Saint Jean de Kronstadt. Prier la Très Sainte Mère de Dieu.

St Jean de Kronstadt

Le texte ci-dessous est la traduction du chapitre huit (paragraphes 86 à 94) du livre «Le Saint et Juste Jean de Kronstadt. Dans le monde de la prière. Extraits de ses écrits». (святой праведный Иоанн Кронштадтский. В мире молитвы. Выборки из его писаний), publié en 1988 par le Comité de la Jeunesse Orthodoxe Russe hors Frontières, en tant que contribution au millénaire du Saint-Baptême du Peuple Russe. Ce livre est constitué de 221 paragraphes relatifs à la prière, extraits des œuvres écrites de Saint Jean de Kronstadt, d’une notice biographique et d’une homélie inédite au moment de la publication du livre. Le Saint et Juste Jean de Kronstadt, propose en ces paragraphes de merveilleux enseignements, authentiques guides dans notre cheminement vers le salut.

§86. Quand vous voulez commencez à prier la Très Sainte Reine et Mère de Dieu, avant la prière, vous devez être fermement convaincu que vous ne prendrez pas congé d’Elle Sans avoir reçu Sa grâce. Lire la Suite

Le Métropolite Ioann (Snytchev). Le silence du cœur

Écrits

Le texte ci-dessous est la traduction d’une homélie de Son Éminence le Métropolite Ioann (Snytchev) de Saint-Pétersbourg et Ladoga, de bienheureuse mémoire, prononcée en 1971. L’original russe a été publié dans le livre «La Voix de l’Éternité. Homélies et enseignements» (Голос вечности. Проповеди и поучения), publié à Saint-Pétersbourg en 1994, par les éditions Tsarskoe Delo, pages 65 à 69.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit!
Avez-vous déjà réfléchi, chers frères et sœurs bien-aimés, à ces questions: «Pourquoi, bien souvent, la paix de l’esprit ne règne pas dans nos cœurs? Pourquoi n’adoptons-nous pas l’une ou l’autre pieuse habitude qui nous disposerait à faire le bien?». Ces sont des questions très sérieuses, et il faut leur accorder toute l’attention qu’elles méritent. Pourquoi tout ce que nous voyons autour de nous se produit-il? Parce que, chers frères et sœurs, nous ne surveillons pas nos sens, ni notre vue, ni notre audition, ni encore notre bouche. Trop souvent, nous éparpillons nos sens vers les affaires de la vie quotidienne. Nous sommes pareils à une maison qui a une multitude de portes et de fenêtres. Si quelque chose de bon entre par une fenêtre, très vite, sans s’attarder, elle s’en va par une autre fenêtre ou porte ouverte. Ainsi, rien de bon ne demeure dans nos cœurs.
Quand une lampade est allumée dans notre maison, si nous ouvrons des fenêtres et créons un courant d’air, alors le vent éteint la petite flamme. Et nous devons recommencer à faire tout ce qu’il faut pour allumer le luminaire, et puis le courant d’air éteint une fois encore la lampade. Voilà ce qui se produit en nos cœurs quand nous donnons libre cours à nos sens, la vue, l’audition, la parole, pour appréhender la vie humaine si agitée. Surveillez-vous et vous comprendrez que c’est réellement cela qui se produit en nos vies.
Il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour trouver un exemple. Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, nous sommes venus à l’église et y avons glorifié le nom grand et saint de la Trinité, et aussi la Très Sainte Mère de Dieu et les Saints du Christ. Et il me semble que ce que nous avons reçu avec vous ici, à l’église, pendant la liturgie, nous devrions l’enfermer fermement dans notre cœur, et ne pas admettre dans ce dernier quelque chose d’étranger qui pourrait en éliminer ces dons de la grâce. Mais, hélas, nous ne possédons pas ce verrou! Et à peine franchissons-nous la clôture de l’église, que les portes de notre âme s’ouvrent à tout, sans discernement. Nous dénouons notre langue, ouvrons nos yeux et nos oreilles afin de tout voir, parler de tout, commérer, examiner notre prochain à la loupe, demander qui était où, qui a vu quoi, qui a entendu quoi.
Et en conséquence, en raison de cette intempérance de nos sens, tout ce que nous avons acquis à la fin de l’office s’érode progressivement et, comme une lampade, est éteint par un courant d’air. Les bons sentiments reçus au cours de l’office s’éteignent dans nos cœurs. Parce que, frères et sœurs bien-aimés, nous ne créons rien dans nos cœurs! Nous ne sommes jamais silencieux en nous-mêmes, nous nous adressons toujours à nous-mêmes ou aux autres, mais pas à Dieu, et nous sommes toujours dans l’oisiveté, c’est-à-dire que nous ne travaillons pas à notre création, mais à notre perte. Voilà le genre de calamité qui s’opère dans nos cœurs à cause de l’inattention, à cause du désordre des sens. Mais les grands héros de l’ascèse de la piété aspiraient au silence dans leur cœur. Beaucoup ne comprennent pas de quoi il s’agit.
