Archimandrite Raphaël (Kareline) Le temps, l’Église, la mort, l’éternité.

Le texte suivant est composé de la traduction de deux passages du livre de l’Archimandrite Raphaël Kareline «A propos du temps, de la mort et de la vie éternelle», édité en 2019 à Moscou par la «Société ecclésio-historique». Les passage sont tirés des pages 36 à 40 et 42 à 45. Plusieurs textes de l’Archimandrite Raphaël, qui vit à Tbilissi, ont été traduits sur le présent blog.

(…) Les anciens ne sont pas parvenus à percer le secret du temps. Ils ne purent percer le secret de l’éternité, qui pour eux n’était qu’une sorte d’arrêt statique, une pause entre les cycles de l’histoire cosmique. C’est pourquoi le temps signifiait pour les anciens une situation désespérée, sans issue, semblable à un terrible serpent enserrant sa proie dans ses anneaux, jusqu’à la mort.
Mais l’Église maîtrise le mystère du temps ; il s’agit d’un mystère simple. Dieu a créé le temps en guise de préparation à l’éternité. Le temps n’est pas dépourvu de commencement, ni de fin ; il s’écoule sur fond d’éternité. Le temps est une situation de préparation et de choix, un carrefour des chemins, où se décide la question essentielle de l’existence humaine : «avec qui est l’homme?», avec Dieu ou sans Dieu. Le temps, c’est la possibilité de se transformer, de devenir une personne humaine, de manifester ou de perdre la ressemblance de Dieu, l’acquisition de ce qui va se déployer dans l’éternité. Ici sur terre, il s’agit d’un séjour, dans l’éternité, c’est la vraie existence. Le temps est un champ d’expérimentation pur l’homme,tandis que l’éternité est l’appartenance à Dieu, c’est pourquoi pour le Chrétien, le temps s’ouvre sur l’éternité, à travers la relation à la grâce primordiale, éternelle, incréée. Exprimé de façon imagée, l’éternité est comme la respiration de Dieu que l’âme peut ressentir, percevoir, pendant la prière. Pour l’incroyant, comme pour les anciens païens, le temps est juste le seuil de la mort, une existence en négatif, l’écrasement des espoirs humain. C’est pourquoi il ne reste aux incroyants qu’un seul moyen de lutter contre le temps et la mort: les oublier. Pour le Chrétien, le temps est un grand cadeau de Dieu. Et en même temps, une grande responsabilité, car l’éternité peut être aussi pour nous la perte définitive de Dieu. (…)
(…) Le temps s’autodétruit en permanence. Les anciens le représentaient sous forme du serpent qui engloutit sa propre queue. Le temps est l’attribut de l’existence relative. Dans le temps, il n’y a pas de passé, il a disparu sans retour. Dans le temps, il n’y a pas de futur, on peut seulement le supposer. Dans le temps, il n’y a pas de présent, c’est un rayon qui n’a ni longueur ni largeur, qui glisse continuellement du passé déjà perdu vers un futur qui n’existe pas encore. Alors que les organes de nos sens tente de fixer le temps en tant que présent, il est déjà passé, il s’est transformé en passé et la vague nous a balayé. Cela veut dire que le présent est seulement le souvenir d’un passé tout récent, le produit du conservatisme des organes de nos sens, qui font parvenir à nous un instant qui déjà n’est plus, et donc, le présent est uniquement la trace du passé et l’attente du futur.
La mort elle-même ne signifie pas sortir du temps. L’âme de l’homme passe simplement dans une situation caractérisée par une nouvelle acception du temps, qui nous est inconnue. Le temps disparaîtra quand le ciel et la terre brûleront dans un brasier cosmique qui ne détruira pas le monde mais le transfigurera. Jusqu’au Jugement Dernier, le temps régnera non seulement sur terre, mais aussi dans les Cieux et aux enfers. Les âmes des saints attendent la résurrection des corps et les âmes des pécheurs, la miséricorde de Dieu par les prières de l’Église et par les aumônes faites en leurs noms par ceux qui sur terre leur veulent du bien.
Le temps est le potentiel et la possibilité de la transformation. Il représente symboliquement le mouvement horizontal. L’éternité est un mouvement vertical ; en elle il n’y a aucune transformation ni passage d’un état à l’autre, en elle se déploie le contenu de l’âme humaine. Dans l’éternité, il n’y a pas cette perte d’existence que les philosophes nomment l’asymétrie du temps, il n’y a pas de périodes qui se succèdent. L’éternité n’est toutefois pas immobilité, ni statisme, mais mouvement, mais d’une autre nature que le mouvement du temps.
Le temps est unidimensionnel, l’éternité, multidimensionnelle. Ce n’est pas facile à comprendre. Prenons une surface, bidimensionnelle. Si elle reçoit une troisième dimension, elle devient volume. Il en va ainsi de l’éternité, pour le dire de façon figurée, ce qui était unidimensionnel devient multidimensionnel et l’homme, sans perdre le passé, élargit le présent, et dans ce présent s’ouvre sans cesse le nouveau, par le relation à la grâce, de nouveaux volumes d’existence, de nouvelles capacités de perception. Le temps, c’est la transformation, liée à une perte. L’éternité, c’est le nouveau, sans perte. L’éternité est la véritable existence alors que le temps est étape. Le temps ne passe pas vers éternité, ni l’éternité vers le temps. Le temps se déroule sur fond d’éternité. C’est une période de devenir, la période de gestation de l’éternité. L’Apocalypse dit que le temps cessera après le Jugement Dernier. (…)
Traduit du russe


