Les Histoires du Paradis du Père Adrien. (1/4)

Le texte ci-dessous est le début de la traduction d’un original russe préparé par Madame Olga Orlova, et publié le 5 mai 2018 sur le site Pravoslavie.ru. Il propose à travers une série de témoignages, un portrait du héros de l’ascèse, le Starets Archimandrite du grand schème Adrien (Kirsanov), du Monastère de Pskov-Petchory. Il fut un des grands startsy de la fin du XXe et du début du XXIe siècle, avec son confrère le Starets Ioann (Krestiankine) de bienheureuse mémoire. Ils furent deux luminaires qui répandirent avec abondance la grâce de Dieu au Monastère des Grottes de Pskov, déjà riche en saints et bienheureux startsy du XXe siècle. «Ceux qui ici sur terre étaient auprès de lui, se trouvaient comme au paradis».

Le Métropolite Eusèbe de Pskov et Porkhov.

Le Métropolite Eusèbe et l’Archimandrite Adrien

L’Archimandrite Adrien fut un héros de l’ascèse contemporain et un confesseur de la foi sous le pouvoir athée. Nous nous sommes connus pendant soixante ans. En 1957, quand il reçut la tonsure monastique, j’entrai au Séminaire à Moscou. Notre première rencontre eut lieu à la Laure de la Trinité-Saint Serge. Notre relation spirituelle ne s’interrompit jamais depuis ce jour-là. Pendant toute sa vie, il prit le joug du Christ et marcha sur le chemin de l’humilité et de la douceur, à l’image du Christ : «Prenez sur vous mon joug, et recevez mes leçons, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes»(Ma.11;29). Lire la Suite

Saint Siméon de Pskov : Je ne suis pas du tout clairvoyant.

L’original russe de la traduction ci-dessous est paru le 01 avril 2021 sur le site Pravoslavie.ru, sous le titre Памяти преподобного Симеона Псково-Печерского. Il est consacré à la mémoire d’un des grands startsy du XXe siècle, le Père Siméon (Jelnine) du Monastère des Grottes de Pskov, qui fait officiellement partie du chœur des saints moines glorifiés par l’Église Russe.

«Mais non, je ne suis pas clairvoyant du tout, dit de lui-même, avec un léger embarras et de l’ennui, le Starets Siméon. Le grand don de clairvoyance, le Seigneur le donne à ses élus. Dans mon cas, c’est ma longévité qui m’aide, simplement. Je suis entré dans cette maison avant les autres, et je connais mieux son organisation. Les gens viennent à moi avec leurs chagrins et leurs doutes, et une personne agitée est comme un enfant; on le tient comme sur la paume d’une main…» Lire la Suite

L’Higoumène Boris (Khramtsov) (4)

Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)

Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. La traduction ci-dessous ouvre la deuxième partie du livre précité, intitulée : A la suite du Christ. Il s’agit de souvenir de prêtres qui connurent le Père Boris. Le début du texte se trouve ici.

