Le moine Théraponte et l’averse printanière

Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe de Madame Elena Dechko publié le 4 mai 2023 sur le site Pravoslavie.ru Инок Ферапонт и весенний ливень. Ce texte fait référence à un des trois jeunes moines d’Optino Poustin’ qui, le 04/18 avril 1993, alors que la Liturgie de Pâques venait de se terminer, à la pointe de l’aube, furent assassinés par l’ennemi du genre humain, le Père Vassili et les moines Théraponte et Trophime, devenus les plus récents «néomartyrs d’Optino». Ils n’ont pas encore été glorifiés, mais les miracles opérés par leur intercession ne se comptent plus.

Voici quinze ans, Ania entrait dans le monde de la foi. Très vite, elle tint en ses mains le livre «Pâques rouge» de Nina Pavlova, consacré au Désert d’Optino, aux premières années de sa restauration et aux trois moines assassinés le jour de Pâques, le hiéromoine Vassili, et les moines Trophime et Théraponte. Ania lut le livre plusieurs fois à la suite, sanglotant comme une néophyte. (Mais qui n’a pas versé de larmes en lisant ces pages?). Tout cela la pénétra si profondément qu’elle finit par considérer les trois moines comme des membres de la famille, littéralement comme les grands frères avec lesquels elle avait passé toute son enfance. C’est surtout le moine Théraponte qui était du goût de son âme, celui dont on dit qu’il enfonçait sa skoufa si profondément sur ses boucles blondes qu’on ne lui voyait plus les yeux.

Lors d’un jour de mai clair et doux, Ania rendit visite à une amie qui venait tout juste de se marier, et qui vivait dans une des ruelles croisant l’Arbat. Elles restèrent longtemps à boire le thé et à discuter de tout le monde, assises dans une pièce aux très hauts plafonds et aux grandes fenêtres profondément «enfoncées» dans l’épaisseur du mur, contenant des meubles inhabituels, même pré-révolutionnaires et même un lustre ancien, incroyablement beau, suspendu au-dessus de la table ronde. Finalement, Ania se prépara à rentrer chez elle.
Excuse-moi, mais j’ai l’impression que je ne vais pas t’accompagner, dit son amie. Quelque chose m’a fatiguée et je vais me coucher et faire une sieste, peut-être, jusqu’à ce que mon mari rentre du travail.
Bien sûr, repose-toi!, acquiesça Agnia. D’ailleurs, pourquoi m’accompagner, je peux très bien marcher seule jusqu’au métro.
Elles prirent congé, Ania traversa le porche d’entrée et se retrouva devant la rue,… sous la pluie! Et quelle pluie, il en tombait vraiment des seaux! Plongées dans leur conversation, les amies n’avaient pas fait attention à ce qui se passait au-delà des fenêtres, et la pluie était «ensoleillée», c’est-à-dire que le soleil brillait et que la pluie s’abattait abondamment.
La porte d’entrée était surplombée d’un petit auvent, joliment soutenu des deux côtés par des boucles en fer forgé, mais Ania devait se reculer et s’adosser à la porte, pour se mettre à l’abri de cette douche inattendue. Debout, elle sentait la poignée de porte dans son dos, et perplexe, elle pensa: que faire? La pluie tombe uniformément et avec force, il est vraiment clair qu’elle ne va pas arrêter dans les moments qui suivent. Le métro ne se trouvait pas à une grande distance, mais y marcher sous une averse pareille, ce n’était pas possible ; elle serait trempée jusqu’aux os au bout de vingt pas. Il était malaisé de retourner auprès de son amie puisque celle-ci avait fait part de son intention de se coucher et de se reposer; elle devait déjà somnoler. Elle passa dix minutes à laisser ses pensées parcourir ce dédale, et la pluie n’avait fait que se renforcer. Que faire?
Ania regardait cette eau vivifiante qui coulait du ciel: comme elle lavait le jeune feuillage des arbres, scintillait toute rose dans les brisures des rayons du soleil, les gouttes frappaient comme des boules élastiques sur l’asphalte, se pulvérisant en de minuscules fontaines au moment du contact, et les pensées d’Ania revirent à «Pâques rouge». Très récemment, Ania l’avait relu, et l’histoire ne lui sortait pas de la tête.
«On dit que les trois moines d’Optino aident ceux qui s’adressent à eux, et même aux demandes domestiques les plus ordinaires, ils ne refusent pas leur aide. Jusqu’à “envoyer” des assistants pour bêcher le jardin ou coller le papier peint. Ou retrouver un chat disparu. Et si je demandais maintenant l’aide du Moine Théraponte? Aide-moi donc, Père Théraponte, à aller jusqu’au métro. Eh bien, comment pourrait-il aider dans pareille situation? Va-t-il faire cesser la pluie?». Ania leva les yeux vers le ciel et observa de près si les courants de nuages qui passaient avec précipitation s’affaiblissaient. Mais la pluie ne se calmait pas, au contraire: des bulles se formaient sur les flaques d’eau, ce qui est considéré comme une preuve solide de la persistance de l’averse. «Mouais… Visiblement, le Père Théraponte n’est pas en mesure d’interrompre une telle averse…».

