Saint Luc de Crimée. La commémoration des défunts.

«... en 38 années de sacerdoce presbytéral et épiscopal, j'ai prononcé environ 1250 homélies, dont 750 furent mises par écrit et constituent douze épais volumes dactylographiés...»
(Le Saint Archevêque Confesseur et chirurgien Luc de Crimée)
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Homélie prononcée par Saint Luc de Crimée,le 11 avril 1948. Le texte original a été publié sur le site Na gore.ru

A mon plus grand chagrin, certains d’entre vous on commencé à fréquenter les assemblées des sectateurs et y ont été contaminés par leurs enseignements mensongers. Certains ont été infectés par l’enseignement mensonger selon lequel il ne faudrait pas prier pour les défunts et ne pas offrir d’aumônes pour le repos de leur âme. Mais vous savez très bien que pendant le Grand Carême, on commémore les défunts chaque samedi. Par conséquent, vous devez vous affermir dans la doctrine orthodoxe au sujet de la commémoration des défunts, et il est nécessaire que vous ne croyiez pas ce que vous entendez de la bouche des renégats sortis de l’Église.
Qu’enseigne l’Église? Nous disposons de preuves anciennes, très anciennes, selon lesquelles même les Saints Apôtres commémoraient les défunts et priaient pour eux. Dans les ouvrages des Pères de l’Église qui sont parvenus jusqu’à nous, nous avons des preuves que déjà dès le début, dès les tout premiers siècles du Christianisme, on priait pour les défunts et ils étaient commémorés. La première liturgie dont il est fait mention est la liturgie dite de Saint Jacques, le frère du Seigneur. Et écoutez quelle prières contient cette liturgie pour ceux qui se sont endormis: «Souviens-toi, Seigneur, Dieu des esprits et de toute chair, des orthodoxes dont nous avons fait mémoire ou pas. Donne-leur le repos dans la terre des vivants, dans les délices du Paradis, dans le sein d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, là où il n’y a ni douleur, ni chagrin et ni gémissements, où la lumière de ton visage veille et brille sur nous pour toujours. Et donne une fin chrétienne à nos vies, agréable, sans péché et en paix, Seigneur, nous rassemblant autour du trône de tes élus, dans la honte et avec transgressions, quant tu veux et comme tu veux, par ton Fils Unique-engendré, notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus Christ, car il est le seul sans péché qui soit apparu sur terre.» Voyez comme cette antique prière est semblable à celle que vous entendez lors de chaque liturgie : «Dieu des esprits et de toute chair…». Nous y retrouvons les mêmes mots. Comprenez ainsi que la coutume de la commémorations des défunts par l’Église remonte aux temps apostoliques et qu’à toutes les époques de l’histoire de l’Église, on a commémoré les défunts.
Et dites-moi donc, qui convient-il d’écouter, les renégats qui se sont éloignés de l’Église, les sectateurs ou Saint Jean Chrysostome? Écoutez les paroles de celui-ci : «Ce n’est pas en vain que les apôtres ont établi de commémorer avant les Saints Mystères ceux qui se sont endormis : ils savaient que les Saints Mystères présentaient un grand bénéfice pour les défunts, une grande bénédiction. Les offrandes pour les défunts ne sont pas vaines, les prières ne sont pas vaines, les aumônes ne sont pas vaines, tout cela a été établi par l’Esprit-Saint, souhaitant que nous recevions les faveurs des uns les autres». Souvenez-vous de ces paroles, et soyez convaincus que la commémoration de ceux qui se sont endormis a été instaurée par les apôtres et, comme le dit Saint Jean Chrysostome, par l’Esprit-Saint Lui-même.
Et ce n’est pas seulement à l’époque du Nouveau Testament, mais déjà à celle de l’Ancien Testament , qu’on commémorait les défunts et pratiquait des offrandes pour eux.Voici les paroles du Prophète Baruch : «Seigneur, Souverain de l’univers, Dieu d’Israël, écoute donc la prière des morts d’Israël, des fils de ceux qui ont péché contre toi,(…)» (3;4). Comme vous le constatez, le prophète parle des prières des défunts eux-mêmes, cela ne signifie-t-il pas que nous devons soutenir la force de leurs prières par nos prières pour eux?