Souvenirs du Hiéromoine Anatoli (Berestov). Un Don de Dieu
Un Grand Starets Russe. Il fut un grand starets entre quarante et quarante-six ans. Imposteur ou don de Dieu à la Terre de Russie ?
Un imposteur qui couvrait de son amour les malades, ceux qui étaient tourmentés par les souffrances et les tentations terrestres, les affligés et les offensés? Un imposteur dont le sourire et la parole affectueuse et douce adoucissait les cœurs durs? Un imposteur qui, par son amour et sa gentillesse, guérissait les malades en phase terminale?
Non, une telle personne ne peut pas être un imposteur spirituel. Dieu n’aurait pas permis que se produise pareille tromperie. Un homme vers qui venaient de toute la Russie et d’autres pays des gens déchirés par la malice humaine et la souffrance, et qui reçurent la douceur, la paix et la joie spirituelle. Je expérimenté cela moi-même, c’est pourquoi j’en parle si ouvertement.
«Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai» (Mat.11;28), nous disait le Seigneur, et Il nous appelait à être «parfaits comme votre Père Céleste est parfait»(Mat.11;48).
Alors, ces gens qui souffraient vinrent vers l’Higoumène Boris, chargés de péchés, de douleurs, de tentations et ils repartaient apaisés. Sa bonté s’étendait à tous : bien-portants et malades, souffrants, adultes, adolescents, enfants, à tous ceux qui eurent besoin de lui. Il n’écartait personne, sacrifiant sa propre santé. Combien furent-ils les malades du corps et de l’âme qui bénéficièrent de son aide? Parfois on aurait dit que Varnitsa, ou Ivanovo, là ou il séjournait, c’était une paroisse d’aliénés, d’alcooliques, de toxicomanes. Et effectivement, nombreux furent les toxicomanes qui trouvèrent refuge auprès de lui et guérirent. Les toxicomanes Alexandre D., Pavel K., Alexis, Evgueni, Georgi, Grigori, Georgi, Léonide et beaucoup d’autres, que j’ai envoyés auprès du Père Boris, il les libéra de leur satanique dépendance.
Quand la vie me semblait trop dure, quand j’étais épuisé de travailler à corriger et soigner l’âme de sorciers, de magiciens et de toxicomanes, quand le contact avec ces «frères» pesait trop lourd sur mes pensées et que survenaient alors les problèmes, j’allais chez le Père Boris. Et après avoir parlé avec lui, m’être confessé, dans mon âme, tout devenait léger et lumineux, et revenait la force de combattre à nouveau la vermine satanique, et les passions me quittaient pour longtemps.
Il n’était pas un imposteur, mais bien un don de Dieu. Il était et demeure un starets d’un peu plus de quarante ans, l’Higoumène Boris. Dans l’Orthodoxie, starets, cela signifie beaucoup.
Igor K. Smolich, qui a étudié la paternité spirituelle définit ainsi le starets: «le starets est un moine âgé qui a pratiqué le chemin difficile de l’abnégation et qui a pris sous sa direction spirituelle de jeunes moines et laïcs. Sa tâche, il la voit, avant tout, dans la direction et le soin de l’âme, l’éducation de la volonté de ceux qui n’ont pas beaucoup d’expérience spirituelle, cherchant à les guider à travers toutes les tentations et les peines de cette vie. Par sa propre vie et son expérience, il connaît la variété des chemins sombres sur lesquels l’adversaire nous attend. Aux étrangers venus de l’extérieur, il donne des conseils afin de les protéger des erreurs. Le starets est la volonté de perfectionnement du cœurs de ces croyants…»
On ne peut ranger l’Higoumène Boris parmi les moines les plus âgés, néanmoins, Dieu le dota d’une connaissance spirituelle si remarquable qu’elle l’éleva au niveau du ministère des anciens. Par sa vie, il fut un starets, par l’amour, la miséricorde, la compassion et le service à Dieu et aux hommes, il plut à Dieu. En vérité, il fut un don de Dieu à la Russie.
Ceux que Dieu a appelés, Il les a aussi justifiés ; et ceux qu’Il a justifiés Il les a glorifiés.(Rom. 8 ; 30). Dieu a appelé le Père Boris au service de l’Église et des gens, Il l’a appelé et l’a justifié, justifié par des œuvres d’amour, de miséricorde, de bonté. Et l’amour, il est vrai, est sacrificiel. Et le Père Boris se sacrifia: son temps, ses forces, sa santé, pour aider les gens. Et il aida tellement. Des gens de tous les coins de la Russie et d’autres républiques de l’ex-Union venaient à lui pour obtenir du réconfort dans leurs souffrances, pour obtenir de bons conseils et des instructions pour accomplir des œuvres bonnes. Et ils reçurent…. Le Seigneur a justifié le Père Boris et l’a glorifié — Il a glorifié à travers la reconnaissance des gens, à travers un immense amour, à travers le don de clairvoyance , et le don de l’amour. Ainsi, les paroles du grand apôtre Paul s’appliquent en vérité à l’Higoumène Boris. L’apôtre Luc (14; 24) cite les paroles de notre Seigneur Jésus-Christ: «…beaucoup d’appelés, mais peu d’élus». Il y a beaucoup de clercs appelés au service de Dieu. Mais y a — t-il beaucoup d’élus pareils au Père Boris? Quelques cas isolés solitaires. Et ceux-ci font la gloire de la Russie.
Car il fut seul, Saint Serge de Radonège, il fut seul, Saint Seraphim de Sarov, seul, Saint Jean de Kronstadt, seule, la Bienheureuse Folle-en-Christ Xénia de Péterbourg, seule la Bienheureuse Matrone de Moscou… et seul, l’Higoumène Boris. Mais de tous ces «seuls» naquit et grandit le chœur des saints russes. Pareil au phénix le juste prospérera (Ps. 91, 13). Et il prospéra. Je sais à quel point il est difficile de sortir les toxicomanes de la dépendance. C’est une entreprise qui dépasse les capacités de l’homme. L’homme n’est pas en mesure de corriger le toxicomane, de le sortir de sa dépendance à la cause démoniaque, de le guider sur le chemin de la foi, d’en faire un homme, une femme et un citoyen décents. C’est Dieu qui le fait, mais Il le fait à travers les hommes, Ses élus. Le Père Boris fut un de ces élu de Dieu.
Quand je commençais tout juste à aider les toxicomanes, le Père Boris m’aida beaucoup. En 1997, je lui ai envoyé un de mes pupilles, Artème. Il vécut plusieurs mois avec le Père de Boris, à Ivanovo, à Eliounine, à Antouchkov. Il revint à moi transfiguré, un chrétien fidèle. Il a commencé à chanter au choeur, reprit contact avec sa famille, retourna à l’Université, commença à aider d’autres toxicomanes à sortir de la dépendance. Et il devint mon bon assistant.
Quelques années passèrent. Et ici, nous avons eu un deuxième Artème, également toxicomane. Le premier Artème et moi avons décidé d’envoyer le deuxième Artème à Pereslavl au Monastère Saint Nikita, auprès du frère du Père Boris. Alors qu’Artème traversait Deulino, il croisa un immense cortège funèbre. On inhumait le Père Boris. C’est ainsi que le deuxième Artème rencontra son Père Boris. Depuis lors, en passant devant la tombe du Père Boris, nous venons toujours à lui pour prier, embrasser la Croix, sous laquelle se trouvent les reliques du Père Boris, et lui demander aide et prière.
Et le fait que le flot des cœurs aimants ne cesse pas d’affluer vers la tombe du Père Boris dans le village de Deulino, près de Serguev Posad, témoigne de la justesse des paroles: Ceux que Dieu a appelés, Il les a aussi justifiés ; et ceux qu’Il a justifiés Il les a glorifiés.(Rom. 8 ; 30). (A suivre)