Saint Néo-martyrs d’Optina, Vassili, Théraponte et Trophime, priez pour nous!

Soudain, quelqu’un frappa à la porte derrière son dos, tentant de l’ouvrir, et l’amie apparut sur le seuil, tenant à la main un grand parapluie bleu. Elle s’écria : «Mais tu es restée plantée là tout ce temps?! Je me suis allongée sur le sofa, sans parvenir à m’endormir, et j’ai décider d’aller au magasin acheter du lait. Mon mari aime beaucoup en verser dans son thé. Allons, viens, je t’accompagne jusqu’au métro!» Elle déploya un immense parapluie d’homme, et les deux amies, enjouées pour une raison inconsciente, avancèrent à grands pas parmi les flaques, sous l’accompagnement joyeux de la tiède et persistante averse printanière.
Traduit du russe
Source

Les néomartyrs de l’Église Russe et la pureté de l’Orthodoxie (3)

Le texte ci-dessous est la traduction de la troisième partie d’un original russe écrit par l’Archiprêtre Alexandre Chargounov et publié le 4 février 2022 sur le site Pravoslavie.ru. Se référant à l’histoire récente de la Russie, Père Alexandre pose un regard sur les éléments caractéristiques de nos temps derniers et rappelle les jalons qui permettent aux Orthodoxes qui le souhaitent de vivre cette époque dans la fidélité authentique à la voie tracée par notre Seigneur Jésus Christ. Le titre de l’article original russe a été conservé.

Parmi les autres questions très importantes concernant les nouveaux martyrs et confesseurs de la foi, je voudrais attirer l’attention sur deux d’entre eux, constamment discutés par les Orthodoxes.
Premièrement, il s’agit de la glorification des martyrs qui se sont manifestés à notre époque. Tout le monde connaît la parole des saints pères selon laquelle quiconque n’honore pas les martyrs contemporains, n’honore pas non plus tous les autres martyrs et ni tous les saints, ni le Christ Lui-même, Dieu merveilleux dans Ses saints. Nous comprenons que, dans certains cas, des recherches approfondies soient nécessaires. Mais quelles recherches supplémentaires sont nécessaires lorsque, peut-on dire, toute l’Église est témoin des souffrances des nombreux martyrs et confesseurs de la foi de notre époque? Lire la Suite

Le Père hiérodiacre Héliodore au Désert d’Optino (4)

Le texte ci-dessous est la dernière partie de la traduction d’un article original rédigé en mémoire du Père Hiérodiacre Héliodore (Gaïriants)par Madame Olga Rojniova et publié sur le portail Pravoslavie.ru le 10 novembre 2020. Le texte propose cette introduction : Mes amis, notre cher Père Héliodore s’en est allé. Il est parti le 26 octobre, fête de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron, alors que retentissent devant le trône de Dieu les paroles d’action de grâce à Celle Qu’il aima et vénéra tant au cours de toute sa vie monastique : Réjouis-Toi, bonne Gardienne de la Porte, Qui ouvre la porte du paradis aux fidèles !
Le neuvième jour est déjà là et tous nous avons l’impression, en arrivant à Optino, que le Père Héliodore est là, qu’il lit l’acathiste, proclame les louanges à la Très Sainte Mère de Dieu, entouré, comme d’habitude par les pèlerins, par ses enfants spirituels… Souvenons-nous de lui.