Dans l’Écriture Sainte, on trouve des affirmations claires de la pratique d’offrandes pour les défunts des siècles avant la Nativité du Christ.
Vous ne connaissez malheureusement pas la grande histoire des guerres de partisans lancées par les frères Maccabées emmenés par le premier d’entre eux Judas, contre le roi Épiphane d’Antioche, qui s’était fixé pour objectif de détruire la foi du peuple juif, de les convertir tous au paganisme. Cette histoire est frappante: leur courage est frappant, l’aide de Dieu à leur cause est frappante. De façon générale, le Seigneur les a tous préservés. Mais un jour, plusieurs hommes tombèrent au combat. Judas était très confus: «comment, Seigneur, Tu nous as quittés?». Mais quand ils examinèrent les cadavres des victimes, ils trouvèrent des objets volés à ceux contre lesquels ils combattaient. Affligés profondément, tous se sont tournés vers la prière, demandant que le péché commis par leurs soldats déchus soit complètement effacé. Et le vaillant Judas, après avoir collecté jusqu’à 2000 Drachmes d’argent, les envoya à Jérusalem pour offrir un sacrifice expiatoire pour leur péché, afin qu’ils soient tous absous de ce péché (2 Mac. 12:32-45). N’est-ce pas une preuve vivante que l’Ancien Testament ne rapporte pas seulement les prières, mais aussi les offrandes pour les pécheurs morts?
Sur quel fondement reposent les doutes de ceux qui écoutent les sectaires, qui écoutent les luthériens? Ils sont basés sur le fait que, comme l’indiquent les sectaires baptistes, les évangélistes, il n’y a pas d’indications directes dans les Saintes Écritures invitant à prier pour les morts, mais cela signifie-t-il que ces prières soient inutiles et même qu’elles ne plaisent pas à Dieu? Cela ne le signifie pas, car le Saint Apôtre Jacques, dans l’épître conciliaire, dit de prier les uns pour les autres (5;16). Cela ne veut pas dire que nous ne devons prier uniquement pour ceux qui sont vivants, qui sont autour de nous, car vous savez que «Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants» (Mc.12:27). Car Il a témoigné Lui-même que tous sont vivants devant Dieu.
Quand un homme vient à mourir, cela ne signifie as que son âme cesse d’exister : le corps se désintègre mais l’âme est immortelle, elle est vivante, même si elle ne vit pas ici avec nous mais dans l’autre monde, tout comme les saints vivent dans l’autre monde, ces saints auxquels les luthériens et les sectateurs ne veulent rendre aucun hommage ni adresser aucune prière. Ne s’agit-il pas d’incroyance en l’immortalité de l’âme? Car s’ils croyaient que tous sont vivants devant Dieu, que «Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants», ils ne croiraient pas qu’ils ne faut pas commémorer ceux qui se sont endormis. Ils croiraient alors qu’il faut comprendre le commandement de l’Apôtre Jacques comme nous intimant de prier aussi pour ceux qui sont dans l’autre monde. Nier l’immortalité de l’âme, cela veut dire nier le Christianisme lui-même, car l’enseignement du Christ est l’enseignement de la vie éternelle. La vie éternelle serait-elle possible sans l’immortalité? Nier l’immortalité signifie mettre à rien les paroles directes et claires du Seigneur Jésus, prononcées dans la parabole du riche et de Lazare, qui décrit le sort dans l’au-delà tant du riche que du pauvre Lazare (Lc. 16:20-31). Eh bien, si certains ne reconnaissent pas, comme les matérialistes, l’immortalité; nous devons être affermis dans l’idée qu’il y a de l’espoir aussi pour les frères qui se sont éloignés de nous.
Vous entendez souvent, chaque samedi, dans la liturgie les paroles de Saint Paul: «Mais nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis, afin que vous ne vous affligiez pas, comme les autres hommes qui n’ont pas d’espérance. Car si nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, croyons aussi que Dieu emmènera avec Jésus ceux qui se sont endormis en lui. Voici, en effet, ce que nous vous déclarons d’après la parole du Seigneur : Nous, les vivants, laissés pour l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Car, au signal donné, à la voix de l’archange, au son de la trompette divine, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d’abord. Puis nous, qui vivons, qui sommes restés, nous serons emportés avec eux sur les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons pour toujours avec le Seigneur.» (1Thes.4:13-17).
