Écrits

Le texte ci-dessous est la traduction d’une homélie de Son Éminence le Métropolite Ioann (Snytchev) de Saint-Pétersbourg et Ladoga, de bienheureuse mémoire, prononcée en 1971. L’original russe a été publié dans le livre «La Voix de l’Éternité. Homélies et enseignements» (Голос вечности. Проповеди и поучения), publié à Saint-Pétersbourg en 1994, par les éditions Tsarskoe Delo, pages 440 à 444.

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit!
Sans aucun doute, tous sans exception, bien-aimés frères et sœurs, nous nous posons la question : comment sauver notre âme? C’est une question sérieuse, importante et incontournable pour chacun de nous. C’est dans les Saintes Écritures avant tout, que nous trouvons une réponse. Et si nous étions des gens qui ne se contentent pas de se réjouir par des mots du salut de leur âme, mais qui avancent en actes sur le chemin du salut, alors évidemment, les paroles du Christ Sauveur nous suffiraient : «Repentez-vous et croyez en l’Évangile», «Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il marche à Ma suite». Ou, comme le dit l’Apôtre Paul : «C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le Royaume de Dieu»(Actes14;21). Voici, frères et soeurs bien-aimés, ce qui pourrait être une réponse satisfaisante à notre question. Mais non, nous ne nous en satisfaisons pas. Nous cherchons quelque chose de particulier, un chemin sur lequel il n’est pas trop important d’observer les commandements de Dieu, de faire succéder le labeur au labeur, un chemin plus facile, avec la miséricorde de Dieu, pour entrer dans le Royaume Céleste. Voilà en quoi consiste la nature malicieuse de notre question relevant plutôt de la curiosité : comment sauver son âme.Regardons donc la vie des héros de l’ascèse et écoutons les conseils qu’ils donnèrent à ceux qui les interrogèrent au sujet du salut de l’âme. Un jour, un frère demanda à Abba Macaire l’Égyptien : «Comment sauver mon âme?». L’Ancien lui répondit : «Sois comme un mort. Comme les morts, ne pense ni aux offenses des hommes, ni à la gloire, et tu seras sauvé». Quelle brève réponse! Tout est dit en peu de mots : sois comme un mort. A mon avis, ce doit être tout à fait possible pour nous. Accomplir ce que conseille le Starets Macaire est suffisant pour atteindre notre salut. Pourquoi donc le conseil de Saint Macaire l’Égyptien est-il si important dans le cadre de notre question? Il est important dans la mesure où il dévoile la disposition intérieure de la vie spirituelle. Bien sûr, vivant dans le monde, nous orientons souvent notre mode de vie non pas en fonction des commandements de Dieu, mais selon l’opinion des gens. Mais des gens, il en est de toutes sortes, des bienfaisants, et des mal intentionnés. En tous cas nous tendons souvent l’oreille non pas à la parole de Dieu, mais à la parole des hommes, nous préoccupant surtout qu’on ne dise pas de mal de nous et surtout qu’on ne nous offense pas. Et il est certain que si nous tendons l’oreille à ces propos, avec une telle disposition d’esprit, quand l’offense de quelqu’un touchera notre cœur, rien de bon ne pourra se produire dans notre vie. L’homme qui pense aux offenses venant d’autrui ouvre la porte à la colère, à l’irritation à l’amour de soi, à la contradiction, aux propos malicieux et autres péchés. S’il entend qu’on l’a offensé, il devient triste, et la tristesse domine son cœur. Alors que le commandement de Dieu est : «celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé»(Mat.24;13). Mais nous ne nous rappelons pas ce commandement car nous ne voulons pas endurer patiemment! Un tourment dans notre cœur nous torture : comment ont-ils osé nous offenser?! Comment ont-ils pu nous adresser des paroles tellement offensantes?! S’agit-il de gens biens? Et on commence à couper les cheveux en quatre, mais le commandement de Dieu, on l’oublie.
