Rares
furent
en tous temps
les authentiques
vénérateurs de Dieu.
(Métropolite Innocent de Penza)
Aujourd’hui encore, nous ne réalisons pas combien nombreux furent les justes et les saints dans la Russie du XXe siècle, et notamment dans la Russie de la fin du XXe siècle. Certains seront glorifiés par l’Église, le podvig des autres restera connu seulement d’un cercle restreint, plus local. Le texte ci-dessous est la traduction de la vie d’un de ces héros de l’ascèse très peu connus en Occident. L’Higoumène Boris (Khramtsov) fut un fils spirituel de l’Archimandrite Naum (Baïborodine) de bienheureuse mémoire. Un saint homme, lui aussi. L’original russe est accessible librement sur l’internet, mais il fut également publié en 2005 sous forme de livre intitulé «Крестный Путь Игумена Бориса» (Le chemin de croix de l’Higoumène Boris) aux éditions Palomnik. Le texte commence par le faire-part établi par la Laure de la Trinité-Saint Serge à l’occasion des funérailles du Père Boris, et par le message de condoléances écrit par l’Archevêque Ambroise (Chourov) d’Ivanovo-Voznessenski et Kinechma. Débute ensuite le récit de la vie de l’Higoumène Boris.
Vendredi, le 25 août/7 septembre 2001.
Laure de la Trinité-Saint Serge
Tôt ce matin le cercueil de l’Higoumène Boris (Khramtsov) fut amené au monastère pour les funérailles. Il décéda en fin de soirée le mercredi 23 août/5 septembre, quand dans notre monastère, nous commémorions l’apparition de la Très Sainte Mère de Dieu à Saint Serge.
Le défunt a fait partie des membres de la communauté de la Laure au début des années ’90. Il accomplit son obédience au sein du Monastère, à la Skite de Tchernigov, où il confessait les pèlerins et les oignait, ainsi qu’à la procure de la Laure, aux Varnitsy. Pendant les dernières années de sa vie, le Père Boris desservit une paroisse de l’Éparchie d’Ivanovsk. Les frères et les pèlerins se souviennent du défunt comme moine humble et pasteur zélé.
Après la prière de la communauté commença la Divine Liturgie du milieu de matinée, dans léglise de la Descente du Saint-Esprit. Elle fut présidée par l’Archimandrite Dimitri (Khramtsov), frère du défunt, qui célébra les funérailles et accompagna le cercueil contenant le corps de l’higoumène jusqu’au cimetière de la fraternité, à Déoulino.
Le nombre très important de participants aux célébrations témoigne de la grande vénération envers l’Higoumène Boris ; tous ne purent trouver place dans l’église.
«De l’Higoumène Boris, je ne conserve que de bons souvenirs, ceux d’un homme d’une spiritualité élevée, qui vécut une vie de prière. Toujours courtois, poli, correct, humble. Le cœur de l’Orthodoxe est sensible et perspicace. Les gens sentaient les bonnes dispositions du Père Boris envers leurs cœurs, et ils y répondaient avec amour. Aucune homélie prononcée à l’ambon ne peut être aussi touchante et explicite que la vie même du prêtre orthodoxe.
Sans bruit, le Père Boris portait sa croix, laissant des marques de bonté dans les cœurs de ses ouailles. Il me rappelait l’Archimandrite Léonce (Stassevitch), originaire de notre région et récemment glorifié par l’Église Orthodoxe Russe. Saint Léonce se distinguait lui aussi par son exceptionnelle bonté, dont il irradiait. Il avait reçu de Dieu le don de clairvoyance, et des miracles s’accomplissaient par sa prière.
L’Higoumène Boris était comme lui. Par ses prières, le Seigneur manifestait Son aide aux Orthodoxes. Nombreux sont ceux que le départ du Père Boris laisse orphelins. Sa fin est une grande perte pour toute l’Église Orthodoxe.»
Archevêque Ambroise (Chourov) d’Ivanovo-Voznessenski et Kinechma.
Vie du Père Boris
Rares furent de tous temps les authentiques vénérateurs du Seigneur… Jamais la vérité n’eut des foules d’adeptes. Toujours ils furent et seront persécutés. Ni gloire ni richesse ne les attendent en cette vie sur terre, mais bien un chemin de croix. C’est par ce chemin seulement qu’ils peuvent atteindre le Royaume de Dieu.
Métropolite Innocent (Figourovski) de Pékin (+ 1931).
Ces paroles furent prononcées au début du siècle dernier par le Métropolite Innocent, comme si elles étaient spécialement destinées au Père Boris de bienheureuse mémoire…
L’Higoumène Boris (dans le monde Élie Mikhaïlovitch Khramtsov), retourné auprès du Seigneur à l’âge de 46 ans, laissa derrière lui de nombreux orphelins: ses enfants spirituels qui l’aimaient et s’adressaient à lui pour recevoir aide et soutien. Sa fin prématurée fut un coup inattendu porté à tous ceux qui l’entouraient et pour qui il était un luminaire, un consolateur. Une foule de gens souffrants et malades le considéraient comme leur père et ami. Tout au long de sa vie il accomplit le commandement du Christ : portez les fardeaux les uns des autres, mutuellement. Il considérait les afflictions de ceux qui venaient à lui comme les siennes propres, et par les dons de grâce et de sagesse que Dieu lui avait donnés; leurs nombreuses situations compliquées étaient résolues, avec sa participation, simplement, facilement.