Traduit du russe

En mémoire de l’Archimandrite Alipi (1)

L’Archimandrite Alipi (Voronov) devint à quarante cinq ans le Supérieur de la Laure des Grottes de Pskov, le 28 juillet 1959. Il fut un grand supérieur. Autre coïncidence de dates: il décida de quitter le monde et d’entrer au monastère 25 ans, jour pour jour, avant que Dieu ne l’appelle dans Sa demeure éternelle. Son Éminence le Métropolite Tikhon de Pskov et Porkhov, moine de la Laure, et plusieurs hiérarques et clercs qui y séjournèrent se souviennent du Père Alipi. Le texte original a été rédigé par Madame Olga Orlova et publié les 28 et 29 juillet 2020 sur le site Pravoslavie.ru, avec le titre : «Sans le Père Alipi, il n’y aurait plus eu de monastère ici, ni de startsy», et le sous-titre : En mémoire de l’Archimandrite Alipi (Voronov; 28 07 1914 – 12 03 1975).
Le seul capable de résister à la terrible pression du pouvoir des sans-Dieu (Métropolite Tikhon de Pskov et Porkhov)
Des gens sont venus spécialement chez nous au monastère, car il conservent dans leur mémoire des trésors sans prix au sujet de celui sans qui notre monastère n’existerait plus aujourd’hui. De ceci, nous sommes très conscients. Cet homme, c’est l’Archimandrite Alipi (Voronov). L’an dernier, nous avons fêté le soixantième anniversaire du jour du début de son higouménat. Celui-ci dura à peine plus de quinze années. Mais quelles années furent-elles… Et que ne signifièrent-elles pour le monastère et pour l’Église Orthodoxe Russe! Lire la Suite

L’Archiprêtre Serge Orlov (1890-1975) Portrait d’un juste.