«Ceux qui se sont endormis en Jésus», ce sont ceux qui se sont endormis avec la foi en Christ, et Dieu les emmènera Lui-même là où Il est. Dites-moi, seraient-ils rares parmi nous, ne sont-ils pas la grande majorité, les pécheurs, ceux qui n’ont pas encore eu le temps de laver leurs œuvres pécheresses avec des larmes de repentir? C’est la grande majorité, et l’Apôtre Paul dit qu’ils ne s’affligent pas, car Dieu peut les emmener avec Lui à cause de leur foi en Jésus. Et que, dans la vie future, dans la vie outre tombe, avant le Jugement Dernier, les péchés peuvent être pardonnés à ceux qui n’ont pas eu le temps de produire les fruits dignes du repentir. N’en trouve-t-on pas un témoignage direct dans les paroles du Christ: «C’est pourquoi je vous dis : Tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes ; mais le blasphème contre l’Esprit ne leur sera pas remis. Et quiconque aura parlé contre le Fils de l’homme, on le lui remettra ; mais à celui qui aura parlé contre l’Esprit-Saint, on ne le lui remettra ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir.» (Mat.12;31-32). Dieu ne pardonnera pas le blasphème contre l’Esprit-Saint, ni en ce siècle, ni dans le siècle à venir. Mais s’il en est ainsi, si dans le siècle à venir, dans la vie outre-tombe, il est possible d’obtenir le pardon de péchés moindres que le blasphème contre l’Esprit-Saint, cela signifie que nous devons croire que le sort de nos proches qui se sont endormis tout en étant chargés d’impuretés, de beaucoup de péchés, peut être allégé car Dieu est miséricordieux, tous sont aimés par Dieu. La même pensée est contenue dans d’autres paroles de notre Seigneur Jésus Christ : «Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et qui après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous apprendre qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ; oui, je vous le dis, craignez celui-là.»(Lc12;4-5) Le Christ n’a pas dit qu’il fallait craindre celui qui après la mort jette le corps dans la géhenne. Il a dit «celui qui a le pouvoir de jeter dans la géhenne». Le corps peut donc être jeté, mais il peut aussi être épargné. Luther et les sectateurs fondent leur rejet de la commémoration des défunts sur les paroles de la Sainte Écriture qui affirmeraient que chacun recevra exactement selon ses mérites. «Car nous tous, il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu’il a mérité étant dans son corps, selon ses œuvres, soit bien, soit mal»(2Cor.5;10). Ils affirment que ce passage dit clairement que chacun recevra selon ses mérites, et pourquoi donc prier si on reçoit selon ses mérites? Mais ce passage ne parle pas du tout du jugement qui sera prononcé lors du Jugement Dernier. Il parle du jugement provisoire prononcé sur chaque défunt lors de sa mort, et qui peut être très différent de celui du Jugement Dernier. Les luthériens et les sectateurs disent ce que disaient les anciens hérétiques : «S’il était vrai que la prière allège le sort des défunts, alors tout le monde serait sauvé». Quelle malice dans ces mots. Comme si cela leur était désagréable, que tous soient sauvés!
Mais c’est agréable à Dieu. Le Seigneur ne souhaite la perte d’aucun homme. Dieu veut que tous soient sauvés. Et s’il est possible d’alléger le sort de nos proches qui se sont endormis par des offrandes pour eux, cela ne procurera-t-il pas de la joie à Dieu, à nous et aux anges de Dieu? Seul l’ennemi du genre humain ne veut pas le salut des hommes. Dieu veut les sauver tous. Mais à celui qui nie qu’il faille prier pour les défunts, cela lui est désagréable, comme s’il ne voulait pas que tous soient sauvé. Ils se basent sur les paroles du psaume : «qui te louera dans le schéol?»