Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (7)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.

Le pain séché, régime quotidien des ascètes

Un jour, nous avons demandé à Geronda Arsenios où ils s’approvisionnaient en pain séché car, comme nous l’avons compris, c’était leur nourriture de base. Il nous répondit ceci. «De notre temps, dans les réfectoires des monastères, on ramassait tous les restes de pain et on les faisait sécher pour les distribuer aux ermites. Bons ou mauvais, nous prenions tout ce qu’on nous donnait. Parfois, il y avait des vers dedans. Un jour, je suis allé dans un monastère, demander du pain séché. Le frère de service m’en donna un plein sac.
– C’est beaucoup. Lui dis-je
– Non, non, prends-le.
Il fallait le faire! Je hissai ce sac sur mon épaule, en empoignai un autre plein de toutes sortes de choses, et je dus grimper avec tout ça depuis ce monastère jusqu’à la Skite Saint Basile. Finalement, je suis arrivé. Lire la Suite

Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (6)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.

Le moine Joseph prend l’initiative
Leur geronda n’étant plus de ce monde, le Père Arsenios dit au Père Joseph :
– Frère, tu sais que je ne peux prendre l’initiative, c’est pourquoi je te le demande, prends-là sur toi, et je te promets de t’obéir jusqu’à la mort.
On voit dans ces circonstances la grande humilité qui distingua dès son enfance ce grand héros de l’ascèse. Car l’essentiel n’est pas de tout savoir, mais de connaître sa propre mesure et de reconnaître les dons des autres. Le Père Arsenios était l’aîné de dix ans, non seulement en âge, mais en termes de tonsure monastique, mais il sut terrasser le démon de la vanité, promettant une obéissance modèle à son puîné. Lire la Suite

Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (5)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.

Obéissance des deux héros de l’ascèse au simple et saint Geronda Ephrem

La lettre 37 dit encore : «Finalement, nous trouvâmes un geronda simple, gentil et ingénu, qui nous donna sa bénédiction pour que noue menions le combat ascétique autant que possible et de nous confesser avec le confesseur qui nous conviendrait le mieux.» Ce geronda était le célèbre Père Ephrem le tonnelier, dont la kaliva était dédicacée à l’Annonciation à la Très Sainte Mère de Dieu et se trouvait un peu en-dessous du célèbre hésychastère des Danieli. Ce bon geronda n’a pas tardé à tonsurer au grand schème le novice Francis, le renommant Joseph. Lire la Suite

Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (4)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.

Premières années sur l’Athos. Stavronikita.
Le moine Anatole quitta la Terre Sainte environ en 1918 et, ‘tel un aigle aux ailes puissantes, il fondit sur la Sainte Montagne, où il choisit le monastère le plus pauvre de l’époque, Stavronikita, où la règle idiorythmique lui permettait d’accomplir ses exploits ascétiques austères. Mais très vite, les vertus du jeune homme devinrent évidentes ; il participait pendant la journée à toutes les obédiences où son aide était nécessaire, et la nuit, il veillait, comme le lui avait enseigné Jérôme, ce héros de l’ascèse.
Après une courte période, il fut revêtu du schème angélique et reçut le nom d’Arsenios. La tonsure, fut célébrée, selon la volonté de son parrain, dans la kelia de l’Annonciation à la Très Sainte Mère de Dieu, à Kariès, dépendance du Monastère de Simonos Petras.
Ayant endossé ce schème, le jeune Arsenios sentit son cœur s’enflammer du désir de grands exploits ascétiques. Le Monastère de Stavronikita lui parut trop étriqué pour dont il était assoiffé.
Le jeune moine fut saisi de sentiments mélangés : d’un côté le souhait de l’hésychia, d’un autre, la peur que peut-être la Volonté de Dieu ne soit pas qu’il quitte le lieu de son repentir pour un mode de vie ascétique plus élevé. Il prit conseil auprès de son geronda et conclut avec lui qu’il allait commencer par prier selon ce qu’il est écrit dans le Psaume: «fais-moi connaître la voie où je dois marcher» (Ps.143;8). Dieu, ami des hommes , et Qui fait la volonté de ceux qui Le craignent, ne tarda pas à faire entendre par Sa voix à cette âme pure, les paroles mêmes qu’entendit jadis Saint Arsenios le Grand : «Arsenios, fuis et tu sauveras ton âme», «Arsène, fais silence et garde le».
Vers le désert intérieur
Ainsi, dès qu’Arsenios entendit cette injonction, cet appel du Très Haut, rien ne put le retenir. Ayant reçu la bénédiction de son parrain, il se hâta, tel une biche assoiffée, vers le sommet de l’Athos, orné à cette époque par la gloire étincelante d’un nombre important de héros de l’ascèse théophores et de pères spirituels, parmi lesquels scintillait, tel l’étoile du matin, le saint geronda Daniel de Katounakia, fondateur de l’hésychastère des Danieli, qui porte son nom.
– Rencontre du moine Arsenios avec le jeune Francis

