Saint Jean de Kronstadt. La Prière. (1)

Le texte ci-dessous est la traduction d’extraits d’écrits et surtout du Journal de Saint Jean de Kronstadt, dans lesquels il exprima l’expérience persévérante de la prière telle qu’il la vécut et pratiqua de tout son être au fil des années. Cette sélection fut publiée en 1943 en russe, sous forme de recueil,  par les éditions de la Fraternité Saint Jean le Théologien à Kharbin. Voici la première partie de cette traduction.

I. De l’essence, de la signification et de la force de la prière.
1. La prière est la preuve de l’existence de ma personnalité raisonnable, de ma qualité d’image de Dieu, un gage de ma divinisation et de ma béatitude future. Je fus créé à partir de rien ; je ne suis rien devant Dieu, tout comme il n’y a rien qui m’appartienne. Mais, par Sa miséricorde, je suis une personne, j’ai une raison, un cœur, une volonté libre. Et à travers ma raison et ma liberté, je puis, en m’adressant à Lui de tout mon cœur, augmenter progressivement en moi Son règne infini, progressivement multiplier de plus en plus Ses dons en moi, puiser en Lui comme en une Source cristalline et inépuisable, tous les biens spirituels et matériels, particulièrement les biens spirituels. La prière me persuade de ce que je suis une image de Dieu et au moyen des dispositions humbles et reconnaissantes de mon âme devant Dieu, par ma libre volonté, multipliant les dons spirituels de Dieu, je puis de la sorte infiniment parfaire et infiniment augmenter ma ressemblance à Dieu, ma béatitude céleste, à laquelle je suis prédestiné.
O, prière, signe de ma grande dignité, dont m’a honoré le Créateur. Mais en même temps, elle me rappelle mon insignifiance (j’ai été créé de rien et rien n’est à moi, c’est pourquoi j’implore Dieu pour tout), ainsi que ma très haute dignité (je suis à l’image de Dieu, je suis déifié, je peux m’appeler ami de Dieu, comme Abraham, le père des croyants, pour autant que je croie, sans l’ombre d’un doute, en l’existence, la bonté et la toute-puissance de mon Dieu et que je Lui plaise en cette vie, par mes actes d’amour et de miséricorde).
2. Dans la prière se trouvent le pardon, contre la fierté de notre chair, qui s’attribue le bénéfice de tout ; la reconnaissance, contre l’insensibilité de notre chair envers les innombrables bienfaits de Dieu ; la glorification, contre l’homme de chair qui ne cherche que sa propre gloire.
3. Dieu est Vérité : ma prière doit donc être vérité, comme ma vie. Dieu est lumière, et ma prière doit être portée à la lumière de mon esprit et de mon cœur ; Dieu est feu, et ma prière, comme ma vie, doit être enflammée ; Dieu est pleine liberté, et ma prière doit être libre effusion de mon cœur. Quelle richesse que l’esprit humain : il suffit qu’il pense de tout cœur à dieu, qu’il souhaite de tout cœur être uni à Dieu, et Il est immédiatement présent : ni les murs de la maison, ni les verrous des geôles, ni les montagnes, ni les gouffres n’empêchent cette union ; Dieu est alors avec toi. Comme les Anges et les Saints : ils se tiennent avec Dieu devant tes yeux, dans ton cœur, comme tes plus proches amis, comme tes parents. O, richesse de l’esprit humain!
4. La prière est exaltation de la raison et du cœur de l’homme vers Dieu, contemplation de Dieu, audacieuse conversation de la créature et du Créateur, pieuse veillée de l’âme devant Lui, comme devant le Roi, devant la Vie qui donne la vie à tous ; oubli, pour Elle, de tout ce qui nous entoure ; nourriture de l’âme, souffle et lumière, douceur vivifiante, purification des péchés, bon joug du Christ, Son léger fardeau. La prière est le sentiment continuel (la conscience) de nos propres infirmité et bassesse spirituelles, la consécration de l’âme à l’avant-goût de la béatitude future, béatitude angélique, céleste, pluie sanctificatrice, désaltérant et faisant fructifier le terreau de l’âme, force et forteresse de l’âme et du corps, lien d’or unissant créature et Créateur, bravoure et courage dans toutes les afflictions et les tentations de la vie, succès dans les entreprises, dignité pareille à celle des anges, affermissement de la foi, de l’espoir et de l’amour.
La prière est correction de la vie, mère du broiement du cœur, mère des larmes. Elle est incitation puissante aux œuvres de miséricorde, et sécurité de la vie, anéantissement de la peur de la mort, dédain des trésors terrestres, espoir des biens célestes, attente du Juge du monde entier, résurrection générale et vie du siècle à venir, effort accru d’échapper aux tourments éternels, recherche permanente de la miséricorde du pardon du Seigneur, présentation sous les yeux de Dieu, kénose bénie devant la Trinité qui a tout créé et qui emplit tout, eau vive de l’âme. La prière est l’installation de l’amour dans le cœur de tous, l’abaissement des cieux jusqu’à l’âme, l’installation de la Sainte Trinité dans le cœur, comme il a été dit : «Nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui.» (Jean 14 :23).
5. La prière est la sensation permanente de notre bassesse et de notre infirmité spirituelles, la contemplation en soi, en autrui et en la nature de l’œuvre de sagesse, de bonté et de toute-puissance de Dieu. La prière est l’humeur de permanente reconnaissance.
6. Quand tu pries, efforce-toi de ressentir dans ton cœur la vérité et la force de la prière, nourris-toi d’elles comme d’une nourriture incorruptible, bois-en comme la rosée de ton cœur, réchauffe-t-en comme auprès d’un feu bienfaisant.
7. Dans la prière, comme en toutes choses de ta vie, fuis la méfiance et le doute, et la rêverie diabolique. Que l’œil de ton âme soit simple, afin que tout ton corps soit prière, tes œuvres et ta vie, lumineuses. (A suivre)

Traduit du russe.