Source

Archimandrite Raphaël (Kareline). La Staritsa «Anastasia assise» (2/2)

Le texte qui suit est la traduction d’un extrait (pages 106 à 109) du livre «Le Secret du Salut. Entretien au sujet de la vie spirituelle» («Тайна спасения. Беседы о духовной жизни» Московское Подворье Свято-Троицкой Сергиевой Лавры, 2001) L’Archimandrite Raphaël évoque ses souvenirs de la Staritsa Anastasia (Nikicheva), que l’on appelait ‘Anastasia assise’. L’Archimandrite Raphaël Kareline, défenseur ardent de la Tradition de l’Église, a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Quelques éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici. Voici la seconde partie de la traduction du texte original.

On raconte que beaucoup de gens vinrent voir Anastasia pendant la guerre, afin de connaître le sort de leurs proches. Quand elle donnait un peu de terre, cela signifiait que le parent avait été tué. Il advint que pendant le Grand Carême, elle donna de la viande à un visiteur. Certains en furent troublés. Mais ce faisant, elle indiqua de façon imagée comment nous observions notre carême intérieur, dans quel état se trouvait notre cœur.
Après avoir franchi le seuil de la maison devant laquelle Anastasia était assise, on semblait sortir du monde habituel et passer dans un autre, inconnu. On dit que quand sa sœur est tombée malade, Anastasia commanda qu’on la sorte de sous l’auvent pour la placer à ciel ouvert et elle pria pendant quatre mois, en disant: «Nous devons lui préparer le chemin». Lire la Suite

Archimandrite Raphaël (Kareline). La Staritsa «Anastasia assise» (1/2)

Le texte qui suit est la traduction d’un extrait (pages 106 à 109) du livre «Le Secret du Salut. Entretien au sujet de la vie spirituelle» («Тайна спасения. Беседы о духовной жизни» Московское Подворье Свято-Троицкой Сергиевой Лавры, 2001) L’Archimandrite Raphaël évoque ses souvenirs de la Staritsa Anastasia (Nikicheva), que l’on appelait ‘Anastasia assise’. L’Archimandrite Raphaël Kareline, défenseur ardent de la Tradition de l’Église, a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Quelques éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici.