Qu’est-ce que le silence du cœur? C’est un état très élevé du domaine de l’esprit de l’homme. C’est une état élevé. Peu de pieux héros de l’ascèse ont atteint une telle hauteur. Le silence du cœur, c’est comme si l’homme s’isolait intérieurement dans son cœur, et par son regard spirituel, se trouve dans un état d’effroi et de crainte révérente devant la face de Dieu. Pour lui le monde extérieur n’existe plus. Il ne reste que lui et Dieu. Voilà de quoi il s’agit quand on parle de silence du cœur ; c’est quand plus aucune pensée ne s’élève dans le cœur, plus le moindre mouvement pécheur, rien qui puisse affecter le calme et la contemplation intérieure de Dieu le Verbe.
Je vais vous proposer un exemple remarquable de la vie d’un authentique serviteur de Dieu qui a atteint le silence du cœur.
Un héros de l’ascèse, l’Égyptien Apollos, avait un disciple nommé Isaac. C’était un novice à la grande obéissance, qui avait atteint les hauteurs de la perfection spirituelle. Isaac avait aussi acquis l’humilité, la douceur, et, plus important encore, le silence du cœur. Il chérissait particulièrement ce don au moment de l’offrande du sacrifice non-sanglant, c’est-à-dire, pendant la Divine Liturgie. Quand il devait se rendre dans l’église de Dieu, il ne parlait plus à personne. Quelle que soit la question qu’on lui adressait, il gardait le silence. Isaac fermait les yeux et sur ses lèvres apposait le sceau du silence. Entrant dans l’église, il ne se comportait pas comme la plupart d’entre nous. Au lieu de prier, nous réfléchissons bien souvent à des choses accessoires ; nous avons vu ceci, entendu cela, dit ceci à l’un, cela à l’autre, celui-ci à péché en ceci, celle-là en cela, et en fin de compte, nous passons du bon au mauvais. Mais le grand héros de l’ascèse Isaac, quand il se présentait pour la Divine Liturgie, se plongeait dans la pensée de Dieu. C’était comme si il s’approchait de la table mystique du Christ et participait à la Dernière Cène avec les Apôtres. Et quand l’office se terminait, Saint Isaac, comme brûlant d’une sorte de feu, se hâtait vers sa cellule. Il arrivait qu’après la liturgie, les frères reçoivent un morceau de pain sec et un petit bol de vin. Jamais Isaac ne participait à cela. Non parce qu’il méprisait les dons reçus de Dieu, mais pour préserver en son cœur le silence de la grâce. Il se précipitait dans sa cellule et se plongeait de nouveau dans une profonde contemplation, car il sentait en son cœur la présence du Christ Sauveur.
Un jour, Saint Isaac tomba malade et s’alita. Les frères se rassemblèrent autour de lui et lui demandèrent : «Abba Isaac, dis-nous, s’il-te-plaît, pourquoi tu nous fuis!». Le saint répondit : «Ce n’est pas vous que je fuis, frères, mais les subterfuges démoniaques».
Voilà comment, frères et sœurs bien-aimés, Saint Isaac protégeait le silence de son cœur! Voilà comment les héros de l’ascèse s’efforçaient de surveiller leurs sens.
Si nous éclaircissons ces choses en y réfléchissant et gardons dans notre cœur la signification du silence du cœur, nous aurons certainement accompli un premier bon pas dans la direction de la surveillance de nos sens, de la protection des dons de la grâce que nous recevons non seulement pendant les offices divins, mais en tout temps et en toute heure.
Ne vous livrez donc pas, frères et sœurs bien-aimés, aux vaines paroles, aux plaisanteries, à la rigolade et aux écarts, car tout cela génère le désordre intérieur.
L’oisiveté et le désordre intérieur ouvrent nos portes spirituelles et tout ce qui est bon est balayé comme dans un tourbillon. Vérifiez vous-même et vous verrez qu’il en est ainsi et pas autrement. Quand vous aurez vérifié et serez convaincus de ce que l’oisiveté et le désordre intérieur causent la dévastation de notre cœur, y ravageant les vertus, alors, Dieu veuille que petit à petit vous commenciez à œuvrer à la surveillance de vos sens. Et à mesure que nous réussirons dans cette vertu, nos fenêtres spirituelles tiendront fermement et seront closes par des verrous costauds, et ce qui sera déposé dans nos cœurs par la grâce divine s’affermira à l’intérieur et sera en sécurité, hors de l’influence du monde extérieur.
Le bien s’édifiera, grandira, communiquera une chaleur particulière, détruira la discorde intérieure, les querelles intérieures dans les pensées et les sentiments, et le silence divin s’établira, qui nous aidera dans la pureté, dans la prière, dans les vertus.
Que Dieu vous bénisse pour ce premier pas dans la bonne direction, pour que vous parcouriez sans faiblir la voie du salut, et atteigniez la vie éternelle en notre Seigneur Jésus Christ, à qui reviennent, ainsi qu’au Père et à L’Esprit Saint, l’honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
Traduit du russe