Le texte ci-dessous est la traduction d’un portait, peu spectaculaire sans doute, mais édifiant, de la vie d’un authentique starets pendant les années soviétiques. C’est également un humble tableau de la vie, parfois joyeuse, toujours intense, de l’Église en Russie à l’époque pendant laquelle elle endura les pires persécutions. Ces éléments permettent de comprendre que l’Église ne s’éteignit jamais en Russie et qu’elle put se redresser avec l’élan et la force merveilleuse que nous lui connaissons.

Le Père Valerian Kretchetov

Le Hiéromoine Seraphim (Père Serge Orlov) a été enterré derrière le mur du sanctuaire de son église, où il servit pendant vingt-neuf ans. Il fut le père spirituel du Père Valerian. Celui-ci se souvient avoir trouvé ici des paroissiens se rappelant les bienfaits du père Serge, qui distribua céréales et farines aux familles pauvres pendant les années de famine ou de disette.
L’Archiprêtre Serge (Serguei Vassilievitch Orlov) nauit le 29 juin 1890 au village d’Akoulovo, dans le Gouvernorat de Moscou. Son père et son grand-père (l’Archiprêtre Piotr et l’Archiprêtre Vassili) desservaient l’église du Pokrov, la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu, du village d’Akoulovo. Le futur archiprêtre reçut une éducation profane et religieuse avancée. Après l’école paroissiale de son village natal, il termina à Moscou, le cycle d’études du Séminaire, ensuite, l’Université de Varsovie et même l’Institut Polytechnique de Kiev, dont il sortit avec le titre d’agronome. Serguei Vassilievitch ne tarda pas à se marier, mais un an plus tard, il devint veuf. Il travailla en qualité d’agronome dans des entreprises collectives, en Crimée, en Ukraine, en Sibérie, où il occupa des postes à responsabilités, chargé d’activités organisationnelles.
L’Archiprêtre Valerian, recteur de l’église du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu à Akoulovo entama son service pastoral lorsque le Père Serge était recteur. Jusqu’au jour de son décès, celui-ci fut le père spirituel du jeune Batiouchka Valerian.

Akoulovo. église du Pokrov

Le Père Valerian se souvient : «Au cours de mes trente années de sacerdoce, le Seigneur m’accorda de servir et célébrer pendant vingt-huit ans à l’église du Pokrov de la Très Sainte Mère de Dieu, dans le village d’Akoulovo, mieux connu sous l’appellation de ‘derrière la gare d’Otradnoe’, dans le faubourg d’Odintsovo. En outre, les quatre première années, par la grâce de Dieu, j’ai pu servir avec l’Archiprêtre Serge Orlov, l’un des exemples de l’idéal du service pastoral de notre époque. Peu de temps avant sa mort, je me rappelle qu’il dit : «Encore un an et notre lignée aura servi pendant un siècle».
Le destin du Père Serge ne fut pas simple. Par sa vie, il montra que le chemin de tout homme n’est pas toujours rectiligne. Le Père Valerian aime raconter qu’au début du XXe siècle, le Père Serge fut tenté par les idées socialistes : «Peut-être à cause de sa jeunesse ou du bouillonnement généralisé de cette époque, il fut attiré par les idées révolutionnaires. Une fois, il me dit : «J’ai étudié en secret le Capital de Marx». Je lui répondis : «Batiouchka, alors, ils devraient ériger un monument à votre mémoire. Maintenant, plus personne n’est capable d’un tel exploit… Vous l’avez lu, quelle fut votre impression?» «Ouiiii, tout est décrit, en filigrane. Seulement, dans la vie, c’est tout le contraire».
«Ayant lu le Capital, le Père Serge décida de repousser les limites de la science… Il termina le cycle d’études académiques de l’Université de Varsovie. Mais cela ne lui suffit pas. Il entra à l’Institut Polytechnique de Kiev… En un mot, il décrocha deux diplômes d’études supérieures. Dans la période prérévolutionnaire. Ensuite, après la guerre, il termina le cycle d’études de l’Académie de Théologie de Moscou, ayant défendu une thèse portant sur l’influence de l’Orthodoxie sur notre culture. Il m’est arrivé d’entendre parler ceux qui connurent le Père Serge, des gens ayant bénéficié d’une éducation avancée. Et ils disaient que jamais ils n’avaient rencontré quelqu’un d’aussi érudit que le Père Serge. Il connaissait n’importe quelle question en profondeur. Et toujours, il restait très simple. Beaucoup me e rappelèrent».

