Le site internet du Saint Monastère d’Optina propose une bibliothèque en ligne fournie. On y trouve de nombreux ouvrages des startsy d’Optina et des recueils de leurs lettres et homélies. Parmi ces ouvrages on compte le recueil des lettres écrites par le Saint Starets et Confesseur de la foi Nikon d’Optina, dont le journal fait l’objet d’une traduction depuis des mois sur le présent blogue. Nous proposons ici la traduction du recueil de ces lettres de Saint Nikon. Il ne s’agit plus du Novice Nicolas, auteur du journal précité, mais déjà du Hiéromoine Nikon, qui a intégré et mis en pratique dans son podvig les enseignements de son starets Saint Barsanuphe d’Optina, héritier de la tradition du Désert d’Optina.
A Irina Bobkova
Le Christ est ressuscité !
Paix à toi, salut et bénédiction de Dieu, ma fille ! J’ai reçu ta lettre. Je compatis de tout cœur à ton affliction, je la connais. Mais il ne faut pas s’affliger plus que de raison. Il faut s’en remettre à la volonté de Dieu. Sans la volonté de Dieu, moi-même, je ne serais pas devenu malade. Je ne cache pas ma maladie. Mais je ne bénéficie d’aucune supervision médicale, et moi, je ne sais pas quelle est son ampleur. Je suppose que c’est sérieux car il n’y a aucune amélioration depuis le début, voici déjà deux mois. Bien que le docteur ait grommelé qu’il ne s’agissait pas de quelque chose de passager, disant que la situation était sérieuse, des pensées me viennent, selon lesquelles cela ne durera pas longtemps. Jusqu’à présent, mis à part la faiblesse et une légère douleur dans tout le corps, je ne ressens rien. Mais ce qui m’inquiète, c’est que ma température est toujours élevée, environ 38°, et parfois, comme hier, c’est 39°. Je tousse rarement. Les mucosités semblent blanches. Au début, le docteur a prescrit avec confiance du thiocol. Par la suite, il a prescrit d’autres poudres. Je trouve qu’elles sont inutiles et je n’en ai pas encore pris. Si vous pouvez obtenir du thiocol, je vous demanderais de m’envoyer aussi ces poudres. Bien que je n’aie guère confiance dans les médicaments, je ne les rejette pas non plus. Envoyez-les. Je vous en serais reconnaissant. Le fait que je serais tombé et que je me sens mal, c’est de la fiction. Je vis avec le Père Piotr et je lui ai lu ces lignes. Il a souri. Je me sens dans une position, ni mauvaise ni bonne. Mais la pensée de la mort se rapproche de plus en plus. Peut-être que le Seigneur juge que je dois mourir. Saint Théodore le Studite, lui-même en exil, se réjouissait pour ceux qui meurent en exil. Par conséquent, il ne faut pas se décourager. Ton rêve ressemble à la vérité. En général, je ne crois pas aux rêves, mais il y a les rêves et ce qui est vrai. Remettons cela à la volonté de Dieu. Je n’ai rien contre toi, je n’ai en rien été offensé par toi. Sois calme et paisible, et que le Seigneur te pardonne toutes tes infirmités. Repens-toi. Je t’ai déjà dit à plusieurs reprises de ne pas prononcer de paroles sans y avoir réfléchi. Le Seigneur, et Lui Seul, peut toujours délivrer des mains du malin. Et si quelqu’un intervient, par exemple le père spirituel, il n’agit pas de lui-même, c’est Dieu qui lui donne. Donc, le salut vient du Seigneur, et chacun peut le recevoir, si seulement il ne se décourage pas ni ne désespère. Tu es très encline au découragement. Ce n’est pas juste. Tu veux être plus miséricordieuse que Dieu. Il faut compatir avec tous, surtout avec tes parents. Et aider selon tes forces, mais tout le reste, remets-le à la Volonté de Dieu… Le Seigneur sait que faire. Mais tu vis pour le salut de ton âme et pas pour le salut des autres. C’est bien de sauver les autres. Mais bien souvent, c’est au-delà de nos forces. C’est bien, seulement si ton obligation vient en premier lieu : sauver ton âme. C’est pourquoi tu ne dois pas t’affliger plus que de mesure pour tes parents, ni pour moi. Car, crois-moi, le Seigneur nous aime, toi et moi, plus que nous ne pouvons l’imaginer. C’est malheureux pour la pauvre E. et ses enfants. Il faut prier et s’en remettre à la Volonté de Dieu, et on verra. Transmets à ses enfants et à Matouchka M. paix et bénédiction de Dieu. Je prie toujours pour eux. Mais tu ne dois pas perdre la tête pour eux. C’est de la pusillanimité , c’est un péché. Je te le redis, n’essaie pas d’être plus miséricordieuse que Dieu. Sois humble et accepte la volonté de Dieu. Pour ce qui concerne l’endroit où je vis, c’est à six verstes de Pinega, au village de Kozlovka, au bord de la rivière, dans la maison d’Alexandra Perliakova. Le bateau-vapeur pour… passe à côté de la maison. Prie et prends soin de toi. Je ne puis que te remettre à la Volonté de Dieu. Les choses sont très difficiles. Que le Seigneur te garde de tout mal, sur tous tes chemins. Bonjour à la nourrice et à R… Je me souviens d’eux dans mes prières. Pour le moment, j’ai tout ce dont j’ai besoin, mais, si c’est possible et pas trop difficile d’en trouver, je ne refuserais pas du beurre ni du vin, mais pas pour célébrer la liturgie. Si mes affaires ont survécu, alors elles sont devenues complètement inutiles, par exemple le pardessus en drap. Il vaut cher, et vous pouvez le vendre au besoin, afin de ne pas avoir de difficulté d’argent. Pardonne-moi. Que la miséricorde de Dieu soit avec toi.