Source :

Saint Luc de Crimée. La constance dans la prière.

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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La version russe de l’homélie ci-dessous fut mise en ligne le 24 août 2020, sur le site internet de la paroisse du Saint Archevêque et Confesseur Luc de Crimée, à Ekaterinbourg. L’homélie fut prononcée en 1957.

Il n’est pas rare qu’on me demande, dans des lettres ou lors d’entretiens, d’apprendre comment prier. La première chose que je réponds à pareille demande, c’est qu’il est nécessaire d’être persévérant dans la prière. Il y a beaucoup de gens qui se souviennent de prier Dieu quand ils reçoivent la visite de l’un ou l’autre malheur, d’une affliction pénible, mais qui d’habitude ne Le prient pas du tout. Pareilles prières sont peu susceptibles d’être écoutées par Dieu. Lire la Suite

Archimandrite Raphaël (Kareline). Le chotki, retour du fils prodigue.

L’Archimandrite Raphaël est un défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Le texte ci-dessous est la traduction d’un original du Père Archimandrite Raphaël (Kareline), proposant une description poétique et spirituelle du chotki, et mis en ligne sur le site Pravoslavie.ru, le 20 janvier 2010. Quelques éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici.

Les chrétiens portent au poignet un fil d’or orné de perles inestimables, pour une desquelles le marchand de l’Évangile vendit sa propriété et acquit une richesse plus grande que les trésors de l’Empire. Ce cercle d’or est le chotki. Le cercle signifie symboliquement l’éternité. À travers le chotki, l’âme de l’homme entre en contact avec le monde spirituel, où l’éternité remplace le temps.
Le cercle symbolise l’infinité. Le chotki est le début du chemin spirituel, qui jamais ne se termine; il n’existe ni limite ni frontière au rapprochement de l’âme vers Dieu. Le chotki est la voix silencieuse de l’ange gardien qui éveille l’âme à la prière, l’âme plongée dans les images du monde éphémère et dans les rêves pénibles. Le chotki est le clocher silencieux qui appelle dans notre cœur nos pensées tournées vers le monde extérieur, comme le clocher de l’église appelle les gens à la prière dans l’église. Lire la Suite

L’icône de la Très Sainte Mère de Dieu du Buisson Ardent

Photo : I.N. Kharine

Le texte ci-dessous est traduit du site russe drevo.ru, «Encyclopédie orthodoxe ouverte». Il fournit quelques informations au sujet d’une des très nombreuses icônes de la Très Sainte Mère de Dieu. Elle est fêtée en Russie aujourd’hui 4/17 septembre. En outre, suite à la difficulté d’en trouver des versions françaises, le texte ci-dessous propose une traduction du tropaire du ton 4 et de la prière qu’on lit devant cette icône et dont les originaux sont en slavon. Cette traduction est une traduction libre et ne bénéficie d’aucun aval. Qu’il en soit fait le meilleur usage pour la gloire de Dieu et de Sa Mère Toute Sainte.

