Saint Seraphim de Vyritsa : «Vous serez Patriarche» (5)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Les proches du Starets se souvinrent de ce podvig : «En 1941, Grand-Père avançait dans sa 76e année. Alors, il était très affaibli par la maladie, et il pouvait à peine se déplacer sans qu’on l’aide. Dans le jardin derrière la maison, à une cinquantaine de mètres, un roc de granit émergeait de terre. Un petit pommier poussait juste devant. C’est sur cette pierre que le Père Seraphim élevait ses demandes vers le Seigneur. On le conduisait par la main jusqu’à ce lieu de prière, et parfois même, il fallait tout simplement l’y transporter. Une icône avait été attachée au pommier, et Grand-Père, ses genoux malades sur la pierre, tendait les mains vers le ciel… Qu’est-ce qu’il lui en coûta! Il souffrait de maladies chroniques des jambes, du cœur, des vaisseaux sanguins et des poumons. Manifestement, c’est le Seigneur Lui-même qui l’aidait, mais il était impossible de regarder ce tableau sans verser de larmes. Souvent, nous l’avons supplié d’abandonner ce podvig. Il pouvait en effet prier dans sa cellule. Mais en l’occurrence, il demeura impitoyable vis-à-vis de lui-même, et de nous. Le Père Seraphim priait tant qu’il en avait la force, parfois une heure, parfois deux, parfois des heures durant… Je me souviens que Grand-Père me disait : «Un seul intercesseur pour le pays peut sauver les villes et tout…».
La moniale Taïssia se souvient : «Avenue Pilnyi, Batiouchka priait sur une pierre, imitant Saint Seraphim de Sarov. Lorsque la parcelle fut morcelée, le Père Seraphim fit placer une autre pierre. Ces pierres existent encore aujourd’hui. A cette époque, le père Séraphin était tout diaphane. Il était alité et prenait si peu de nourriture qu’il ne lui restait que de la peau couleur cire et les os. Le Père Seraphim jeûnait très strictement: il mangeait un prosphore par jour et un peu de carottes râpées, et buvait de l’eau sainte. Sa santé était très précaire et il ne venait qu’occasionnellement à l’église de Kazan où il célébrait dans la chapelle de Saint Seraphim de Sarov».

Pierre de Saint Seraphim. Photo prise en 2018.

