Archimandrite Raphaël (Kareline) : La Tradition et le coq

L’Archimandrite Raphaël est un défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Le texte ci-dessous est la traduction d’un original de l’Archimandrite Raphaël Kareline, paru le 3 septembre 2005 sur le site internet de l’Archimandrite. L’auteur y dépeint brièvement sa vision de la Tradition. Une courte biographie de l’Archimandrite Raphaël est disponible ici.

Qu’est-ce que la Tradition? Quels sont le sens et la signification de ce terme? Littéralement, tradition signifie «transfert», le transfert de valeurs durables acquises ou préservées par l’histoire. La tradition est un héritage spirituel qui se transmet de génération en génération. Nous vivons une époque où les traditions s’effondrent et disparaissent à une vitesse stupéfiante, comme si un rouleau compresseur en fonte roulait sur le globe, détruisant par son poids les valeurs culturelles et spirituelles des peuples et transformant les gens en une masse homogène. Lire la Suite

Archimandrite Kareline. Traditionalisme et modernisme. (1/2)

L’Archimandrite Raphaël est un défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. L’original russe du texte ci-dessous fut publié le 22 décembre 2008 sur le site Pravoslavie.ru, mais il est également accessible sur le site internet de l’auteur. L’argumentation simple, claire et solide de l’Archimandrite Raphaël a le mérite de tracer un tableau clair de ce qui oppose traditionalisme et modernisme dans l’Église. La biographie de ce clerc de l’Église de Géorgie est accessible ici. Voici la première partie de la traduction de l’original.

Quelles sont les tendances du christianisme contemporain qui ont trouvé leur expression dans la théologie?
Dans le monde orthodoxe contemporain, deux tendances se détachent de plus en plus clairement, deux approches de la théologie, et particulièrement de la sotériologie et de la liturgie, deux dispositifs mentaux qui déterminent largement le type spirituel de l’homme: le traditionalisme et le modernisme. Il ne s’agit pas seulement de deux visions du monde, ou pour le dire plus délicatement, deux angles depuis lesquels on voit le christianisme, deux perceptions du monde, deux philosophie de vie trouvant leur expression dans la religion. Lire la Suite

L’Actualité du podvig du Saint Hiéromartyr Hilarion (Troïtski)

Le long texte ci-dessous est la traduction d’un article de Monsieur Andreï Gorbatchev publié le 27 décembre 2016 sur le site russe Pravoslavie.ru. Dans ce texte à la lecture un peu ardue, l’auteur s’efforce de tracer (en guise d’avertissement?) un parallèle entre la dimension spirituelle de la société russe pré-révolutionnaire, et celle du monde d’aujourd’hui. Il fait appel pour cela à la vision théologique et sociale du Saint Hiéromartyr Hilarion, dont on célèbre la mémoire le 15/28 décembre. Les notes fournissant les références des citations n’ont pas été retenues. Elles sont disponibles dans l’original russe accessible au bas de la présente page.

De nos jours, on entend de plus en plus souvent dire dans les milieux ecclésiastiques que le podvig des néomartyrs continuera à faire l’objet de négligence ; les noms de la majorité des néomartyrs et des confesseurs de la foi russes disent peu de chose même aux gens d’Église. Il en est ainsi, et cela indique, avant tout, que les questions relatives à l’Église demeurent étrangères à la plus grande partie de la société russe contemporaine. Le podvig des néomartyrs reste incompréhensible. Il est intéressant de constater qu’en ce domaine du rapport de la société aux questions de l’Église, l’attitude de nos compatriotes d’il y a plus d’un siècle se répète. C’est-à-dire que la situation dans laquelle la vision du monde des futurs martyrs de la foi s’est formée était à bien des égards similaire à celle d’aujourd’hui. Et cette formation s’opéra en grande partie non pas grâce à, mais en dépit du contexte de la réalité. Lire la Suite

Le Métropolite Ioann (Snytchev): Paix et division dans l’Église.

Écrits

L’original russe du texte ci-dessous est extrait des pages d’introduction (5 à 7) du livre écrit en 1992 par le Métropolite Ioann de Saint-Pétersbourg et Ladoga, et intitulé «Les schismes dans l’Église de Russie pendant les années 20 et 30 du XXe siècle», publié à Sortavala en 1993 (2e édition). Ce texte précise l’enjeu de la paix dans notre vie de chrétien et surtout dans celle de l’Église. Et il nous en rappelle le fondement ontologique. Les jeux politiques sont une chose, le salut en est une autre.