Description
Cette icône représente la Très Sainte Mère de Dieu dans l’une de ces images archétypiques recensées dans l’Ancien Testament : le Buisson ardent, buisson qui brûle sans se consumer et dans lequel Dieu apparut à Moïse. Le buisson qui brûle sans se consumer signifie la conception immaculée du Christ, de l’Esprit Saint, par la Très Sainte Mère de Dieu, par laquelle Celle-ci devint Mère de Dieu tout en demeurant Vierge. Il existe une autre lecture de l’archétype : la Très Sainte Mère de Dieu, enfantant dans le monde des pécheurs, demeura étrangère au péché.
Souvent nous rencontrons un modèle plutôt récent, symbolique et allégorique de la Très Sainte Mère de Dieu du «Buisson Ardent». Sur l’icône, on peut voir une étoile à huit pointes entourant l’image de la Très Sainte Mère de Dieu et de l’Enfant-Christ. L’étoile est composée de deux quadrilatères pointus aux bords concaves, dont l’un est de couleur rouge, l’image de la flamme, et l’autre, de couleur verte, celle de la verdure du mystérieux buisson. Lire la Suite

Archimandrite Raphaël (Kareline) : le saint, rencontre de deux personnes (3/3)

L’Archimandrite Raphaël est un défenseur ardent de la Tradition de l’Église. Il a consacré une grande partie de sa vie longue de 90 ans ainsi que la majeure part de sa production littéraire foisonnante à la défense des dogmes et à la façon de les mettre en œuvre dans la vie de l’Église et du chrétien. Le texte ci-dessous est la traduction de la troisième partie d’un original dû au Père Archimandrite Raphaël (Kareline), et extrait de son livre »Le Souffle de Vie» (Дыхание жизни), publié en 2007 par les Éditions de l’Éparchie de Saratov et repris par la suite sur le site Pravoslavie.ru. Il s’agit, comme son titre l’indique, d’un examen approfondi de la notion de sainteté, mais aussi de l’essence de la prière. Le début du texte se trouve ici. Des éléments de biographie de l’Archimandrite Raphaël sont accessibles ici.

