Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Dimanche 28 mars, quatrième semaine du Grand Carême
Aujourd’hui, j’ai lu «Le Chemin vers le salut» de l’Évêque Théophane. J’ai reçu une lettre d’Ivanouchka. Il écrit qu’il accepte même de revenir à la Skite si Batiouchka éloigne un obstacle.
Hier, avant les vigiles, Batiouchka m’a dit:
– J’ai lu dans les lettres de Batiouchka Anatole, qu’il conseille de ne pas abandonner la prière de Jésus pendant l’office, que la prière de Jésus non seulement n’empêche pas d’écouter ce qui est lu ou chanté, mais même [aide] à comprendre le sens de ce qui est lu ou chanté…
Je dis alors:
– C’est ainsi que je faisais, c’est-à-dire que je ne l’abandonnais pas; mais quand vous m’avez dit qu’il fallait faire autrement, que pendant l’office, il faut dire la prière seulement quand on n’entend pas ce qu’on chante ou lit, j’ai arrêté de le faire, mais j’étais malheureux de me séparer de la prière pendant les offices.
– Bien, essayez de dire la prière. Cela signifie: différentes choses à différents niveaux…
Aujourd’hui, j’aurais voulu en parler davantage, mais je n’y suis pas parvenu.
Un jour, Batiouchka m’a dit qu’il avait fait un rêve quand il était encore dans le monde: «Je voyais l’enfer et les tourments de l’enfer. J’ai vu là une petite fille de sept ans, voire cinq ans, et je dis:
– Mais comment es-tu tombée ici? Et je pensais: quels peuvent être les péchés de cette petite fille alors qu’elle est encore un petit enfant?
Et elle me regarda et dit:
– Je suis là pour les mauvaises pensées.
Je suis allé chez mon confesseur et lui ai demandé:
– Est-ce possible?
Il a répondu:
– Oui, en enfer, il y a la moitié des enfants; que pensiez-vous?!»
Dans notre monastère, il y a eu un problème : quelqu’un a été faussement accusé auprès de l’Archimandrite. Aujourd’hui, à la Skite, Batiouchka a célébré avec tous les hiéromoines un moleben pour tous les startsy, incité à cela par toutes les circonstances affligeantes de ces derniers temps.
Lundi 29 mars, cinquième semaine du Grand Carême.
J’ai écrit une lettre à Ivanouchka. Eh bien, s’il le veut, qu’il revienne à la Skite !
Je viens de rentrer maintenant de chez Batiouchka. Il était allé au monastère à l’assemblée des aînés de la fraternité, les hiéromoines, et aujourd’hui, il m’a répété ce qu’il y a dit, et ce qui a été décidé. Que donnera Dieu demain? Batiouchka s’oppose par tous les moyens à l’établissement d’une procure, un podvorié, en disant que ce signifiera l’effondrement du monastère; et si pas l’effondrement, une brèche dans ses murs, par laquelle l’ennemi pourra se glisser dans la communauté.
Mardi trente mars, cinquième semaine du Grand Carême
Presque toute la journée, j’ai rédigé, mais j’ai tout de même trouvé le temps d’aller à l’économat. Maintenant, je rentre de chez Batiouchka. Avant que je parte, Batiouchka m’a dit :
– Faites-vous humble, faites-vous humble. Toute la science, toute la sagesse de la vie réside en ces paroles: humilie-toi, et sauve-moi Seigneur. Faites-vous humble et endurez tout patiemment. Apprenez l’humilité et la patience, et vous aurez la paix dans votre âme. Croyez-moi, celui qui a la paix dans son âme, il est au paradis sur terre… Avant cela, Batiouchka appuya ma tête contre sa poitrine et a dit:
– Sauve, Seigneur, ton serviteur, fais-en un moine, prends-le au Royaume des Cieux…
Tout cela est tellement rempli d’amour pour moi, pécheur. Sauve, Seigneur, et aie pitié de Batiouchka.