Les proches et les enfants spirituels du Starets, qui logèrent à Vyritsa se souviennent que Batiouchka priait toute la nuit. Pendant la journée ceux qui venaient auprès du Starets déposaient d’innombrables notes pour la santé de leurs proches et le repos des âmes de leurs défunts. La nuit, Batiouchka lisait obligatoirement ces notes, et le lendemain, elles étaient apportées à l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyritsa. Il y faisait emmener une grande partie des cadeaux et de l’argent que les visiteurs apportaient.
Une fille spirituelle de Batiouchka décida d’aller lui demander sa bénédiction pour déménager et quitter Vyritsa; son mari insistait. Quand elle dit qu’elle allait demander à Batiouchka, le mari s’indigna:
– Encore! Mais tu vas le voir sans cesse!
Mais elle alla auprès du Starets, et celui-ci lui dit:
– Laisse-le partir, mais toi, reste.
Peu de temps après le départ du mari, la guerre éclata et l’homme disparut.
Pendant la guerre, avant l’évacuation, une femme accompagnée de sa fille vinrent demander à Batiouchka sa bénédiction avant leur départ. Le Starets les retint, cajolant la fillette, les faisant rester là pendant qu’il priait longuement. Ensuite il leur dit :
– Vous êtes sauvées.
Et il les bénit pour qu’elle partent. Le train qu’elle empruntèrent avait eu du retard et avait été retenu avant d’entrer en gare. A ce moment, les Allemands avaient pilonné la gare et le convoi dans lequel elles auraient dû se trouver brûla, alors que le train retardé ne subit aucun dommage.
…Au tout début de l’occupation une femme accourut en larmes auprès du Père Seraphim:
– Batiouchka, les Allemands sont venus dans notre maison, ils nous ont dit de partir!
– Soyez tranquille, on restera ensemble, on n’ira nulle part.
Après un certain temps, les Allemands revinrent, menaçants. Les propriétaires commencèrent à rassembler leurs affaires. Mais le Starets répéta :
– Restez.
Les Allemands ne revinrent plus jamais dans cette maison.
…Pendant l’occupation, une habitante de Vyritsa fut enceinte et décida d’avorter. Elle dissimula sa situation à son mari et attendit un moment propice pour mettre en œuvre son intention. Un jour, elle passa voir Batiouchka Seraphim, qui lui dit:
– Tu sais ce qui se passe maintenant? Certaines mères, imitant la cruauté d’Hérode, deviennent les meurtrières de leurs propres bébés innocents!
La femme comprit que le Starets savait tout, et avec des larmes de remords, elle s’agenouilla devant lui. Quand l’enfant naquit, c’était une petite fille, le Père Seraphim lui choisit son nom et désigna les parrain et marraine.
…En 1944, les Allemands envoyèrent en Allemagne les habitants de Vyritsa capables de travailler. Le Père Seraphim prédit à une famille qui partait que tous ses membres reviendraient dans leur patrie et vivraient dans une grande ville. Il en fut ainsi. Malgré le fait que la famille se retrouva dans un camp de concentration, le Seigneur la préserva. À leur retour de captivité, ils réussirent à s’installer à Leningrad.
… On a conservé l’histoire d’une femme qui vivait à Vyritsa pendant la guerre et allait chez le Père Seraphim presque tous les jours. Pendant les bombardements, c’était très effrayant, c’est pourquoi sa mère et elle avaient peur de passer la nuit dans leur maison et se réfugiaient souvent dans la maison du Starets. Là, elles se sentaient parfaitement à l’aise bien qu’il n’y ait ni cave ni abri contre les bombes.
… Pendant la guerre, une femme arriva en larmes chez le Père Seraphim; elle venait d’apprendre que son fils avait disparu, et ne savait comment prier pour lui, pour sa santé ou le repos de son âme. Le Starets lui dit:
– Va immédiatement à Novorossiysk, sinon tu seras en retard.
La femme partit immédiatement de chez le Starets, et elle arriva à temps pour enterrer son fils. C’était un marin militaire. Son navire avait coulé et tout l’équipage était mort. Le fils de cette femme avait été ramené par la mer sur le rivage. Le jour où elle arriva, le marin n’avait pas été identifié et il allait être enterré dans une fosse commune; aucun document n’ayant été trouvé sur lui. La mère reçut le réconfort d’accompagner son enfant dans la toute dernière partie de son chemin. Il est bien sûr important pour une mère de savoir où se trouve la tombe de son fils!
Alors qu’il était encore confesseur de la Laure Saint Alexandre Nevski, le Père Seraphim avait prédit à l’archevêque Alexis (Simanski) de Khoutyne qu’il deviendrait patriarche. En 1944, lorsque le blocus fut levé, Mgr Alexis, alors Métropolite de Leningrad, rendit visite au Starets à Vyritsa. Ce jour, le Père Seraphim, s’adressant à ses proches, avait dit:
– Aujourd’hui, le métropolite vient nous voir.
Entendant ces mots, Matouchka Seraphima sourit en elle-même, décidant que ce n’était pas possible. Un témoin se souvient: Quelqu’un frappa à la porte. Les hypodiacres du Métropolite Alexis de Leningrad sont entrés, disant que Mgr Alexis venait rendre visite au Starets. A leur suite, le Métropolite Alexis entra dans la cellule de Batiouchka et s’agenouilla devant le Starets couché sur son lit. Batiouchka avança les mains, demandant la bénédiction. Vladika bénit, après quoi le Père embrassa la main du hiérarque. Alors Vladika, restant à genoux, embrassa lui-même la main du Starets.
Le Père Seraphim demanda au Métropolite de se relever, en disant que c’était lui qui devait s’agenouiller devant le Patriarche de Moscou:
– Vous serez Patriarche de Moscou pendant vingt-cinq ans, tout comme votre Saint patron céleste.
Vladika commença à expliquer que cela n’était guère possible, à en juger par l’état actuel des choses. Le Starets dit alors:
– Staline enverra un appel et vous serez élu Patriarche.
Et tout se passa comme Batiouchka l’avait prédit. Toute sa vie, le Patriarche honora la mémoire du Saint Starets avec une vénération particulière. (A suivre)
Traduit du russe
Source