(Ps.6;6). Ils disent que c’est une indication certaine du Psalmiste qu’en enfer on ne peut plus se confesser. Oui, se confesser dans le sens où on le fait quand on vit sur terre, c’est réellement impossible, car quelle est la vraie confession qui lave nos péchés? C’est cette confession qui, après la confession des péchés devant le prêtre, fixe pour tâche obligatoire de corriger son chemin, de s’éloigner du chemin du péché, de ne pas répéter le péché duquel on s’est repenti. Une telle confession est impossible pour les morts, car tout est fini: la vie ne peut plus être changée, car cette vie n’est plus. Nos frères malheureux, qui sont morts dans les péchés et qui se sont présentés devant Dieu lors du jugement préliminaire, souffrent, pleurent et regrettent de ne pas avoir produit les fruits dignes du repentir durant leur vie. Leurs soupirs, leurs afflictions, leurs remords, bien sûr, ils peuvent les adresser à Dieu. Aidons-les donc par nos prières pour eux, car la prière pour eux exprime notre amour pour eux, et l’amour est une force toue puissante et irrésistible. L’amour vient de Dieu, l’amour ne cesse jamais, et tout don d’amour, et toute prière d’amour pour nos proches endormis, et toute offrande d’amour pour eux sont agréables à Dieu, comme toutes les manifestations de l’amour Lui sont agréables. Nous devons donc continuer à prier constamment pour nos morts. Pour tous? Non, pas tous. La Sainte Église indique qu’il y a des pécheurs pour lesquels on ne peut pas prier, et il ne faut pas: ce sont ceux qui sont morts dans l’endurcissement contre Dieu, contre le Christ, qui sont morts dans l’incrédulité, qui ont commis de graves péchés. Saint Jean le Théologien écrit à leur sujet: «Si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui ne va pas à la mort, qu’il prie, et Dieu donnera la vie à ce frère, [à tous ceux dont le péché ne va pas à la mort]. Il y a tel péché qui va à la mort ; ce n’est point pour ce péché-là que je dis de prier»(1Jean 5;16). Celui qui a commis des péchés mortels ou des péchés qui ne seront pas remis dans cette vie ni dans la vie future, qui a blasphémé contre Dieu, nié Son existence, bafoué Sa loi, on ne peut alléger son sort dans la vie outre-tombe.
Il existe encore d’autres moyens très efficaces d’alléger le sort des morts. La Sainte Église depuis les temps anciens attache une grande importance à toutes les œuvres de charité accomplies en mémoire des défunts. Et l’Église attache la plus grande importance à la commémoration des défunts lors de la célébration de la liturgie, lorsque pendant la Proscomédie, les parcelles sont extraites pour les défunts, et à la fin de la liturgie, quand elles tombent dans la Coupe du Sang du Christ, et le prêtre dit: «Remets, Seigneur, les péchés de ceux qui ont été commémorés ici, par Ton Sang Très Pur, et par les prières de Tes saints.» Le Sang du Christ serait donc impuissant? Les péchés de ceux que nous commémorons ne seraient-ils pas lavés?
Rappelez-vous ces moyens essentiels, rappelez-vous que la prière pour le repos des âmes de vos proches qui se sont endormis est très importante, rappelez-vous que vous devez faire de bonnes œuvres, des œuvres de miséricorde, des œuvres d’amour en leur mémoire.
De tels œuvres, chacun de vous en a beaucoup à faire, voyez vous-même, vous trouverez vous-même. Mais je vais vous indiquer une chose par laquelle vous pouvez alléger le sort de vos proches endormis. Vous avez entendu l’appel du recteur à manifester de l’amour chrétien à ces malheureux petits enfants qui sont tous abandonnés. Vous savez combien d’orphelins ont eu leurs parents tués pendant la guerre. Vous savez que notre gouvernement organise pour eux un orphelinat et une maison d’accueil des bébés, mais il y a tellement d’orphelins qu’on n’a pas le temps d’organiser tout pour tous ces petits, il y a encore beaucoup de petiots que vous rencontrerez dans les rues et les gares.
Ceux qui sont placés dans des orphelinats vivent, pauvres, sans amour et affection maternels. Aujourd’hui, j’ai été très ému d’entendre que des femmes au bon cœur se sont rassemblées et sont allées les voir. Les petits enfants se sont précipités à leur rencontre en criant: «Maman, maman est venue!». Il est nécessaire que parmi vous, les chrétiennes, il y ait de telles mères. Il faut qu’il y ait de bonnes personnes qui prennent soin de ces enfants malheureux pas encore adoptés et placés dans des orphelinats, et même, peut-être, qu’elles les adoptent.Amen
Traduit du russe
Source 