Les Pères Serge et Valerian

Le Père Serge enseigna dans différentes écoles de Moscou et de l’oblast de Moscou. Il devint directeur d’un établissement. A cinquante-six ans, Serguei Vassilievitch entra au service de l’Église. Le 28 juillet 1946, l’Évêque Macaire (Daev) l’ordonna diacre, en l’église de la Déposition de la Sainte Tunique du Seigneur, à Moscou, et le 02 août il fut ordonné prêtre de l’église du Pokrov d’Akoulovo. Quelques temps auparavant, il était allé se confesser, à la Laure de la Trinité Saint Serge. Et il y avait confessé le fait qu’il n’avait pas accédé à la demande de son propre père, et il en ressentait le péché. Son père voulait qu’il lui succède dans le sacerdoce. Le hiéromoine qui le confessait lui donna alors sa bénédiction pour le sacerdoce pastoral.
Entre 1965 et 1970, le Père Serge fut collaborateur bénévole du magazine du Patriarcat de Moscou, et participa aux travaux d’édition du calendrier orthodoxe. Il fut aussi membre de la commission chargée de composer le recueil annuel d’«Instructions liturgiques pour l’année en cours».
Avec la bénédiction du Patriarche Alexis, l’Archiprêtre Serge Orlov reçut la tonsure monastique, et le nom de Seraphim, en l’honneur de Saint Seraphim de Sarov. Espérant la réouverture future, en vertu des paroles de Saint Seraphim, du Monastère de Divéyevo, le Père Serge et sa soeur, Elena Vassilievna, ayant reçu elle aussi la tonsure monastique, rassemblèrent activement des icônes, et particulièrement celles de la Très Sainte Mère de Dieu, destinées à être remises à Divéyevo. Lorsqu’un jeune prêtre émit des doutes quant à la possibilité de réouverture du Monastère de Divéyevo dans un avenir prévisible, Elena Vassilievna lui répondit : «Tu dois y croire! Mais tout comme Moïse n’entra pas en terre promise, tu n’iras pas à Divéyevo». Environ quarante icônes, sauvées par des fidèles de la destruction par les athées furent remises en 1993 à la communauté de Divéyevo. Le Père Serge les avait conservées dans la maison de la moniale du grand schème Agnès (Tchijikova). Il appelait cette maison le ‘podvorié’ de Divéyevo.
Tel Saint Auxence, Batiouchka se distinguait par une incroyable modestie, son abnégation, sa bonté d’âme et son amour pour les gens ; jamais il ne considérait que ce qui était le meilleur lui revint. Et toujours à l’image de Saint Auxence, le Père Serge manifestait un infatigable soin pastoral à ses paroissiens. Ses homélies appelaient à l’amour, à la bienveillance et au pardon chrétien.