Saint Seraphim de Vyritsa : «Viens sans faute vendredi» (4)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Dans leur immense majorité, les gens venaient auprès du Starets de Vyritsa chercher aide et soutien spirituel, ce qui, évidemment, ne pouvait être dissimulé aux autorités. Des perquisitions eurent lieu plus d’une fois dans la cellule du Starets. D’habitude, ils débarquaient la nuit. Mais une fois, une voiture arriva en plein jour, et trois hommes en civils exigèrent d’être introduit auprès du Père Seraphim, afin de l’arrêter. Marguerite Nikolaevna, la petite-fille du Starets se plaça devant eux et leur dit :
– Vous devrez passer sur mon cadavre. Je ne vous livrerai pas Grand-Père! Il est très malade et ne résisterait aucun déplacement.

Margarita Nikolaevna et sa grand-mère, Matouchka Seraphima

Le plus ancien des perquisiteurs ordonna d’appeler leur médecin. Cela fut fait, et ce dernier confirma que les maladies dont souffrait le Père Seraphim empêchaient qu’on le transporte où que ce soit. Ainsi, le Seigneur protégea le Starets. Dans ces années-là des membres du NKVD firent régulièrement des descentes, soi-disant à la recherche de biens ecclésiastiques de valeur provenant de la Laure.
Il y eut un cas au cours duquel, pendant la perquisition, le Père Seraphim malade et alité appela auprès de lui un des tchékistes. Il lui adressa un regard de bonté et d’amour, priant intérieurement pour lui, et il lui prit la main, la caressa , et ensuite plaça sa propre main droite sur la tête de l’homme et dit :
Que tous tes péchés te soient pardonnés, serviteur de Dieu, et il cita son nom.
Et la puissance de l’amour fit son œuvre. Le visage menaçant du visiteur s’adoucit. Une conversation s’en suivit, comme si le Starets et lui étaient les meilleurs amis. Et s’adoucirent également les cœurs des autres perquisiteurs.
Nonobstant infirmités et maladies, le Père Seraphim priait toute la nuit, et pendant la journée, des milliers de personnes lui apportaient leurs tribulations, leurs maladies et leurs soucis. Il n’est pas exagéré de dire qu’un océan de miracles furent accomplis à Vyritsa par les prières du Starets, surtout pendant la Grande Guerre Patriotique.
A la veille de la guerre, le Starets dit à une de ses filles spirituelles :

Saint Seraphim dans sa cellule

Viens sans faute vendredi. Dimanche, la guerre va commencer et nous ne nous verrons pas pendant longtemps.
Elle ne vint pas le vendredi. Le dimanche qui suivit fut le 22 juin 1941. [Premier jour de la Grande Guerre Patriotique. N.d.T.]
Quand la guerre commença, de nombreux habitants de Vyritsa vinrent demander ce qu’ils devaient faire ; quitter leur maison et évacuer, ou rester. Le Starets leur répondit d’une voix assurée :
Vos maisons demeureront indemnes. Vyritsa sera protégée ; ici, pas un seul ne mourra.
Et il en fut ainsi. Les Allemands entrèrent à Vyritsa en septembre 1941, mais il n’y eut ni meurtre ni pillage dans le bourg. A cette époque, le Père Seraphim priait tout particulièrement pour le salut de l’âme des habitants, pour la protection du bourg et de ses églises. Selon les récits des anciens de Vyritsa, l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan fut fermée par les autorités après Pâques de l’année 1938. Quasiment dès le début de l’occupation allemande, les églises ouvrirent, et on y célébra les offices. Les fidèles y étaient nombreux. Pendant les années de guerre, l’église de Kazan fut la seule église en service dans la zone d’occupation derrière la ligne de front.