Il vaut mieux emballer le vin séparément car si la bouteille vient à se briser cela causerait des désagréments. Quant aux afflictions et malheurs des hommes, il est dit dans l’Évangile : «ne vous troublez point ; car il faut que ces choses arrivent» (Math.24,6 ; Mc.13,7;Lc.21,9). Notre part de travail, c’est de garder la foi et éviter tout péché. Tout le reste, il faut le remettre entièrement à la Volonté de Dieu. Cela procure la paix au cœur. Amen. Que la Volonté de Dieu soit faite en toutes choses. Tant que l’âme est sauvée, tout le reste n’est que futilité. Ici tout est éphémère. Nos pensées doivent être en Dieu, dans la vie du siècle à venir. Tout ce qui est terrestre s’en va.
30 avril 1931
[Kozlovka]
A Mademoiselle M.
Mademoiselle M., bien-aimée de Dieu
Que la bénédiction de Dieu soit sur vous pour les siècles des siècles. J’ai reçu votre lettre. A la mesure de mes forces, j’élève vers le Seigneur Dieu mes indignes prières pour votre santé et votre salut.
Le train postal part aujourd’hui et je me hâte de vous écrire, mais malheureusement, je n’ai pas votre lettre sous la main. Elle est restée dans ma cellule. Je suis arrivé à Kozelsk hier et j’ai été obligé de loger ici. Mais je me souviens des questions essentielles de votre lettre et je vais y répondre.
Actuellement, tout le monde est libre, mais certains, par exemple Batiouchka Nectaire, ont été obligés de signer un document par lequel ils s’engagent à ne pas sortir de l’Ouïezd de Kozelsk. Pour s’éloigner de l’agitation qu’il vivait à Kozelsk, Batiouchka a décidé de partir au village de Plokhino, chez un de ses enfants spirituel qui y est fermier. Cela c’est passé hier, et tellement rapidement que je ne suis pas parvenu à prendre congé de Batiouchka. Je n’ai même pas pu le voir, il était déjà parti. Toutefois, votre question relative à votre venue à Optina, je l’ai posée à Batiouchka par l’intermédiaire de Mademoiselle Anastasia. Elle m’a informé que Batiouchka ne conseille pas que vous veniez maintenant. Telle est la situation chez nous. Il est proposé à tous de quitter le monastère, et la majorité est déjà partie. Jusqu’à présent, restent encore ceux qui sont impliqués dans la gestion des affaires de la communauté.. Moi, par exemple, en tant que membre du bureau de la fraternité, et jusqu’à la liquidation définitive de tous les biens et activités, et d’autres, dans le même cas que moi. Ce qui se passera après, Dieu seul le sait. Restent encore, provisoirement ou non, quinze ou vingts hommes, en qualité d’ouvriers ou gardiens… Voilà, donc, pour l’instant, je me trouve encore au monastère. Nous célébrons quotidiennement et chantons au chœur. Cela nous console. De façon générale, on nous dit ceci : priez tant que vous voulez, mais vous n’aurez pas de locaux dans l’ancien monastère. Quittez la ville, quittez les villages, où bon vous semble. On m’a déjà confié une église et ses clefs. Et tous les offices. Les pères qui viennent et souhaitent célébrer s’adressent à moi pour leurs offices. On m’invite dans plusieurs paroisses, en ville et dans les villages, mais les gens de Senino me demandent de ne pas abandonner l’église du monastère. Mais je pense que la solution de cette question dépendra du lieu où nous pourrons séjourner. Si on me donne fût-ce une toute petite cellule dans le monastère, alors, je ne le quitterai pas. Mais si on me dit de partir, alors, peut-être devrai-je accepter l’offre d’une paroisse, car suite à la maladie de ma jambe, il m’est difficile de me déplacer… En tous cas, j’ai un appartement à Kozelsk, et je ne pense à partir nulle part pour le moment. En cas de besoin vous pouvez m’écrire par l’intermédiaire de Mademoiselle Anastasia, elle me transmettra. Ou même directement : Kozelsk, poste restante.
Pour ce qui concerne l’humeur de notre âme, je peux m’en tenir à des phrases générales. Le monastère manque à ceux qui l’ont quitté. C’est ce que j’entends. Mais globalement, on se soumet à la Volonté de Dieu. Personnellement, je trouve la paix et le calme seulement quand je remets tout entièrement à la Volonté de Dieu, moi-même, mes parents et proches, mes connaissances, les frères, toutes les circonstances. Que la Volonté de Dieu soit faite ! La Volonté de Dieu est toujours bonne et parfaite, voulant que tous soient sauvés (1Tim.2,4). Je ne place aucun espoir en l’homme. Tout ce qui est humain finit par s’effondrer. «La vérité du Seigneur demeure dans les siècles » (Ps.116,2). La paix et le calme règnent dans l’âme de par la soumission à la Volonté de Dieu. Nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ? (Job 2,10). Et il est dit quelque part : « Du mal qui m’est fait, le Seigneur me fait du bien». Je crois en cela. Je crois que le Seigneur ne nous abandonnera pas.
Pardonnez-moi. Je me dépêche de terminer cette lettre. Que le Seigneur vous garde. Je vous souhaite sincèrement toutes les miséricordes de Dieu. Ne vous découragez pas, placez votre espoir dans la volonté de du Seigneur.
Kozelsk
21 avril / 4 mai 1923
Traduit du russe
Source
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.