Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

(…) Je me souviens qu’un jour, Batiouchka m’a dit que le Jugement Dernier, selon la doctrine des Saints Pères, se passera à minuit, soudain, il sera minuit, la même heure sur tout ce qui vit sur cette terre, et il faut constamment se préparer pour cela, afin qu’il ne nous surprenne pas alors que nous ne sommes pas prêts.
«Je ne vous cacherai pas ce qui m’est arrivé ce soir», m’a dit récemment Batiouchka. «Je me suis éveillé, et soudain, je fus frappé par la pensée qu’à cet instant, le Jugement Dernier allait avoir lieu. Je n’en ai jamais eu une impression aussi claire et vivante. Je me suis levé. Toutes les objections concernant les signes et ce genre de choses se sont éloignées: tout cela se passait déjà, seulement nous ne l’avions pas remarqué, comme en fait aucun de ceux qui vivent négligemment ne les remarquera pas. Seigneur, aie pitié!… Une pensée était constamment devant moi: comment puis-je sauver mon âme? Il n’y a rien de bon en moi. Vous savez tout: on reçoit des lettres de remerciement, on reçoit personnellement des remerciements, mais je n’ai rien à voir avec ça. Cela agit sur eux à travers moi par la grâce de Dieu selon leur foi, et personnellement, je n’ai rien à voir avec ça. Et je me dis: n’est-ce pas ce dont il est dit dans l’Évangile: «… ils diront: Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en Ton nom que nous avons accomplis beaucoup de miracles et de forces?». Et le Seigneur leur répondit : éloignez-vous de Moi, Je ne vous connais pas.
Juste ici, à cet endroit, j’ai connu toute ma chute et mon péché. Eh bien, il n’y a rien, rien de bon. Certes, grâce à Dieu, il n’y a pas de péchés particulièrement grands, mais tous les jours… Avant, je pensais que j’avais quelque chose, mais maintenant, rien. Voilà ce que je dis et je suis conscient de moi-même exactement de cette façon. Ce ne sont pas juste des mots. Et je remercie le Seigneur qu’au moins existe cette conscience d’être pécheur. Et j’espère que le Seigneur, par Sa miséricorde, me sauvera: Il ne méprisera pas les cœurs humbles et broyés… Je suis réconforté par les paroles de Batiouchka Anatole, le grand starets: «Le pécheur Anatole n’a rien, sauf ceux qui soupirent pour vers Dieu.» Je demande sincèrement à tous de prier pour moi, et je vous le demande: priez. Je me compare à mes prédécesseurs: les startsy Père Macaire, Père Ambroise, Père Anatole, et je vois toute mon insignifiance, et je ne me place avant personne.»
La voilà la vraie humilité !

Saint Nikon (Fragment de la Synaxe des Saints Startsy d’Optina. T.A. Mouchketov)