Mardi 6 avril, de la sixième semaine du Grand Carême
Aujourd’hui, alors que j’étais comme d’habitude occupé chez Batiouchka, celui-ci, entre autres choses, examinait le journal «Feuillets de la fraternité» et, pointant vers un article sur la différence entre les icônes et les idoles, sur la sainteté des icônes et leur antiquité, il déclara :
– Lisez-le, cela vous sera utile. Dans dix ou quinze ans, vous devrez mettre ça en pratique.
J’ai lu et dit:
– Qu’y a-t-il de particulier là-dedans? Je sais tout ça depuis longtemps.
– Et c’est pourquoi je l’ai dit: beaucoup de gens ne comprennent pas cela, même les intellectuels, et, lorsqu’on les questionne, ils deviennent perplexes. Et les sectaires font tomber beaucoup de gens sur ce sujet…
Tous ces derniers jours, j’ai été débordé. Tout le temps j’étais occupé. Le printemps est arrivé, la neige a commencé à fondre. Il a fait assez doux, et au soleil jusqu’à vingt, vingt-cinq degrés. Aujourd’hui, la journée est ensoleillée, belle, et la nuit était de pleine lune, claire. Hier soir, je suis resté chez Batiouchka pour parler un peu. Batiouchka a parlé du sens des événements intérieurs et visibles de la vie, comme ils sont tous mystérieux et profonds; maintenant le sens de l’un ou l’autre des événements de sa vie, s’ouvre à Batiouchka, alors qu’auparavant, il ne les comprenait pas du tout.
Jeudi 8 avril, de la sixième semaine du Grand Carême
Aujourd’hui, je suis allé à l’économat, demander des bottes. J’ai reçu les bottes, et le Père Macaire, l’ancien de l’économat, m’a dit:
– Le Père Archimandrite veut vous consoler: essayez-ceci.
En même temps, il m’a remis un rason, puis un klobouk. J’ai dit alors :
– Sauve-moi, Seigneur. Et, faisant le signe de Croix, j’ai enfilé le rason.
Il y avait là le Père George Koporski et le Père Dimitri Slavianski (il me semble que c’est ainsi qu’ils s’appellent), et le Père Dimitri m’a félicité. De l’économat, je suis allé au bain.
Et maintenant, pendant la bénédiction chez Batiouchka, je lui ai raconté ce qui s’était passé.
«Oui, dit Batiouchka, il a reçu l’autorisation de Son Éminence. Il faudra voir quand tout cela sera confirmé, c’est-à-dire quel jour. A partir de maintenant, vous serez rasophore.»
Et avant cela, Batiouchka m’a raconté à quel danger de mort il avait échappé lorsqu’il revenait de Mandchourie: d’abord, comment Batiouchka a failli tomber du train roulant à toute vitesse, croyant que la porte était fermée. Et deuxièmement, comment Batiouchka eut le pressentiment qu’il ne devait pas monter dans un train, et il n’y monta pas. Et en chemin, ce train a vraiment volé en éclats pour une raison quelconque, et quand, embarqué dans un autre train Batiouchka arriva, il aperçut un tas de débris et une masse de corps ensanglantés. Et troisièmement, comment on avait voulu tuer Batiouchka dans des toilettes, qui se trouvaient dans un endroit à l’écart. Et à l’époque, Batiouchka ne remarqua pas comment le Seigneur l’avait sauvé merveilleusement de tous ces dangers, et peut-être de beaucoup d’autres qu’il n’avait pas vus.
Je n’ai pas le temps de décrire tout cela en détails, j’écris brièvement. Le six et le sept, Batiouchka s’est promené avec moi dans la Skite, jusqu’à vingt-deux heures. Batiouchka a dit: «Remarquez, en 1921, il y aura 100 ans depuis la Fondation de la Skite». (A suivre)
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.