Comment voudrions-nous que les gens ne pensent et ne disent que du bien de nous! Il est bien sûr agréable que les gens disent du bien de nous, mais seulement à condition que nous soyons vraiment bons et avant tout, que nous soyons humbles. Et si nous ne sommes pas humbles? Et si nous n’avons pas d’authentiques vertus, seulement des vertus apparentes, pensez-vous qu’il soit bien, dans ce cas, que les gens parlent en bien de nous? Non! Le Sauveur du monde a dit ouvertement : «Malheur à vous, quand tous les hommes diront du bien de vous»(Lc.6;26). Malheur à vous, car celui qui tend l’oreille et le cœur à la gloire et aux louanges humaines n’est pas affermi dans le bien. Il suffit de dire à son sujet quelque chose d’humiliant ou d’accablant et il change de visage et d’humeur.
Voilà pourquoi, frères et sœurs bien-aimés, Saint Macaire d’Égypte nous conseille, si seulement nous voulons sauver notre âme, d’installer dans notre cœur une disposition qui nous fasse pareil aux morts, ne penser ni aux offenses, ni à la gloire, considérer tout cela de la même manière. Si cette disposition est bien installée en nous, notre salut est proche. Ne mesurez pas vos actes à l’aune des rumeurs humaines, mais à celle des commandements de Dieu. Ne craignez pas les paroles malicieuses des hommes, surmontez-les par la patience, par l’amour et le non-jugement de votre prochain.
Voici encore un exemple de la vie d’un héros de l’ascèse, qui nous montre comment ils considéraient les paroles malicieuses. Un jour, un frère vint trouver Saint Pimène et lui dit : «Abba, je suis dans la tentation et je veux quitter les lieux». Le Starets lui demanda : «Mais pourquoi donc?». Et le frère répondit : «J’ai entendu de la bouche d’un frère des paroles pas très morales pour moi». Le Starets lui demanda : «Et c’est vrai ce que tu as entendu?». «Tout de même, Père, le frère qui me les a dites est quelqu’un de fiable». «Non, il n’est pas fiable, car s’il l’était, il ne t’aurait pas dit ces paroles. Dieu Lui-même, quand Il entendit les cris des sodomites, ne voulut pas y croire avant de les avoir vérifiée de Ses yeux. Nous-même, dès lors, ne devons pas toujours croire ce que nous entendons». «Ce qu’il a dit, je l’ai vu de mes yeux», répliqua le frère. Entendant cela, le Starets passa la main sur le sol, ramassa une petite brindille et dit : «Qu’est-ce que c’est?» «Une brindille», répondit le frère. Alors, l’Ancien regarda vers le toit de la cellule et demanda : «Et ça, c’est quoi?» «Une poutre», répondit le frère. Alors, l’Ancien dit au frère : «Alors écris au plus profond de ton cœur que tes péchés son comme la poutre, et que les péchés de ton frère son comme cette petite brindille».
Voilà comment, frères et sœurs bien-aimés, Saint Pimène le Grand instruisit un frère et le débarrassa du péché consistant à juger son prochain. Mais nous-mêmes, ne sommes-nous pas souvent semblables à ce frère, tentés par les péchés de nos proches? Il est nécessaire de réfléchir à nos péchés, et de les considérer comme des poutres devant nos yeux. Mais nous devons voir les péchés de notre prochain comme des petites brindilles. De cette façon, nous échapperons à de nombreuses transgressions.
Je ne doute absolument pas, frères et sœurs bien-aimés, que tous nous voulons être sauvés. Mais en matière de salut, le seul souhait est bien mince. Le salut de l’âme est atteint par l’observation permanente des commandements de Dieu. Disposons-nous donc à accomplir les commandements de Dieu, et à surmonter toutes les difficultés sur le chemin du salut. Alors, la miséricorde de Dieu descendra sur nous, nous renforcera et nous protégera de tout mal. Ainsi nous accéderons à vie éternelle et bienheureuse en notre Seigneur Jésus Christ, à Qui reviennent, ainsi qu’au Père et à l’Esprit-Saint, l’honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
Traduit du russe

Source :