Au Désert d’Optino

Et George se retrouva à Optino en 1989. En 1990, il reçut la tonsure monastique des mains de l’archimandrite Euloge (Smirnov, futur métropolite de Vladimir et de Souzdal; 1937-2020) et le nom de Théophile, «qui aime Dieu». Sa première obédience fut d’assister l’économe. La même année, lors de l’Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu, il fut ordonné hiérodiacre par le Patriarche Alexis II. En 1994, lors de la fête de l’Annonciation, il reçut le schème en l’honneur du Saint Hiéromartyre Héliodore de Magydos (en Pamphylie) des mains de l’Archimandrite Benedikt (Penkov; 1939-2018), supérieur du Désert d’Optino. Lire la Suite

Le Père hiérodiacre Héliodore : «Vous pouvez me chasser!» (3)

Le texte ci-dessous est la troisième partie de la traduction d’un article original rédigé en mémoire du Père Hiérodiacre Héliodore (Gaïriants)par Madame Olga Rojniova et publié sur le portail Pravoslavie.ru le 10 novembre 2020. Le texte propose cette introduction : Mes amis, notre cher Père Héliodore s’en est allé. Il est parti le 26 octobre, fête de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron, alors que retentissent devant le trône de Dieu les paroles d’action de grâce à Celle Qu’il aima et vénéra tant au cours de toute sa vie monastique : Réjouis-Toi, bonne Gardienne de la Porte, Qui ouvre la porte du paradis aux fidèles !
Le neuvième jour est déjà là et tous nous avons l’impression, en arrivant à Optino, que le Père Héliodore est là, qu’il lit l’acathiste, proclame les louanges à la Très Sainte Mère de Dieu, entouré, comme d’habitude par les pèlerins, par ses enfants spirituels… Souvenons-nous de lui.

Le Père Héliodore se souvenait:«je m’attachai au starets et restai à ses côtés pendant quatre ans. Avec lui, nous rendions visite à tous les startsy. Je les soignais, leur lavais les genoux, massais leurs plaies».
«Batiouchka Cyrille me bénit pour aller à Optino»
«Quand j’ai choisi la voie monastique, je suis entré à la Laure de la Trinité-Saint-Serge. J’y ai accompli mon obédience auprès du Starets Cyrille (Pavlov) pendant quasiment quatre ans, de 1985 à 1989». Je pensais donc que j’allais rester à la Laure, mais un jour, Batiouchka Cyrille me dit:
– «Attends encore…»
L’année 1989 commença et il me bénit pour aller à au Désert d’Optino. Il m’appela et me dit :
– «Georges, demain, tu iras à Optino»
– «Quel Optino?!», m’inquiétai-je.
Batiouchka me répondit :
– «Le Désert d’Optino, c’est un monastère, dans l’Oblast de Kalouga près de la ville de Kozielsk.»
-«C’est quoi, Kozielsk?», pensai-je. «Il y a là un un bouc [Jeu de mot entre Kozielsk et ‘Koziol’, qui signifie bouc, chèvre. N.d.T.], ou c’est un endroit plein de chèvres? Je n’en ai jamais entendu parler!». «Batiouchka, que le Seigneur soit avec vous! Mais quel Kozielsk? Où dois-je aller? Je n’irai nulle part!»
Le Starets Cyrille sourit:
– «Mais si, tu vas y aller, tu vas y aller! Il y a là un monastère… Pourquoi refuses-tu?»
– «Premièrement, parce que vous n’y serez pas!
Le Starets Cyrille répondit:
– «Il y aura le Père Elian!»
(L’Archimandrite du grand schème Élie était alors le Hiéromoine Elian.)
J’eus de nouveau une pensée pécheresse: «Comme si cet Elian pouvait être comparé au Starets Cyrille?»
Batiouchka Cyrille était mon premier confesseur. Je le fit remarquer au Père Cyrille. Et il sourit de nouveau :
– «Non et non, tu y vas!»
Je suis tombé à genoux devant lui:
– «Batiouchka, si vous voulez, vous pouvez me chasser, mais je n’irai pas!»
Je le regardai. Il baissa la tête et se tut. Il était irrité. Après cette pause, il me dit :
– «Alors bon, tu ne veux pas m’écouter. Eh bien, vas auprès de Saint Serge, dans l’église de la Trinité! Demande-lui ce qu’il a à te dire…» Lire la Suite

