Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

Lundi 30 novembre
Aujourd’hui, les résidents de la Skite ont commencé à se préparer à la Sainte Communion. C’est l’anniversaire du jour où Batiouchka a été tonsuré à la mantia, comme il me l’a expliqué aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai réussi à dire ma règle de cellule après le déjeuner, les cathismes et ainsi de suite, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps à cause de la quantité de travail.Mardi 1er décembre
La journée s’est passée comme d’habitude, j’ai participé à toutes les règles et aux offices de l’église, comme c’est nécessaire pour celui qui se prépare à communier. Quand je me confesserai, je ne sais pas. Je dois penser à mes péchés.
Jeudi 3 décembre
Aujourd’hui, le Seigneur m’a trouvé digne du Mystère de la confession. J’ai confessé mes péchés ordinaires, et en outre, je me suis souvenu, par la grâce de Dieu, de péchés terribles commis auparavant quand j’étais dans le monde.
Je suis allé au bain. J’ai mangé comme d’habitude avec Batiouchka.
Après le repas, quand Batiouchka s’est couché pour se reposer, je me suis assis près de lui sur une chaise. Et soudain, Batiouchka me dit:
– Nicolas Mitrophanovitch!
Et moi, d’une manière inattendue je réagis:
– Que voulez-vous dire, Batiouchka?
– Je vous dis que l’enfer existe vraiment…
Vendredi 4 décembre
Je suis allé aux matines. Batiouchka à très bien annoncé la parole; ou plutôt, Batiouchka lut des passages choisis d’un livre, je pense que c’était le «Paterikon» de l’Évêque Ignace. Puis je suis allé à la Liturgie au monastère, comme tous les frères de la Skite, pour recevoir de l’eau sainte de la Théophanie. J’ai bu le thé chez Batiouchka, et j’ai aussi mangé. Je suis allé au magasin du monastère pour certaines affaires de Batiouchka. Maintenant, je viens de confesser à nouveau à Batiouchka des péchés anciens. Bientôt aux vigiles, nous devrons rassembler nos pensées.
Samedi 5 décembre
Le Seigneur m’a permis de recevoir les Saints Mystères du Christ.
Je me souviens de la conversation de Batiouchka au sujet de M. Pogorjev, plus connu sous le pseudonyme de «Pocelianine». Il écrit des articles au contenu spirituel et moral.
«Vous ne pouvez pas imaginer l’énorme différence entre son visage actuel et l’ancien. Rien à voir!… Je me souviens qu’il était chez nous à la Skite lors d’un repas il y a entre quinze et dix-sept ans. Je me suis assis dans un coin près du portrait du Père Paissii Velitchkovski. Lui était assis à la première place près du hiéromoine. Je l’admirais. Ne pensez pas que je parle de la beauté corporelle, non, je parle de la beauté intérieure qui perçait vers l’extérieur dans l’expression de son visage et même dans tous ses mouvements.
C’était l’été, les fenêtres de la salle à manger étaient ouvertes. Il était assis juste devant la fenêtre, le dos à celui qui lisait. Je me souviens qu’ils avaient déjà servi le deuxième ou le troisième plat. Il en avait mangé deux ou trois cuillerées, avait déposé sa cuillère et regardait par la fenêtre. Il me semblait qu’il regardait l’église, les magnifiques pins, puis qu’il montait encore plus haut, vers les cieux bleus, pensant à Dieu, grand et infini. «Seigneur, pensai-je, quel devait être le monde intérieur de cet homme?!» Jusque-là, je le connaissais par ses écrits, et je l’aimais. J’ai demandé au Père Joseph la bénédiction de faire connaissance avec lui. Le père Joseph l’envoya chez moi dans ma cellule, et nous avons tenu notre première et unique conversation…
Je lui ai rappelé maintenant qu’il était venu chez moi:
– Vous vous souvenez de notre conversation?
– Oh oui! Elle est toute entière ici, a-t-il répondu en appuyant les mains sur son cœur.
– Rappelez-vous, je vous ai parlé alors du monachisme intérieur ou, comme on l’appelle parfois, du monachisme mystique, que vous aimez, en fait… Eh bien, entrez donc à la Skite, il n’est pas trop tard pour vous. Mais ne pensez pas que vous devez immédiatement vous envoler vers le ciel et ressusciter les morts! Non, vous devez d’abord vous exercer au monachisme extérieur, le dépasser, mais vous ne pouvez pas commencer immédiatement à l’intérieur. Vous devez souffrir toutes sortes de tribulations, d’humiliations et d’amertumes à l’intérieur de vous-même de la part du malin et l’opprobre des frères déraisonnables. Tout d’abord, vous devez parcourir l’art tout entier. Parfois, vous ressentirez même du dégoût et de la détestation pour la vie monastique. Il est nécessaire de faire l’expérience de la lutte avec les passions, d’acquérir une opinion humble de vous-même et bien plus encore… Venez à la Skite, je vous donnerai une cellule. Vous sortirez la nuit pour admirer le merveilleux ciel étoilé… Jugez par vous-même ce que le monde vous a apporté! Quel bénéfice en tirerez-vous?
– D’accord! Maintenant, je vais entrer à la Skite. Mais si j’entre à la Skite, je vais être forcé de transporter des bûches, et ça je ne peux pas le faire…
– Non, Vous ne serez pas obligé de transporter des bûches, principalement parce que vous n’êtes pas capable de soulever une seule bûche. L’obédience est toujours donnée en fonction des forces…
Vous voyez, il a des idées absurdes sur la vie monastique, bien qu’il ait écrit toute sa vie sur le monachisme. Pourquoi? Parce qu’il n’a pas personnellement vécu l’expérience de la vie monastique».
Quand Batiouchka eut terminé son propos, j’ai demandé:
– Qu’est-ce qui se rapporte au monachisme extérieur, et à l’intérieur?
– L’Évêque Ignace et l’Évêque Théophane ont beaucoup travaillé sur cette question. Mgr Ignace a consacré à ce sujet un article particulier dans le tome deux, et Mgr Théophane, un livre entier : «La Vie Intérieure». Le monachisme extérieur, c’est s’exercer aux podvigs: jeûne, veille, participation régulière aux offices de l’église, sobriété et d’autres choses. Et le monachisme intérieur, c’est la lutte contre les passions, la purification du cœur. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.