Le texte ci-dessous est la traduction de l’original russe publié sur la page VK du Père Guennadi Belovolov, le 2 janvier 2019.
«Le Journal «Le Pont Krestovski», populaire à Moscou, a publié un entretien que j’avais accordé à leur journaliste Elena Alexeeva voici deux mois, à l’occasion du cent-dixième anniversaire de Saint Jean de Kronstadt, et du vingtième anniversaire de l’ouverture du Musée Appartement-Mémorial de Saint Jean de Kronstadt. Voici le texte de cet entretien»

En visite chez Saint Jean de Kronstadt
Qu’est-ce qui nous attend aujourd’hui dans cet appartement où Saint Jean eut la vision de la Très Sainte Mère de Dieu?
Le 20 décembre/02 janvier 2019, on célébra le cent-dixième anniversaire de la natalice du Juste Jean de Kronstadt, l’un des saints russes les plus populaires. On trouve à Kronstadt un endroit remarquable : un immeuble de la rue Posadskaia, dans l’un des appartements duquel le Père Jean vécut, au premier étage, pendant de nombreuses années. Nombreux furent ceux qui le vénéraient ici. C’est dans ce logement, alors qu’il priait, que la Très Sainte Mère de Dieu lui apparut. Il y décéda le 20 décembre 1908/02 janvier 1909.
Au cours de l’époque soviétique, la mémoire du saint ascète fut complètement effacée de ces murs. Mais en 1999, les efforts de l’Archiprêtre Guennadi Belovolov et de ses associés ont permis l’ouverture de l’Appartement-Mémorial de Saint Jean de Kronstadt. Le Père Guennadi est le directeur-conservateur de ce musée insolite. Il nous a raconté comment une partie de la mémoire effacée fut restaurée.

Ville punie
C’est en novembre 1989 que je me rendis pour la première fois à Kronstadt. A l’époque, c’était encore une ville fermée (une base des forces navales y est établie). Pour y entrer, il était obligatoire de disposer d’une invitation émise à Kronstadt, comme pour aller à l’étranger, et il fallait également l’autorisation du commandement militaire. Un résident local a accepté de m’inviter en tant que parent éloigné. A cette époque, je n’étais pas encore ordonné, je travaillais au Musée Dostoïevski situé dans la ville qui s’appelait encore Leningrad. Mon but principal était de trouver l’appartement de Jean de Kronstadt. Naturellement, aucun guide des rues n’aurait pu aider en ces temps-là : les noms des rues avaient été changés. La découverte de l’immeuble ne fut pas chose simple. La difficulté résida aussi dans le fait qu’à l’époque soviétique, il avait été rehaussé (d’un à trois étages), ce que je ne savais pas. J’espérais que les gens du coin pourraient me guider.
A la première personne que je rencontrai, je demandai :
«Où est la maison de Jean de Kronstadt?»
«Qui est-ce?»
«Ah, vous êtes un nouveau-venu ici!»
«Non, je suis né ici!»
«Et vous ne savez pas qui est Jean de Kronstadt?»
«C’est la première fois que j’entends ce nom.»
Je commençai à me sentir même un peu mal à l’aise. Plus tard, j’ai appris que la population de Kronstadt avait beaucoup changé pendant les années soviétiques. Après le soulèvement de 1921, la ville fut punie : la plupart des habitants ont été déplacés dans des régions reculées de Russie. De plus, toutes les églises de la ville ont été fermées. Le lieu de pèlerinage et de liturgie quotidienne, tel qu’il était au temps du Père Jean, devint une réserve d’athéisme. Lors de cette première visite, j’ai remarqué quelques maisons similaires, ne sachant dans laquelle le Père Jean avait vécu.

