Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
Mardi 18 mai
Le vendredi 14 mai, Ivanouchka a écrit une lettre à Batiouchka. Je l’ai remise à celui-ci. Et Batiouchka a qualifié cette lettre de terrible et a décidé qu’il était préférable qu’Ivanouchka vive à Moscou (bien sûr, dans un monastère). Et le dimanche, on a célébré un moleben pour son départ, et une pannychide pour les Startsy, et le 17, lundi, c’est-à-dire hier, Ivanouchka est parti. Je suis sincèrement désolé pour lui. Je l’ai béni fraternellement avec l’icône du Saint et grand martyr et thaumaturge Panteleimon. Avant de partir, nous sommes restés un peu dans ma cellule. Puis nous nous sommes levés, nous avons prié, pris congé, et il est parti. Je suis très heureux qu’il soit parti avec un esprit paisible et qu’il ait bien fait ses adieux à Batiouchka. Que Dieu l’aide.
Jeudi 20 mai
Le vendredi 14 mai au soir, Batiouchka nous a dit ce qui suit, à moi et aux auxiliaires de cellule:
«J’ai remarqué dans ma vie que des questions embarrassantes et en général des circonstances variées m’ont été clarifiées parfois rapidement, et parfois quelques années plus tard. Donc je ne me suis pas particulièrement attardé sur divers embarras, croyant que cela serait clarifié plus tard. Une pensée me vient à l’esprit: «Et ça alors? Comment est-ce possible?..»Je réponds: «Laissons ça, laissons ça, plus tard». Et en effet, à un moment donné, le Seigneur m’a envoyé la solution dissipant toute perplexité…»
Et récemment, Batiouchka m’a dit ceci:
«Le nombre 6, est représenté en slave par la lettre «le serpent», S, et a toujours une signification mystérieuse et funeste. Par exemple, réfléchissez, peut-être, vous rappellerez-vous de ce qui vous est arrivé quand vous aviez six ans».
Lundi 24 mai, semaine de l’aveugle-né
Hier soir, c’est-à-dire le 23 mai, Batiouchka voulut marcher un peu dans la Skite et m’emmena avec lui. J’ai attaché une attention particulière aux paroles suivantes: «Je prie le Seigneur de me permettre de vous consolider sur vos pieds, afin que vos pieds soient fortifiés, ils sont encore des pieds d’ enfant. Car après moi, Vous serez attaqués, mais ne craignez pas, car vos fondations seront posées sur la pierre des commandements. Vous êtes dans la même situation que moi. Batiouchka Anatole était très bien disposé envers moi, spirituellement je lui étais le plus proche. Il m’a appelé ascète, et cela a suscité l’indignation de certains des frères. Certes, je n’étais pas aussi proche de Batiouchka Anatole, que vous l’êtes de moi, mais j’ai tout de même même bénéficié de certains avantages. Et après la mort de Batiouchka Anatole, j’ai été attaqué…»
Je ne me souviens pas bien si j’ai écrit quelque part, ou non, les paroles de Batiouchka, disant à peu près ceci: «Vivrai-je jusqu’au moment où vous serez revêtu de la mantia? Oui… et alors je dirai : maintenant, laisse s’en aller en paix ton serviteur, Seigneur…» Tout cela montre le grand amour de Batiouchka pour moi.
Mercredi 26 mai, clôture de la Sainte Fête de Pâques
Aux matines d’aujourd’hui, j’ai lu pour la première fois le Canon. Dimanche, pendant les Vêpres, j’ai lu les trois odes.
Jeudi 27 mai. Ascension

Hier, on a lu les vigiles chez Batiouchka. Aujourd’hui, je suis allé à notre liturgie.
J’ai un peu de temps, je pense écrire ce que je voulais depuis longtemps. C’était le 26 octobre 1909, avant mon appel au service militaire. Batiouchka voulait vraiment que je sois exempté. Et ce que vous souhaitez, en même temps, vous l’espérez et vous n’osez pas espérer son accomplissement. C’était le cas, je pense, pour Batiouchka, et il me garda à plusieurs reprises pour parler avec lui et lui-même parla beaucoup.
Ainsi, le 26 octobre 1909, je suis resté chez Batiouchka, nous avons commencé à lire le livre «Sur les Monts du Caucase», sur la prière de Jésus, dont Batiouchka admet parfaitement la nécessité. Ce soir-là, nous avons lu que le starets qui parlait de la prière de Jésus avec le rédacteur du livre s’appelait dans le monde Dimitri et au monastère Desideri. Et le 26 octobre, on commémore le Saint Mégalomartyr Dimitri de Thessalonique. Batiouchka eut l’attention attirée par cela. Puis, après avoir lu assez, nous avons commencé la conversation. Je n’ai presque rien dit, j’ai seulement écouté. J’écris maintenant quelques extraits de la conversation et son sens général.
«Les paroles du Psaume 117, la triple répétition de la phrase: Elles m’ont entouré, mais au Nom du Seigneur je les ai repoussées, ceux qui pratiquent la prière de Jésus la comprennent pleinement, même si personne ne la leur a expliqué. Ils comprennent que cela parle de la prière Jésus. C’est l’un des passages les plus clairs au sujet de la prière de Jésus, et il y en a beaucoup dans les Psaumes…
Quelqu’un qui a déjà atteint la prière intérieure peut-il perdre la prière de Jésus? Oui, je pense que c’est possible: par la négligence suite à l’agitation environnante. Et il arrive que le Seigneur enlève la prière selon Ses voies impénétrables, comme, par exemple, ce fut le cas avec le hiéromoine du grand schème Cléopas : il éprouva pendant deux années la perte de la prière du cœur, après quoi elle est revenue à lui. Peut-être le Seigneur lui a-t-il envoyé cela pour tester sa foi. Par conséquent, dans de tels cas, il ne faut pas désespérer… L’état d’épuisement, souvent désolant, qui précède l’arrivée de la prière de Jésus ne se produit pas nécessairement chez tout le monde. Car le Roi peut immédiatement enrichir le mendiant.Mais en général l’approche de la prière de Jésus consiste à l’atteindre par le labeur et les afflictions, parmi lesquelles on observe cet état d’esprit languissant… De Kazan, quand j’étais encore au service militaire, celui qui est devenu l’actuel Métropolite Antoine de Saint-Pétersbourg m’a envoyé un livre qui venait de paraître «Récits du pèlerin». Je l’ai lu et me suis dit : «Oui… voilà ce qu’est le chemin du salut, le plus court et le plus sûr : la prière de Jésus. Il faut en tenir compte.» Je me suis procuré un chotki et j’ai commencé la prière de Jésus. Bientôt, différents sons, bruissements, ébranlements, coups au mur, à la fenêtre et d’autres phénomènes similaires ont commencé. Non seulement je les entendais, mais mon ordonnance aussi. J’ai eu peur de passer la nuit seul, j’ai appelé l’ordonnance. Mais ces choses effrayantes n’ont pas cessé, et quatre mois plus tard, je n’ai pas pu supporter et j’ai abandonné la prière de Jésus. Plus tard, j’ai interrogé le Père Ambroise à ce sujet; il m’a dit que je n’aurais pas dû abandonner. (A suivre)
Source :
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.