Métropolite Néophytos de Morfou.Saint Païssios l’Athonite et Saint Isaac le Syrien. (5)

MNMoLe texte ci-dessous est la traduction d’une version russe mise en ligne le neuf février 2023 sur le site du Monastère Sretenie de Moscou, sous le titre :ПРЕПОДОБНЫЙ СТАРЕЦ ПАИСИЙ СВЯТОГОРЕЦ. ЧАСТЬ 3 Митрополит Морфский Неофит (Масурас). Dans ce texte, suite de la transcription d’une vidéo, le Métropolite Néophytos de Morfou décrit l’attitude  du Saint Geronda Païssios envers Saint Isaac le Syrien.

Aujourd’hui, je veux présenter à votre amour un saint que Saint Païssios l’Athonite notre contemporain qualifiait de «saint le plus éludé de l’Église». Je veux parler du héros de l’ascèse qui vécut au VIIe siècle en Mésopotamie, Saint Isaac le Syrien. C’était un ascète et il a légué ses «recherches doctorales» en matière d’ascèse, si je puis m’exprimer ainsi, à tous les Chrétiens orthodoxes qui mènent leur podvig.
Rien ne surpasse l’œuvre de Saint Isaac le Syrien, et sa lecture est recommandée indépendamment du niveau et de l’état spirituel du lecteur. Saint Païssios, qui l’aimait beaucoup, m’a dit, ainsi qu’à beaucoup de ceux qui vinrent le voir : «La valeur du livre de Saint Isaac le Syrien «Discours Ascétiques» est égale à celle de dix bibliothèques remplies des livres des Saints Pères».
Ce livre fut rédigé en langue syriaque. Deux moines du Monastère Saint Sabbas le Sanctifié, en Palestine, qui maîtrisaient les langues syriaque et grecque, l’ont traduit en grec. Depuis lors, le livre n’a pas cessé d’être traduit dans toutes les langues du monde, même en japonais.
Saint Païssios m’a dit personnellement :
– Parmi tes nombreux défaut, il en est un bien évident : tu es un rat de bibliothèque. Ce n’est pas une très bonne chose. Tu ne laisses pas suffisamment de temps à ton esprit pour la prière. Tu préfères toujours lire. Plus tard, cela posera un problème. Maintenant tu n’es pas en mesure de comprendre cela, et même, tu considères cela comme un avantage.
Il dit encore:
– Mon fils, les livres des Saints Pères, il faut les lire petit à petit, mais chaque jour que Dieu fait. Quand je dis «petit à petit, cela signifie deux chapitres du Saint Évangile, trois cathismes du psautier et deux pages de Saint Isaac!
Dans la cellule de Saint Païssios, il y avait une icône en papier. Pas du genre de celles, «aristocratiques», qu’il y a chez nous… Sur cette icône Saint Isaac était représenté écrivant à la plume ses «Discours Ascétiques». Il se tourna vers elle et dit :
– Mon Saint Isaac, j’aime annoter les livres, donne-moi ta plume pour que je puisse souligner tout ton livre! Toutes les paroles qu’il contient sont d’une valeur inestimable, tout ce qui y est écrit porte la lumière du Christ! Donne-moi ta plume pour que je souligne tout dans ton livre.
Non seulement il exprima cette pensée, mais il l’écrivit dans un livre, si bien qu’aujourd’hui, il existe un livre, qu’il lisait et dans lesquels étaient écrites ses propres paroles : «Mon Saint, donne-moi ta plume, pour que je souligne tout ton livre». Voilà la valeur que ce livre avait pour son âme. Et il me dit encore :
– Où que tu ailles, quoi que tu fasses, sur ta table de travail un livre doit être ouvert, celui de Saint Isaac le Syrien. Ne le termine jamais (il voulait dire terminer la lecture des enseignements contenus dans le livre), quel que soit le nombre de tes années.
Et si vous visitez mon cabinet de travail, même si tous les autres livres sont fermés, vous verrez que Saint Isaac est toujours ouvert. Saint Païssios m’a également dit ceci :
– Lis petit à petit, le livre contient tellement de «vitamines» que tu ne dois pas lire et ingurgiter plus de deux pages. Et quand tu reviens me voir, ne me dis jamais que tu as fini la lecture de Saint Isaac. Il n’y a pas de fin à la perfection. Et Saint Isaac est l’un des saints les plus parfaits, les plus grands!
