Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

Dimanche 6 décembre
(…) Quelque chose s’est passé avec Ivanouchka. On dit qu’il quittera certainement la Skite pour aller au Mont Athos, quoi qu’il en coûte. Il n’est d’accord avec aucun de mes arguments contre une telle décision. Il est allé aujourd’hui, auprès de Batiouchka plus d’une heure et demie, après le repas, vers vingt-trois heures. Je ne sais pas ce qu’il a dit à Batiouchka.
Jeudi 10 décembre
Aujourd’hui, quand Batiouchka s’est reposé après le dîner, j’étais près de lui, et entre-autre, Batiouchka m’a dit ceci:
– Sachez que vous allez m’enterrer, il ne me reste plus longtemps à vivre…
Après un instant de silence, j’ai dit:
– Comment?
– Évidemment, vous ne m’enterrerez pas seul, mais toute la fraternité avec vous. Mais je ressens que vous serez avec moi, que vous me fermerez les yeux et, peut-être, vous serez très triste : non, comment est-ce possible, Batiouchka Barsanuphe, déjà si malade… Mais quel rang vous occuperez alors, je ne sais pas.
Vendredi 11 décembre
La journée s’est déroulée normalement. Bien que les vêpres aient été célébrées à l’église, je ne pus y aller à cause de la quantité de travail.
Samedi 12 décembre
Je suis allé aux matines, à la liturgie; je suis allé, comme d’habitude, chez Batiouchka, ai mangé avec lui. Je ne suis pas allé aux complies.
Après les complies, Ivanouchka est venu chez Batiouchka. Quand il est sorti, Batiouchka m’a dit: «Priez pour votre frère, priez, le malin s’est attaqué à lui avec force.»
Et aujourd’hui donc, j’ai prié selon mes forces, que le Seigneur le sauve et l’éloigne de la perdition. Bientôt les vigiles… Ces jours-ci j’ai parlé avec Ivanouchka et j’ai essayé par différents moyens de lui montrer l’inconsistance de son souhait, mais il n’y eut rien à faire. Il est demeuré sur ses positions et n’a pas arrêté de se référer à l’Échelle Sainte, et à d’autres ouvrages spirituels.
Mardi 15 décembre
Je reviens maintenant de chez Batiouchka, il est huit heures et quart. Batiouchka se sentit si faible qu’il ne put se tenir debout pour les prières du soir et se coucha immédiatement. J’étais assis sur une chaise près du lit de Batiouchka et je le regardais. Batiouchka dit: «Racontez-moi quelque chose». Mais je ne pouvais penser à rien: j’ai fait la Prière de Jésus, en demandant mentalement de sauver Batiouchka.

Saint Nikon d’Optina

Seigneur, aie pitié et sauve Batiouchka! Et quand on a lu les prières du soir et après les prières à la Très Sainte Mère de Dieu et les autres, la tentation suivante s’est produite: frère de Nikita et moi ne pouvions absolument pas nous retenir de rire, et ce rire était si fort que j’en avais mal à la poitrine. On a conscience de ce que ce n’est vraiment ni le moment ni le lieu pour rire, mais on ne peut résister.
Le 13, j’ai appris de Batiouchka que le 13 décembre est le jour de sa tonsure officielle, car il avait été secrètement tonsuré à la mantia auparavant, un 30 novembre, quelques années avant sa tonsure officielle.
Mercredi 16 décembre
Il est déjà plus de onze heures trente cette nuit. Je viens seulement de sortir de chez Batiouchka. D’abord, nous nous sommes occupés du travail, puis nous avons conversé.
Batiouchka m’a beaucoup parlé, mais il est impossible d’écrire tout. Batiouchka a parlé de l’ignorance du moment de sa mort et, en fonction de cela, du moment de ma tonsure comme rasophore et à la mantia, et peut-être de mon ordination sacerdotale.
«Tant que je vis, tant que je suis dans ce monde, vous vivrez tranquillement… dans dix ans, vous serez bien sûr solide sur vos jambes, mais je n’espère pas vivre jusque là. Et après moi, vous devrez souffrir; bien sûr, le Seigneur ne vous enverra pas des tribulations comme j’en ai vécues, mais vous devrez souffrir… Vous serez dans ma position quand tout vous tombera sur la tête, mais vous ne serez pas ébranlé.»
Batiouchka a dit qu’il fallait aller droit au but, avoir de la fermeté.
À la fin de l’entretien, quand j’étais sur le point de partir, j’ai dit à Batiouchka:
– Batiouchka, quand nous avons quitté la Skite, alors que nous faisions encore partie du monde, vous nous avez dit: «Nicolas Mitrofanovitch (Vous vous trompiez souvent et m’appeliez Nikiforovitch), chez vous l’arbitraire est encore fort, mais j’ai l’impression que nous allons nous rencontrer sur la voie monastique…»
– Oui, cela s’est déjà réalisé, nous nous sommes déjà rencontrés. Le Seigneur nous donnera de marcher encore ensemble sur le chemin monastique, et nous pouvons marcher ensemble, en nous complétant l’un l’autre… Priez, Batiouchka, priez…
– Je prie toujours, selon mes forces, répondis-je.
J’ai remarqué que mon Père m’avait appelé à plusieurs reprises «batiouchka», tout en demandant mes prières. Je vois l’amour de Batiouchka pour moi et de façon générale, sa grande humilité…
Récemment, Batiouchka m’a amené près des icônes et a dit:
– Prions.
Nous avons prié, et Batiouchka a continué :
– Vous avez l’amour de la paix de l’âme en vous, c’est de nature chez vous… Développez cet amour dans la direction spirituelle. On pourra faire un bon moine de vous.
Seigneur, aie pitié de Batiouchka et sauve-le! (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.