Le sens de l’éternité

Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe, homélie prononcée le 18 février 2023, samedi de tous les défunts, par le Hiéromoine Pavel Shcherbatchev au Monastère Sretenski à Moscou. Il y aborde des aspects fondamentaux de notre vie de Chrétiens, aspects que notre époque et le monde dans lequel nous vivons voudraient à tout prix effacer. Mais, comme le hiéromoine le rappelle, ces aspects sont au cœur de la vie en Christ. Et ils méritent d’être soulignés et intégrés pleinement. Le texte original a été publié sur le site du Monastère Sretenski de Moscou.

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit!
Aujourd’hui, nous célébrons un office particulier. L’Église a choisi ce jour non pas seulement pour commémorer les proches qui reposent en paix, mais tous les chrétiens orthodoxes qui se sont endormis 1 depuis tous les siècles. Les frontières entre le monde des vivants et le monde des morts sont tracées d’une certaine manière dans les Évangiles. Que savons-nous de ces frontières?

(Photo provenant du site du Monastère Sretenski)

Vous souvenez-vous de la parabole de Lazare et de l’homme riche? Que dit l’homme riche à Abraham, qu’il voyait après être mort? Dans les tourments, il demanda à Abraham non seulement de le soulager lui-même, mais aussi les membres de sa famille : «Je te prie donc, père, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père» (Lc.16;27). Il demande à Abraham de les prévenir du sort terrible qui fut le sien afin qu’ils n’arrivent pas eux aussi dans ce lieu de tourments. Abraham répond qu’ils ont Moïse et les prophètes et «S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quelqu’un des morts ressusciterait, qu’ils ne le croiraient point»(Lc.16;31). Nous voyons donc dans ce récit de l’Évangile qu’il existe aussi une frontière entre le monde des justes et le monde des pécheurs qui ont franchi le seuil de l’éternité. Et Abraham dit encore à l’homme riche et pécheur que la limite est grande, marquée par : «un grand abîme entre vous et nous».
Quelle est donc notre lien avec ceux qui se sont endormis dans le Seigneur? Et que pouvons-nous dire de ce lien? Tout d’abord, comme nous le savons, ce lien s’effectue à travers la prière. Nous demandons au Sauveur Ressuscité d’accorder le repos aux membres de notre famille et à nos connaissances. Nous appartenons tous à la même armée de Chrétiens Orthodoxes, tous nous sommes citoyens d’un même pays et ce pays, c’est l’Église des Cieux. Et l’Église sur terre forme avec l’Église des Cieux, appelée aussi Église Triomphante, le Corps un du Christ. Par Sa résurrection, le Sauveur nous a tous unis dans notre Patrie Céleste. Mais comment vivons-nous? Cela vaut la peine d’y réfléchir.
Il est probable que la façon dont nous communiquons avec ceux que nous aimons dépend de l’attention que nous accordons à la révélation de l’Ancien Testament donnée aux gens dans la parabole racontée par le Sauveur. Elle dépend de notre écoute attentive des paroles de l’Évangile. Et il est aussi probable que notre relation avec eux et notre capacité à les aider par nos prières et nos bonnes actions dépendent non seulement de l’attention que nous accordons à ces commandements de l’Évangile, mais aussi de notre manière de les accomplir. Et si nous ne les accomplissons pas, alors même si voyons de grands miracles, même si l’un d’entre les morts nous apparaît, cela ne suscitera aucune foi particulière. L’homme qui vit comme un païen perd ce sentiment que rien ne remplace, celui de l’éternité.
Il existe des moyens qui visent à donner à l’homme un succédané de ce sentiment, une pseudo-éternité. Cela se produit en partie par une chute intégrale dans l’état animal, quand l’homme n’a besoin de rien, qu’il mange, boit et pense que tout est normal, comme chez les autres. Mais parfois, et ceci est caractéristique de notre époque, c’est lié à un pseudo-monde. L’homme se perd dans l’internet et oublie non seulement l’existence de l’éternité mais aussi ce qui existe autour de lui. Parfois de jeunes gens arrivent, parfois des moins jeunes aussi, avec un vide total dans leurs yeux. Vous demandez, «Eh bien, mon cher, ou ma chère, qu’est-ce qui t’est arrivé?». Alors, il ou elle répond : «Je suis tombé dans un réseau terrible». «Quel réseau, un réseau criminel?» «Non, je suis tombé dans le réseau invisible de l’internet. Je ne peux plus vivre sans lui, je vis dans un autre monde». Mais ce mal n’est pas arrivé spontanément. Il est apparu d’abord dans la civilisation occidentale, qui fait tout pour détourner l’homme de la mort et même pour le forcer à l’oublier complètement. Le souvenir de la mort, c’est une sorte de bombe à retardement, un champ de mine pour l’idéologie libérale moderne qui est inoculée sur tous les fronts dans les cœurs et les esprits de tous ceux qui vivent sur terre. Pourquoi d’aucun agissent-ils à l’instigation du vieil ennemi de l’homme pour que les gens oublient la mort? Parce que dans la conscience de chaque homme, on ne peut par aucune manipulation des cerveaux ni de l’environnement humain, forcer l’homme à oublier le problème bouillonnant qui frappe continuellement à la porte de son cœur : «Pourquoi cette vie qui aura un terme m’a-t-elle été donnée? Pourquoi ne me suis-je pas donné vie à moi-même? Cela ne dépend pas du tout de moi!» Comme nous nous en souvenons, cette question fut posée par le héros du roman de Dostoïevski «L’Idiot». Aucune idéologie, aucune technologie de contrôle des consciences ne peut répondre à cette question. Seule la religion le peut. Pourquoi? Parce que l’idéologie est destinée aux masses, aux classes sociales, à l’électorat, alors que la religion s’adresse au cœur, non pas des masses ou des classes, mais de chaque homme individuellement, qu’elle considère comme un grand trésor, d’une valeur inestimable pour le Seigneur Dieu.

