Homélie prononcée par l’Archimandrite Chrysostomos Papadakis, Prédicateur de la Métropole de Veria, durant les vêpres de la Fête de Saint Nikolaos Planas, le 1er mars 2015, dans l’église Saint Jean le Chasseur à Athènes, la paroisse que le Saint ‘Papa Nikolaos’ desservit de son vivant. Le texte a été mis en ligne dans sa version anglaise sur le site Pemptousia.gr, en quatre parties, les 25, 27 et 31 octobre 2015 et le 27 juin 2016.

Ce jour particulier justifie donc que nous abordions le thème de la sainteté en général et en particulier la vie de Saint Nikolaos que nous honorons, joyau et fierté de la paroisse de ce quartier, qu’il servit, d’une manière qui plut à Dieu, alors qu’elle naissait et ne comptait que quelques habitants. Vous, les paroissiens contemporains, ne pouvez oublier que votre paroisse fut bénie par le Saint, non seulement du fait de son ministère sacerdotal en ces lieux, mais aussi du fait qu’il fut inhumé ici, et sa présence vous bénit chaque jour.
Les saints forment le grand capital spirituel de l’Église, son inimaginable et irréfragable richesse. Ceci prouve que l’Église n’est pas seulement une arche du salut pour nos âmes, sauvées simplement parce qu’elles évitent le feu éternel de l’enfer, elle est destinée aux âmes qui sont glorifiées dans le Règne de Dieu, avant même le terrible Jugement, la Seconde Parousie, alors que l’Église militante continue à exister. Elles furent glorifiées, ces âmes, car à travers la vie qu’elles menèrent, elles plurent parfaitement à Dieu et atteignirent l’état de déification ; elles devinrent Dieu par la Grâce, elles acquirent l’audace, et à travers celle-ci, de nombreux dons, pendant leur vie même sur cette terre. Et leur propre sainteté devint source de sainteté pour d’autres.
L’Église vit pour sauver les âmes, pour produire des saints. Si vous retirez les saints de sa vie, de sa théologie, de son rituel, elle cesse d’être L’Église. Appelez-la comme vous voulez, ce n’est plus l’Église. Le Christ Lui-même dit que l’Église Orthodoxe est Son Église, celle dont Il est la tête et qui contient le trésor de la Grâce de l’Esprit Saint, qui la mène à la plénitude de la Vérité. Il en va ainsi conformément à Son inaliénable promesse, et Il dispense Sa Grâce en manifestant et en glorifiant Ses Saints dans l’Église, à travers une multitude de signes et de miracles.
En conséquence de cette vérité empirique, tout Orthodoxe, clerc ou laïc qui viendrait, en paroles ou en actes, à dénigrer les saints, ferait preuve d’indigence en termes de foi. Et, si nous pouvons recourir à cette expression paulinienne : ‘ils se condamnent’ devant Dieu et Ses Saints. En outre, la vérité empirique propre à la vie de l’Église montre que ceux qui  aiment et honorent les saints, particulièrement en suivant l’Église dans l’honneur qu’elle leur rend à travers les offices divins qui leurs sont dédiés, ceux-là jouissent d’une foi forte. Si nous intensifions notre combat contre nos passions en faisant appel à l’intercession des saints, nous pouvons espérer atteindre le salut. En conclusion, l’amour voué aux saints constitue un des critères d’une vie spirituelle orthodoxe authentique. Chaque jour, l’Église honore la mémoire de nombreux saints et, ce faisant, à travers les rubriques du culte divin, elle requiert leur intercession et l’intervention de leur grâce dans la vie de ses enfants qui luttent. Elle présente également les saints en qualité d’exemples d’une vie de sainteté. Mais la puissance éducatrice des faits demeure inopérante tant que nous ignorons le but, qui est notre sanctification, ou si, l’ayant reconnu, nous choisissons néanmoins de ne pas nous libérer, et de demeurer prisonnier de la confortable prison de la vie de ce monde. Et nous ne voulons pas nous libérer car cela signifie suivre le chemin de la Croix. Et comme le disait Saint Païssios l’athonite, dont la sainteté a été récemment reconnue de manière officielle, un honnête combat est indispensable pour entamer, parcourir et mener à bien notre chemin sur cette voie. Une vie qui n’aspire pas à la sanctification à travers cet honnête combat est dépourvue de sens ; elle se satisfait des multiples vanités et aléas de la chair.

