Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

Le soir
Le 28, j’ai aussi expliqué à Batiouchka que me viennent des pensées de vanité, que je deviendrai starets, higoumène, etc.
– Oui, moi aussi, je pensais comme cela. Il ne faut pas souhaiter ces choses, mais évidemment, tout peut arriver et le Seigneur pourrait vous mettre à une telle place, ou vous gardera-t-il à l’abri quelque part dans une petite cellule. Excusez-moi, pour l’amour de Dieu, mais je considère la deuxième possibilité comme supérieure à la première.
Le 29, Batiouchka m’a dit :
– Il est nécessaire que chacun passe par des moments dans lesquels il endure patiemment tentations et lutte, une situation pénible, lourde. On parle de ces supplices dans les psaumes : «Ce furent comme les douleurs d’une femme qui enfante»(Ps 47;7), et encore : «Il m’a dégagé, mis au large». Quand vient le moment de l’enfantement, la femme éprouve de fortes douleurs, mais quand elle a mis au monde, elle se réjouit car un homme est né dans le monde. Ainsi, chaque personne qui naît spirituellement à une vie nouvelle, éprouve la douleur, jusqu’à ce qu’elle soit sortie et mise au large. Celui qui n’a pas vécu ces douleurs d’enfantement au monde, avant d’entrer au monastère, il doit de les éprouver au monastère. Et vous devrez le faire, car vous n’avez pas vécu cela dans le monde.
– Quelles sont ces douleurs?
– Celles de la lutte contre les passions. Les passions se lèveront contre vous. Sur l’un c’est la passion de la chair qui attaquera, bien sûr, par l’action du malin, et sur vous, peut-être, la colère: vous serez en colère contre tout le monde, même contre le pécheur Barsanuphe. Ou encore la folie des grandeurs, et d’autres passions. Mais l’ennemi ne vous laissera pas: si vous triomphez d’une passion, il en suscitera une autre, etc. Il faut de la patience. Il faut endurer soi-même, et ne pas déposer les armes, sachant que tout cela nécessaire.
Le 30 janvier, Batiouchka fut contrarié par le comportement du Père Prieur. «Non, Nicolas Mitrophanovitch, m’a dit Batiouchka, ne devenez pas supérieur. Maintenant, il y en a deux ou trois, mais à votre époque, ils formeront les deux tiers de la fraternité.»
Puis, quand Batiouchka s’est couché pour se reposer après le repas, il m’a dit:
– Vous voyez par quel creuset ardent le moine doit passer du début à la fin ? Et c’est là que la prière de Jésus est nécessaire, sans elle, aucune âme ne peut résister. Tant que je vivrai, tant que le Seigneur me conservera, rien ne vous arrivera, mais quand je serai parti, vous serez livré à vous-même. Alors maintenant, soyez patient à l’avance. Et en contemplant tout cela, ne soyez pas troublé et ne vous découragez pas. Ouvrez Saint Théodore Studite, et vous verrez que tout cela existait déjà alors. Maintenant, apprenez la patience.
Le 29 janvier, j’ai reçu une lettre d’Ivanouchka, de Moscou, où il est arrivé sans encombre et demeure dans la famille.
Le 30 janvier, j’ai reçu une lettre de maman, que je joins ici, et une reproduction de nos photos, mais elles ne donnent pas bien.
Au sujet des douleurs de l’enfantement, j’ai oublié d’écrire une chose que Batiouchka a dite : «Celui qui est lui-même dans cet état, par ses propres forces, il ne peut comprendre si cela diminue ou s’intensifie… Il ne peut pas le comprendre. C’est ici qu’un starets est nécessaire: lui, il verra immédiatement ce qui se passe avec son fils spirituel, ce qui lui est nécessaire dans son état. Et c’est Dieu qui révèle, par la foi de celui qui vient et qui demande. Mais si la foi n’est pas pure, alors, même si celui-là s’adresse à un prophète, Dieu incitera le prophète à ne pas dire la vérité».
Aujourd’hui, après le déjeuner, je suis allé chez Batiouchka, j’ai bu le thé, et j’ai reçu la bénédiction pour lire le livre «Sur les Monts du Caucase». Et j’ai lu. Batiouchka m’a également dit de lire les lettres de Batiouchka Macaire aux laïcs, c’est nécessaire pour mes lettres. Lors de la bénédiction je n’ai pu que recevoir la bénédiction, rien de plus.
Hier, j’ai envoyé une lettre à Mgr Tryphon, le félicitant pour son jour de l’Ange.
Mardi 2 février
On a dit la règle des vigiles chez Batiouchka. Après les vigiles, quand tout le monde est parti, je suis resté chez Batiouchka. Nous avons parlé un peu et je me suis apprêté à rentrer chez moi dans ma cellule. C’est alors que Batiouchka a dit:
– Peut-être que Dieu donnera, et je vivrai en paix, je pratiquerai la prière de Jésus. Frère Nicolas viendra me voir et dira: «Oui, quelle béatitude, la vie monastique. Seulement, il y a beaucoup d’afflictions…»
-Et comment, bien sûr il y en a beaucoup, sans afflictions ce n’est pas possible.
Quand Batiouchka a dit cela, je me suis dit: «Mais qu’en est-il? Les afflictions et la béatitude sont-elles compatibles?» Je voulais demander, mais je n’ai pas demandé, pensant que, peut-être, les afflictions servent de source à la béatitude.
– Quand Batiouchka Anatole vivait encore, il me disait constamment : «Faites-vous humble, faites-vous humble, faites-vous humble». C’est ce que Je vous dis: faites-vous humble et faites-vous humble».
À plusieurs reprises, j’ai entendu Batiouchka dire, à moi et à d’autres:
– L’hypocrisie, la duplicité, la ruse, ce sont de façon générale des péchés, mais sur le chemin monastique, c’est la perdition directe. Il est nécessaire de suivre fermement le chemin, de ne pas dévier, de ne pas servir «les nôtres et les vôtres…».
Aujourd’hui, pour la liturgie, j’étais à la Skite, mais pour la liturgie tardive je suis allé au monastère, ainsi que pour le repas.
Jeudi 4 février
Le 5 février c’est la commémoration du Saint Évêque Théodose De Tchernigov.
Je viens de rentrer maintenant de chez Batiouchka. Il est déjà dix heures trente. Nous avons eu une longue conversation. Elle a commencé quand Batiouchka m’a demandé comment arrivèrent en moi le souhait et l’aspiration à la vie monastique. Les voiles qui cachaient les faits de ma vie s’ouvrirent. Tout dans la vie est œuvre de la Providence divine, arrangé par Dieu. Batiouchka dit que Dieu m’avait amené ici à la Skite de façon providentielle. Nous avons parlé de façon générale du sens et des buts intérieurs des événements de la vie de chacun, dans ce cas plutôt dans ma vie; mais Batiouchka m’a raconté quelque chose à propos de lui-même. Si l’occasion se présente, je le noterai, mais pour l’instant, je n’en ai pas la possibilité. (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.