Vyritsa, église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan

Il n’y eut pas d’objections de la part des autorités allemandes, car le poste de commande arrière des roumains (alliés d’Hitler) était stationné à Vyritsa. Ces roumains étaient originaires de la partie orientale de leur pays, adjacente à la Russie. Ils parlaient un peu le russe, comprenaient les offices en slavon d’église et fréquentaient donc souvent l’église de Kazan. Les paroissiens louchaient d’abord un peu sur ces soldats en uniforme allemand, mais ils s’habituèrent, voyant comment ils priaient, et observaient les règles de l’église. Leur dirigeant était un capitaine allemand.
Les Allemands, ayant entendu parler du Saint Starets et de sa clairvoyance, venaient auprès de lui, lui demandaient quand la guerre allait finir, si Hitler allait gagner. Le Père Seraphim répondait clairement qu’Hitler ne pourrait pas vaincre la Russie:
– Vous ne prendrez jamais Leningrad. Nous sommes une puissance orthodoxe. La foi est maintenant persécutée, mais bientôt, l’Église renaîtra.
Au capitaine, dirigeant le poste, le Père Seraphim dit:
– Si tu vas en Pologne, ce sera ta fin. Tu ne rentreras pas à la maison!
… Après de nombreuses années, dans les années 1970, un Roumain âgé vint à Vyritsa. Il avait servi dans ce poste de commandement, et il raconta que leur capitaine avait été tué près de Varsovie, comme l’avait prédit le Père Seraphim.
Le Starets avait vu qu’au Val du Prince, où se dressait l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan, le sang humain ne serait pas versé. Et malgré qu’en 1944, à trois kilomètres du village, à la gare de Vyritsa se déroulèrent de violents combats, pas une seule maison du Val du Prince ne fut endommagée. Le Starets répétait sans cesse que les Allemands partiraient :
– Ils sont chez nous de passage. Les gens de passage ne restent pas longtemps ; ils doivent rentrer chez eux.
Quelqu’un rapporta ces paroles au commandant et celui-ci ordonna de tuer le Père Seraphim. Aux soldats qui vinrent le trouver, le Starets dit :
Oh, les assassins sont arrivés ! Sur qui allez-vous tirer? Regardez, je porte sur moi la croix avec le Sauveur. Vous allez tirer sur le Christ, et après cela, vous direz encore que vous êtes croyants.
Il dit cela en allemand, car lorsqu’il était commerçant, il allait en Allemagne pour affaires et y avait appris la langue. Il ajouta encore, s’adressant à chaque soldat :
– Zwei Kinder, drei Kinder ( C’est-à-dire, tu as deux enfants, toi, trois), et il conclut l’entretien en disant : Dites au commandant que ce qu’il a semé en Russie, il le récoltera à la maison.
Les soldats ne touchèrent pas au Starets. Ils partirent et firent leur rapport au capitaine. Les témoins de cette conversation se rappellent que Batiouchka transmit au capitaine une prédiction qui le concernait personnellement. Après cela, il décida de ne plus causer aucun tort au Starets.
Pendant la guerre, en plus d’un jeûne sévère et de la prière permanente, le Starets prit sur lui un podvig particulier pour le salut de la Russie et de son peuple : pendant mille nuits, il se tint sur une pierre «dans le jardin, dans la nuit calme» les mains tendues vers l’icône de Saint Seraphim de Sarov, imitant ainsi le podvig de son protecteur céleste. Au sujet de ces veilles, le Starets rédigea des vers spirituels, en 1942 :

Saint Seraphim, sur la pierre

Dans la joie ou la tristesse, le moine, starets malade,
Va vers la sainte icône dans le jardin, dans la nuit calme,
Prier Dieu pour le monde et tous les hommes.
Et le Starets vénère sa patrie :
Prie la Souveraine de Bonté, grand Seraphim,
Elle est la Dextre du Christ, l’Aide des malades,
L’Avocate des pauvres, le Vêtement des déshérités,
Dans les grandes et nombreuses afflictions, Elle sauve Ses serviteurs…
Dans les péchés, nous périssons en nous éloignant de Dieu,
Et nous offensons Dieu par nos actes.
Le Starets priait la Très Sainte Mère de Dieu et Saint Seraphim. Et nous avons un témoignage remarquable de l’efficacité de sa prière. L’hiver 1942, Matouchka Seraphima eut un songe : Le Père Seraphim en bottes de feutre et en long sarrau blanc au milieu d’une plaine enneigée chassait une multitude de soldats allemands armés, fuyant devant lui, terrorisés (A cette époque, les Allemands occupaient encore Vyritsa). Le matin, quand Matouchka Seraphima vint demander la bénédiction du Starets et lui raconter quel rêve incroyable elle avait fait, il lui dit, avant qu’elle ne parle:
– Ah, tu as vu ! Maintenant, va faire sécher les bottes de feutre et le sarrau.
En ces nuits d’hiver, il sortait dans le jardin et priait sur une pierre, chaussé de bottes de feutre, et se couvrait d’un long sarrau blanc pour se dissimuler afin que les voisins ne le reconnaissent pas. Les bottes et la robe, comme se rappelait Matouchka Seraphima, étaient mouillées. Comment le Starets résista à ces veillées nocturnes avec ses jambes malades, Dieu seul le sait.(A suivre)
Traduit du russe
Sources 12