Voilà pourquoi chaque jour je lis une où deux pages, sur lesquelles je souligne l’essentiel. Un jour, je fus tellement bouleversé par ce que j’avais lu que je me souvint de la plume. Je m’écriai alors :
– Saint Isaac, Saint Païssios avait raison! Chacune de tes paroles vaut de l’or et doit être soulignée! Geronda Païssios, envoie-moi une plume, que je puisse souligner tout le livre.
Quelques jours plus tard, un de mes fils spirituels, Vassilis, de Thessalonique, est arrivé à la métropole. Dans mon bureau, il me dit :
– Despotes, je vous ai apporté un cadeau, mais je ne sais trop s’il vous plaira. Pour autant que je sache, vous ne cessez jamais de lire, alors j’ai pensé vous offrir un cadeau que les érudits et les savants de jadis tenaient toujours à la main.
Je pensais que, sans doute, il m’avait apporté un Parker… J’ouvris la boîte et que pensez-vous qu’elle contenait? Une plume! Alors, je dis :
– Seigneur prends pitié! Les Saints écoutent même nos plaisanteries!
Dans un livre que nous avons édité à la métropole, j’ai inséré une photo de cette plume. Et j’ai ajouté en légende sous la photo : «Cette plume fut donnée par Saint Païssios pour souligner les pensées ascétiques de notre bien-aimé Isaac le Syrien».
J’aimerais parler de ce que Geronda Païssios disait, semble-t-il, de Saint Isaac que celui-ci était le «saint le plus éludé». Dans le synaxaire et les livres liturgiques, on ne dit rien à son sujet. Certains moines dévots, bien au fait des ses écrits ascétiques et théologico-thérapeutiques, le commémoraient en même temps qu’un autre grand Syrien, Saint Ephrem le Syrien, dont la mémoire est célébrée le 10 février. Ces moines ajoutaient «Ainsi que notre Père saint et théophore, Saint Isaac le Syrien». Il n’y a pas de tropaire le concernant, ni de kondakion, ni de mégalinaire, ni d’office.
D’où provient une telle injustice? Elle vient du fait que certains accusent Saint Isaac de nestorianisme, car il vivait en Mésopotamie parmi les hérétiques nestoriens. A cause de cela, il fut tenu longtemps à l’écart du chœur des saints. Voyez comme étaient durs les Byzantins… Passèrent les années et les siècles et Saint Isaac demeurait un saint exclu , commémoré nulle part, sans gloire, «éludé».
Notre Saint Geronda Païssios avait un don. Il avait un «téléviseur» dans lequel il pouvait voir dans la vie céleste et terrestre, comme tous les grands saints. Et un jour alors que Geronda était au monastère, il entendit un moine énoncer des propos contre Saint Isaac :
– C’est un livre tellement remarquable! Mais ce saint était un hérétique, il était dans l’erreur…
Geronda ne dit rien, mais fut attristé. Il racontait :
– Je rentrais dans ma cellule. J’étais affligé par ces paroles au sujet de Saint Isaac. Dans chaque verset de ce livre, je sentais la grandeur de ce saint. D’un autre côté, j’étais décontenancé. Comment n’avait-on composé aucun tropaire pour lui? Il y a tellement de neomartyrs, et chacun d’eux a son tropaire… Quelque chose clochait dans sa vie?
Ainsi, un petit doute survint en Geronda. Alors qu’il entretenait ces pensées, montant vers sa cellule, un grand «écran» lui apparut sur le bord du chemin. Devant Geronda les saints commencèrent à se manifester… Quel tableau! D’abord, Saint Antoine, ensuite, Saint Pacôme, Saint Hilarion… Tous passaient devant lui. Il leur faisait des métanies et eux le bénissaient. A un certain moment, Saint Isaac apparut à côté de lui. Il s’arrêta et dit :
– Père Païssios ne t’attriste pas. Oui j’ai entendu ces paroles… Père, j’ai vécu en Mésopotamie au milieu des hérétiques nestoriens, mais jamais je n’ai célébré la liturgie avec eux. Que du contraire, j’ai essayé de les amener à la foi orthodoxe. Tu peux vénérer mon icône et écrire mon office.
Le lendemain, Saint Païssios se mit en route à la hâte. Et où alla-t-il, selon vous? Auprès de l’hymnographe Gérasime à la Skite de la Petite Sainte Anne. Il parla avec larmes au vertueux Père Gérasime de sa vision, et le Père Gérasime composa l’office de Saint Isaac que chantent aujourd’hui nos chantres.
Ainsi un saint identifia un autre saint. Et il est important de vénérer nos saints, particulièrement les grands !
Traduit du russe
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