Le texte ci-dessous est le début de la traduction en trois parties d’un original russe de Madame Olga Orlova, mis en ligne sur Pravoslavie.ru le 08 octobre 2021 à l’occasion de la fête de Saint-Serge. Le texte est introduit par le paragraphe suivant : Saint Serge de Radonège participe aujourd’hui encore à la vie du monastère qu’il a fondé et à celle de toute la Terre Russe. On l’appelle l’higoumène de la Terre Russe. Des histoires de détective, où les découvertes fantastiques se succèdent, se déroulent parfois à la Laure de la Sainte-Trinité et s’étendent loin autour de ce centre spirituel de la Russie.

La châsse dans la salle Saint Serapion (Photo Pravoslavie.ru)

Tous les pèlerins de la Laure qui, après avoir ouvert les massives portes de fer, et s’éloignant des reliques de Saint Serge, sont descendus à la salle Saint-Serapion, se souviennent de la quantité de reliques préservées là en bas. Il y a vingt ans, on ne pouvait les voir toutes. Cet endroit est rempli de mystère… Si vous tournez à droite en bas de l’escalier, juste en face de l’entrée, il y a une énorme châsse protégée de verre. L’intérieur est divisé en trois parties: les tiers droit et gauche recèlent des parcelles de reliques, et au centre se trouve une plaque d’or reprenant les noms des saints. Sur elle est posée la croix-reliquaire de Saint-Serge, bénédiction que lui remit le Patriarche Philotheos de Constantinople, et à côté, des parcelles de reliques transférées à l’Église Orthodoxe Russe après la Grande Guerre Patriotique par le Métropolite Élie (Karam) du Liban et de la Montagne. Ces saintes reliques étaient si remarquables qu’il ne venait à l’esprit de personne de chercher quoi que ce soit de plus que ce devant quoi tout le monde se prosternait avec une telle vénération, jusqu’à ce que Saint Serge, le jour de la célébration de sa mémoire, le 8 octobre 2002, n’organise lui-même le surgissement du cadeau que voici…
Qui inspira cette idée fantaisiste à sa Sainteté?..

Le Père Corneille (Photo Pravoslavie.ru)

Cette année-là, peu de temps avant la fête de Saint Serge, l’Archimandrite Athanase (Alafinov), ancien conservateur permanent de la Cathédrale de la Trinité pendant quatre décennies, se présenta devant le Seigneur. On décida alors de bénir de cette obédience le jeune Père Corneille (Moroz), et on remit à celui-ci les clés de tous les reliquaires. Mais la période de l’office patriarcal approchait, il y avait tellement de travail qu’il n’avait pas encore eut le temps d’essayer ces clés…
Et maintenant, voilà que la liturgie de la fête était terminée, et le Patriarche Alexis II célébrait un moleben sur la place de la cathédrale avec un important rassemblement de fidèles. Puis, avec le groupe des évêques qui avaient concélébré et les frères de la Laure, il irait prendre le repas de fête dans les appartements patriarcaux. Le Père Corneille contrôlait à ce moment-là le flux des fidèles venus vénérer les reliques du saint (il n’y avait alors pas encore de service de bénévoles chargé de la surveillance devant la châsse). Comme toujours, la situation était chaude. Il y avait une foule compacte de gens, et aussi ceux dont les enfants pleurnichaient, et il fallait les faire passer devant. Certains se plaignaient de la station debout qui faisait souffrir leurs jambes, la fatigue et la longue attente en incitaient d’autres à murmurer… Et il revenait au surveillant d’organiser et de maintenir un passage libre pour Sa Sainteté dont c’était la coutume après le repas, de venir vénérer les reliques avant de quitter la Laure. Son arrivée semblait imminente, mais le moment exact n’était jamais connu. Tension. On chantait l’acathiste à voix forte… Et voilà qu’en ce moment de tension extrême, arrive un auxiliaire du maître de discipline de la Laure, qui déclare: «Sa Sainteté a béni d’extraire une parcelle des reliques du Saint Prince Vladimir, qui sera offerte au Métropolite Vladimir de Kiev et de toute l’Ukraine». A Kiev, il n’y a pas de reliques du Saint Prince Vladimir. Mais on en conserve une parcelle à la Laure de la Trinité-Saint Serge, exactement dans le tiers droit de la fameuse châsse près du mur Ouest de la salle Saint-Serapion. Malgré que le Père Corneille n’avait pas encore utilisé toutes les clés, il savait ces choses à fond: les parcelles y sont coulées dans la cire, deux ou trois dans chaque logette en forme de fleur à quatre pétales. Le conservateur, qui avait exactement devant les yeux ces logettes de forme caractéristique, expliqua immédiatement qu’il était impossible d’accomplir la bénédiction, car la tradition de la Laure ne rapportait pas exactement laquelle des deux ou trois parcelles de la logette appartenait au Saint Prince Vladimir. L’envoyé écouta, s’approcha du reliquaire, regarda, fut convaincu et se retira. Mais bientôt apparut dans la cathédrale de la Trinité, un autre auxiliaire du maître de discipline. «Le Supérieur a formellement béni d’extraire une parcelle», annonça-t-il. Le Père Corneille lui expliqua la situation. Il écouta, regarda le reliquaire et courut confirmer l’état des choses. Finalement, le Père maître de discipline vint en personne: «La bénédiction d’extraire une parcelle a été donnée».