Saint Seraphim de Vyritsa «Construisez à Vyritsa» (3)

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction ( proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Il est nécessaire de dire quelques mots de l’endroit où le Seigneur envoya le Starets Seraphim. Ce n’est pas en vain que celui-ci appelait Vyritsa «Notre Terre Sainte » et «Notre Jérusalem du Nord». Le nom du lieu provient du mot russe «vyr», qui signifie ‘gouffre’, ‘tourbillon’, ‘remous’. Cette appellation est liée à la rivière qui coule ici, l’Oridièje, affluent de droite de la Louga et qui prend sa source dans les marais du District de Tsarskoïe Selo, et est caractérisée par de nombreux tourbillons. La première mention de Vyritsa remonte à 1711. À la fin du XIXe siècle, le village, grâce à la forêt de pins, aux rives pittoresques de la rivière, au climat sain, devint l’un des lieux de résidence d’été préférés des habitants de Saint-Pétersbourg. Le propriétaire des terres à Vyritsa était le sérénissime Prince Heinrich Fiodorovitch Wittgenstein, lieutenant à la retraite du régiment des hussards de la garde de Tsarskoïe Selo. La localité s’appelait alors le Val du Prince. En 1913 fut érigée au Val du Prince une belle église en bois de deux étages, dédicacée à l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à l’occasion du tricentenaire de la maison régnante des Romanov. Le destin de Saint Seraphim de Vyritsa et de ses nombreux proches est inextricablement lié à cette église. Ici le Starets célébra, et depuis sa mort, il repose dans le petit cimetière qui fait face à l’église.