Quel aurait pu être le sens de l’incarnation de notre Créateur si Son but n’avait été l’immortalité de Sa création, et pas seulement l’immortalité, mais la sanctification, la glorification ? Toute la théologie de la Vérité chrétienne est résumée en une seule expression : ‘l’incarnation de Dieu et la déification des êtres humains’. Dieu S’est fait homme pour que devenions dieux. Le Saint est Dieu par Grâce. Comme nous pouvons le lire dans les vies des saints, de nombreux chemins conduisent à la sanctification, car bien des éléments doivent être pris en compte. Mais à travers le spectre de la diversité des luttes personnelles, nous discernons les traits caractéristiques de la vie sainte. Nous allons les examiner, mais quoi qu’il en soit, beaucoup d’entre ont vu ou fait l’expérience de ces caractéristiques dans la vie de nos saints gerondas contemporains.
La première de ces caractéristiques est le respect minutieux des commandements de Dieu. Mais il s’agit d’un respect libre, délibéré, joyeux, car il n’est pas le fruit de la peur de l’enfer, ou de l’égoïsme aspirant à acquérir de bonnes choses pour l’avenir, mais bien le fruit de l’amour pour le Christ. Il s’agit d’observer ce qu’Il dit et ce qu’Il veut. Lorsque je dis ‘minutieux’, cela signifie qu’il y va de l’observation des moindres détails, car la conscience délicate du saint l’exige. Et cette conscience est si délicate qu’elle ne peut supporter la moindre mauvaise pensée. Une telle attitude de vie est l’abondante preuve d’un insatiable amour pour le Christ, car Il a dit «Si vous m’aimez, vous observerez mes commandements», et «Ceux qui gardent mes commandements, ce sont ceux qui m’aiment». Les saints sont si sensibles en cette matière qu’ils souffrent et sont chagrinés à la vue de ceux qui les entourent et qui méprisent les commandements du Seigneur. Et ils déversent une affection et une attention débordantes et une aide sans faille sur ceux qui se repentent et demandent à être guidés en Christ.
On ne pourrait que se répéter si on voulait examiner en détail les problèmes vécus par les saints dans leur environnement proche ou lointain, car leur obéissance persévérante aux commandements du Seigneur indisposait et fustigeait ceux dont la conscience est endurcie. Et malheureusement les exemples les plus flagrants, traces souvent récurrentes d’une dureté démoniaque, se trouvent aussi au sein de l’Église, il en fut ainsi des monstrueux traitements infligés à Saint Nectaire.
Une deuxième caractéristique réside dans le détachement vis-à-vis du monde, non pas en tant que lieu, mais sur le plan moral. Saint Jean l’Évangéliste dit : «Le monde entier est au pouvoir du mauvais» et «N’aimez pas le monde ou les choses du monde. Ceux qui aiment le monde n’ont pas en eux l’amour du Père». Il fait allusion aux multiples péchés qui règnent dans le monde et à notre attachement aux choses matérielles. Les saints tels que les saints prêtres Nikolaos Planas et Porphyrios vivaient dans le monde, d’autres encore entretenaient des contacts avec de nombreux hommes et femmes, mais ils se tenaient à l’écart des choses du monde et de tout ce qu’elles impliquent car ils étaient attachés spirituellement au Christ, Qui les remplissait à un point tel que bien souvent ils en oubliaient de sentir la fatigue, la faim, la soif. Ils avaient réalisé ce que nous entendons dans l’hymne Acathiste : «Ayant contemplé cet étrange enfantement, devenons étrangers au monde et transportons notre esprit vers les cieux» (Ikos VIII). Et dans la mesure où, bien que vivant sur terre, ils étaient essentiellement des citoyens du ciel, ils parvenaient à converser de façon charismatique avec les âmes des hommes, tout en gardant le silence.
La foi véritable est la troisième caractéristique. Ils adhéraient dans une obéissance totale, aux dogmes de l’Église et à Sa Tradition patristique orthodoxe. Ils dénonçaient toute hérésie et les attaquaient par leurs enseignements et par la prière. Mais jamais ils ne haïrent l’homme qui était hérétique. Ils jouissaient de la grâce leur permettant de discerner les attaques venant de droite, sous le couvert de la pseudo-piété, lorsqu’une forme d’égoïsme latent est mise à profit par le diable afin de produire des visions fausses. Dans tous les domaines, il y eut des trompés et des trompeurs, mais les saints ont toujours repoussé les supercheries au moyen de leurs dons spirituels, tout en implorant le salut des victimes. Leur attitude était rendue possible par le fait qu’ils étaient étrangers à toute malice. C’est également la raison pour laquelle ils ne se joignirent jamais aux zélotes, ni ne manquèrent aucunement de respect  envers les hiérarques de l’Église, même s’ils n’approuvaient pas toujours les actions de ces derniers.