La Croix reliquaire de St Serge (Photo Pravoslavie.ru)

Alors, le Père Corneille lui proposa d’accomplir lui-même cette bénédiction. Il ouvrit soigneusement le couvercle de verre de la châsse et il voulut enlever la plaque de protection du tiers droit de la châsse, mais il s’avéra soudain qu’elle avait glissé légèrement sous le bouclier de protection de la partie centrale et était coincée. Il fallut desserrer les petits écrous de cette partie centrale. La plaque de protection de droite redevint mobile. Pendant qu’elle était soigneusement retirée, le bouclier central s’était soulevé pendant une fraction de seconde et le Père Corneille avait eu le temps de remarquer du coin de l’œil qu’il y avait une planche en dessous. Mais qu’y avait-il donc en dessous de la planche?… Sur le coup, il n’y attacha guère d’importance: qui sait à l’aide de quoi et comment toute cette structure du reliquaires est fixée? Le maître de discipline, les yeux rivés sur ces parcelles de reliques non identifiées, présentées directement à son regard sans leur protection de verre, ne reçut aucune révélation. Il se tint coi pendant un certain temps, parcourant mentalement les noms des saints inscrits sur le pourtour de la logette, et finit par aller avouer à Sa Sainteté qu’il était vraiment impossible d’extraire une parcelle. Sa Sainteté, après avoir écouté, répliqua immédiatement: «Si c’est impossible, eh bien, c’est qu’il ne faut pas le faire».
Pendant que le Père Corneille était remonté près de la châsse de Saint Serge, afin de surveiller les assauts du peuple, en attendant de nouveaux envoyés, le repas de fête avait pris fin. Sa Sainteté fit soudainement son apparition dans la cathédrale, de sorte qu’il fallut agir à la vitesse de l’éclair et supplier tout le monde de s’écarter. Le Patriarche vénéra les reliques du Saint, descendit dans la salle Saint Sérapion, s’assura lui-même que la parcelle ne pouvait pas être extraite et, conversant d’autre chose avec Son Éminence le Métropolite Vladimir (Sabodan) et d’autres évêques, il sortit.
Le Père Corneille, après toutes ces angoisses, peinait à patienter jusqu’à la fin de cette journée accablante. Il éconduisit le dernier pèlerin, et ferma la cathédrale. Lorsque le nettoyage fut terminé et que tous ceux qui y avaient œuvré se séparèrent, tard le soir, resté seul dans la cathédrale, il se souvint tout à coup, sans savoir exactement qui le lui avait suggéré, qu’il avait aperçu pendant l’après-midi la planche de bois sous le bouclier central du reliquaire, autour duquel il y avait eu tant de tracas et d’agitation pendant toute la journée. Déjà fatigué, il dégringola l’escalier raide menant à la salle Saint-Serapion, ouvrit la vitre de protection de la châsse, dévissa tous les écrous de la plaque du milieu, l’enleva et… ses jambes lui manquèrent et il s’assit directement sur le sol là où on avait enroulés les tapis après la visite de la cathédrale par le Patriarche. Ce qu’il avait vu l’avait bouleversé. Il lui fallut du temps pour se remettre. Puis, empoignant le bord de la châsse, il parvint à se relever et à regarder à nouveau à l’intérieur. Mon Dieu! Une niche assez impressionnante de 60 centimètres sur 80 et d’une profondeur d’environ 8 centimètres abritait un grand nombre de reliques jusque là cachées! Elles avaient été enveloppées dans des rouleaux spéciaux et calligraphiés. Quand le Père Corneille parcourut du regard les mentions écrites, son esprit s’embrouilla et,… il s’assit de nouveau. Il était tellement abasourdi. A la Laure, personne n’avait connaissance de ce trésor. Pas même le Supérieur.

reliquaire de la parcelle de la chasuble de la Très Sainte Mère de Dieu (Photo Pravoslavie.ru)

Dans cette cachette se trouvaient une parcelle de la chasuble de la Très Sainte Mère de Dieu, la main d’un des petits saints innocents martyrs de Bethléem, le poignet de la main gauche du Saint et Juste Lazare, des parcelles des reliques de l’Apôtre et Évangéliste Luc, de l’apôtre André le Premier Appelé et de nombreux autres grands saints de Dieu, martyrs des premiers temps du christianisme. A l’examen, il s’avéra que les reliques avaient été non seulement enveloppées dans du papier spécial, mais également coulées dans la cire, et sur le dessus de l’enveloppe, on lisait les descriptions, dont l’encre commençait à passer. Un peu plus longtemps, et sans doute rien ne serait encore lisible…
Maintenant, ces reliques sont accessibles à la vénération dans la salle Saint-Serapion. Leur invention le jour de la fête de Saint Serge, alors qu’il y avait tellement de gens dans la Laure, au milieu de l’agitation, les moines ne sachant où donner de la tête, ce ne fut rien d’autre qu’un cadeau de Saint Serge lui-même, cadeau à la communauté des frères et aux pèlerins de la Laure. Mais ce miracle n’était que le début d’une série d’événements et de coïncidences impénétrables à l’esprit humain. (A suivre)
Traduit du russe
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