Pilnyi prospekt 7

La moniale Taïssia se souvient: «A Vyritsa, le Starets vécut d’abord chez un ami de la rue Olgopol, puis dans une maison de l’Avenue Pilnyi. Plus tard, il vécut à l’Avenue de Mai, au 41 (maintenant 39). Batiouchka avait une petite cellule au rez-de-chaussée. La maison a un étage; elle est très belle, peinte en rose, avec des tourelles sculptées. Il va de même de la maison Avenue de Mai, avec une clocheton, comme dans les temps anciens. Les deux maisons existent encore à présent. Les propriétaires de la maison de Pilnyi Prospekt étaient Lydia Tomovna et son frère Vladimir Tomovitch Tomberg. Tous deux étaient profondément croyants, des gens des plus gentils et des plus nobles. Au rez-de-chaussée, une chambre avait été attribuée à Batiouchka (Ils ne l’ont pas utilisée après la mort du Starets, la conservant révérencieusement en sa mémoire). Lydia Tomovna raconta que quelques années avant la guerre, le Père Seraphim avait dit à sa fille spirituelle, Evdokia Mikhailovna : «Construisez à Vyritsa, parce que la guerre pourrait survenir, et la famine». Ils construisirent par précaution à Vyritsa. Ce n’est qu’un des nombreux cas de clairvoyance du Starets».
Batiouchka percevait l’état spirituel de ses enfants spirituels où qu’ils se trouvent. Quand la situation était particulièrement difficile pour l’un ou l’autre, il envoyait, en plus de l’aide de sa prière, des messagers, par exemple à ceux qui étaient en deuil ou malades, les incitant à venir auprès de lui à Vyritsa ou encore, il leur envoyait une prosphore, l’un ou l’autre cadeau. Voici quelques cas semblables.
Un jour, Batiouchka dit à sa fille spirituelle Evdokia:
– Voici l’adresse où vit la servante de Dieu Anna, elle a un chagrin immense, qu’elle vienne à moi.
Suite à ces paroles du Starets, Evdokia parti à la recherche d’Anna. Et effectivement, sa vie de couple était un échec, leurs enfants étaient gravement malades et elle-même était désespérée. Anna ne savait pas que le Père Seraphim vivait à Vyritsa. Elle allait le voir à la Laure avant que tout s’effondre, et elle était très affligée, ayant perdu son starets et consolateur. Et dans ce moment difficile pour elle, le Starets lui-même l’appela auprès de lui, la calma, et l’aida à résoudre les problèmes de sa vie.
Théodosia, une fille spirituelle du Starets, était une femme aisée avant la révolution. Elle aidait par tous les moyens la Laure Saint Alexandre Nevski. Mais il advint que les moines de Laure furent envoyés en exil et que Théodosia elle-même fut sanctionnée.
Elle revint des camps, en mauvaise santé, privée de moyens de subsistance et de logement, et, désespérée, elle décida que l’heure de sa mort était arrivée. À ce moment-là, un messager du Starets vint à elle et lui dit:
– Batiouchka t’appelle chez lui à Vyritsa.
Ce qui se passa ensuite, Théodosia le raconta elle-même: «Je n’ai pas cru en ces paroles et j’ai dit: ‘si c’est mon père spirituel, qu’il me guérisse, alors j’irai chez lui!’. Après avoir entendu ce propos audacieux, le messager de Batiouchka s’en alla. Le lendemain matin, j’ai ressenti avec étonnement une poussée de force, de vitalité, un rétablissement complet et j’ai décidé que je devais aller à Vyritsa. Bien que je ne croyais pas complètement aux paroles de l’envoyé, j’avais décidé d’aller tout de même vérifier. Quand j’arrivai sur place, je vis réellement le Starets, et il me dit ces paroles de l’Évangile: ‘heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru’ (J.20;29). Le visage baigné de larmes de joie, je suis tombée aux pieds de mon père spirituel qui n’oublie pas ses enfants et les fortifie dans la foi».
… Arrivèrent chez Batiouchka une mère avec sa fille, dont la main gauche était desséchée. La mère, qui avait entendu parler des miracles accomplis par les prières du Starets, avait amené sa fille malade dans l’espoir d’une guérison. Dans la cellule du Père Seraphim, quand elles s’approchèrent pour recevoir la bénédiction, Batiouchka se leva de son fauteuil et s’appuya, comme par inadvertance, sur l’épaule gauche de la jeune fille. À ce moment-là, celle-ci sentit le flux sanguin entrer dans sa main desséchée et la main commença à bouger. La suite toute entière de la vie de cette fille guérie fut liée à son cher Batiouchka. Plus tard, mariée avec bonheur, elle amena ses enfants pour qu’ils reçoivent la bénédiction du Starets.

Matouchka Serafima

Le Seigneur révélait au Starets le jours de la mort des gens, et il arrivait qu’il envoie son auxiliaire, Matouchka Seraphima, à certains d’entre eux pour qu’ils se préparent à la transition vers l’éternité. C’est pourquoi certains proches de Matouchka Seraphima l’appelaient parfois «l’ange de la mort».
…Une fois avant la guerre, l’un des pèlerins s’adressa à Batiouchka et, le plaignant, lui dit:
– Père, vous avez tant souffert pour nous: les fatigues, la maladie, la souffrance. Que Dieu vous aide!
– Que le Seigneur, t’aide toi aussi, répondit le Starets qui voyait le destin de cet homme.
Celui-ci fut par la suite arrêté et envoyé dans un camp. Souvent, il se rappela les paroles du Père Seraphim. De nombreux enfants spirituels du Starets, particulièrement les moines et membres du clergé, se retrouvèrent dans les camps, en prison, en détention. A la première occasion, Batiouchka entamait une correspondance avec eux, leur envoyait des victuailles et de l’argent. (A suivre)
(Traduit du russe).
Source :

Saint Seraphim de Vyritsa «Un entrepôt pour les afflictions» (2)

Le texte ci-dessous est le début de la traduction (qui est proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014.

