Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Lundi 4 janvier
Il dix heures trente, le soir. Je rentre de chez Batiouchka.
Nous avons eu une conversation qui a duré une heure. Batiouchka a parlé des tourments éternels, des béatitudes du paradis. Batiouchka a parlé de lui-même, comment, méprisé par tous, il est devenu hiéromoine et rapidement starets et supérieur: «Ce qui plaît à Dieu, cela adviendra. Ne comptez que sur Dieu, pas sur l’homme. Dieu choisit ses serviteurs et les prédestine. Je ne sais pas comment ni qui vous serez, mais vous êtes complètement avec moi, nous sommes ensemble. Ce n’est pas pour rien que le Seigneur vous a libéré du service militaire. Vivez selon la vie monastique, et le Seigneur ne vous quittera pas: vous recevrez ici, et vous recevrez au-delà. Ne dites à personne ce que je vous raconte.» J’ai reçu la bénédiction et nous avons pris congé.
Mardi 5 janvier
Grâce à Dieu, tout s’est bien passé. Certes, je suis un peu fatigué et j’ai même un mal de tête. Mais quand j’ai lu les canons pour Batiouchka, je me suis senti beaucoup plus joyeux, et le mal de tête a complètement disparu.
Mercredi 6 janvier
La règle des matines a été dites à partir de minuit chez Batiouchka, avec ses auxiliaires de cellule et le Père Koukcha. Puis je suis allé à la liturgie au monastère. Gloire à Dieu, tout s’est bien passé. Hier, j’ai reçu de brèves félicitations pour la fête de la part de Vladika Tryphon. Sauve-le, Seigneur.

Jeudi 7 janvier
C’est la grande fête de la dédicace. J’ai participé à la sanctification de l’eau, puis à la liturgie. C’est le Père Archimandrite qui célébrait. À la fin de la liturgie, je suis allé aider le Père Nikita aux préparatifs du thé d’après liturgie, pour la réception des employés et des invités. Je suis allé auprès d’Ivanouchka, mais comme il ne voulait pas boire le thé, je suis retourné à ma cellule jusqu’au moment du repas. Ce n’est qu’après le repas que j’ai trouvé un peu de temps. Quand Batiouchka s’est couché pour se reposer, il m’a dit: «Oui, tout ce que la Sainte Église enseigne est la vérité. Et les tourments d’outre-tombe existent…»
Aujourd’hui, lors de la bénédiction, j’ai dit à Batiouchka que je remarquais en moi de la distraction et de la négligence. Quand je l’ai dit, Batiouchka a étreint ma tête contre sa poitrine, a posé sa main, m’a couvert de sa demi-mantia, et m’a béni ainsi que ma tête, du signe de la Croix, et il a lu le Psaume 90: «Celui qui demeure sous le secours du Très-Haut». Batiouchka était très affectueux; il était fatigué aujourd’hui.
Quand nous avons récité la règle des vigiles de la Théophanie chez Batiouchka, il a dit un petit mot en guise d’enseignement entre les cathismes. Je n’ai pas le temps de tout noter, mais j’en dirai seulement l’idée principale. Batiouchka a dit que Dieu a permis qu’Adam et Eve tombent dans le péché, et la première nature pure et innocente a été pervertie. Mais le Seigneur, par son amour de l’homme, «a recréé l’homme pour le meilleur, dans Son Christ». Le juste du nouveau Testament est supérieur à Adam. L’ennemi triompha en séduisant le premier Adam. Mais le Seigneur prononça aussitôt la malédiction sur lui, disant que la Postérité de la Femme écrasera la tête du serpent, et que tous les justes du Nouveau Testament dans leur nature renouvelée sont devenus supérieurs à Adam. J’ai beaucoup aimé la manière d’expliquer de Batiouchka.
Dimanche 10 janvier
Tous ces derniers jours, je n’ai quasi pas eu une minute de libre: des rapports annuels urgents devaient être établis. Je me souviens que l’autre jour, Batiouchka m’a fait remarqué qu’il fallait être prudent et attentif en toutes choses: «L’attention, la précision et l’exactitude dans les affaires et dans nos responsabilités contribueront même à la concentration intérieure, dans votre âme, lorsque vous vous habituerez à cette attention.»
Puis le Père m’a aussi récemment dit de nouveau de m’occuper à m’auto-réprimander «pour mon bien personnel et pour le bien de la communauté». Batiouchka m’a dit qu’il était difficile de me comprendre que tous les mots se fondaient en quelque sorte en sons incertains: «Tant que vous êtes jeune, vous pouvez corriger cela. Et pour ce faire, vous avez besoin de lire la vie des saints, à haute voix, lentement, dans votre cellule au moins une demi-heure, en essayant de prononcer toutes les lettres clairement, correctement. Bien sûr, lors d’une telle lecture, vous devez faire attention non pas au sens de la lecture, mais au mécanisme de lecture. Ici, comme dans toute démarche, il est d’abord nécessaire de prendre conscience de sa propre faiblesse, puis de susciter le désir de correction et, enfin, de choisir et d’utiliser des moyens connus. Mais puisque les moyens de se corriger ne sont pas tout à fait agréables et qu’il faut du temps pour se corriger, il est nécessaire d’avoir de la patience en plus de tout ce qui a été dit…»
Mercredi 13 janvier
Ces jours-ci, il y a eu beaucoup de travail sur différents sujets, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant. Il y a eu tellement de travail que je ne me souviens pas ce que je pourrais écrire.
Jeudi 14 janvier
Il est maintenant est 12 heures. Minuit. Je viens de rentrer dans ma cellule, de chez Batiouchka: d’abord, on s’est occupé du courrier, ensuite on a discuté. Entre autres choses, Batiouchka a dit que dans sa position de starets et abba de la Skite, il remarque souvent, non pas tous les jours, mais toutes les heures, les stratagèmes de l’ennemi, desquels seul le Seigneur peut nous mettre à l’abri.
Batiouchka a dit que ma situation était exceptionnelle et heureuse, que j’étais tout le temps avec le starets, que j’avais la possibilité de dire tout ce qu’il était nécessaire de dire, possibilité que Batiouchka n’avait pas en son temps, et surtout après la mort de Batiouchka Anatole, ce dont je devrai, très vraisemblablement, faire l’expérience.
Batiouchka a dit qu’il voulait encore poursuivre sa vie pour me renforcer non seulement sur le plan spirituel et moral, mais aussi sur le plan extérieur, c’est-à-dire me donner le rason et plus encore, et m’affermir. Seigneur, Sauve Batiouchka. C’est bon de parler comme ça, mais nous avons peu de temps, il est rare de pouvoir parler. (A suivre)
Traduit du russe
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.