Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Dimanche 6 décembre
Aujourd’hui, c’est mon jour de l’Ange. Je suis allé à la liturgie à la Skite, comme d’habitude. Batiouchka n’a pas célébré chez nous, car en tant que Supérieur temporaire de tout le Désert d’Optina, il a célébré au monastère. Après la liturgie, je suis allé directement, avec la prosphore, chez Batiouchka. Il m’a béni et a dit ceci : «Je vous souhaite de nombreuses années de bonne vie, à la Skite bien-sûr, et de vivre chaque année votre jour de l’Ange à la Skite, et de mourir à la Skite quand ce sera votre jour de l’Ange». Je pense qu’il a dit ça, en tous cas, le sens est celui-là.
Je vais bientôt devoir aller au monastère pour le moleben.
L’autre jour, j’ai été témoin du discernement de Batiouchka, de sa faculté de raisonnement, de son amour, de son humilité, en fait je ne sais même pas comment qualifier cela.
Il y a au monastère un moine, déjà vieux, voilà cinquante ans qu’il vit au monastère. Batiouchka m’a dit de lui que personne n’était parvenu à le rendre humble, ni le Père Isaac, ni le Père Dosithée, ni le Père Archimandrite Xénophon. A toutes les accusations, il répondait grossièrement et avec audace.
Voilà que Batiouchka a reçu des plaintes au sujet ce moine, de la part des frères du monastère. Batiouchka décida d’appeler le moine. Il est venu. Dès les premiers mots de Batiouchka, il a commencé à parler avec audace et impoliment, et a même crié sur Batiouchka. Grognant et menaçant, il sortit de chez Batiouchka et partit. Batiouchka appela le trésorier et le maître de discipline et leur dit de lui retirer la mantia et même le rason. Mais le moine refusa de se laisser faire et dit qu’il ne voulait pas de cela. Alors Batiouchka réussit à faire en sorte que ce moine vint auprès de lui, méconnaissable, il tomba à genoux en pleurant, demandant pardon et bénédiction, et exprima sa soumission.
Batiouchka pardonna aussitôt:
– Dieu te pardonne.
Mais le moine, à genoux, sans se relever, demandait pardon encore et encore.
– Dieu te pardonne, et pardonne-moi, dit Batiouchka, et après avoir calmé un peu le moine, il l’a laissé partir.
Quand je suis entré, Batiouchka m’a dit «C’est un miracle. Gloire À Toi, Seigneur».
Batiouchka alla se placer devant les icônes et pria. Tout le monde comprenait que Batiouchka faisait tout cela pour le bénéfice de tous les frères, c’est-à-dire qu’il l’avait rendu humble et réconforté, et tout le reste. De l’humilité de Batiouchka, je n’en parlerai même pas.
Lundi 7 décembre
Quand j’ai quitté l’église hier soir, Batiouchka m’a dit de l’accompagner. Et alors que je l’accompagnais jusqu’à sa cellule, il m’a dit: «Prenez attention à cette représentation (c’est-à-dire la représentation des saints pères, qui se trouve dans l’église du Saint Précurseur, à droite de la porte, lorsque vous sortez dans la chapelle de Saint Macaire) et au tableau principal. Je vous raconterai à ce sujet une merveilleuse histoire…»
Puis j’ai reconduit Batiouchka et je suis allé dans ma cellule. Aujourd’hui, j’ai aidé pour le thé de la communauté. Après le thé, quand j’ai lavé la vaisselle, je ne me suis pas abstenu de paroles oiseuses, après quoi c’est toujours désagréable pour l’âme.
Batiouchka célèbre au monastère.
Aujourd’hui, jour de commémoration de Batiouchka Ambroise, c’est l’anniversaire de mon admission à la Skite, bien que j’y fus accepté le neuf décembre.