Communauté de la Laure. Le Père Seraphim est le deuxième à droite au premier rang.

Selon certains documents qui ont fait l’objet de publications, en septembre 1920, Vassili Nikolaevitch Mouraviev a été accueilli dans la fraternité monastique de la Laure Alexandre-Nevski, et le 16/29 octobre de la même année, il a reçu la tonsure et le nom de Barnabé, dans l’église du Saint-Esprit à la Laure. Au même moment, son épouse recevait la tonsure au monastère de la Résurrection et de la Très Sainte Mère de Dieu d’Iviron à Petrograd et le nom de Christina. Lire la Suite

Saint Seraphim de Vyritsa «Comme Dieu donnera!» (1)

Le texte ci-dessous est le début de la traduction (qui sera proposée en plusieurs parties) d’un résumé détaillé de la vie de Saint Seraphim de Vyritsa écrite par Alexandre Archakovitch Trofimov à partir de son livre qui compte 240 pages. L’original russe du résumé traduit ici, agrémenté de nombreuses photographies, a été publié en six parties sur le site de l’auteur, le 14 mars 2014. On trouvera à la fin de la présente traduction une note biographique relative à cet auteur.

Saint Seraphim de Vyritsa (Dans le monde Vassili Nikolaevitch Mouraviev) naquit le 31 mars 1866 (ancien calendrier) dans le village de Varkhomeevo, Volost d’Arethino, Ouïezd de Rybinsk, Gouvernorat de Iaroslav. Ses parents, Nicolas Ivanovitch (1837-1876) et Chionia Alimpieva, étaient des paysans. Le petit garçon fut baptisé le 1er avril 1866 dans l’église du Sauveur sur la Oukhta, au village du Sauveur, non loin du village où habitait la famille Mouraviev. Les parrain et marraine de baptême de Vassili furent le paysan Igor Akimovitch et la paysanne Alexandra Igorovna. Lire la Suite

Saint Seraphim de Vyritsa dans les souvenirs de l’Archiprêtre Ioann (Mironov)

Le texte ci-dessous est un paragraphe du livre des frères (jumeaux) les hiéromoines Cyrille et Méthode (Zinkovski) «Le Lien du temps» (Связь времен. Saint-Pétersbourg, 2011). Les frères Zinkovski, qui desservent l’église de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan à Vyritsa, où reposent les saintes reliques de Saint Seraphim, sont fils spirituels de l’Archiprêtre Ioann Mironov. L’Archiprêtre Ioann, âgé aujourd’hui de 95 ans, est l’un des derniers startsy de la région de Saint-Pétersbourg. Fils spirituel direct de Saint Seraphim de Vyritsa, il a lui-même, au fil des ans, nourri spirituellement des milliers de fidèles. Il officie encore aujourd’hui dans l’église de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu «Coupe inextinguible», située sur le territoire de l’usine ATI, à Saint-Pétersbourg.

Mes années d’études au Séminaire et à l’Académie, ainsi que toutes les cinquante années suivantes au service de l’Église du Christ, sont directement et inextricablement liées avec le nom du Père Seraphim de Vyritsa. Je suis né à Pskov dans une famille paysanne pieuse. Pendant mes années d’enfance avec ma famille, j’ai vécu toutes les horreurs de la «dékoulakisation», de la déportation, puis de l’occupation pendant la Grande Guerre Patriotique. En 1944, jeune homme de dix-sept ans, j’ai rejoint les rangs de l’armée active. Après avoir terminé mon service dans les Forces Armées, en 1947, j’ai décidé d’entrer au Séminaire. Dans les années d’après-guerre, de nombreux habitants de Pskov allaient voir le Père Seraphim pour obtenir des conseils et sa prière. Ma tante Anna me dit à propos de ce glorieux héros de l’ascèse: «A Vyritsa, il y a un grand starets; il voit tout à l’avance. Grâce à lui, tu apprendras certainement la volonté de Dieu à ton sujet…». A l’époque, je me nourrissais spirituellement auprès du Père Ioann Ivanov, futur Évêque de Kirov et Slobodsky. Ayant demandé sa bénédiction, je suis allé à Vyritsa. C’est ainsi que le Seigneur m’a conduit à Batiouchka Seraphim. Lire la Suite