Dans ma vie, j’ai dû rencontrer des gens qui vivaient en permanence dans une sorte d’atmosphère miraculeuse, comme si les lois physiques, les infirmités du corps humain, la passion, les vacillements de l’âme n’existaient pas, comme si, pour le dire au sens figuré, les lois de l’attraction terrestre n’étaient pas pour eux. Anastasia faisait partie de ces gens. On l’appelait «Anastasia assise». Elle parlait aux gens en paraboles et en énigmes, mais ce qu’elle disait était toujours vrai. Son podvig dépassait les forces humaines, comme l’exploit des anciens stylites. Lire la Suite

Sainte Nina, la vierge-apôtre. (2/2)

Texte de l’Archimandrite Raphaël Kareline, défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Le texte ci-dessous est la deuxième partie du texte russe paru le 27 janvier 2011 sur le site Pravoslavie.ru, où il était repris du site de l’auteur. Le 14/23 janvier, l’Église célèbre la mémoire de Saint Nina de Géorgie, Égale-aux-Apôtres. Quelques éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici.

Par la volonté du Sauveur et la bénédiction de la Très Sainte Mère de Dieu, elle vint de Palestine jusqu’à la capitale géorgienne, Mtskheta, qui devint la deuxième Jérusalem. Le jour de son arrivée, le 6 août, c’était la nouvelle-année et la fête de la divinité zoroastrienne ormuzd, la principale célébration des adorateurs du feu. Sainte Nina, engagea un duel contre ormuzd, et le vainquit, comme Saint George vainquit le dragon. Par la force de la prière, le dragon fut défait et l’idole d’ormuzd tomba et se fracassa dans la poussière. Lire la Suite

Sainte Nina, la vierge-apôtre. (1/2)

Texte de l’Archimandrite Raphaël Kareline, défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Le texte ci-dessous a été publié le 27 janvier 2011 sur le site Pravoslavie.ru, où il était repris du site de l’auteur. Le 14/23 janvier, l’Église célèbre la mémoire de Saint Nina de Géorgie, Égale-aux-Apôtres. Quelques éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici.

L’événement le plus significatif de l’histoire de la Géorgie fut la conversion du pays au Christianisme suite à la prédication de Sainte Nina, l’ Égale-aux-Apôtres. La lumière de l’Évangile, apportée en Géorgie par la vierge Nina, et telle un luminaire tiré du feu de l’église à Jérusalem, prit corps dans de merveilleuses œuvres littéraires chrétiennes, dans les arts pratiqués dans les églises, dans de grandioses basiliques pareilles à des statues sculptées dans de gigantesques blocs de granit, et dans les églises, fleurs de pierre qui ornent tous le pays, jardin de la Très Sainte Mère de Dieu, dans les chapelles qui couronnent les sommets montagneux, si bien que rocs et falaises semblent être leurs marches-pieds. Lire la Suite

Archimandrite Raphaël (Kareline). Le chotki, retour du fils prodigue.

L’Archimandrite Raphaël est un défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Le texte ci-dessous est la traduction d’un original du Père Archimandrite Raphaël (Kareline), proposant une description poétique et spirituelle du chotki, et mis en ligne sur le site Pravoslavie.ru, le 20 janvier 2010. Quelques éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici.

Les chrétiens portent au poignet un fil d’or orné de perles inestimables, pour une desquelles le marchand de l’Évangile vendit sa propriété et acquit une richesse plus grande que les trésors de l’Empire. Ce cercle d’or est le chotki. Le cercle signifie symboliquement l’éternité. À travers le chotki, l’âme de l’homme entre en contact avec le monde spirituel, où l’éternité remplace le temps.
Le cercle symbolise l’infinité. Le chotki est le début du chemin spirituel, qui jamais ne se termine; il n’existe ni limite ni frontière au rapprochement de l’âme vers Dieu. Le chotki est la voix silencieuse de l’ange gardien qui éveille l’âme à la prière, l’âme plongée dans les images du monde éphémère et dans les rêves pénibles. Le chotki est le clocher silencieux qui appelle dans notre cœur nos pensées tournées vers le monde extérieur, comme le clocher de l’église appelle les gens à la prière dans l’église. Lire la Suite