Le texte ci-dessous est la traduction d’un extrait du livre du Père Diacre Georges Malkov et de P.Y. Malkova «Aux Grottes érigées par Dieu» («У пещер Богом зданных»), paru en 1999 aux Éditions «Pravilo Veri». Cet extrait reprend le récit de la servante de Dieu Antonina, de Saint-Pétersbourg, (alors Leningrad), qui rendit visite au Starets dans les années 1950′. Ce court texte permet de découvrir la puissance d’un des très grands startsy du XXe siècle, le Saint Hiéromoine du grand schème Siméon (Jéline), 1 mars 1869 – 15/2 janvier 1960.
A l’époque, j’étais une jeune pécheresse, mais par la miséricorde de la Très Sainte Mère de Dieu et du Seigneur, il me fut donné de séjourner au Monastère des Grottes de Pskov. Je priai, participai à la Liturgie, et allai solliciter la bénédiction du Starets Siméon.
Je pénétrai avec crainte dans le corridor, approchai de la porte et dis la prière demandant l’entrée, mais il n’y eut pas de réponse. Après avoir attendu un peu, je répétai la prière, et ensuite encore une fois, mais pas de réponse. Tout était calme, mais le bruit d’une conversation sourde venait de quelque part.Ouvrant la porte du couloir, je vis des gens assis devant la cellule du père. Je me suis dit: comme ils sont humbles, ils gardent le silence et ne me répondent pas, de peur de rompre le calme. Le père Siméon était dans sa cellule et parlait à quelqu’un. À part ces gens, il n’y avait personne. Je leur demandai: «Faites-vous la file pour voir le starets?», mais ne reçus aucune réponse.
Je fus surprise par leur comportement si étrange et je commençai à regarder plus attentivement leurs visages.
La pièce où se trouvaient ces gens était dépourvue de fenêtre et n’était éclairée que par une lampe au kérosène. Je ne pouvais donc pas les distinguer facilement, et quand je les regardai attentivement, je ne pouvais pas comprendre: ce n’était pas des femmes, et ce n’était pas des hommes; leurs visages étaient sombres, avec le nez crochu. Certains de ces visages ressemblaient à des têtes d’oiseaux de proie avec des becs, une expression méchante, les yeux baissés. Et il me semblait que leurs cils et leurs sourcils bougeaient. J’ai même pensé que, vraisemblablement, ces gens étaient des étrangers et ne connaissaient pas la langue russe, et donc, ils ne répondaient pas à ma question.
Je me suis alors décidée et me suis approchée de la porte d’où venait la conversation. Après avoir dit la prière et sans attendre la réponse, j’ai entrouvert la porte et suis rapidement entrée car j’avais peur de ces gens. Je me suis arrêtée sur le pas de la porte et, craignant de gêner le starets dans sa conversation avec une vieille femme, je suis discrètement restée là, attendant la fin de l’entretien, que j’ai donc entendu involontairement.
La vieille femme murmurait contre tout dans sa vie, accusant ses enfants de ne pas lui payer de «pension alimentaire». Elle vivait chez un de ses fils, et voulait poursuivre les autres en justice (pour qu’ils veillent sur elle pendant sa vieillesse). Le starets lui dit: «Tu es bien nourrie, vêtue, chaussée; si possible, aide le fils chez qui tu vis. Vis et ne poursuis pas tes enfants». Mais la vieille dame continua à murmurer et à énumérer ses griefs, puis elle dit autre chose, mais à voix basse.
Le starets se tut un peu et dit: «Tu vois comment tes péchés te tourmentent, comment tu les emmènes avec toi!» Je ne pouvais pas comprendre qui elle avait emmené avec elle; et elle aussi, apparemment, ne voyait pas de quels péchés le starets parlait et en quoi elle les avait traînés à sa suite.
Alors le starets se leva et lui dit: «Viens, je vais te montrer ceux qui te tourmentent, et je les chasserai loin de toi: tu pourras souffler et te calmer». Alors qu’il se dirigeait vers la porte, le starets remarqua ma présence. Surpris, il me dit : «Mais pourquoi es-tu ici, toi?». Saisie par la crainte et la honte, je ne pus prononcer un mot. Il ouvrit brusquement la porte et je vis que ces gens étaient encore et toujours là, assis, sans lever la tête, ne se levant pas lors de l’apparition du starets. Il restaient assis en silence. Le Starets Siméon dit à la vieille femme: «Tu vois tous ceux qui sont venus ici avec toi?» Alors, frappant du pied sur le sol, il cria vers ceux qui étaient assis: «Filez hors d’ici!». Je ne pus comprendre ce qui se passa après ces paroles de Batiouchka. C’est comme si ces gens s’étaient évaporés, ils avaient disparu. On n’avait pas ouvert la porte et ces gens effrayants (c’est-à-dire, les «images» des péchés) n’étaient plus là. Alors, Batiouchka se tourna vers la vieille et dit : «Eh bien, maintenant te voilà libérée de ceux qui te suivaient. Vas et vis avec Dieu».
Je me tenais comme un piquet, incapable de comprendre. Je ne dis rien ni ne demandai rien au starets. Je fis une métanie et je sortis, plongée dans mes réflexions.
Traduit du russe
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