Hier, après les vigiles, quand je me suis couché sur le canapé sous le portrait des startsy, près de Batiouchka, j’ai demandé à Batiouchka:
– Il faut toujours dormir avec le chotki sur soi?
– Toujours, c’est nécessaire, répondit Batiouchka.
– Mais Batiouchka, comment puis-je faire? Maintenant, je n’ai pas de chotki avec lequel je dors, et celui-ci, ce n’est pas pratique de dormir avec ; aller à l’église et dormir avec le même chotki ce n’est pas pratique.
– Alors dormez avec ce chotki, et rappelez-moi cela demain matin, je vous donnerai un nouveau chotki pour l’église.
Ce matin, je l’ai rappelé à Batiouchka, et il m’a dit de prendre moi-même un chotki parmi ceux qui pendaient au clou, ce que j’ai fait.
Aujourd’hui, Batiouchka a célébré, nous avons tous les trois lu la règle. Après la règle, en allant à l’église, Batiouchka a dit qu’en ce jour, le dimanche du pardon, il était nécessaire de se tenir aussi prudemment que possible, car l’ennemi essaie de manigancer toutes sortes de choses.
Lundi 1er mars, première semaine du Grand Carême
En ce premier jour du Saint et Grand Carême, j’ai demandé à Batiouchka sa bénédiction pour me préparer.
Hier encore, j’ai dormi chez Batiouchka, mais aujourd’hui, j’ai l’intention de me coucher dans ma cellule. Hier soir, je n’ai pas eu à aller aux Vêpres, je suis allé avec Batiouchka directement aux complies et à l’office du pardon.
Mardi 2 mars, de la première semaine du Grand Carême
J’ai dormi un peu trop pour arriver au début des matines… Et je n’ai rien remarqué de bien spécial en cette journée. J’ai été plusieurs fois chez Batiouchka. Une fois je suis arrivé juste quand Batiouchka venait de terminer de confesser.
– Je suis très épuisé, dit Batiouchka. C’est comme si vous ne faisiez rien: vous êtes assis et vous remettez les péchés, cela peut sembler ressembler à ça, de l’extérieur. Mais en même temps, ce n’est pas vraiment ça : la confession est très fatigante. Si le Seigneur vous en rend digne, vous en ferez l’expérience personnelle.
Mercredi 3 mars, de la première semaine du Grand Carême
Tout suit son cours. Je me souviens parfois d’Ivanouchka : où est-il? que lui arrive-t-il?… Je n’en sais rien. Je n’ai rien reçu, ni de lui ni de maman.
Jeudi 4 mars, de la première semaine du Grand Carême
Aujourd’hui, j’ai commencé les lectures du jour dans l’église. J’ai écrit une lettre à maman, en gardant à l’esprit, principalement, non pas mon intérêt, mais celui de la Skite. Je lui ai demandé de demander à mon oncle d’envoyer du fer à la Skite pour les constructions.
Après les matines, j’ai écouté les prières pour la confession, comme toute la fraternité. Ce soir, je suis fatigué de la journée, et ma jambe est fatiguée. Le jeûne le plus difficile à la Skite est celui de la première semaine du Saint et Grand Carême. Mais, par la grâce de Dieu, il n’est pas particulièrement pesant pour moi.
En outre, on est aidé par la conscience que ce sont de grands jours et qu’il ne peut en être autrement. Et je m’étonne de ce que je faisais auparavant en rompant le saint jeûne, sans comprendre et sans être conscient de sa sainteté et de sa nécessité. J’ai souvent entendu Batiouchka dire :
-De l’insouciance survient tout mal, le jeûne attise la prière. Nous connaissons le pouvoir du jeûne et sa signification, ne serait-ce que parce qu’il est particulièrement détesté par l’ennemi. Ils viennent à moi pour des conseils et la confession; au fait, entre autre, je conseille d’observer les saints carêmes. Ils sont d’accord avec tout, mais quand ça concerne le jeûne : je ne veux pas, je ne peux pas, et ainsi de suite. L’ennemi sème l’excitation; il ne veut pas que les saints jeûnes soient respectés.
Vendredi 5 mars, de la première semaine du Grand Carême
Aujourd’hui, le Seigneur m’a fait me confesser. Avant de me confesser, Batiouchka m’a dit: «Ce ne sera pas tout le temps aussi paisible et bon pour vous que ce l’est maintenant. Il faudra être patient, très patient. Je ne vous le dis pas pour que vous soyez découragés, non, mais pour que vous sachiez qu’un tel moment viendra, et prenez de la force maintenant. Alors vous direz: «Oui, tout cela m’a été annoncé par Batiouchka il y a vingt ans, et plus encore.» Et les jours difficiles approchent.
Partout, il est devenu difficile de vivre, et en particulier pour le moine… Et pour ceux qui vivent pour le bien dans un monastère. Vous aurez du mal, mais le Seigneur ne vous abandonnera pas et ne vous privera pas du Royaume des Cieux.» (A suivre)
Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.