Métropolite Ioann (Snytchev). Comment vivre le Grand Carême (7)

Écrits

Le texte ci-dessous est la traduction en plusieurs parties d’un original publié sous forme de brochure aux Éditions Novaia Kniga (Monastère Sretenski) à Moscou, en 1997, intitulée «Comment se préparer au Grand Carême et le vivre?» (Как подготовиться и провести Великий пост), et dû au Métropolite Ioann (Snytchev). Le texte de la brochure a été rédigé à partir des homélies prononcées par Vladika Ioann dans les années 1970′. A cette époque, il était Évêque de Syzran et Vicaire de Kouïbychev. Les homélies portaient sur les nombreuses questions spirituelles liées directement au Grand Carême. Les parties précédentes du texte se trouvent ici.

Comment lutter contre l’orgueil?

Le principal péché par lequel nous sommes tous, sans exception, possédés, est le péché d’exaltation de soi, le péché d’orgueil.
C’est le plus grand des serpent, qui s’introduit très subtilement dans nos cœurs, et parfois même se transforme en ange de lumière, et nous murmure tout ce qui nous sépare de l’amour divin, ce qui nous éloigne de l’union avec Dieu. Et nous, comme des brebis innocentes, nous sommes pris par ce serpent malicieux de l’orgueil et conduits à l’abattoir.
L’orgueil est un grand péché. Ce péché a jadis jeté du sommet de la gloire un ange de lumière et l’a transformé en un ennemi de Dieu, l’a transformé en un ange maléfique, en satan. L’orgueil a précipité satan en bas du ciel et l’a jeté dans l’abîme de la perdition. Et non seulement cet ange porteur de lumière fut renversé par l’orgueil, mais de nombreux hommes, même célèbres, de l’Église de Dieu furent également renversés. Le contraire de la fierté est l’humilité. C’est la plus grande des vertus qui, sans aucun doute, nous met sur le chemin de l’ascension spirituelle, c’est vraiment elle qui nous y place. Nombreux sont ceux que l’humilité conduisit au salut. Et tous les héros de l’ascèse de la piété ont intégré cette grande vertu, car ils comprenaient que sans humilité, il était impossible de plaire à Dieu. Accéder à la vraie conscience de nous-mêmes, pour vraiment réaliser que nous sommes encore des pécheurs, c’est déjà une grande chose. Il ne s’agit pas seulement dire que je suis un pécheur ou une pécheresse. Non, cela n’est pas suffisant. Il faut entrer dans la pleine conscience, la conscience intérieure du sentiment que nous sommes vraiment des pécheurs, et si nous sommes pécheurs, pourrons-nous encore juger quelqu’un, ou vexer quelqu’un, ou réprimander quelqu’un ou s’opposer à lui, et plus encore pourrons-nous nous fâcher, nous mettre en colère? Non, bien sûr. Voilà, la grandeur de l’humilité. Et si nous percevons tout cela et essayons de le le mettre en oeuvre dans notre vie, c’est-à-dire si nous rejetons l’orgueil hors de nous-mêmes, et nous ouvrons à l’humilité spirituelle réelle, c’est-à-dire si faisons nôtres la pensée et les sentiments selon lesquels nous ne sommes vraiment pas de grands héros de l’ascèse, mais plutôt des pécheurs, devant Dieu et devant les hommes; si nous percevons cette disposition de notre esprit, croyez-moi, nous réussirons certainement sur le chemin du salut.
Comment acquérir la constance?