L’Evêque Arsène Jadanovski

Dans les années trente, quand il vivait au village de Doubka, près de la gare Pionierskaia du chemin de fer de Biélorussie, il cacha l’Higoumène du grand schème Thamar (Mardjanova), la supérieure de la Skite Saint Seraphim-Mère de Dieu du Signe, avec treize des sœurs. Cette petite maison était devenue une cénobie, et l’Évêque Arsène (Jadanovski) y trouva un paisible refuge à l’époque des persécutions. Le Père Serge rentrait tard, vers trois heures du matin. Il célébrait la liturgie et donnait aux matouchkas la Communion aux Saints Dons du Christ.
Dans les années soixante, à Akoulovo, l’Évêque Stéphane (Nikitine) faisait partie des invités. Il furent nombreux à profiter de l’inoubliable et joyeuse atmosphère créée par la présence des deux startsy, l’Évêque Stéphane et l’Archiprêtre Serge.
Le Père Serge accordait une signification particulière au carême, comme l’une des voies de l’acquisition de l’humilité, car là où il n’y a pas d’humilité, l’Esprit Saint ne peut habiter. Ainsi, il dit dans l’une de ses homélies : «Sans l’Esprit Saint, il n’existe pas de vie véritable en l’homme, pas de paix dans l’âme, pas de lumière divine. Sans l’Esprit Saint, il ne peut y avoir en nous de foi véritable, d’espérance, d’amour, de sainte simplicité, de pureté du cœur, et pas de salut…» Chaque semaine, le vendredi, à l’église du Pokrov on lisait l’acathiste aux Souffrances du Christ. A travers cette instante vénération de la croix sur laquelle souffrit le Seigneur, le Père Serge éveillait la conscience des Chrétiens à accueillir l’éternel Sacrifice Rédempteur. Ce héros de l’ascèse de la foi et de la piété nourrissait également chez ses paroissiens une relation de révérence envers la prière. «Le Christ Se transfigurait au moment de la prière, prêchait Batiouchka lors de la Fête de la Transfiguration, et Il resplendissait de la gloire de Dieu. L’essence de notre vie ne consiste-t-elle pas à aller progressivement de gloire en gloire, de force en force, progressivement, par notre volonté et par l’aide de la grâce de Dieu, et de la sorte, nous nous transfigurons intérieurement, spirituellement, renonçant en esprit à ce qui est terrestre en faveur de ce qui est céleste, renonçant dans notre cœur à ce qui est sensible au profit de ce qui vient d’en haut, renonçant par notre volonté aux péchés et aux passions au bénéfice de l’accomplissement des commandements de Dieu, de la volonté divine?»

Hiéromoine Euphrosyn

Le Père Valerian se souvient encore : «Chez le Père Serge, on peut dire que l’orientation était monastique». Comme il avait été tonsuré secrètement, seuls ses proches étaient au courant. Ce n’est sans doute pas un hasard, si le Père Seraphim attirait vers lui, avant tout, des hommes et femmes aux dispositions ascétiques, comme par exemple l’Archimandrite Dorothée, du Monastère des Danilov à Moscou, et le Hiéromoine Euphrosyn du Désert Saint Zosime. Et l’Évêque Stéphane (Nikitine) se confessait auprès du Père Serge. Et parmi les enfants spirituels de celui-ci, on comptait le Métropolite Antoine (Melnikov), et les vladikas Pitirim, Théodose et Hermogène.
Le Père Serge fut toujours sévère en ce qui concernait les offices. On le considérait quasiment comme le deuxième meilleur spécialiste de l’oustav liturgique, après l’Évêque Athanase (Sakharov).
De façon générale, un de ses traits les plus caractéristiques était la mesure, la retenue. «Parfois, je me levais en retard, se souvient le Père Valerian. Le matin, il y avait la liturgie, et ensuite des offices du trebnik. Je m’étais allongé pour me reposer un peu, mais je m’étais endormi. Je m’éveillai en sursaut. Mon Batiouchka! Déjà cinq heures du matin. C’était l’heure où on lisait déjà la sixième heure! Je me précipitai, mais Batiouchka était assis dans le sanctuaire. «Ne cours pas, ne cours pas… Ils ne commenceront pas sans nous. Ce n’est pas grave…» Il était calme comme ça. Il se maîtrisait toujours, en toutes choses. Ces gestes étaient mesurés quand il célébrait. Il exigeait que le moins possible d’attitudes et de gestes théâtraux». Il soulignait en permanence, en toute humilité, la conscience de son indignité.Je me souviens lui avoir demandé : «Batiouchka, les gens vont chez ce prêtre, il les attire à lui. Quant à celui-là, il est sévère, on se détourne de lui». «Oui et non, répondit-il. Ce n’est pas pour cela. Tout simplement, c’est donné à l’un et pas à l’autre». Le Père Serge rappelait toujours que la grâce du sacerdoce pastoral, c’est un don Dieu;c’est le Seigneur qui accomplit tout. En un mot, Dieu s’oppose aux orgueilleux et donne sa grâce aux humbles. Et pour ne pas perdre cette grâce, il faut sans cesse s’humilier. (…)
Dans la paroisse, le Père Serge respectait strictement le jeûne du carême. Le Père Valerian se souvient que lorsqu’il était enfant, il n’avait jamais abandonné l’huile végétale pendant le carême. Mais chez le Père Serge, il en allait autrement : «Si on dit sans matière grasse, cela veut dire jeûner sans matière grasse». Quand le conversation touchait à l’oustav, au typikon, il soulignait toujours que le prêtre devait non seulement expliquer, mais en premier lieu, accomplir. Le Père Serge était très attentif aux besoins de la paroisse. En famille, les paroissiens vivaient comme ils pouvaient. Ceux qui pouvaient respecter le jeûne carémique prescrit, il leur accordait sa bénédiction pour le faire. Il bénissait également un jeûne strict d’un jour avant la communion aux Saints Dons. Tenir trois jours, c’était dur, les tentations affluaient. «Vous savez, Batiouchka, vous pouvez m’en donner un peu plus, j’ai recommencé à manger gras». «Non, tu ne dois pas manger gras» «Mais cela ne change plus rien». «Si, cela change. Tu l’as fait remarquer, alors cesse». Voilà les principes pastoraux du Père Serge. Et aujourd’hui encore, cette tradition qu’il a lui-même instaurée, est encore observée à l’église d’Akoulovo. Les jours de semaine, en principe, on célèbre le matin. C’est devenu difficile pour les gens de venir à l’église deux fois chaque jour. Le Père était sévère avec lui-même, il s’efforçait de célébrer selon les règles de l’oustav, mais en même temps, il était indulgent envers les autres. Sa Sainteté le Patriarche Alexis octroya la mitre au Père Serge en 1970, car il servit avec zèle pour le bien de l’Église, et manifestait un soin paternel à ses ouailles. En 1974, il fut pensionné pour raisons de santé. Il s’affaiblissait de jour en jour. Mais en qualité de recteur émérite de l’église, il essayait de ne manquer aucune liturgie, disant «Il est possible que ce soit la dernière fois que je célèbre».

