Le site internet du Saint Monastère d’Optina propose une bibliothèque en ligne fournie. On y trouve de nombreux ouvrages des startsy d’Optina et des recueils de leurs lettres et homélies. Parmi ces ouvrages on compte le recueil des lettres écrites par le Saint Starets et Confesseur de la foi Nikon d’Optina, dont le journal fait l’objet d’une traduction depuis des mois sur le présent blogue. Nous proposons ici la traduction du recueil de ces lettres de Saint Nikon. Il ne s’agit plus du Novice Nicolas, auteur du journal précité, mais déjà du Hiéromoine Nikon, qui a intégré et mis en pratique dans son podvig les enseignements de son starets Saint Barsanuphe d’Optina, héritier de la tradition du Désert d’Optina.

A M. Ambrosia
Le Christ est ressuscité!
Une fois encore je te félicite, mon enfant, à l’occasion de la Lumineuse Fête, et j’appelle sur toi paix et bénédictions de Dieu. J’ai lu ta lettre à M. Valentina. Je ne sais si elle a répondu ou pas.
Mais je t’ai pourtant déjà écrit que le docteur a identifié la tuberculose, et de plus, pas au premier stade, mais déjà avancée. Je suis dérangé par la température qui reste élevée (38°, 39°), et à cause d’elle je suis faible et parfois sans appétit. La plupart du temps, je reste allongé. Je suis moi-même surpris comme tout a évolué rapidement et de façon inattendue pour moi. Maintenant, je me dis que les légers rhumes qui arrivaient et repartaient, semblait-il sans conséquence, étaient le début de ce que nous voyons aujourd’hui. Je vais rarement chez le médecin car je vis loin (six verstes), marcher m’est pénible, et c’est sans doute peu recommandable. Et il n’y a pas de cheval. Donc, je me contente de prendre les médicaments. Je tousse peu, quasiment pas. Tout mouvement m’épuise rapidement. Je me sens bien. Le Seigneur ne me prive pas de Sa miséricorde. J’ai tout le nécessaire. Je vis avec le Père Pierre. Il m’aide. Gloire à Dieu pour tout. Je m’en remets à la volonté de Dieu. Notre vie est entre les mains de Dieu. Pardonne-moi. Paix et salut de ton âme.
Le pécheur Hiéromoine Nikon
27 mars / 9 avril 1931
Pinega, village de Kozlovka.