Francis, le futur Saint Joseph l’Hésychaste

L’économie divine et l’appel de Dieu voulurent qu’un autre jeune homme quitte le monde et arrive au Mont Athos, mu par un rare zèle pour Dieu, vers 1920-1921 et explore les grottes et gorges de la Sainte Montagne afin d’y trouver des héros théophores de l’ascèse et étancher sa soif spirituelle. Selon le plan divin, les deux jeunes gens se hissèrent vers le saint sommet le 5 août, pour y être lors de la Fête de la Transfiguration à la petite église dédicacée à Celle-ci. C’est en ce lieu, tout en haut, qu’ils se rencontrèrent pour la première fois. Convaincus de la similitude de leur quête et de la soif divine qui les faisait languir, ils promirent de rester inséparables jusqu’à la mort. Il faut toutefois souligner ceci : le Père Arsenios, conscient de sa mesure et voyant en Francis, encore laïc, de grands dons et des capacités administratives, demanda à celui-ci de prendre l’initiative. Ses propos, caractéristiques, furent : «A partir de maintenant, tu sera les yeux et moi, les oreilles». Et sur leur chemin en descendant du sommet, ils visitèrent l’hésychastère de Geronda Daniel et ils reconnurent réellement en celui-ci un père théophore contemporain. Mais dans la mesure où l’ardeur de leur zèle pour Dieu les empêchait de faire table commune comme il est d’usage dans de telles fraternités. Ils ne restèrent donc pas, mais avant de commencer leur voie de recherche spirituelles, ils trouvèrent bon de prendre conseil auprès de ce geronda à la spiritualité glorifiée, et dont l’expérience permit de déceler leur zèle authentique. Il ne découragea donc pas leur entreprise. Il souligna toutefois qu’il leur était tout à fait indispensable de se soumettre à l’un ou l’autre geronda jusqu’au bout, afin de recueillir sa bénédiction et d’éviter les filets de l’illusion spirituelle.
Voulant brosser un tableau haut en couleurs et permettre au lecteur de se représenter fut-ce partiellement l’exceptionnel zèle pour Dieu et les premiers podvigs de Francis, je vais lui céder la plume. Voici donc quelques lignes autobiographiques tirées d’un de ses nombreux écrits :
«Quand je vivais encore dans le monde je menais secrètement des podvigs très sévères, jusqu’à verser du sang. Je mangeais une fois tous les deux jours, et seulement après la neuvième heure. Les montagnes et les grottes de Penteli me connaissaient comme un pélican souffrant de faim, pleurant, à la recherche de son salut. Je me mettais à l’épreuve afin de voir si je pouvais supporter la souffrance et devenir moine à la Sainte Montagne. Quand je me fus exercé convenablement pendant quelques années, je demandai que le Seigneur me pardonne de manger une fois tous les deux jours, et je dis que quand je serai à la Sainte Montagne, alors, je ne mangerai que tous les huit jours, comme il est écrit dans la vie des saints».
Sous l’influence de cette exceptionnelle aspiration à Dieu, les deux héros de l’ascèse visitèrent tous les ermitages et toutes grottes de renom sur l’Athos, afin d’étancher leur soif spirituelle. Voici encore quelques lignes et de lettre déjà citée ci-dessus: «Toutes les grottes de l’Athos m’accueillirent. Pas à pas… aspirant à trouver un père spirituel qui m’enseignerait la theoria et la praxis célestes».
A la recherche d’un geronda
Plus bas que l’hésychastère des Danieli, Callinique, un autre grand et glorieux hésychaste menait son combat et ses exploits spirituels. Le Père Arsenios raconta : «Nous lui rendîmes visite et lui demandâmes de nous accepter dans sa communauté. Et il nous accepta, effectivement, mais son premier conseil fut le respect strict de l’obéissance.
– Oui, que cela soit béni, Geronda, qu’il en soit ainsi. Mais dites-nous comment mener notre combat.
Alors, le grand héros de l’ascèse nous dit :
Si je vous enseigne mon art et si vous goûter au miel de l’hésychia, qui alors fera les travaux?
– Comment faire, alors?
– Maintenant, soyez obéissants et quand je mourrai, je vous transmettrai mon don.
Les deux jeunes se regardèrent l’un l’autre : paroles difficiles à entendre. Mais par ailleurs, c’était la condition posée par ce grand hésychaste.