La paix est l’un des principaux fondements, non seulement de la vie en société, mais aussi, de façon plus générale, de la vie humaine.
La présence de la paix dans la vie de l’Église témoigne de l’existence en ses entrailles de la grâce de Dieu, qui sanctifie tout et vivifie tout, et de cet amour entre les membres de l’Église, que notre Seigneur Jésus Christ a apporté sur terre. «Je vous laisse ma paix, Je vous donne Ma paix. Je ne la donne pas comme le monde la donne»(Jean 14,27). Telle est la promesse que fit le Sauveur du monde à Ses apôtres, et à travers eux, à toute l’Église.
Cette paix, reçue avec amour par les saints apôtres, par la puissance de la grâce omnipotente de Dieu, créa et fortifia l’Église du Christ.
La première communauté de chrétiens, dont le livre des Actes des Apôtres nous rend témoignage, nous montre avec évidence l’action de la paix du Christ. «Tous ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs terres et leurs biens, et ils en partageaient le prix entre tous, selon les besoins de chacun. Chaque jour, tous ensemble, ils fréquentaient le temple, et, rompant leur pain dans leurs maisons, ils prenaient leur nourriture avec joie et simplicité, louant Dieu et ayant la faveur de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour au nombre de ceux qui étaient dans la voie du salut» (Actes 2,44-47).
Comme nous le voyons, la paix était créée par l’amour. Et la paix elle-même permit la création de l’organisme, intérieur et extérieur, de l’Église. Par l’action de la paix du Christ c’était comme si tous les croyants avaient un seul cœur, rempli d’une totale unanimité dans la foi, de simplicité et de joie spirituelle. Et la paix intérieure se manifestait à l’extérieur: tous les croyants se tenaient ensemble, ensemble dans l’enseignement des apôtres, dans la communion de la rupture du pain, et des prières. Tout ce qui était matériel se trouvait dans le patrimoine commun et chacun dans la communauté y puisait seulement à la mesure de ses besoins et nécessités.
La paix créa, la paix purifia le jeune organisme de l’Église des impuretés du péché et affermissait l’unité de cœur des croyants. Elle répandait la puissance de la grâce qui, involontairement, incitait le peuple à aimer l’Église du Christ. L’assistance incessante de l’aide de Dieu dans la conversion des païens à la foi du Christ était le signe manifeste de la véritable vie en Christ, créée et manifestée dans le monde. «Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Église ceux qui étaient sauvés » (Actes 2,47).
La paix bénie qui régnait dans la communauté des premiers chrétiens agissait de façon pacificatrice sur le cœur des peuples païens. Ceux-ci ayant longtemps vécu dans l’agitation intérieure de leur cœur, recherchaient cette paix particulière qui vient d’En-haut, et lorsque cette paix fit son apparition au sein de la communauté des chrétiens, ils furent attirés par cette paix et acquirent le calme dans leur âme.
L’unité intérieure des membres de l’Église parlait d’elle-même, sans qu’il fût besoin de preuve extérieure, de la existence de Dieu parmi les chrétiens. La paix de l’Église fut l’un des facteurs primordiaux des prédications au sujet du Christ et de la véracité de Ses enseignements.
C’est dans cette paix que les héros de l’ascèse de l’ Église atteignirent la perfection spirituelle. Voilà les caractéristiques positives de la paix en l’Église. On peut résumer cela en quelques mots : dans la paix tranquille, la vie pieuse selon la foi nous assure tous les biens, temporels et éternels. Et dans la mesure même où nous préserverons cette paix et observerons les commandements de Dieu, le Seigneur, en Sa Divine Providence, nous protégera dans la demeure du bien, nous gardera de la pierre d’achoppement du péché, réalisera nos bons souhaits et nous donnera tous ce dont nous aurons besoin pour vivre.
Quant à la division, elle est tout à fait différente. Si la paix en l’Église est considérée comme une manifestation positive de la vie de l’Église, la division est ce qu’il y a de plus négatif.Tout ce qui avait été acquis et construit avec tant de difficulté dans l’environnement de l’Église, empreint de paix, fut mis en danger et détruit par la division. Si la paix témoigna de l’existence de la grâce et de l’amour divins parmi les membres de l’Église, la division témoigna du contraire: de l’absence de cette grâce et de cet amour. La paix créa l’organisme de l’Église, et la division détruisit et réduisit le nombre de personnes dans l’Église. Les divergences d’opinion dans la foi et dans l’observance dans l’Église des règlements et décrets des Pères de l’Église, menèrent à la raréfaction de la grâce Divine et à la dissociation de la communauté, à l’appauvrissement de la piété, à la perte de la crainte de Dieu et formèrent obstacle à la propagation de l’Évangile du Christ.

