Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.

14 avril, Grand Saint Mercredi
Aujourd’hui, j’ai été jugé digne du Mystère de la confession. J’ai passé un peu de temps dans ma cellule. Le Père Isidore est rentré de l’infirmerie et est à nouveau mon voisin.
15 avril, Grand et Saint Jeudi
Aujourd’hui, j’ai été jugé digne de recevoir le Mystère des Saints Dons du Christ. Et j’ai lu au réfectoire.
16 avril, Grand et Saint Vendredi
Aujourd’hui, moi, le pécheur, j’ai été jugé digne de recevoir la tonsure de rasophore. J’aurais voulu tout décrire en détails. Mais je ne peux pas. Plus tard, si Dieu le veut et me prête vie. Aujourd’hui, c’est la fête des Sainte Martyres, Agapi, Irène et Khionia.
20 avril, Mardi de la Semaine Lumineuse
Ivanouchka est revenu chez nous et a été admis à la Skite. Le Grand et Saint Samedi, j’ai reçu deux lettres de lui. Il était déjà à Moscou. Elles m’ont un peu surpris. Avec la bénédiction de Batiouchka, je lui ai envoyé un télégramme, pour qu’il vienne.

Saint Nikon d’Optina

Le onze avril, Batiouchka a vu deux esprits malins qui regardaient à la fenêtre de l’autel de la chapelle Saint Macaire, où se tenait Batiouchka.
Comme Batiouchka me l’a raconté leur aspect était un mélange de bête sauvage et d’homme, sans corne, mais à l’apparence terriblement laide, noire, méchante. Ils étaient près du pommier et Batiouchka ne vit que leurs têtes.
– Pourquoi je vous appelle Lioutotchka?, me demanda un jour Batiouchka.
– Je ne sais pas, répondis-je.
– Le mot Lioutotchka vient du mot lioutiy, féroce. Dans les vies des saints, on raconte que les esprits du mal appelaient Saint Jean le Théologien «le très féroce». Et donc, féroces dans l’opinion des esprits du mal, nous devrions l’être. Bien sûr, nous ne pouvons pas être des «très féroces» comme Saint Jean le Théologien; mais si nous sommes des petits féroces, c’est déjà bon. Maintenant, avez-vous compris la signification de ce mot?
J’ai fêté Pâques. Je suis allé aux Matines Lumineuses, au monastère. Pour la Liturgie, je suis allé au monastère, seul, et j’étais un peu en retard pour le début. J’ai appris du Père Rufus que Batiouchka n’était pas là. Je suis retourné à la Skite et j’ai appris que Batiouchka était très faible et n’avait pu aller célébrer. Tout affligé, je suis retourné au monastère. Après la Liturgie, je revins et je vis que Batiouchka, Dieu merci, n’avait rien. Il s’était reposé et avait repris des forces. Gloire à Dieu, il n’était pas malade. Ensuite, je suis allé aider l’ancien chargé du thé pour la communauté. Je suis rentré un peu dans ma cellule et me rendis bientôt aux Vêpres.
Hier, la journée se déroula calmement, Gloire à Dieu. Le printemps bat son plein. Les arbres fleurissent, les buissons verdissent d’une tendre verdure, et au sol, le tapis vert s’est depuis longtemps déployé à travers la Skite. Les oiseaux chantent, les papillons volent, et en général toute la nature a repris vie.
Le cinq ou le six avril, je ne me souviens plus, Batiouchka m’a dit ce qui suit.
«Quand j’étudiais au Gymnase de la ville de Polotsk, en été, nous avons été emmenés pour les vacances dans un pittoresque domaine public, qui avait été jadis le domaine de l’évêque catholique. Il y avait une belle allée de bouleaux, et dans toute cette allée, deux bouleaux se distinguaient particulièrement par leur hauteur et leur beauté. J’aimais m’isoler dans cette allée et chaque année, j’ai gravé mon initiale «P» sur un bouleau. Et un jour que je taillais ma lettre «P», une pensée me dit : «Taille plus fort et plus profond». J’ai écouté cette pensée et j’ai coupé assez profondément. Et ce fut la dernière fois, car l’année suivante, nous n’avons pas été envoyés dans ce domaine, et puis j’ai terminé et je suis parti de là. Les élèves se levaient généralement à six heures, mais je me levais à cinq heures, je partais dans cette allée et, debout parmi ces bouleaux, je priais. Alors j’ai prié comme je ne l’ai jamais plus fait par la suite: c’était la prière pure d’un adolescent innocent. Je pense que c’est là que je me suis interrogé, j’ai supplié Dieu pour le monachisme. De façon générale, j’ai des souvenirs clairs et purs du Gymnase.»
Mardi 27 avril de la Semaine de Thomas
Ces derniers jours, j’ai beaucoup écrit et Frère Kyrill m’a aidé. Hier, il est reparti à l’état-major.
Hier soir, Batiouchka m’a gardé pour parler une minute, mais il était très affaibli et, m’ayant étreint doucement, il me donna congé. Moi, en rentrant de chez Batiouchka, je pensais à quel point le Seigneur était miséricordieux envers moi.
Je me prépare sans cesse à décrire ma tonsure de rasophore, mais je ne trouve jamais le temps. Je vais en décrire une partie.
Le matin du 16 avril, le Grand et Saint Vendredi, je me suis rendu auprès de Batiouchka et j’ai reçu de lui la bénédiction d’aller au monastère pour les heures, après lesquelles on procéderait à la tonsure. J’étais gêné par certaines circonstances, mais Batiouchka m’a rassuré, et je suis parti. De la Skite, le Frère Hilarion vint avec moi. Des moines de la Skite, nous n’étions que deux, lui et moi..
– «Viens, frère, allons sur les tombes des Startsy», ai-je dit.
– «Allons-y»
Nous y sommes allés et avons prié. Ensuite, nous sommes allés à l’économat. De là, on nous a envoyés à l’église. Nous n’avons seulement essayé des kamilavkas sans le voile.
À 9 heures, on a sonné pour les heures. Elles étaient célébrées dans l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Après les heures, nous sommes allés à l’église de Sainte Marie l’Égyptienne; là, tout était déjà préparé pour la tonsure. On a fait passer à tour de rôle. Je me suis assis et j’ai dit la prière de Jésus. Puis, ils m’ont envoyé à la Skite, demander à Batiouchka s’il ne voulait pas assister à la tonsure. J’y suis allé et j’ai rencontré le Père Pavel et le Père Euthime de la chancellerie. Ils revenaient de la Skite et me dirent que Batiouchka était très occupé à confesser et ne pourrait pas venir. Je suis alors allé chez le Père Archimandrite, je lui ai rapporté ces propos. Et je lui ai remis les cierges de Pâques que Batiouchka lui avait envoyées par le Père Pavel, qui me les avait transmis. Le Père Archimandrite a remercié et a dit qu’il viendrait maintenant.
Je suis allé à l’église de Sainte Marie l’Égyptienne et, après avoir expliqué ce qui venait de se passer, je me suis assis à ma place. Bientôt, le Père Archimandrite entra. Nous nous sommes suivis pour recevoir sa bénédiction. Quand tout le monde eut reçu la bénédiction, le Père Archimandrite nous demanda: «Voulez-nous recevoir la tonsure de rasophore?». Nous avons répondu que nous le voulions. (A suivre)

Traduit du russe
Source :

Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.