Le saint Geronda Daniel de Katounakia

Le Père Arsenios continua : en réalité, c’était, à mots couverts, une invitation à aller voir ailleurs. En effet, le Père Callinique demeurait en réclusion permanente et n’ouvrait à personne. Mais il existait une convention connue dans le voisinage : s’il avait besoin de quelque chose, il fixait un foulard en guise de drapeau. Cela signifiait que quelque chose lui était nécessaire. Et le premier à voir le foulard entrait dans la kaliva. Nous lui demandâmes à nouveau :
– Geronda, si nous partons, accepteras-tu de nous recevoir parfois pour nous donner des conseils?
– Bien sûr, mais seulement, trouvez d’abord votre geronda, et qu’il donne sa bénédiction, alors je serai à votre disposition».
Je pense qu’il ne faut pas passer sous silence la tactique de ce grand ascète. Il a passé sa vie dans le jeûne des aliments secs et des veilles de chaque nuit, mais la préférence donnée à l’obéissance bénie et au rejet de toute volonté personnelle le mettait en accord complet avec Geronda Daniel, ce luminaire de la petite cénobie des Danieli de même qu’avec le chœur de tous les moines saints et théophores qui confessent à l’unisson que sans l’obéissance, nous construisons sur le sable, quelque soit l’austérité de notre vie.
Dans la lettre de Geronda Joseph, déjà mentionnée, il décrit sa première vision spirituelle, lorsqu’il acquit la prière permanente. «Soudain, j’eus de nombreuses tentations». Toutefois, Geronda se tait et passe sous silence ce qu’il vit, de même que l’importance de ces «nombreuses tentations», avec lesquelles le Père Arsenios, en tant que témoin visuel, nous permet de faire connaissance. La seule chose que nous pouvons constater avec stupéfaction, c’est qu’il est, comme le dit le Psalmiste, «passé par le feu et par l’eau»(Ps.66;12). Le Seigneur montra donc que «c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu»(Actes14;22), et le Père Joseph reçut, comme je l’ai dit sa première Divine Visite, «affamé et épuisé par les larmes», comme il l’écrit lui-même dans sa 37e lettre. (A suivre)
Traduit du russe

Traduit du russe

Source :

Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (3)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.

Quelques mots au sujet de Parthena

Moniale Eupraxie

Parthena, la jeune sœur d’Arsenios ne manquait ni de zèle, ni de vertu. Parmi de nombreux incidents merveilleux, je n’en citerai qu’un, datant de ses premiers pas dans le monachisme. Ses parents, originaires du Pont, parlaient surtout le Turc, et un peu le Pontique. Lorsqu’ils émigrèrent en Russie, Parthena parlait convenablement seulement le Turc. Comme nous l’avons dit, elle ne mit guère de temps avant de suivre l’exemple de son frère. Elle se rendit donc au Monastère de la Protection de Dieu, dans le Pont. Mais là, elle était incapable de parler le Grec, ni donc de comprendre quoi que ce soit des offices liturgiques. Elle en fut profondément troublée. Une nuit, elle vit en rêve quelqu’un qui lui demanda :
– Pourquoi donc, mon enfant, es-tu si troublée?
– Vous voyez, Geronda, je suis incapable de parler, de lire, d’écrire et de chanter.
– Ne t’inquiète pas, mon enfant, je vais te donner un remède pour cela.
Il lui ouvrit la bouche et y introduisit une sorte de friandise. Elle la mangea et s’éveilla. Et son esprit fut illuminé et elle apprit à parler, à lire, à chanter et à comprendre très clairement la signification des textes des ouvrages liturgiques. Mon Geronda Charalampos de bienheureuse mémoire savait cela bien avant de devenir moine lui-même, et il nous le raconta souvent.