La quatrième caractéristique fut leur courage, qui leur permit d’endurer un martyre de sang ou d’affliction, infligé par le diable qui les agressait directement ou par les hommes, ou encore par d’interminables et douloureuses maladies.

Le Saint évêque Lukas de Simferopol, notre contemporain, ce chirurgien, ce thaumaturge  que l’État athée persécuta si durement, parvint à dire : «J’en suis arrivé à aimer la souffrance ; elle purifie l’âme de façon si étrange». Et Saint Porphyrios, qui a tant souffert de diverses maladies disait : «Jamais je n’ai demandé au Seigneur de m’enlever une maladie. J’aurais été honteux de le faire». Il était d’une noblesse spirituelle telle que dans la douleur, il glorifiait Dieu et était heureux. Quant à Saint Païssios, il disait : «Dieu a accroché notre salut à la patience». Vers la fin de sa vie, quand le cancer lui provoquait des douleurs atroces, il disait «Jamais, au cours de mes années de combats ascétiques je ne vis des profits semblables à ceux qui découlent de ma maladie». Et avant cela, Saint Nikolaos Planas que nous honorons aujourd’hui admit à une de ses filles spirituelles : «Mon enfant, c’est la patience qui me permit de traverser tous les obstacles qui se sont présentés».
Saint Nikolaos Planas possédait en abondance les caractéristiques fondamentales de la vie sainte. Il jouissait d’autres encore, qui lui étaient propres et découlaient de son combat personnel et de sa manière de servir en tant que prêtre. Pour ce qui concerne l’observance des commandements, jamais il ne s’autorisait de dévier du respect strict des lois de l’Évangile.
Il n’avait que très peu d’instruction, au point de commettre des erreurs comiques lorsqu’il lisait l’Évangile, selon ce que nous en rapporte l’écrivain grec Alexandre Papadiamantis, qui était chantre à Saint Élisée. Néanmoins, il étudiait les Saintes Écritures avec ses enfants spirituels, car il est écrit : «Ta loi fait l’objet de mon étude». Une photo de l’époque illustrant cette situation est même parvenue jusqu’à nous. Soulignons que ce manque d’instruction ne constitua pas un obstacle, car c’est la lumière de l’Esprit Saint qui transforme les pêcheurs en théologiens, comme ce fut le cas des Apôtres. Ce qui leur arriva après la Résurrection – alors, Il ouvrit leur esprit afin qu’ils comprennent les Écritures – s’est répété au cours des siècles, signe de Dieu accordé à ceux qui L’aiment et aspirent à connaître la Volonté de Dieu. Papa Nikolaos ne fit jamais d’homélie ; un problème d’élocution l’en empêchait. Moïse était affligé d’une pareille infirmité, mais c’est pourtant lui que Dieu choisit pour mener la tâche de l’Exode, à lui qu’Il donna la Loi au Sinaï. Et il vit Dieu. Papa Nikolaos ne prononça donc jamais d’homélie, mais sa vie elle-même fut une continuelle homélie qui porta du fruit en abondance. Et ce sermon concret, sermon de sa vie, perdura, car c’était le sermon d’une vie sainte, un sermon bénit par la Grâce de Dieu et qui dès lors allait droit aux cœurs des hommes et offrait à ceux-ci quiétude et inspiration.
Pour ce qui concerne le détachement volontaire du monde, la seconde caractéristique, il apparaît de façon évidente à la lecture des écrits témoignant de sa vie. Le saint prêtre, étranger aux choses du monde ne pouvait que faire preuve d’indifférence à l’égard des biens matériels et particulièrement de l’argent. Il ne possédait rien, mais manifestait une générosité aux antipodes de l’avarice. Critiques et louanges l’indifféraient car son esprit et son cœur étaient dans les cieux.
Son obéissance extrêmement humble caractérisait son attitude à l’égard de l’Église, mais quand les puissants qui y régnaient étaient plus qu’injustes envers lui. Et en matière de calendrier il ne se laissait pas aller à l’extrémisme des zélotes.
Quant à son courage à endurer les aléas de la vie, la quatrième caractéristique, il se manifestait à travers une paix et une tolérance magnifiques.

