigeants de toute leur vie), n’ont pas de rang sacerdotal. Je ne veux pas dire que je ressens pareille attitude envers ton confesseur, mais je vois la situation comme n’étant pas très affligeante (comme lorsqu’on ne peut parler à un confesseur mais qu’on doit tout de même se confesser auprès de lui). Le mystère s’accomplit, l’absolution des péchés est donnée. La situation est telle que tu dois te satisfaire de cela. Où irions nous chercher des saints confesseurs ? «Sauve-moi, Seigneur car il n’y a plus de saints» (Ps 11,2).
Tu peux toujours m’écrire ouvertement pour soulager ton âme, mais je te demande de me pardonner si je ne peux pas répondre rapidement.
A propos du fait que tu te sois trompée lors de la confession, dans l’âge auquel tu as commis un péché, ne te trouble pas. Dans ce cas, cela n’a aucune importance. Mais pour apaiser ton âme, je te donne l’absolution, mon enfant. Dis-moi tout sans te troubler. Au plus tu le feras ouvertement, au mieux ce sera. N’aie pas peur, je ne te condamnerai pas ni ne t’affligerai.
Tu ne comprends pas clairement pourquoi j’ai écrit que tu n’as pas péché en n’obéissant pas au Starets. Tout d’abord, à cause de ce qu’a dit le Starets. Son conseil, te préparer à la communion chaque mois, ne t’imposait aucune obligation en quoi que ce soit. Un conseil reste un conseil. Enfreindre un conseil n’est pas un péché, juste une infraction au conseil. C’est autre chose quand un commandement est donné, ou quoi que ce soit qui lie l’enfant spirituel à son confesseur ou son starets. Alors, toute infraction est un péché qui nécessite l’absolution lors de la confession et en outre, le commandement lui-même continue à exister et à lier la conscience de la personne, à peser sur elle. Les saints pères expliquent cela en détail. Et de cela, il me semble qu’il faudrait parler à Mademoiselle N. Elle se souviendra peut-être, demande-lui, mais je ne peux maintenant écrire plus de détails à ce sujet.
Je conseille de ne pas écrire à une certaine personne. Bien que ce soit dommage pour lui. Je prie toujours pour lui, mais je ne puis rien concéder. J’ai longuement pensé à ta question au sujet d’un mari. Je ne vois pas cette affaire avec les mêmes yeux que ta sœur, mais à la lumière de l’Évangile. Je suis arrivé à la conclusion suivante… s’il existe un amour mutuel, il n’y a aucune raison d’être séparés. «Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni» (Mat.19,6 & Mc1.0,9), comme il est dit dans le saint Évangile. Je donne ma bénédiction pour entamer les aspects externes de l’union. C’est obligatoire… Selon l’esprit de l’Évangile, la séparation des époux n’est possible que lors de la violation de la fidélité mutuelle. Mais si, comme je le constate, vous nourrissez le souhait de poursuivre la vie commune, si vous vous pardonnez tout l’un à l’autre, il n’y a aucun obstacle à pareille vie commune. Les faiblesses du conjoint, ses facéties, sont un phénomène très regrettable, mais il est nécessaire d’endurer cela patiemment et de prier Dieu pour recevoir Son aide. Prie diligemment le Seigneur, livre-toi à Sa volonté. Si quelque chose ne t’est pas clair ou si tu as besoin de plus, dis-le moi, je tenterai de répondre.
Que le Seigneur te garde. Je te souhaite de tout cœur toutes les grâces de Dieu.
Kozelsk
22 janvier / 4 février 1925
Traduit du russe
Source
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.