En ce jour, c’est-à-dire le 7 décembre, seul Ivanouchka fut admis, et encore, pas tout à fait, car on ne savait pas ce qu’allait dire le Père Archimandrite. Ce jour-là, Batiouchka a donné sa bénédiction
Ivanouchka demanda à entrer à la Skite. Mais j’attendais le moment opportun, car Batiouchka m’avait dit: «Quand le moment viendra, entrez à la Skite», et en attendant, il m’a conseillé d’aller ailleurs. J’ai donc pensé que j’irais à là où on me dirait, et je suis arrivé à Optina sans objectif précis. Et tout à coup, je fus admis, par la grâce de Dieu. Je me souviens, bien que ce ne soit plus très clair, que Batiouchka nous (déjà tous les deux) a accueillis et a mentionné que c’était le jour de la commémoration de Batiouchka Ambroise. Il considérait donc cela comme la bénédiction de Batiouchka Ambroise pour notre vie monastique.
Le soir
Je vais consigner quelques mots de Batiouchka. Par exemple, je me souviens qu’un jour, avant les prières du soir, Batiouchka a dit ceci:
– Pendant longtemps, je n’ai pas compris les paroles du psaume: la voix du Seigneur partage la flamme du feu [Ps.28;7]. Alors que j’étais déjà au monastère, je me suis dit ceci: sur terre, nous avons le feu, dont la flamme possède à la fois chaleur et lumière. Mais entre le paradis et l’enfer, le feu est divisé comme suit: la lumière se trouve au paradis et réjouit les justes, et la chaleur sans aucune lumière brûle les pécheurs en enfer, car il est écrit que l’abîme enflammé de l’enfer est dans les ténèbres, et le pécheur ne peut voir personne… Seigneur, sauve-nous et aie pitié! Ici, punis Seigneur, comme Tu veux, seulement là-bas, aie pitié…
Ivanouchka est venu aujourd’hui. Il est dans une position très dangereuse: il veut sans cesse partir, mais il ne sait pas où. Au Mont Athos, a-t-il dit. Mais je pense que c’est juste une tentation de l’ennemi. Il s’est cramponné à l’idée que si vous ne recevez pas un bénéfice dans un endroit connu, alors cherchez-en un autre. Il dit que c’est écrit dans l’Échelle Sainte, mais je ne me souviens de rien de pareil. Que le Seigneur le sauve.
Mercredi 9 décembre
Aujourd’hui c’est le jour anniversaire de mon acceptation à la Skite, un jour de Joie Inattendue.
Mais je n’ai rien remarqué de spécial aujourd’hui. J’ai beaucoup travaillé à mon obédience. J’ai mangé avec Batiouchka (en fait, je parle du repas du matin, à onze heures), et après le repas, vers midi, j’ai emmené Batiouchka au monastère auprès du Père Archimandrite, qui est rentré hier soir.
Hier soir, je suis resté chez Batiouchka jusqu’à minuit et demie. Pendant que Batiouchka écoutait les prières du soir, je suis allé à la chapelle pour faire les cinq cents, mais tout à coup, rapidement, Batiouchka m’a appelé et m’a dit: «Les tourments de l’enfer existent sans aucun doute, et ces tourments seront réels. Les âmes des justes et des pécheurs auront même des vêtements. Par exemple, des saints évêques sont apparus vêtus de vêtements d’évêques. Il y aura peut-être des villes et des choses comme ça. Tous ont vu les tourments de l’enfer dans les conditions semblables à l’existence terrestre, mais ce ne sera pas dans ce corps grossier, mais dans un corps subtil, comme un gaz. Toutefois, tout cela sera avant le Jugement Dernier. Ce qui se passera après, personne ne le sait, pas même les Anges. C’est un mystère!»
Batiouchka a dit quelque chose au sujet d’un miroir, expliquant que les tourments infernaux y ressembleraient, il a également parlé des reflets dans le miroir, mais cela, je ne l’ai pas vraiment compris. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.