Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Jeudi 6 mai, semaine des Myrrhophores
Le 3 mai, lundi soir, Batiouchka m’a gardé chez lui. Il voulait marcher dans la Skite, mais la pluie ne l’a pas permis. Ensuite, après les prières du soir, nous sommes allés à la chapelle éloignée et avons discuté. Batiouchka m’a dit, entre autres que quand il était novice, persécuté et méprisé par tous, son humeur était plus joyeuse et lumineuse que maintenant… Batiouchka a dit que cela se produisait parce que son âme se nourrissait alors de la lecture de l’Évangile, des Psaumes et des livres des saints pères, mais maintenant il n’a plus cette possibilité. Maintenant, Batiouchka doit lire d’autres livres : les âmes des hommes.
Puis Batiouchka m’a dit: «N’écoutez pas l’ennemi qui vous insinue que le moment viendra où vous allez vraiment approfondir les lectures. N’écoutez pas le malin, il vous trompe. Pour vous, c’est maintenant que se déroule l’apprentissage.»
Le mardi 4 mai, a eu lieu la petite bénédiction de la nouvelle annexe au bâtiment de Batiouchka. J’y ai participé et j’ai aimé la façon dont les travailleurs non seulement ne s’y sont pas opposés, mais au contraire, l’ont même souhaitée.
Le mercredi 5 mai, c’est-à-dire hier, quand après un récit d’Abba Jordan sur la façon dont le saint Abba Nicolas rencontra trois bandits Sarrasins, qui emmenaient un beau jeune homme qu’ils avaient capturé et voulaient le sacrifier à leurs dieux-idoles. Le jeune homme, voyant le Saint, lui demanda de le délivrer de ces bandits. Le Saint demanda, mais ils ne le laissèrent pas partir. Alors le Saint commença à prier, et tout à coup les Sarrasins devinrent enragés, ils tirèrent leurs épées et se taillèrent les uns les autres. Le jeune homme délivré ne voulut pas s’éloigner du Saint, il renonça au monde, vécut dans un monastère pendant sept ans et décéda.
Après avoir lu, j’ai répété «Il vécut sept ans dans un monastère, et la huitième année, il décéda». Et Batiouchka dit:
– Vous ne vivrez peut-être encore que sept ans.
J’ai écouté cela en silence et, après m’en être souvenu, je l’écris maintenant, car ce sont les paroles du Starets.
Nous avons eu nos vigiles, c’est-à-dire chez Batiouchka, car Batiouchka célèbre. Je suis déjà allé à la liturgie, et maintenant je vais au moleben.
Jeudi 13 mai, semaine du paralytique
Le 9 mai, j’ai lu l’Apôtre à la liturgie.
Quand j’ai bu le thé avec Ivanouchka, il m’a troublé avec quelques mots de l’Évêque Tryphon. J’en ai parlé à Batiouchka après le déjeuner et il m’a pleinement apaisé Au fait, Batiouchka m’a dit: «Tant que je vivrai, nous vivrons ensemble, et quand je mourrai, Je vous remettrai au Seigneur Lui-même pour vous guider».
Le 9 mai, j’ai terminé la lecture de Saint Marc l’Ascète.
Le 10 mai, Batiouchka a demandé:
– Quand avez-vous été tonsuré rasophore?
– Le 16 avril.
– Quels saints?
– Les saintes martyres Irène, Chionia et d’Agapia.
– Que signifient ces noms?
J’ai réfléchi:
– Agapia, amour, Irina, paix, Chionia, neige.
– Eh bien, cela signifie que vous devez, selon la parole de l’Apôtre, voir chacun dans la paix comme un sanctuaire de Dieu. Sans ces vertus, la paix et l’amour, vous ne pouvez pas être purifié des passions, c’est-à-dire blanchir. Et Chionia signifie neige. Vous devez donc purifier votre âme afin qu’elle soit blanche comme neige, comme il est dit dans le Psaume [50]: plus blanche que la neige. Et plus loin, que dit-il encore? Tu me feras entendre des paroles de joie et d’allégresse… C’est l’anticipation de la béatitude au fur et à mesure de la purification, puis les os humiliés se réjouiront. Ici, dans le Psaume, la séquence est subtile…
Le 10 mai, Batiouchka m’a donné à lire le quarantième entretien de Saint Macaire d’Égypte. Mais je ne pus pas le lire immédiatement et je ne l’ai lu qu’hier.
Quand j’ai lu le livre «Sur les Monts du Caucase», j’ai lu qu’il était nécessaire de prier Dieu ardemment, ainsi que la Très Sainte Mère de Dieu et les saints pour obtenir ce grand don : la prière de Jésus. Je l’ai dit une fois à Batiouchka, et il m’a dit: «Bien sûr, et il est possible de faire une comparaison. Des voyageurs se rendent dans une certaine ville, ils avancent dans la steppe et regardent au loin, on aperçoit un peu la ville. Ils vont, ils marchent, beaucoup de temps est déjà passé, il semble que la ville n’est pas loin, quand tout à coup ils remarquent que sur leur route devant eux s’ouvre un gouffre, à travers lequel ils ne peuvent passer. Ils étaient là, se disant: que faire? Et les uns allèrent vers la gauche, les autres vers la droite, mais ni les uns ni les autres ne trouvèrent de passage à travers l’abîme. Ils s’arrêtèrent, ne sachant que faire. Et voilà qu’ils remarquent qu’il y avait des gens de l’autre côté.Alors ils se mirent à les appeler et à leur demander de l’aide dans leur détresse. Et ces gens commencèrent à jeter des cordes attachées à des pierres sur l’autre rive, de sorte qu’une extrémité des cordes était entre leurs mains, et l’autre extrémité, avec la pierre, se trouvait de l’autre côté. Ils attachèrent le bout de leurs cordes à un pieu qu’ils enfoncèrent dans le sol. Et ainsi peu à peu, lançant successivement des cordes, ils formèrent un pont de corde, sur lequel tout le monde traversa prudemment. Mais ceux qui étaient sur l’autre rive, ils n’auraient pu faire quoi que ce soit…»
Un de ces derniers jours, Batiouchka m’a dit: «le Seigneur vous a amenés ici. Comme si vous étiez pour fait pour Optina, et Optina, pour Vous…»
Le 4 mai au soir, Ivanouchka est venu me voir et m’a lu son poème «La Mer» et m’a demandé quel poème j’aimais le plus. Je ne me souvenais pas de tous ses poèmes, c’est pourquoi j’ai dit: «Eh bien, celui-ci n’est pas mal…» Tous les poèmes d’Ivanouchka étaient plus lamentables que cela. Ivanouchka pensa que c’était celui que j’aimais le plus, précisément parce qu’il dépeignait les forces et la beauté de la nature.Alors, il est reparti dans sa cellule, et a écrit un autre poème, qu’il m’a consacré, en ajoutant une dédicace. Il me les a donnés le 6 mai, et le 7 mai, je les ai montrés à Batiouchka. Batiouchka me les a lus. Mais quoi qu’il en soit, Batiouchka a interdit à Ivanouchka d’écrire encore des poèmes. Pour quelles raisons, je ne sais pas. Aujourd’hui, je suis allé au magasin pour les affaires de Batiouchka et en même temps j’y ai acheté l’Apôtre pour moi-même.
Vendredi 14 mai
Hier, on a lu les vigiles chez Batiouchka. Aujourd’hui, je suis allé à la première liturgie au monastère. Batiouchka célèbre la liturgie tardive. Maintenant, je suis allé chercher un plantoir avec le Père Isidore. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.