Nous ne sommes pas du tout opposé à la tradition liturgique ni même aux coutumes qui ont un fondement solide. Mais ici, il s’agit simplement d’une destruction de la tradition en tant que transfert de connaissances dans le courant de la vie de l’Église, du remplacement de la tradition par des spéculations individuelles. Le saint est lié à Dieu comme un rayon l’est au soleil, non par sa nature, mais par la grâce; et chaque saint a sa propre audace de prière envers Dieu. Ces nombreux manuels avec leurs recommandations et recettes, inventées pour la plupart à la table de travail, sont l’occasion de critiques aiguës et injustes de l’Orthodoxie de la part de diverses sectes, en particulier protestantes. En fait, ce n’est pas un enseignement de l’Église, mais un produit de consommation. Les saints ont pu demander des dons spéciaux à Dieu, mais alors nous voulons entendre leur propre témoignage en la matière, conservé dans l’hagiographie et la liturgie, et non l’opinion de ceux qui leur collent un certain «type d’activité» et un «caractère» particulier à leurs miracles.
La prière est communion. Mais ici, l’idée de cette communion en tant que contact avec une nouvelle vie, sanctification par la grâce, en tant que rencontre de deux personnes vivantes se ternit et s’estompe: le saint doit faire une chose concrète, fournir l’aide que le manuel lui prescrit, et il devient superflu si le mouvement d’aide ne se reproduit pas. Et peu de gens réfléchissent à ce qui arrive dans la conscience de l’homme, à quoi le nom du saint est associé. Les Saints Pères ont écrit qu’en louant la vertu, nous devenons participants à la vertu, que la prière est l’un des moyens de ressembler à celui à qui elle est adressée. Maintenant, la prière perd progressivement sa profondeur mystique : « celui qui n’est pas nécessaire perd sa personnalité».
Ces derniers temps on a vu apparaître aussi beaucoup de prières composées par des inconnus, et qui sont difficilement qualifiables de prières. Elles sont écrites au niveau du mental et des sentiments; leur style ne répond absolument pas à la dynamique interne de la prière. Si nous les comparons aux prières de l’Église, nous verrons qu’elles sont quelque chose de semblable à des réflexions, des méditations ou des poèmes, et le plus souvent, pas de la meilleure des qualités.
Dans les livres des prières de l’Église, l’âme peut se retrouver, elles transmettent l’expérience mystique des saints, son expression verbale. Cette expérience est si profonde que la personne qui les lit s’y retrouve intimement. Ces prières sont l’effusion d’un cœur purifié par la grâce et qui, par conséquent, ressent plus intensément la pression hostile de la force démoniaque et la gravité du péché; elles contiennent une énorme tension spirituelle, mais en même temps il n’y a pas d’enthousiasme sensuel, de drame extérieur. C’est pourquoi, de siècle en siècle, elles ont été lues par les chrétiens orthodoxes, transmises de génération en génération; elles sont acceptables pour tout âge spirituel; héritées pour la plupart des anciens, elles ne deviennent jamais obsolètes, et passent d’esprit en esprit, noyau de la personnalité humaine. Alors que les prières, composées «pour les diverses occasions de la vie», adaptées à diverses circonstances et besoins, sont écrites par la raison et touchent donc l’âme, mais pas l’esprit. Ces prières, on les prie rarement, c’est-à-dire qu’on élève rarement l’œil de l’âme vers Dieu; le plus souvent, on les lit comme un enseignement sur ce qu’un chrétien doit faire, penser et expérimenter dans ce cas. Et cela réduit aussi le sentiment religieux. La prière, non seulement dans son contenu, mais même dans la structure de la phrase et l’arrangement des mots, reflète l’état interne de son auteur: et ici, dans ces prières écrites dans une veine narrative, avec une présentation détaillée de l’essence de l’affaire demandée à Dieu, on constate un évident glissement de l’esprit à l’âme. L’homme ne peut pas se retrouver dans de telles prières, il ne peut pas entendre en eux les consonances de son esprit. En lisant une telle prière, il «explique» à Dieu, et à lui-même, ce qu’il faut faire, mais il est peu probable que son esprit se réveille de sa sieste habituelle.
Par la prière, nous entrons dans l’Église Céleste, dans le champ de lumière de la grâce divine, nous surmontons nos limites de créature et nous amenons à la vie ce potentiel spirituel dans lequel l’image et la ressemblance de Dieu sont imprimées. Nous approfondissons et élargissons notre être, ou plutôt, pas nous, mais la force divine, à laquelle, par la prière, l’homme donne la possibilité d’agir dans son âme.
Certains se demandent: à quel sujet prier alors que Dieu sait mieux que nous ce dont nous avons besoin? Celui qui dit cela ne comprend pas l’essence de la prière. Dieu veut Se donner Lui-même à nous, comme le plus grand bien, mais ce don ne peut être accepté que par l’amour. Ce n’est pas Dieu que nous n’aimons, mais nous-mêmes. C’est la pire conséquence de la chute. Le fondement de la vie n’est plus Dieu, mais le soi. Par conséquent, nous devons tourner notre cœur vers Dieu, nous devons rechercher ce qui est perdu, recréer ce qui est détruit, sortir de la captivité des passions et des illusions qu’elles créent dans le monde de la vérité suprême que l’Évangile nous révèle.
