Le site internet du Saint Monastère d’Optina propose une bibliothèque en ligne fournie. On y trouve de nombreux ouvrages des startsy d’Optina et des recueils de leurs lettres et homélies. Parmi ces ouvrages on compte le recueil des lettres écrites par le Saint Starets et Confesseur de la foi Nikon d’Optina, dont le journal fait l’objet d’une traduction depuis des mois sur le présent blogue. Nous proposons ici la traduction du recueil de ces lettres de Saint Nikon. Il ne s’agit plus du Novice Nicolas, auteur du journal précité, mais déjà du Hiéromoine Nikon, qui a intégré et mis en pratique dans son podvig les enseignements de son starets Saint Barsanuphe d’Optina, héritier de la tradition du Désert d’Optina.
A tous ses enfants spirituels
Que les bénédictions de Dieu soient sur vous, mes enfants, et sur tous ceux qui me sont proches dans le siècle. Que le Seigneur Dieu vous garde tous sous la protection de Sa miséricorde et de Sa bonté.
Je peux vous dire à mon sujet que je suis vivant et en bonne santé. Jusqu’à présent, tout va bien. Je suis de plus en plus convaincu que le chagrin, dans le plein sens du terme, doit être compris non pas en ce que nous ressentons du chagrin extérieurement, mais en fonction de ce que nous ressentons et vivons dans notre âme. Si dans l’âme tout est paisible et calme, alors tout ce qui est extérieur peut être vécu facilement. Et je dois rendre grâce au Seigneur Dieu de ce que jusqu’à présent, la paix de l’âme ne me quitte pas. Je m’afflige pour vous, mais la conscience que tout s’accomplit selon la volonté de Dieu me console de cela. Tous nous sommes entre les mains de Dieu, vous comme moi. Ecrivez-moi au sujet de tout ce qui m’est cher, mais brièvement, pas plus d’une page. La règle concernant le courrier est pour nous la suivante : je peux recevoir plusieurs lettres par semaine, mais moi, je ne peux écrire plus d’une page par semaine à qui que ce soit (une lettre). A l’occasion, vous pourriez m’envoyer, s’il m’en reste, un ou deux linges de corps, car ici on ne doit pas s’attendre à une lessive fréquente. Et aussi ce qui est possible comme châle, pièce de toile ou de drap, ou autre tissu, pour le travail et d’autres usages. Ce qui restait chez moi, ou chez Boris, car chez moi, il restait peu. Vous pouvez acheter tout ce qui est comestible. Gloire à Dieu pour tout cela. Je me souviens de vous tous et prie pour vous tous. Je demande pardon à tous ceux auxquels je suis redevable d’argent, d’objets, de promesses non accomplies. Pardonnez-moi pour l’amour de Dieu.
[1929 Solovki?]
Au Père Kyrill (Zlenko)
Père Kyrill, vénérable dans le Seigneur !
Paix à toi, et bénédictions de Dieu. Je t’ai déjà adressé une lettre, je t’en écris une autre. Je n’ai rien reçu de personne chez vous. Visiblement, petite maman approche de sa fin. Avant, elle avait des moments de conscience, maintenant, elle n’en a plus. Elle m’a très bien reconnu le deuxième jour de mon séjour. Elle a souri très affectueusement et prenant ma main dans la sienne, elle l’a embrassée. Maintenant, elle n’ouvre plus les yeux et son cœur faiblit, sa respiration devient agitée. C’est pourquoi je pense rester encore quelques jours, attendre sa fin. Je me sens plutôt triste. Jamais je ne me suis senti si étranger à ma propre famille que cette fois. Je pense que cela se produit ainsi pour deux raisons. Ma petite maman est le lien qui unit tout le monde. Elle n’est plus parmi nous. C’est la première raison. L’autre, c’est que mon attitude ne trouve pas d’écho dans l’entourage. C’est comme si je n’avais encore jamais entendu ni participé à des conversations telles que celles que j’entends. Les vêtements des femmes sont outrageants, à la maison, dans les églises, dans les rues. Les enfants n’ont plus de conversations d’enfants. Mes parents selon la chair me sont étrangers en esprit. Il me semble que je n’aurais jamais pu vivre en famille, et pourquoi certains moines ou moniales me demandent mon pays d’origine ? Pourquoi ? Quel est le sens de cela ? O folie !
Et j’observe la ruse du malin. Tout d’abord, tout ce monde est contraire, puis l’homme s’habitue, puis il commence à l’aimer, car tout est orienté vers la sensualité propre aux hommes. Et l’homme prend la vie du monde pour la vie à laquelle il a abdiqué, qui apporte la mort spirituelle au moine.
La vie est pauvre à Kozelsk, et il y a aussi des gens à moitié vêtus, mais par rapport à Moscou, c’est une grâce, et surtout, il y a des gens de même âme, avec lesquels vous pouvez parler ouvertement.
Que le Seigneur vous garde tous. Paix et bénédictions de Dieu au Père Gerontii et à tous mes enfants spirituels. Êtes-vous tous vivants et en bonne santé ? Je prie pour tous, selon mes forces, et je demande à tous, et à toi, vos saintes prières. Pardonnez-moi.
Le pécheur Hiéromoine Nikon
8/21 juin 1926. Moscou
Mon bonjour à M.I.
A Son Éminence (l’Evêque Michée (Alexeev) d’Oufa et Menzelinsk, qui, retraité, vécut à Optina et ensuite à Kozelsk)
Votre Éminence,
Père miséricordieux, Monseigneur !
En pensées, je tombe à vos pieds, de tout cœur je vous demande vos prières de saint évêque et votre bénédiction épiscopale. Je vous adresse, saint Vladika, mon humble gratitude pour votre attention envers mon insignifiance, et pour votre amour. En rien je ne les ai mérités, et je les reçois de votre part comme une manifestation de la grâce de Dieu. Que le Seigneur vous sauve !
Ce qui m’est envoyé, je l’accepte avec soumission, comme la volonté de Dieu. Jusqu’à présent, le Seigneur m’a donné la force d’âme et de corps pour tout supporter. Je suis calme. Priez pour qu’à l’avenir, la miséricorde de Dieu ne m’abandonne pas. Priez aussi, saint Vladika, pour mes enfants spirituels ; ils s’affligent incomparablement plus que moi. Pour l’amour de Dieu, pardonnez tout, et dans vos prières, n’oubliez pas votre indigne serviteur, le pécheur hiéromoine Nikon.
[En exil, 1929?]
(A suivre)
Traduit du russe
Source
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.