Frayeurs nocturnes

C’est en 1995 que je vins à Kronstadt pour la seconde fois, alors que j’étais déjà prêtre. L’officier de Marine Serguei Kochelev m’aida alors à trouver l’appartement. Lorsque je finis par atteindre le cher appartement rue Posadskaia, ce fut l’un des jours les plus heureux de ma vie. Je fis connaissance avec la propriétaire de l’appartement du coin avec le balcon. Elle me laissa entrer et prier à l’intérieur.
Le Père Jean vécut dans un appartement de six pièces au premier étage. Après la révolution, cet espace fut divisé en cinq appartements de deux pièces. Une jeune fille nommée Svetlana habitait dans l’un de ces appartements. Elle vivait dans l’ancien salon, avec le célèbre balcon duquel le Père Jean de Kronstadt bénissait ceux qui venaient à lui. Sveta nous permit d’entrer. J’ai alors célébré mon premier moleben en ce saint lieu. Sveta raconta qu’elle avait appris l’existence du saint dès qu’elle s’était installée ici, parce que, souvent, des gens venaient dans l’immeuble, priaient et certains même embrassaient les murs.
Je lui demandai alors comment elle vivait en ces lieux. Elle devait se sentir comme un coq en pâte. Mais de façon inattendue, elle me répondit : «J’habite ici depuis un an, mais je n’ai pas l’impression d’être dans mon appartement. Quelqu’un s’y promène la nuit». Je fus surpris. Il me semblait que le Père devait pour le moins bénir cette jeune fille. Pourquoi donc en était-il ainsi? Il s’avéra qu’elle n’était pas baptisée. Je lui dis alors: «Il ne te reste qu’une chose à faire : recevoir le baptême». J’ai donc baptisé Svetlana et son frère, dans ma lointaine paroisse. Et tout s’est arrangé.

L’Appartement-Mémorial fut consacré par le Patriarche

A l’époque, je n’imaginais pas avoir à m’occuper du musée. Je croyais qu’il me fallait seulement découvrir l’appartement et transmettre toutes les informations au Monastère Saint-Jean de Rila, ou à l’Éparchie, qui s’occuperaient de la restauration des lieux. Mais je ne rencontrai aucun intérêt pour l’appartement du Père Jean. Personne ne croyait qu’il était possible d’installer un musée dans ces appartements d’habitation. Moi non plus, je n’osais me lancer dans une telle entreprise. Mais il se fit que Svetlana avait contracté un emprunt important pour son entreprise, en hypothéquant l’appartement. L’entreprise avait fait faillite et ne pouvait rembourser l’emprunt. Endéans le mois, l’appartement pouvait devenir la propriété de la banque. Il n’y avait pas de temps à perdre.
Je rassemblai des gens qui partageaient ma vision des choses. Nous achetâmes ensemble l’appartement et trouvâmes un autre logement pour Svetlana. Je me lançai dès lors dans la création du musée, avec la bénédiction du Patriarche Alexis II.
Au début, j’étais en plein désarroi ; que pourrions-nous exposer ici? L’immeuble avait été complètement reconstruit et restructuré après la révolution. Il ne restait rien de ce qu’il y avait à l’origine, et dans la ville même, on n’en retrouvait rien. Mais peu à peu nous avons commencé à trouvé des objets commémoratifs, des portraits du Père Jean, dans des endroits les plus inattendus et reculés : Riazan, l’Altaï, la région de la Volga. Et à Kronstadt, dans le bureau du dirigeant de l’Amirauté, se trouvait la table de travail provenant du bureau de Batiouchka. Il avait été déclassé à cause de son état délabré. Nous l’avons restauré et installé dans le bureau du Père Jean. Nous fîmes également la connaissance de descendants du Saint, Tamara Ivanovna Ornatski, Galina Nikolaevna Chpiakina et Svetlana Igorevna Chemiakine, qui avaient conservé des pièces de mobilier, en souvenir : divan, chaises, paravent.
En novembre 1999, nous ouvrîmes le musée. Les gens venaient nous voir. Il était plus facile de négocier avec les résidents de l’immeuble pour qu’ils déménagent, car ils comprenaient dans quel lieu ils vivaient. Et en 2008, nous avons pu accéder à deux autres appartements. Nous avons une salle d’exposition au rez-de-chaussée et un bureau au premier étage. Une statue de Saint Jean de Kronstadt a été inaugurée sur la placette devant l’immeuble.
C’était l’année du centième anniversaire de la natalice du Père Jean. Le Patriarche Alexis II vint à Kronstadt et il consacra la pose de la première pierre de la Chapelle de la Mère de Dieu de Tikhvine, ouvrit le musée et inaugura la statue monumentale. Le Patriarche Kyrill est venu à deux reprises dans notre musée. L’an prochain, à l’occasion du 190ème anniversaire de la naissance de Batiouchka, nous voulons ouvrir la salle à manger et la chambre de Matouchka – Elisabetha Konstantinovna.
Parfois, on nous demande : «Quel est le concept de votre musée?» C’est très simple : rendre visite au Père Jean et ressentir sa présence. Nous considérons tous les visiteurs comme des invités du Père Jean. C’est lui-même qui les a invités. Et notre travail est de recevoir les chers invités du saint pasteur.

Saint Père Jean de Kronstadt prie Dieu pour nous!

Traduit du russe.
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