Comment Saint Nicolas répara la voiture du Père Héliodore

Le texte ci-dessous propose la traduction de l’histoire racontée par le Père Dyonisi Kouvaev et préparée par Madame Olga Rojniova. Le Père Dyonisi est le recteur de l’église de la Théophanie de Kozelsk (à proximité d’Optino), et il se souvient d’un épisode de la vie du Père Hiérodiacre Héliodore (Gaïrianits)d’Optino, grandement vénéré parmi le peuple russe. L’article est paru sur le site Pravoslavie.ru le 13 septembre 2021.

Abba Héliodore et l’acathiste à Saint Nicolas

Le Hiérodiacre du Désert d’Optino, notre Abba Héliodore (Gaïrianits 1947-2020) de bienheureuse mémoire, éprouvait une grande vénération envers Saint Nicolas le Thaumaturge. Il me téléphona un jour de semaine, au cours duquel aucun office n’était prévu. L’église où j’officie était fermée. Il me téléphona pour me demander d’ouvrir l’église : il devait venir d’urgence chercher l’un ou l’autre livre liturgique qu’il m’avait confié. Je me rendis à l’église et j’ouvris.
Batiouchka Héliodore arriva, sortit de sa voiture et me demanda soudain :
– Ainsi, Père Dyonisi, tu connais Saint Nicolas ?
– Évidemment !, répondis-je, tout en essayant de comprendre ce qu’il voulait, me disant qu’il me posait la question non sans raison… Lire la Suite

La Moniale du Grand Schème Maria et Optino Pustin’

Article publié sur le site Optina-pustin.ru le 15 janvier 2013, et initialement rédigé par Anton Jogolev, journaliste éditeur du magazine et du site internet Blagovest Samara, en 2000, moins d’un an après la mort (le 14 janvier 2000) de la Bienheureuse Folle-en-Christ et Moniale du Grand Schème Maria Ivanovna Matoukassova, l’une des grandes staritsy de la Russie contemporaine.
Les dernières années de la vie de la Bienheureuse Moniale du Grand Schème Maria furent été liées au Désert d’Optino. Si, son podvig initial de folle-en-Christ s’accomplit au vu et au su de tous, lorsqu’elle reçut le grand schème, en janvier 1998, c’est une service différent qu’elle rendit, celui d’intercéder par la prière pour le monde entier et, selon les paroles du velitchanié des saints moines, devenir «guide des moines et interlocutrice des anges». Cette période de sa vie est racontée par le Hiérodiacre Alexandre (Matioukhine), membre de la communauté monastique du Désert de l’Entrée au Temple d’Optino, écrivain spirituel, auteur d’un livre sur un ascète contemporain, le Starets Nikolas de Diveevo.

Estimez-vous que Maria Ivanovna a été acceptée au Désert d’Optino comme une femme de Dieu?
Matouchka Maria elle-même a répondu à cette question, avant de mourir, en quittant notre monastère… Les uns l’acceptèrent, les autres pas … Il y eut des admirateurs sincères de la Staritsa, et il y en eut beaucoup. Mais apparemment, ses prédictions et ses conseils ne recevaient pas d’acceptation unanime, ils étaient écoutés, mais pas mis en œuvre.
Mais quelle qu’ait été l’attitude de certains envers Matouchka, nous étions nombreux à éprouver le sentiment que toute la situation dans le monastère était dirigée par la Moniale du grand schème Maria. Elle restait calmement assise sur sa chaise, apparemment n’intervenait dans rien, se «faisait toute petite», de toutes les manières possibles, et pourtant toute la situation était entre ses mains. Le microclimat du monastère s’améliora notablement avec l’arrivée de la Staritsa chez nous. Lire la Suite