L’histoire de l’Église témoigne clairement de ce que les divisions influencèrent négativement la vie des chrétiens, non seulement de chacun d’entre eux séparément, mais de leur communauté toute entière. Sous l’influence de la divergence d’opinion, les uns quittèrent le chemin commun du salut et retournèrent à leur ancienne vie pécheresse, tandis que d’autres, quittant l’organisme de l’église, créèrent leurs communautés toujours plus du chemin de vérité. L’histoire de l’émergence des hérésies, des schismes et des sectes prouve tout cela de façon irréfutable. Chez nous, en Russie, au début du XXe siècle, survint le schisme, si affligeant pour l’Église, des novateurs et les divisions suscitées par des porteurs d’autres idées ecclésiastiques divergentes.
Sous l’influence de ces divergences d’opinions la paix entre les croyants disparut, l’amour s’épuisa, la foi s’appauvrit, on perdit la crainte de Dieu, il ne resta plus de place pour l’obéissance et l’humilité, et l’action de la grâce de l’Esprit Saint sur l’homme se réduisit. Les gens attachèrent peu de soins la prière, et peu d’attention à l’œuvre de leur salut, à purifier leur esprit et leur cœur des passions. Les bonnes actions leur importaient peu, ni encore le perfectionnement spirituel.
Voilà les tristes fruits de la division en l’Église.
Traduit du russe

Higoumène Dovmont (Beliaev). Dieu façonne des pierres pour former Son peuple. (2/3)

Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe publié le 1er novembre 2018 sur Pravoslavie.ru : un entretien de Pëtr Davydov avec l’Higoumène Dovmont Beliaev, Recteur de l’église de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, à la Forteresse d’Ivangorod, dans la région de Pskov. Cet entretien aborde certaines raisons des troubles intérieurs de l’homme, l’utilité de ceux-ci dans le processus d’élimination de la vanité, ainsi que l’attitude à adopter vis-à-vis d’eux. Cette deuxième partie aborde également les thèmes de la formation du clergé et de l’iconographie. La première partie du texte se trouve ici.

Aujourd’hui, s’offusquer est à la mode : «mon sentiment de croyant» est offensé à tout moment. Ou souvent, je m’offusque catégoriquement de tout ce qui ne me convient pas. Les raisons en sont légions. De quoi ne s’offusquerait-on pas? Par conséquent, je vois régulièrement que maintenant, l’attitude de la société envers l’Église, l’Église Orthodoxe russe, n’est même plus ce qu’elle était à l’époque soviétique ; on la considérerait plutôt comme une institution qui pour l’instant est encore tolérée. Parfois, on entend dire, avec mépris : «Ah voilà, vous vous offusquez encore! Vous n’êtes capables que de cela». Ces observation sont-elles correctes ou erronées, à votre avis?

Le Père Dovmont

Il me semble que ces griefs ne reposent pas sur des fondements raisonnables. Parce qu’on s’offusque quand on considère qu’un agissement est inconvenant. Mais le monde… et c’est souligné partout, dans les Saintes Écritures, dans les témoignages des saints, nous sommes prévenus : «Le monde gît dans le mal». Nous ne pouvons rien changer au fait que le péché et le mal soient dans le monde ; nous ne pouvons l’empêcher car c’est la conséquence de la peccaminosité du genre humain en tant que tel. Et le Christ n’a jamais dit : «On vous respectera dans le monde, on vous rendra honneur, tout le monde vous respectera et vous estimera, si vous marchez à Ma suite». Il a dit au contraire : «On M’a chassé, et on vous chassera. Si on avait observé Ma parole, on observerait la vôtre. Si vous étiez de ce monde, le monde aimerait les siens, mais comme vous n’êtes pas de ce monde, le monde vous haïra. Sachez qu’il M’a haï avant vous, et tenez bon, car J’ai vaincu le monde». Lire la Suite

Higoumène Dovmont (Beliaev). Dieu façonne des pierres pour former Son peuple. (1/3)

Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe publié le 1er novembre 2018 sur Pravoslavie.ru : un entretien de Pëtr Davydov avec l’Higoumène Dovmont Beliaev, Recteur de l’église de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu, à la Forteresse d’Ivangorod, dans la région de Pskov. Cet entretien aborde certaines raisons des troubles intérieurs de l’homme, l’utilité de ceux-ci dans le processus d’élimination de la vanité, ainsi que l’attitude à adopter vis-à-vis d’eux et la nécessité d’être calme et patient envers ceux qui nous sont désagréables, car tout ce que nous ne savons pas n’est pas forcément mauvais. Cette première partie illustre entre autres les pièges de l’ennemi.

Batiouchka, pourquoi y a-t-il dans l’Église terrestre des passions mondaines si abjectes? Et pourquoi sont-elles ressenties plus douloureusement dans l’Église que dans le monde? Et surtout, comme lutter contre elles? Que faire?
La raison en est que l’Église est un organisme divino-humain : Dieu Lui-même, notre Seigneur Jésus Christ, en est la tête, mais elle est formée par les gens, par ceux qui vivent, par des pécheurs qui se repentent… Lire la Suite