A M. Ambrosia
Le Christ est ressuscité!
Paix à toi et bénédictions de Dieu, mon enfant M. Ambrosia. J’ai reçu tes deux lettres. Tu t’inquiètes au sujet de ma maladie et tu souhaites tout en connaître par le détail. Je t’ai déjà écrit. Mais je peux t’écrire encore.
L’appartement est suffisamment grand, mais peut-être un peu humide. Nous avons la nourriture habituelle : de la grosse soupe, des pâtes, du gruau, de l’huile carémique, et pour l’instant, encore un peu de beurre. J’ai une bouteille de lait chaque jour. Il y a du sucre. Bref, je ne souffre pas de faim. L’habitude est de manger une fois par jour. Mais on boit le thé deux fois par jour.
Il n’y a pas de supervision médicale. Ici, les médecins ne viennent pas, il faut aller soi-même à la consultation à l’hôpital, toujours en vitesse, et si ce n’était que ça. Mais vivant à six verstes de la clinique, je ne peux y aller. Il n’y a pas de cheval, donc, j’attends une occasion favorable pour y aller. Je suis allé chez le médecin une fois, et je lui ai demandé de me dire ouvertement de quoi il s’agissait. Il m’a dit que mes poumons étaient dans un mauvais état, c’est la tuberculose. Le plus important, c’est la température à 38°, 39°. Il a prescrit de la poudre de Dover et de la strophantine et des gouttes de valériane, 20 à la fois. Voilà, c’est tout. Je tousse rarement. Je suis rapidement épuisé. Je ne ressens pas de douleur.
La maladie a commencé de façon impromptue. Je me sentais en bonne santé, et je sortis déblayer la neige à la pelle autour de la maison. J’avais mal aux veines de ma jambe malade. J’ai continué à travailler et me suis sentis épuisé. Soudain toutes les veines ont commencé à être douloureuses, du ventre jusqu’aux orteils. Pour la première fois en quatre ans. J’ai mis des compresses et pris ma température : 40°. Une hémorragie se produisit. Les trois jours suivants, la température était presque normale. Soudain, j’ai senti des douleurs (des crampes) dans la poitrine, fièvre à 40°. Pas plus d’une semaine. Je suis resté allongé relativement longtemps, deux semaines, ou plus. Les veines cessèrent d’être douloureuses. L’hémorragie s’était arrêtée, mais la plaie s’était ouverte rapidement. Elle a disparu seulement voici peu de temps. Je n’ai pas retrouvé ma respiration d’avant, elle n’est plus aussi libre.
L’appartement est calme. Je vis au village de Kozlovka, avec le Père Pierre et le Frère Valentin (d’Oustioug). Ici, c’est quasi impossible d’acheter quoi que ce soit avec de l’argent. Les gens demandent des choses en échange, du drap, de la toile, etc. Il y avait ces grandes loques chez moi, et j’ai demandé qu’on me les envoie. Alors, je pourrais avoir des produits laitiers. Je ne sait que t’écrire d’autre.
Que le Seigneur t’aide et te guide sur le chemin de ton salut.
J’ai quelques tissus pour les échanges et je n’échange pas à mon détriment. La dernière fois, ils m’ont donné d’autres poudres car celles que je voulais, ils n’en avaient pas… Mais de façon générale, ici, ils n’ont quasi pas de médicaments. Je m’en remets à Dieu. Je suis plus calme quand je ne manifeste pas ma volonté. C’est pourquoi, je ne me suis pas encore décidé à demander quoi que ce soit, et je ne suis pas sûr qu’on y prêterait attention. Il semble qu’il y ait un jurisconsulte à Arkhangelsk. En tous cas, si cela te convient discute avec lui. Là non plus on n’arrive pas à obtenir des médicaments, on doit leur en envoyer quand c’est nécessaire.
Prions le Seigneur pour qu’Il nous sauve et nous aide dans nos malheurs et indigences, je ne vois aucun autre havre, aucun autre espoir. Les calculs humains sont vains et futiles, et erronés. Quand vient le moment d’endurer quoi que ce soit patiemment, avec peine, alors, tu sais que ce n’est pas ta volonté et tu reçois un allègement moral et la paix de l’âme. Que la volonté de Dieu soit faite et que le Seigneur ne couvre pas de honte notre foi par manque de fidélité à Sa volonté.
A Pinega, mis à part les rations, il est difficile de trouver des produits alimentaires, et celui qui ne reçoit pas de colis, c’est sûr qu’il se retrouve dans les problèmes et souffre de la faim. Il n’y a pas de petit magasin. Seul le système d’échange existe. On ne nous laisse pas à Pinega même, on nous envoie dans des villages loin à l’écart.
Celui qui est apte au travail, on l’envoie dans la forêt ou à d’autres travaux. Ceux qui possèdent des documents d’incapacité de travail, on ne les fait pas travailler mais on les envoie dans les villages. Le plus loin possible, mais parfois pas trop loin.
La poste fonctionne correctement. La ration que reçoivent ceux qui ne travaillent pas est évidemment insuffisante : 300 gr. de pain par jour, 600 gr de grains pour la kacha par mois, deux kilos de poisson par mois, du sel en suffisance, et l’hiver un demi-litre de kérosène.
Le climat est semblable à celui d’Arkhangelsk, mais souvent, le vent est plus piquant. Les gens sont assez peu accueillants, sans compassion. On ne trouve quasi pas de légumes dans le système d’échange, même pas des pommes de terre. Jusque maintenant, je ne manque de rien. Je ne sais comment les autres vivent et donc je ne peux pas comparer.
Je rends grâce à Dieu de m’avoir jusqu’ici affermi intérieurement et envoyé tout ce qui était nécessaire à ma subsistance. Gloire à Dieu pour tout. Merci à Toi, Seigneur, pour le soin que Tu prends de moi.
Que la miséricorde du Seigneur soit avec toi pour les siècles des siècles. Pardonne-moi. Je demande tes prières et celles de nos pères. Je les remercie pour leurs salutations et leur compassion.
7/20 avril
Je n’ai pas envoyé la lettre immédiatement. Les derniers jours, ma température était de 38°, 39°. J’ai reçu de l’huile, en échange, et j’ai du lait. Que la volonté de Dieu soit faite.
12/25 avril
[1931. Pinega, village de Kozlovka]
Traduit du russe
Source

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.