Le Père Boris possédait un exceptionnel don d’amour pour les gens. Chacun, pendant qu’il ou elle conversait avec lui, comprenait que leurs misères et leurs soucis préoccupaient Batiouchka plus que tout au monde, tellement il prenait à cœur tout ce que lui disait son interlocuteur. Tant de gens perdus dans les problèmes complexes de la vie quotidienne à notre époque difficile parvinrent à réarranger leur vie selon les conseils de Batiouchka, l’orientant sur l’unique chemin de salut ; celui qui conduit à Dieu. Tant de gens souffrant de pénibles maladies guérirent corps et âme par les prières du Père Boris.
Les starets de la Laure de la Trinité-Saint Serge, qui aimaient le Père Boris disaient de lui qu’il était un ange sur terre. Cette expression dépeint avec précision le Père Boris. Pour lui, l’avenir n’était pas caché par un voile impénétrable. Dès lors, ses conseils et instructions étaient sages et bonnes pour l’âme. Les Saints Pères disent que les gens apportent leurs dons variés à Dieu, à la mesure de leurs capacités. Et il en est qui apportent le don le plus grand, celui de leur vie elle-même. Alors, à travers ces gens, le Seigneur donne à ceux qui en ont besoin Son aide toute puissante. L’Higoumène Boris fut l’un de ces élus de Dieu.
Le rappel du chemin de son chemin de vie terrestre permet de comprendre qu’il s’agissait de la voie des héros de l’ascèse, qui offrent leur âme à «ses amis».
Son enfance
L’enfance et la jeunesse du Père Boris se déroulèrent en Sibérie Occidentale, dans l’Oblast de Tioumen. Il naquit le 1er août 1955, dans le village de Karym-Kary, posé le sur la berge de l’Ob, dans une famille de gens de labeur, simples. Le Père, Mikhaïl Nikonovitch Khramtsov, était forestier. On disait de lui qu’il était un merveilleux bricoleur; il connaissait le travail du charpentier et du menuisier, il était capable de construire un poêle, et même une maison, coudre des chaussures et fabriquer des tonneaux. Les fûts qu’il assemblait se vendaient sur le marché comme des petits pains quand il décidait de les y amener. Il était bon commerçant, excellent chasseur et pêcheur. Au village ou dans la taïga, il n’était pas d’ouvrage qu’il ne fût capable d’accomplir.
La maman, Nina Andreevna (qui devint la Moniale Apolline) travailla dans sa jeunesse en qualité de technicienne en zoologie dans un élevage de rennes. Elle parcourut des centaines et des centaines de kilomètres dans la toundra en compagnie des troupeaux de rennes. Après son mariage, elle travailla dans un élevage de renards polaires. Elle était courageuse et consciencieuse et reçut même le titre de citoyenne d’honneur de la ville de Khanty-Mansi en récompense de son fructueux travail dans l’élevage. Nina Andreevna était humble et douce, tout en pouvant être très ferme à certains moments. Elle devint veuve trois mois avant la naissance d’Élie. Tout le poids de l’éducation de ses fils (Élie et Alexis, qui était quatre ans plus âgé qu’Élie) reposa sur ses épaules. Elle était très croyante et éduqua ses enfants dans la crainte de Dieu. Ayant perdu le père nourricier, la famille dût affronter de nombreuses afflictions et privations. Nina Andreevna et les deux garçons durent errer longtemps à la recherche d’un logement satisfaisant et d’un emploi convenable. Parfois, elle parvenait à travailler dans sa spécialité, dans l’un ou l’autre élevage. Mais les élevages fermaient souvent, faute de nourriture, et la famille était obligée de repartir en quête d’une autre place. Il leur arriva de se réfugier dans une loge de gardien à l’entrée d’un cimetière. Plus tard, Nina Andreevna parvint à se faire engager dans une école en qualité de «technicienne», et ils bénéficièrent d’un logement de service. L’école fournissait également le bois de chauffage, élément tout à fait essentiel pour une femme seule.
Certaines années, l’Ob débordait à un point tel que les villages riverains étaient inondés. La population était alors obligée de partir et de s’installer ailleurs, dans un endroit plus éloigné du fleuve. Dans ces districts reculés, la population est dispersée dans des endroits éloignés les uns des autres, et les déplacement y deviennent très longs. Dans la mémoire des enfants s’imprimaient pour toujours les tableaux de la grandiose nature sibérienne. Quand le fleuve Ob débordait, parfois, il ressemblait à une mer infinie. De ce tableau de la nature sibérienne le Père Boris se souvenait toujours avec enthousiasme. A cause des déplacements récurrents, les enfants devaient régulièrement changer d’école, s’habituer à de nouvelles classes, de nouveaux enseignants.
Dès sa naissance, Élie fut un petit enfant solide et robuste, joyeux de vivre, tendre et doux. Il se distinguait par sa curiosité, sa débrouillardise et son intelligence. Il obéissait à sa mère et aux professeurs. Il étudiait et apprenait avec facilité. Et il s’efforçait d’accomplir toute chose au mieux et le plus rapidement possible. Il fut baptisé à Tobolsk, à l’âge d’un an et demi, au cours d’une de leurs nombreuses pérégrinations. Encore à la petite école, il connaissait déjà maintes prières par cœur. Dans les régions où ils vécurent, il n’y avait pas d’église. Pour communier, il fallait parcourir cinq cents kilomètres, jusqu’à Tobolsk. Ce n’était pas fréquent. (A suivre)
Traduit du russe