Rencontre avec Saint Jérôme d’Égine

A la même époque, un très pieux hiérodiacre de Cappadoce, nommé Basile, ayant réalisé son souhait de parcourir les lieux saints, s’installa au Monastère de Saint Jean le Précurseur, dont il fut l’économe pendant de nombreux mois. Ce clerc devint par la suite le célèbre grand héros de l’ascèse, Saint Jérôme d’Égine. Et c’est dans ce monastère Saint Jean le Précurseur que le hiérodiacre Basile fit la connaissance d’un autre jeune brûlant de zèle pour Dieu, le novice Anastasios. Leur rencontre fut pour tout deux un jalon dans leur vie. Finalement Anastasios avait trouvé ce qu’il cherchait, un guide capable de lui enseigner comment mener le combat ascétique. Le père Basile, surpris par la grande soif spirituelle du jeune novice, lui raconta tout ce qu’il avait vu lui-même, ce qu’il avait entendu et ce qu’il avait vécu dans sa patrie à côté des saints qui y vécurent en même temps que lui. Depuis lors, Arsenios instaura une organisation de sa vie autour de podvigs sévères. A peine eut-il découvert le trésor et goûté aux premiers fruits, qu’il appela sa sœur pour qui il fut un «maître». Dès les premiers pas, ils ne tardèrent pas à sentir la flamme de la prière et de l’eros divin.
Comme on l’a déjà dit, Anastasios avait été tonsuré et reçu le nom d’Anatole, sur le Mont de la Tentation. Après cela, il mena son podvig ardent pendant huit années en différents lieux saints de Palestine. Quand il entendit celui qui le guidait lui dire qu’il existait en Grèce un lieu entièrement consacré à la prière et au service de Dieu, la Sainte Montagne, il décida sans hésitation d’y déménager. Quand à son pieux guide, le Hiérodiacre Basile, ayant réalisé son souhait le plus cher, il repartit à Constantinople où il vécut longtemps. Après, la Divine Providence voulut qu’il aille sur l’Île d’Égine, après avoir été ordonné prêtre et confesseur. Ayant entendu parler de la grande gloire de l’higoumène Jérôme du Monastère athonite de Simonos Petras, qui s’installa par la suite à la procure du monastère à Athènes, consacrée à l’Ascension du Seigneur, le Père Basile devint spirituellement si proche de lui que lors de sa tonsure pour recevoir le schème monastique, il reçut le nom de Jérôme. La moniale Eupraxie, ayant entendu que son guide spirituel se trouvait à Égine, quitta les lieux saints où elle servait, pour le rejoindre. Elle trouva en Jérôme non seulement son guide spirituel, mais aussi un docteur et un enseignant. Comme la première martyre Thècle reconnut son vrai père spirituel en Saint Paul, Eupraxie reconnut le sien en Jérôme et quitta la Terre Sainte pour suivre celui-ci dans l’île de Saint Nectaire.
Il plut à la Providence Divine de me donner la joie de faire la connaissance de ce clerc lumineux et béni dans son ermitage. Je propose ici quelques propos qu’il me fut donné de l’entendre prononcer.

