Écrits

Le Métropolite Ioann commença à rédiger au cours des années 1960′ une monumentale monographie du Saint Métropolite Philarète (Drozdov) de Moscou, intitulée «Vie et activités du Métropolite Philarète» («Жизнь и деятельность митрополита Филарета»), publiée pour la première fois en 1994 par les éditions «Russkii Leksikon» à Toula. Pour la présente traduction, on s’est référé au texte publié en 1997 par les éditions «Samara Orthodoxe». Cette œuvre du Métropolite Ioann demeure une référence en la matière, et elle fut un des éléments qui alimenta son amitié fraternelle et étroite avec Sa Sainteté le Patriarche Alexis II de bienheureuse mémoire, ce dernier ayant rédigé une thèse de fin de premier cycle à l’Académie, intitulée «Le Métropolite Philarète sous son aspect de dogmatiste». Les deux textes ci-dessous, (extraits des pages 348-349 et 368-369 de l’édition de 1997) lèvent le voile sur l’activité d’historien de l’Église du Métropolite Ioann. Ils n’ont à ce jour pas été traduits en français. Leur aspect apparemment anecdotique ne dissimule pas la fidélité de Saint Philarète aux dogmes de l’Église face aux sollicitations du pouvoir impérial lorsque celles-ci s’opposaient à sa conscience orthodoxe, ni son obéissance toute monastique. Comme on le lira, ces attitudes caractérisèrent également le Saint Évêque Mitrophane de Voronège, qui vécut au XVIIe siècle, et elles furent d’ailleurs aussi des traits de caractère saillants du Métropolite Ioann, auteur du texte.

En mémoire de l’époque inoubliable d’Alexandre Ier, et en mémoire de la calamité endurée par la Patrie , récompensée par la victoire, la gloire et le relèvement de Moscou, l’Empereur Nicolas Ier décida d’ériger dans la vieille capitale un portail triomphal. L’idée du monarque reçut le plein assentiment du Métropolite de Moscou. Le 17 août 1829, Philarète se rendit, accompagné de son clergé, sur les lieux où allait être érigé le monument, et y célébra un molieben solennel sur les fondations de celui-ci. Et il prononça ensuite une homélie remarquable quant à la signification du portail pour les générations à venir. «Ce monument, souligna-t-il, est une prédication silencieuse, qui d’une certaine façon peut être supérieure aux prédications que l’on prononce, car elle ne s’interrompt jamais, et ainsi, elle finit par pénétrer jusqu’au cœur du peuple et de toutes les générations à venir. Le monument est un livre qu’il n’est pas nécessaire de rechercher dans les bibliothèques, car il se dresse sur la route, et le liront ceux-là même qui ne pensaient pas le découvrir».Mais lorsque le portail fut érigé, et quand le Souverain souhaita que Philarète participe en personne à la bénédiction du monument, le Saint Métropolite refusa. Il motiva son refus par le fait que sur le portail étaient représentés des hiéroglyphes et diverses idoles. Il ne convenait pas qu’un serviteur du Dieu de Vérité asperge d’eau consacrée des représentations d’idoles païennes. On rapporta à l’Empereur que Philarète ne souhaitait pas procéder à la consécration du monument pour la raison précitée.
Ayant entendu le rapport, le Souverain dit : «Je comprends, mais dites-lui que je ne suis pas Pierre le Grand et qu’il n’est pas Saint Mitrophane et prenez les dispositions afin que le clergé de l’armée accomplisse ce rite de bénédiction sans cérémonie particulière». Le portail fut donc ouvert au son de l’habituelle canonnade militaire solennelle et le prêtre du régiment célébra le molieben.
Bientôt, la nouvelle du comportement de Philarète se répandit parmi le peuple, et on compara ce comportement avec le podvig du Saint Évêque de Voronège, qui avait refusé d’entrer chez Pierre Ier car il lui aurait fallu parcourir un escalier monumental sur lequel avaient été représentées des idoles de la mythologie.

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La deuxième décennie au cours de laquelle Philarète servit en qualité de Métropolite de Moscou débuta par un heureux événement pour l’Église Russe toute entière : l’invention des reliques du Saint Évêque et thaumaturge Mitrophane de Voronège.
Philarète éprouvait la plus grande piété envers le fait même de la glorification du grand saint. La nouvelle des signes et miracles évidents qui se produisaient auprès des reliques du Saint Évêque était parvenue à sa connaissance, et elle convainquit Philarète de la grandeur de Saint Mitrophane. Lorsqu’on se mit à parler des reliques de l’Évêque de Voronège au sein du peuple et de la haute société, il ressentit à cet égard une grande joie.
Le Métropolite se hâta de partager cela avec l’Archimandrite Antoine, Supérieur de la Laure de la Trinité-Saint Serge : «Il faut que je vous dise une nouvelle meilleure que toute autre et au sujet de laquelle on écrit dans les feuillets imprimés. La cause de l’invention des reliques du hiérarque Mitrophane, premier évêque de Voronège, a débuté sous des auspices favorables; il existe des signes de vérité et de grâce; on peut espérer que cela aboutira, pour la gloire de Dieu et la consolation de l’Église. Prions le Seigneur».
Le 19 juillet 1832, on ouvrit solennellement le cercueil contenant les saintes reliques du hiérarque Mitrophane. Le premier dimanche qui suivit, Philarète se hâta de faire célébrer dans toutes les églises de Moscou un molieben au thaumaturge nouvellement révélé. Et il composa pour le 23 novembre, à l’attention du Saint Synode, un récit de l’invention des reliques et des signes de la grâce qui s’étaient manifestés à cette occasion. Il souhaitait recevoir la bénédiction pour rédiger une vie du Saint Évêque Mitrophane, mais le Synode, en la personne de Son Éminence Antoine, passa ce souhait complètement sous silence et Philarète nota humblement : «Dans ces circonstances, je pense devoir admettre mon indignité et ne pas demander à accomplir ce que je n’ai pas été invité à réaliser. Le Saint Évêque Mitrophane choisira celui qui écrira à son sujet et chantera sa gloire».
Il est très significatif qu’au moment où Philarète composait sa description de l’invention des saintes reliques, une malade de Saint-Pétersbourg reçut la guérison par l’intercession de la prière de Saint Mitrophane ; Philarète vit en cela comme une apparition du Saint Évêque lui-même dans la Capitale septentrionale.
Le Métropolite de Moscou vénérait saintement la mémoire du Thaumaturge de Voronège. Et il dédicaça personnellement plusieurs églises à Saint Mitrophane, prononçant à ces occasions de solennelles homélies en l’honneur de sa mémoire.
Traduit du russe