Permettez-moi de faire allusion, avec tout le respect qui lui est dû, à deux autres traits de Saint Nikolaos Planas. Le premier est sa simplicité. Même ceux et celles qui le connaissaient, et l’aimaient, trouvaient probablement qu’il était naïf ; nous connaissons une série de circonstances dans le cadre desquelles il sembla l’être. Mais Papa Nikolaos avait la simplicité en Christ, qui est un don, un don de Dieu, suite à sa pureté intérieure, un don de Dieu pour la candeur de son cœur, pour l’innocence extrême de son âme. La simplicité sainte ne peut se juger à l’aune de la raison car elle transcende la logique. Elle est incapable de produire une mauvaise pensée, d’être rusée. Dans les vies des saints nous pouvons lire les innombrables miracles qu’elle a accomplis. Et comme nous en sommes dépourvus, nous ne faisons pas de miracle. Nos  esprits sont rivés aux mauvaises pensées, et nous ne sommes jamais en paix. Il importe de se souvenir de ce que la sainte simplicité, dans son pristin état, était le vêtement charismatique d’Adam et Eve et grâce auquel ils étaient dépourvus du sentiment de honte. L’hymnographe qui composa le doxastikon des vêpres de la semaine des laitages, qui présente Adam assis en larmes après son expulsion du Paradis, exprime de la sorte la lamentation : “Hélas moi qui étais nu en toute simplicité, je ne sais plus que faire maintenant”. Le Dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie, nous entendons la lecture de l’Évangile narrant l’appel des premiers apôtres. Nathanaël en faisait partie ; il fut amené près du Christ par son ami Philippe. Rappelons-nous du commentaire du Christ, lorsque Nathanaël approcha, car il est tout à fait approprié pour désigner notre Saint Nikolaos : «Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude» (Jean 1,47). Il lisait dans les cœurs et Il vit la simplicité de Nathanaël.
Le second trait particulier est l’intensité de sa vie liturgique. Il s’agit d’une sainte caractéristique exceptionnelle en ce qui concerne les prêtres qui desservent les églises hors des monastères. Il semble qu’il soit unique en cela, aujourd’hui encore. Il célébrait la liturgie chaque jour et il célébrait souvent les vigiles. Ses liturgies duraient des heures ; il commémorait des milliers et des milliers de noms. Nombreux furent les vivants que Dieu gratifia de Sa bénédiction par l’intercession du Saint Papa Nikolaos, et nombreux les défunts qui lui sont redevables du repos. Quelle quantité de Grâce sanctifiante son âme pure et son corps habité par la sobriété et la diligence, ne reçurent-ils, dans la réception aussi fréquente des Saints Dons ? Le Saint Autel était sa joie, sa nourriture spirituelle, sa véritable respiration. On soulignera également combien la vie sacramentelle intense de Papa Nikolaos, les liturgies quotidiennes et particulièrement ses vigiles conformes au modèle athonites étaient dérangeantes vis-à-vis de type de vie religieuse qui prévalait à Athènes à cette époque. On n’avait alors pas encore fait retour vers les Pères de l’Église, la tendance favorable au monachisme ne s’était pas encore manifestée, et l’activité religieuse subissait encore l’emprise de l’influence occidentale. Ramant à contre-courant, Papa Nikolaos et le noyau de ses enfants spirituels conservaient et confessaient la Tradition orthodoxe. Son œuvre fut pionnière en terme de retour vers les Pères et vers l’esprit du monachisme. Cette sainte œuvre se déploya toute entière dans le cadre de la piété populaire, conscience mystique de l’Église. Cette dévotion des hommes et femmes ordinaires est la matrice des saints qui émergent dans l’Église, le jardin secret des saints cachés dans le monde. Elle alimente les monastères en âmes dévouées, elle fournit les équipes de missions, elle entretient les églises, porte leurs œuvres caritatives. Elle est le lieu de la manifestation des saints, elle vit leurs miracles petits et grands et défend l’Église au temps des persécutions. La dévotion des gens ordinaires répond aux appels de l’Église dans tous les combats qu’elle mène, elle incarne l’esprit d’amour des saints car ces gens lisent leurs vies, honorent leur mémoire, vénèrent leurs icônes et leurs saintes reliques. Notre Saint Papa Nikolaos Planas est le protecteur naturel de cette dévotion populaire, le protecteur des Chrétiens ordinaires, humbles effacés, mais qui luttent. Et il est également le protecteur des prêtres qui aiment leur sacerdoce et servent la Sainte Table avec humilité, simplicité, et la conscience claire. Je prie afin que cette paroisse et chacun d’entre vous personnellement reçoive la paternelle protection des prières célestes du Saint Prêtre Nikolaos Planas. Amen !

Saint Père Nicolas, prie Dieu pour nous.
Traduit de l’Anglais.
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