Saint Jérôme d’Egine

«Dans ma patrie, dit le Père Jérôme, j’ai côtoyé de saints hommes grâce auxquels j’ai fait mes premiers pas. L’un d’eux était marié et avait des enfants. Il avait construit une petite kaliva à côté de sa maison et y menait ses exploits ascétiques. Il s’y enfermait sans pain, sans eau, commandant sévèrement que personne ne vienne le déranger si la porte n’était pas ouverte. Souvent il demeurait reclus sans nourriture et sans eau jusqu’à quinze jours. Imaginez quel devait être son état spirituel, malgré qu’il était un simple laïc!»
Pour notre édification, le Père Jérôme dit encore ceci : «Jusqu’à ce jour, jamais je n’ai tendu les mains vers un poêle pour me réchauffer. Et jamais de ma vie, je n’ai touché une femme». Il répétait cela très souvent pour mettre en garde ses enfants spirituels contre «les amours innocentes» que l’ennemi utilise dans la réalité et dans l’imagination. Ce geronda, qui était vraiment le premier homme rempli de grâce qu’il me fut donné de connaître, était doué d’un rare don de clairvoyance grâce auquel, dans mon insignifiance, il a pu m’annoncer de nombreux événements qui allaient se dérouler.
Geronda accordait beaucoup d’importance au pouvoir de la Sainte Croix et il recommandait d’en porter une en toutes circonstances. «Vous devez toujours porter une croix autour du cou. C’est une arme terrible contre l’ennemi, pas une amulette. Vous entendez? Une croix. Peu importe si elle est en bois ou en métal». Quant aux pierres, il les considérait toujours comme venant de l’ennemi. «N’approchez jamais des yeux d’agate, ces pierres viennent de l’ennemi!»
Il soulignait aussi souvent le pouvoir du signe de la Sainte Croix, «lorsqu’il est fait correctement, avec trois doigts, d’abord sur le front et puis sur l’estomac, après sur l’épaule droite, et enfin sur l’épaule gauche. Celui qui s’imprègne correctement de ce signe n’a rien à craindre de l’ennemi». ‘Tu nous a donné ta croix comme arme contre l’ennemi’, chante-t-on aux matines du dimanche dans le ton huit.
Dans ses enseignements, il accordait toujours une attention particulière à la prière, et à la communion fréquente, dans la mesure où elle est possible, aux Saint Dons. Voici ses paroles très caractéristiques : «Si lors de la prière, vous laissez couler ne serait-ce que deux gouttes de larmes, cela revêt une grande force».
En ce qui concerne la nourriture, malgré sa grande tolérance envers nous, il était très strict avec lui-même. Le repas habituel du Père Jérôme, comme le rappela sa fille spirituelle Eupraxie, de bienheureuse mémoire, consistait en une sorte de soupe orientale très liquide.
Je termine ce chapitre en ajoutant un extrait du livre «Geronda Jérôme d’Égine», du pieux auteur Sotiria Nousi (chapitre 3).
«Au Monastère Saint Jean le Précurseur (en Terre Sainte), Geronda Jérôme fit la connaissance et nourrit une fraternelle amitié avec le novice Anastasios, frère de la moniale Eupraxie. Et c’est là également qu’il rencontra Eupraxie pour la première fois…, elle qui par la suite serait trouvée digne de la servir avec tant de simplicité et de dévotion pendant quarante sept ans».
Traduit du russe

Source :

Geronda Arsenios, le Spiléote. Vie et enseignements (2)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en français de la version russe du livre «Geronda Arsenios, le Spiléote, compagnon des exploits ascétiques de Geronda Joseph l’Hésychaste».
La version russe utilisée est «Старец Арсений Пещерник, сподвижник старца Иосифа Исихаста / Монах Иосиф Дионисиатис», éditée en 2002 à Moscou par le Podvorié de la Trinité-Saint Serge. L’original grec (Ο Γέρων Αρσένιος ο Σπηλαιώτης (1886-1983)) ne semble plus édité depuis 2008. Il en existe une version anglaise datée de 2005, sans mention de la maison d’édition. Une traduction officielle en français de ce remarquable petit livre n’existe pas à notre connaissance. Notre traduction sera poursuivie sur le présent blog jusqu’où Dieu le voudra.