Les Pères Serge et Valerian à l’autel

Tous les prêtres font l’objet de sollicitations. Quand on venait chez le Père Serge pour lui demander «Batiouchka, mais que dois-je faire?». «Vous ne savez pas? Mais je le sais encore moins que vous!», répondait-il. «Mais il faut prier. Le Seigneur arrangera les affaires». Et effectivement, en réalité, le Seigneur arrangeait les affaires. «J’ai rarement entendu, se rappelle le Père Valerian, que Batiouchka ait répondu de façon ferme, déterminée. C’était plutôt :’Oui, qui sait, comment dire,… Évidemment,… Eh bien…’, ou il racontait un épisode tiré de sa pratique pastorale. Tout, ses gestes, ses manières, sa façon de s’adresser aux gens, communiquait un certain esprit, l’esprit d’apaisement, de discernement, de calme en toutes choses, et bien-sûr, d’abandon à la volonté de Dieu». Il avait une attitude particulière quand on lui offrait quoi que se soit. Le Père Valerian explique : «C’était un homme solitaire, désintéressé, c’est sûr. Et voilà que quelqu’un voulait lui donner quelque chose. Parfois il acceptait : «Oui, oui, oui…» Parfois, il se mettait doucement debout et partait. Parfois, des enfants lui offraient quelque chose. Il demandait : «C’est pour moi ?» «C’est pour vous, Batiouchka». «Alors, si c’est à moi, je le donne à qui je veux. A toi, voici, c’est pour toi».
Le Père Valerian se rappelle que pendant les années de service du Père Serge à Akoulovo, il y eut des cas de guérison. «On amena une petite fille, couverte de croûtes. Les démangeaisons étaient terribles et elle se grattait sans arrêt. Les gens dirent : «Il y a une icône miraculeuse chez vous». Batiouchka répondit : «Ici, chez nous, toutes les icônes sont miraculeuses. Vénérez-les toutes». La petite fille parcourut toues les icônes, les vénérant l’une après l’autre. Le Père Serge lui donna de l’eau consacrée. Elle s’en lava, et sa peau s’assainit. C’est-à-dire qu’elle reçu l’aide par les prières du Père Serge». Il y eut également des guérisons après la mort de Batiouchka ; le fils d’une paroissienne fut sauvé.
Dans les derniers temps, le Père Serge disait lors des confessions : «Il faudrait reconstruire votre âme selon les dispositions de l’Évangile». Aujourd’hui, c’est le Père Valerian qui répète ce conseil à ses ouailles. Peu de temps avant son départ pour l’autre monde, le Père Serge se rendait systématiquement à l’église pour communier. Il avait des problèmes au système digestif, visiblement, un cancer. Quand on lui demandait : «Batiouchka, comment vous sentez-vous?», il répondait : «C’est à peine si j’arrive à me traîner à l’église. mais c’est de là que je m’en irai». Un jour, il se sentit très mal. Il communia lui-même, et s’allongea, disant : «Comme c’est difficile de mourir, pourtant tous nous devons passer par là». Il demeura couché. Près de sa tête, il y avait une icône de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu. Il dit : «D’où vient ce chant? Quel beau chant. Qui donc chante?» «Mais où-ça, Batiouchka?» «Juste ici, montrant l’icône, c’est d’ici que vient ce chant ». Et il s’apaisa progressivement. Les enfants spirituels de ce pasteurs affluèrent près de son lit de mort, souhaitant recevoir une dernière bénédiction, ses instructions. Ensuite, le Père Serge bénit en pensée tous ceux d’entre eux qui n’avaient pu venir auprès de lui en ses derniers instants. Embrassant l’icône de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, il rendit son âme au Seigneur;c’était le sept février 1975. Les funérailles eurent lieu pendant la trente-sixième semaine après la Pentecôte, le jour de la translation des reliques de Saint Jean Chrysostome. Le cercueil contenant le corps du nouveau défunt fut, au chant des irmos du Grand Canon « le Seigneur est mon Aide et mon Protecteur…», transporté autour de l’église et enterré en face du sanctuaire, à côté des tombes de son père et de son grand-père.
Le Père Serge nourrit spirituellement son troupeau non seulement par ses enseignements, mais surtout par son propre exemple. Chaque jour de sa vie, il s’efforçait de vivre en Dieu, et il avait une foi illimitée en Sa miséricorde.
                                                                         Mémoire éternelle !
Traduit du russe
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Paroles de Batiouchka (2)