Cependant, ce n’est pas notre nature corrompue qui peut véritablement le faire, mais la grâce divine. Seulement, la grâce veut que nous-mêmes, librement, par notre propre volonté, nous nous efforcions de l’acquérir, en lui soumettant notre esprit et nos sentiments. Et ici, il y a une interaction complexe entre la volonté humaine et la grâce, qui est difficile à saisir par la pensée et à conclure par la parole: «je ne peux pas, mais je décide; je suis impuissant, mais sans moi Dieu ne peut pas me sauver; je suis frappé par le péché qui est entré comme une maladie dans ma nature, mais sans l’aide de Dieu, je ne peux même pas penser au bien, et en même temps je suis responsable du mal que je fais, y compris de chaque parole fausse et chaque pensée impure. Puisque je suis responsable de ma propre âme et que ma conscience me dit que je fais le bien et le mal non pas par nécessité, mais arbitrairement, cela signifie qu’il y a quelque chose en moi qui se dresse au-dessus de l’abîme du péché dans mon âme. Ma volonté est corrompue, comme tous les sentiments, mais que reste-t-il en moi?».
Saint Maxime le Confesseur nous révèle qu’il existe deux volontés: l’une est la volonté naturelle et une autre, qu’il qualifie de volonté gnomique, et qui est la capacité de faire des choix. «Ce n’est pas moi qui d’abord cherche Dieu, mais c’est d’abord Dieu me cherche», et ici la réponse à l’appel de Dieu doit être donnée par la volonté gnomique: «Non pas “qui je suis”, mais “qui je veux être” et “Qui peut me sauver”». Se déploiera alors l’interaction de la grâce et de la volonté, appelée synergie. Mais ce mot peut être mal compris, dans un sens semi-pélagien. C’est pourquoi nous devons nous rappeler qu’il ne s’agit pas ici de l’interaction de forces égales, volonté et grâce. Ici, c’est la grâce qui accomplit: elle crée, sanctifie, donne de la force et renouvelle la nature humaine déchue, et la volonté est tournée vers la grâce comme seul moyen de salut. C’est une aspiration de soi à la grâce.
Imaginons le tableau suivant. L’homme est tombé dans un tourbillon qui le retient. Par lui-même, il est incapable de résister au mouvement de l’eau. Mais soudain, une corde lui est jetée du rivage, il la saisit des deux mains, et est tiré sur le rivage. L’homme ne pouvait pas être sauvé par ses propres forces, mais il a fait le bon choix: sans essayer de résister à l’eau qui le tordait comme un ruban, il a saisi la corde et l’a utilisée pour atteindre le rivage. Quelque chose de similaire se produit dans l’interaction de la volonté humaine et de la grâce. Le Seigneur, par amour pour nous, donne et retire ensuite Sa grâce, ou plutôt l’action apparente de la grâce. Elle semble se cacher de nous et agit en secret. Nous devons la chercher encore et encore, en voyant notre impuissance et en plaçant tout notre espoir en Dieu seulement. C’est ainsi que se forme la personnalité de l’homme. L’animal n’a pas de personnalité, mais seulement une nature: le genre, l’espèce et, à certains égards, l’individualité, c’est-à-dire la particularité. La personnalité n’appartient qu’à la divinité, aux Anges et aux hommes et femmes.
La relation mutuelle entre la grâce et la volonté se définit surtout dans la prière. Dans la prière, on se tourne vers Dieu pour s’adresser à Lui. Dans la prière, la grâce renouvelle l’image et la ressemblance de Dieu dans l’homme, c’est-à-dire, parlant le maladroit langage contemporain, qu’elle les active, les met dans un état dynamique, et la propriété de l’image de Dieu est de refléter en elle-même l’Image Originelle. Par conséquent, dans la prière, l’homme apprend à aimer Dieu. Mais l’amour spirituel est aussi une action et un don de la grâce. La prière est inséparable de la vie humaine. Si quelqu’un prie correctement, alors l’accomplissement des commandements de l’Évangile s’ouvre à lui comme la vraie vie, à travers eux il sent que le Seigneur est bon. La prière sans obéir aux commandements devient un travail stérile. En même temps, sans prière, il est impossible d’accomplir les commandements de l’Évangile, car le Seigneur a dit: Sans Moi, vous ne pouvez rien faire. Et encore une fois, quand on fait preuve de négligence à propos de l’accomplissement des commandements, la prière est semblable à un arbre planté sur un sol rocheux et il ne peut s’enraciner.
La prière est l’art le plus élevé, et en même temps la chose la plus simple, comme le babillage d’un enfant. Quand le petit enfant dit: «Maman», sentant sa présence, sa chaleur, il sent de toute son âme que sa vie est impossible sans sa mère. Dans la prière, la chose la plus importante est de ne pas perdre le sens de la présence de Dieu en tant que personne vivante. Quand il y a ce sentiment, il n’y a pas besoin de mécanismes externes à la prière, alors l’homme remercie le Seigneur pour le don même de la prière, pour le fait qu’il peut tourner l’œil de son cœur vers Celui que les Anges adorent avec crainte.
Traduit du russe

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