Les Années d’enfance, l’appel de Dieu
Comme le raconte Geronda Arsenios lui-même (dans le monde, Anastasios Galanopoulos, fils de Dimitri et Sotiria), sa première patrie fut le Pont, béni et glorieux, qui malgré toute la pesanteur du joug turc, put demeurer inébranlable dans sa fidélité à la tradition orthodoxe grecque. Toutefois, la pression du côté turc se faisait tellement forte qu’il fallait choisir : soit renoncer à sa foi, soit s’installer ailleurs. C’est ce qui arriva à la famille du petit Anastasios. Quand il eut douze ans, les harcèlements incessant, le pillage, les attaques nocturnes et bien d’autres persécutions obligèrent sa grande famille, de même que beaucoup d’autres compatriotes à déménager dans le Sud de la Russie. Là, dans un environnement orthodoxe, l’hellénisme pontique conserva sans entrave ses traditions inimitables et bénies.
Je cite une partie de ce que j’ai entendu des lèvres saintes de Geronda, car je pense qu’il serait dommage d’oublier cela. Je crois que cela nous profitera et nous servira de bon exemple. Les pontiques avaient une très bonne coutume: dans la maison des familiale, tant que le grand-père vivait, tous les enfants de sexe masculin restaient ensemble même après leur mariage jusqu’à la mort du grand-père. On peut dire que les maisons pontiques étaient en quelque sorte des exemples de petites ou grandes cénobies, et dans celles-ci, comme une sorte de geronda, le grand-père occupait la première place, et on lui accordait un respect particulier. Chaque matin, tous les membres de la famille devaient, avant de partir gagner leur pain quotidien, se rendre auprès du grand-père, lui baiser la main et recevoir sa bénédiction. Quand au soir, les hommes rentraient du travail, la cadette des épouses était obligée de leur laver les pieds. Et des hommes, il y en avait beaucoup. Geronda nous a dit que sa maison avait grandi jusqu’à «cinquante deux cuillères». En ce qui concerne l’obéissance, le respect des aînés et la piété religieuse qui régnaient dans ces familles, sans exagération, ils seraient aujourd’hui enviés à cet égard par le monastère le plus harmonieux.
Et en matière de jeûne, ils auraient pu sans aucun doute rivaliser avec les monastères actuels. Les jeûnes stricts de toute l’année étaient respectés avec précision. Le jeûne de la première semaine du Grand Carême (lorsque pendant les trois premiers jours on s’abstient généralement de nourriture) se poursuivait, comme nous l’a dit Geronda, du lundi au samedi. Mercredi et vendredi, après avoir pris part à la liturgie des Dons présanctifiés, on affermissait ses forces avec de l’antidoron et un peu de pain, et ainsi, jusqu’au samedi même, quand on mangeait uniquement de la nourriture avec de l’huile végétale.
Quant aux vertus, comme l’a dit Geronda Arsenios, le grand-père occupait fermement sa place. Il était un modèle pour tout le monde, jamais en colère, il donnait des conseils remplis d’amour et fut toujours le premier à les mettre en pratique. Et de même, la grand-mère ne manquait aucune occasion d’éclairer les enfants par ses vertus.
Un jour, le grand-père revint fatigué du travail et s’assit à la table. La grand-mère avait expressément ajouté tellement de sel à la nourriture qu’elle en était devenue complètement immangeable. Le grand-père, portant une cuillerée à la bouche, la recracha aussitôt. Et, sans aucune indignation, sans aucune remarque, il cria: «Sou, sou, ketir sou», ce qui signifie «apportez de l’eau». Il versa suffisamment d’eau de la cruche pour que la nourriture devienne mangeable et continua le repas comme si rien ne s’était passé. Une autre fois, la nourriture avait été préparée, au contraire, complètement sans sel. Et de nouveau: «Touz, touz, ketir touz», c’est-à-dire «apportez du sel». Après avoir mangé cette nourriture insipide, il se leva, se signa et dit de tout son cœur: «Gloire à toi, ô Dieu, nous avons mangé aujourd’hui».
Je pense que ces exemples suffisent pour tirer profit de la vie dure de nos ancêtres. C’est dans pareil environnement béni qu’Anastasios vécut ses années d’enfance. Alors déjà il se distinguait, avec sa sœur Parthena, par leur piété. Il ne savait quasiment pas le Grec, mais il parlait bien le Pontique et le Turc. Ensuite, il apprit le Russe. Et il lut des livres religieux, avant tout les vies de saints, dans ces langues qu’il connaissait.
Saint Alexis, l’Homme de Dieu, occupait une place à part dans son cœur. Dès que le Père Arsenios nous parlait de lui, son cœur s’ouvrait. Pendant toute sa vie, ce saint accorda sa protection particulière à Geronda et l’aida souvent dans les situations difficiles. Geronda raconta un jour à un de ses enfants spirituels la vision qu’il eut de Saint Alexis, sous la forme d’un de ses propres amis nommé Alexis. Cet ami conduisit Geronda jusqu’à une route merveilleuse, où ils devaient se séparer, et il disparut. Geronda le chercha comme il put et soudain le retrouva devant lui.
– Mais où es-tu allé, mon ami, je te cherchais.
– Comme je voulais t’emmener chez moi, je suis allé acheter de quoi te régaler.
Ils arrivèrent soudain devant un palais magnifique, ressemblant à une église couverte de fresques. Geronda demanda :

– Ce palais est magnifique ! A qui appartient-il?
– C’est le mien.

– Alexis, mon ami, crois-moi, je suis jaloux!
– Non, ne sois pas jaloux, patiente encore un peu et plus tard, tu iras aussi dans un endroit pareil.

Aspiration à Dieu et décision courageuse.