La grande œuvre que nous devons accomplir, frères et sœurs bien-aimés, est sans aucun doute l’acquisition de la patience. Ce n’est pas pour rien que notre Seigneur Jésus-Christ l’a clairement annoncé: «C’est par votre constance que vous sauverez vos âmes». Et cette grande vertu est au cœur de notre salut, au cœur des autres vertus. Elle doit être perçue non seulement par notre esprit, mais aussi par notre cœur, afin de la réaliser dans notre vie et, surmonter toutes sortes d’obstacles sur le chemin du salut à l’aide de cette vertu.
Si nous nous observons nous-mêmes, nous verrons dans quelle infirmité spirituelle nous nous trouvons. Nous sommes vraiment très faibles. Nous sommes incapables de toujours supporter patiemment telle ou telle douleur qui nous atteint par la permission de Dieu, la supporter avec grandeur d’âme. Regardez donc, la tribulation a à peine le temps de nous affecter, que nous sommes déjà dans le désespoir, dans la faiblesse et nous laissons tomber les bras, nos jambes faiblissent et nous tombons; ne souhaitant pas résister à telle ou telle épreuve affligeante.
Mais les saints pères théophores considéraient les tribulations comme quelque chose de bon, comme quelque chose de nécessaire dans l’œuvre de notre salut.
Rappelez-vous les instructions de l’Apôtre Paul. Il nous dit que nous devrons entrer dans le Royaume de Dieu à travers beaucoup de tribulations. Et puis il rend témoignage non seulement de lui-même, mais aussi des apôtres: «nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, et la vertu éprouvée l’espérance. Or, l’espérance ne trompe point»(Rom.5;3-5). Vous voyez comment les Pères saints et théophores, et en particulier les Saints Apôtres, considéraient ces afflictions de le monde. Ils y voyaient non seulement une sorte de privation, un accablement à la fois moral et physique, mais ils y trouvaient également une sorte de douceur, quelque chose dont on peut même se vanter. Et tout cela seulement parce qu’ils voyaient avec leur esprit l’essence et la signification des afflictions et tribulations et, bien sûr, ils enduraient celles-ci avec grandeur d’âme. Il ne fait aucun doute que le Seigneur les aidait.
L’Apôtre Paul nous a dit : «Il m’a été mis une écharde dans ma chair, un ange de Satan pour me souffleter, [afin que je m’enorgueillisse point]. À son sujet, trois fois j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi, et il m’a dit : «Ma grâce te suffit, car c’est dans la faiblesse que ma puissance se montre tout entière»(2Cor.12;7-9). Est-ce que vous et moi nous disons à Dieu: «Seigneur, nous sommes prêts à tout supporter, la maladie et les afflictions»? Je crains que nous ne le disions pas. Non, bien sûr, on ne le dit jamais, et on n’entend que de soupirs et des gémissements: «Seigneur, pourquoi m’as-tu puni?». La moindre petite maladie, un petit mal de tête, où la gorge irritée, ou une autre partie du corps malade, et nous chantons: «Oh, Oh, Seigneur, c’est tellement dur».
Comment nous débarrasser de cela? Vous voyez, en réalité, nous n’avons pas assez de patience. Bien sûr, il faut se débarrasser de la maladie, même par des moyens naturels, en recourant à la médecine, mais, cependant, il est nécessaire de s’en remettre entièrement à la Providence Divine. Si le Seigneur veut nous guérir, même par des remèdes naturels, notre corps sera certainement rétabli. Si le Seigneur veut que nous fassions preuve de patience dans la maladie, il est nécessaire de faire preuve de force d’âme et de soumission totale à la volonté divine. Voilà ce que je voulais vous dire. Vous dire que nous devons acquérir la grande vertu de la patience, et par notre patience, nous sauverons nos âmes. Si le Seigneur nous rend visite par une tribulation ou une autre, ne laissons pas tomber les bras et que nos pieds ne faiblissent pas. Que notre cœur ne flanche pas avec des ohhhh et des ahhhh, mais disons simplement: «Seigneur, c’est comme Tu veux, aide-nous à endurer cette tribulation avec grandeur d’âme, afin que notre patience ne faiblisse pas et que nous ne perdions pas Tes biens célestes».
Comment apprendre la bénignité?

Sans le pardon, sans l’éradication de la rancune, la paix spirituelle est impossible! Parce que la méchanceté produit dans l’esprit une tempête de pensées contre le prochain, une tempête de passions qui renverse tout en nous, arrache à la racine tout ce qui est bon, détruit presque à la base toutes les pousses des vertus. Nous-mêmes ne sommes pas heureux de cette tempête malheureuse qui provient du ressentiment envers notre prochain.
Mais si cette tempête survient, pouvons-nous alors accomplir de pieux podvigs? Fût-ce un podvig d’abstinence de nourriture, un podvig de prière, une aide à nos semblables, ou au moins la générosité et l’humilité? Non. Aucun podvig n’est alors possible, car la tempête de malice dans notre cœur chasse toutes nos bonnes intentions, et aucun bien ne nous sera accessible. Telle est la loi du péché, et surtout du péché de rancune, de l’irritation. C’est pourquoi les grands héros de l’ascèse de l’Église du Christ s’efforçaient de détruire même la moindre manifestation du péché de malice. En effet, si on lui laisse un espace de mouvement, il détruira, je le répète, toutes nos bonnes dispositions. En outre, les saints ont également rappelé les commandements de Dieu: «heureux les pacificateurs», «heureux les cœurs purs, car ils seront appelés fils de Dieu et ils verront Dieu». Ils ont également honoré le commandement apostolique: «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère». Voilà pourquoi ils ont cherché à éradiquer le péché de malice dans l’œuf même. Je voudrais que ces règles pieuses des héros de l’ascèse deviennent des guides dans nos vies. Et si l’un de nos voisins nous offense, ne laissons pas la méchanceté régner dans notre cœur! Rappelez-vous que, sinon, nos faiblesses seront immédiatement exploitées par l’ennemi de l’espèce humaine. Il nous inculquera sans aucun doute que le ressentiment est trop grand, impardonnable; il gonflera, comme on le dit, le petit en grand, faisant d’une mouche un éléphant. La colère, entrée dans le cœur, ne nous donnera plus de repos ni jour, ni nuit, ni dans la prière, ni au travail. Elle aiguisera notre cœur, si fort que nous nous mettrons, comme on dit, complètement hors de nous-mêmes.
Ne donnez pas place au diable! Et si nous remarquons dans notre cœur le ressentiment contre notre prochain, hâtons-nous de nous réconcilier, si seulement c’est possible. Il arrive, cependant, qu’une personne demande pardon et que l’offensé ne pardonne pas. Dans ce cas, laissant tout sur la conscience de notre prochain, purifions-nous, nous-mêmes, devant Dieu et devant les hommes. (A suivre)
Traduit du russe
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