(Photo provenant du site du Monastère Sretenski)

Pour nous (…), cette question est aussi d’actualité. Nous regardons ce qui se passe autour de nous et nous pensons : «Mais comment cela se fait? Pourquoi tout ne se passe-t-il pas comme nous le voudrions? Pourquoi Dieu n’agit-Il pas avec puissance, puisqu’il est Tout-Puissant et plein d’amour pour l’homme?». Et parfois nous oublions que, nous trouvant là où nous sommes, une grande foule de saints nous entoure(…) mais nous adressons-nous à eux? Demandons-nous toujours l’aide de nos saints, demandons-nous toujours à nos saints d’intercéder devant le Trône de Dieu pour l’allègement du sort de nos connaissances et de nos parents qui se sont endormis?
«Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort» (1Cor.15;26), dit l’Apôtre Paul dans son épître. Et dans l’Ancien Testament, le sage entre les sages, le Roi Salomon dit, dans le livre de la sagesse de Salomon : «Dieu n’a pas créé la mort et Il ne se réjouit pas de la mort des vivants. Il a tout créé pour la vie et tout dans le monde est salvateur» (Sag.1;13-4). Comment la mort est-elle entrée dans le monde? Pourquoi avons-nous subi tant de malheurs? Nous savons par les paroles de l’Apôtre Paul dans l’épître aux Romains que «…la mort est entrée dans le monde par le péché». Notre monde est toutefois, à côté de tout ce qui nous afflige, la révélation incessante de Dieu dans le cœur de chaque homme. C’est le cœur. Et le corps? Les Chrétiens croient en la résurrection du corps, un corps spirituel. Vraisemblablement, ce corps qui ressuscitera portera en lui tout ce qui était lié au corps. Sans corps, nous ne pouvons communiquer, faire de bonnes actions, accomplir des exploits spirituels. En cela, comme dans la nature du Christ Sauveur Lui-Même, le corps est lié au Divin et à l’humain. Le monde peut devenir corps, et c’est effrayant quand le monde se transforme en muscles, veines et os. Toutefois, nous sommes appelés par Dieu non seulement à nous relever dans un corps spirituel après la mort, mais aussi à devenir par notre vie des collaborateurs de Dieu prenant part à l’existence, à la communion spirituelle, à la résurrection et à la vie dans toute sa plénitude. Nous y sommes appelés pour que s’accomplisse la promesse que le Sauveur nous a donnée dans Son Évangile : «Je vous donne la vie, en abondance». Par les prières des saints dans l’entourage desquels nous vivons, par les prières de la Très Sainte Mère de Dieu, du monde des Anges, par la miséricorde de notre Dieu, que tout cela s’accomplisse dans la vie de chacun de nous et dans la vie de tous nos parents et connaissances qui se sont endormis, et qui par les prières de l’Église, que Dieu le veuille, hériteront de la vie éternelle et ressusciteront glorieusement dans un corps spirituel. Amen.

Traduit du russe

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