Dès leur jeune âge, Anastasios et Parthena manifestèrent le souhait d’adopter la vie monastique. Finalement, la décision fut prise et bénie. Quand le jeune homme entendit parler d’un pèlerinage en Palestine, son cœur s’enflamma, et il décida de se mettre en chemin, avec le but de se mettre au service de Dieu en Terre Sainte, le lieu que le Seigneur Lui-même gratifia de Sa présence.
Il restait toutefois un dernier obstacle à franchir. Il existait une tradition pontique bénie selon laquelle à l’homme qui en ce monde n’a pas baptisé au moins un enfant, le Seigneur réserve une mauvaise surprise dans l’autre monde. Dans sa simplicité toute naturelle qui le distinguait en tout, Arsenios croyait en cette tradition. C’est pourquoi, dès qu’il apprit que l’épouse de son frère Léonidas était enceinte, il se hâta d’aller leur proposer d’âtre le parrain. Lors du baptême, le bébé fut nommé Charalampos. Laissons maintenant le petit Charalampos grandir. Nous reviendrons à lui plus tard.
Par la suite, Anastasios disait, parlant de lui-même : «Alors, plus rien ne me retenait. J’ai épargné un peu d’argent pour le billet du bateau, pris dans un sac une rechange de linge de corps, et un beau jour, je suis parti pour la Terre Sainte».
A pieds à Constantinople
Brûlant de zèle pour Dieu, après avoir parcouru à pieds un chemin long de nombreux jours de marche et jonché de maintes difficultés, Anastasios arriva, fatigué, à sa première étape. Il raconta: «Ma première étape, c’était Constantinople. Là, je cherchai un navire qui devait lever l’ancre pour voguer vers la Palestine. Quelque chose d’inattendu m’est arrivé là-bas. Un escroc s’approcha de moi et me proposa d’être mon guide. En conséquence, il me prit l’argent que j’avais pour mon billet. Alors même que je lui avais dit, sans malice, que je voulais devenir moine. Il me prit tout mon argent, prétendument pour m’acheter mon billet, et il m’emmena dormir dans une mauvaise maison. Là, il recommanda aux «gentilles» femmes de m’accorder des soins «spéciaux». À peine arrivé dans cette maison, comme j’étais fatigué de la route, j’ai demandé à être installé quelque part pour dormir. Une femme me montra un coin dans un couloir. Je me suis immédiatement allongé et je me suis endormi, mais je me suis souvent réveillé à cause du bruit, des chansons et des conversations inconvenantes. L’aube arriva. Je me suis levé, j’ai remercié pour la nuit et je suis parti. Quand je suis sorti, un inconnu m’a arrêté et m’a demandé:
– Que faisais-tu là-bas?
– On m’a amené là pour dormir.
– Ici, mon enfant, tu as été amené dans une mauvaise maison, mais ton ange t’a protégé. Eh bien, maintenant mets-toi en route, mais la prochaine fois, sois attentif».
Nous avons demandé à Geronda qui était l’inconnu. Et il dit, avec la simplicité qui lui est propre:
– Comment savoir! C’était peut-être mon Ange-Gardien, ou peut-être Saint Alexis!
L’escroc avait disparu et Geronda était sans un sou en poche. Mais il parvint cependant, avec l’aide de Dieu, à récolter de nouveaux fonds pour un billet pour la Palestine.
En Terre Sainte
Finalement, Anastasios arriva en Terre Sainte. Comme il le raconta, chaque pas qu’il faisait s’accompagnait de la pensée qu’il n’était pas digne de poser le pied là où marchèrent le Christ et Sa Toute Sainte Mère. Il arriva en Terre Sainte vers 1910 et y vécut pendant environ huit ans, servant dans divers lieux saints: au Saint-Sépulcre, au Monastère Saint Jean le Précurseur, à Bethléem. Partout où il était envoyé, il y allait volontiers. Enfin, il fut tonsuré comme rasophore avec le nom d’Anatole sur le Mont des Quarante Jours.
Sa sœur, Parthena, tonsurée à l’âge de seize ans déjà en tant que moniale au monastère de la Protection de Dieu, dans le Pont, et qui avait reçu le nom d’Eupraxie lors de sa tonsure monastique, arriva ensuite, brûlante elle aussi de zèle pour Dieu, dans les lieux salvateurs de Palestine. Ils s’y rencontrèrent et Anastasios fit entrer sa sœur dans l’un des monastères pour femmes. (A suivre)
Traduit du russe

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