Qui est ce «batiouchka», qui est le Père Kretchetov? Né en avril 1937, Valerian Kretchetov, prêtre de village, est le prédicateur le plus âgé de l’Éparchie de Moscou. Il naquit dans une famille orthodoxe très pratiquante. Dès son jeune âge, il vécut dans l’Église, et même dans l’église. Il apprit le slavon dès l’âge de cinq ans, en même temps que le russe. Son père, Mikhaïl Valerianovitch, devint prêtre à cinquante ans, après avoir été interné aux Solovki et ensuite enrôlé au front lors de la Grande Guerre Patriotique, et un des frères de Batiouchka Valerian devint également prêtre. Marié, ingénieur forestier de formation, l’Archimandrite Valerian est père de sept enfants, dont un prêtre, et grand-père de trente quatre petits enfants. Il fut ordonné diacre en novembre 1968, et prêtre en janvier 1969. En 1974, il succéda au hiéromoine Seraphim (Sergueï Orlov), dont il fut fils spirituel, comme recteur de l’église du Pokrov, au village d’Akoulovo, dans la région de Moscou
Il fréquenta les plus grands starets pendant des dizaines d’années et accomplit dix-huit séjours sur l’Athos. Une quinzaine de livres ont été édités en Russie, reprenant ses prédications, les entretiens multiples qu’il a accordés, ses homélies et ses interventions devant des groupes très divers. Dans la série «Paroles de Batiouchka» seront proposés des passages, parfois très courts, parfois plus longs, traduits des livres précités. L’une ou l’autre traduction d’articles plus conséquents, parus sur des sites russes viendra sans doute compléter le tableau.

Extrait des «Entretiens au Pokrov d’Akoulovo», pages 34 et 35 .

Le livre dont l’extrait est tiré

Les saints ont enduré tant de maladies pour nous, pécheurs. Ils priaient pour nous. Quand un homme prie pour un autre, c’est comme s’il prenait sur lui une partie de sa croix. Pourquoi, par exemple, le Père Kyrill [Pavlov N.d.T.] fut-il malade, alité, pendant tant d’années ? Il a ramené tellement de gens à la foi, il en a tant sauvés par ses prières. Nous n’accomplissons plus aucune épitimie. C’est comme si nos épitimies étaient reportées sur eux. Plus exactement, ils les ont prises sur eux. Lire la Suite