Né en 1888, le Saint Hiéromartyr Nikon (Beliaev) fut hiéromoine à la Skite du Monastère d’Optina. Il en fut un des derniers startsy, ayant eu pour père spirituel Saint Barsanuphe, lui-même fils spirituel du Saint Starets Anatole (Zertsalov) d’Optina. Un récit de sa vie a été traduit en plusieurs parties sur le présent blogue et est accessible ici. Le Monastère a publié le journal tenu par le novice Nicolas pendant les trois premières années de sa vie monastique. (Дневник послушника Николая Беляева (преподобного Оптинского старца Никона). Le texte ci-dessous est la traduction (sur base de l’édition de 2016) des premières pages de cet ouvrage remarquable, inédit en français. Le début de la traduction se trouve ici.
(…) Voici une autre tentation que m’inflige l’ennemi. Je me sens irrité envers Batiouchka, envers ses actes. Parfois, il s’agit d’une irritation complètement insensée et sans aucune cause. J’en ai déjà parlé plus d’une fois à Batiouchka. Il me dit qu’il s’agit de l’envie de l’ennemi. Il souhaite semer la discorde entre nous, mais le Seigneur ne lui permet pas de le faire. Il faut lutter contre cela au moyen de la prière. Lorsque je ressens l’irritation, je dois immédiatement m’adresser à Dieu : «Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu aie pitié de moi et aide-moi, par les prières de mon Starets Batiouchka Barsanuphe». C’est ce que je fais et je sens que c’est utile. Depuis que Batiouchka m’a dit que l’ennemi essaierait de toutes les manières de nous désunir, me souvenant des paroles et instructions de Batiouchka, je lui révèle tout.
Mardi 29 juin.
Je suis allé aux vigiles chez Batiouchka. La liturgie a été célébrée à la Skite, et après, un moleben. Après le moleben, la communauté se réunit pour le thé, à l’occasion de la fête onomastique de Batiouchka selon son nom dans le monde : le Saint Apôtre Paul.
Après les vigiles, je suis allé chez Batiouchka. Il m’a dit :
– Quand j’étais étudiant, on nous envoyait à la forge, faire des fers à cheval. Là, j’ai vu comment l’artisan qui préparait une partie d’un fusil la trempait pour qu’elle ne se déforme pas lors des tirs. C’est ainsi que moi, j’aimerais vous tremper en prévision des afflictions et des tentations qui vous attendent, de la part des serviteurs du malin, des hommes, des illusions du monde que vous devrez endurer jusqu’à ce que vous passiez dans l’immense étendue de l’amour et de la liberté du Christ.
Après m’être tu un peu, je dis :
– Batiouchka, avant je croyais que le moine avait des tentations seulement au début ou pendant la première moitié de son ascèse. Voici peu de temps, j’ai lu chez l’Évêque Ignace que le moine doit être prêt à endurer des afflictions et des tentations dès le début de sa vie monastique jusqu’à la tombe et que les afflictions peuvent surgir à n’importe quel moment de son ascèse, du début jusqu’à la fin, et ce, de façon tout à fait inattendue si bien que le moine ne sait même pas d’où elle vient ni quel caractère elle revêt.
Je ne me souviens pas ce que Batiouchka a répondu à cela. Et ensuite, rapidement, je me suis mis à lire le livre «Sur les Monts du Caucase», au sujet de la prière de Jésus. J’y ai lu, entre autre, ceci : «Le moine qui décide de parcourir l’ascèse monastique se trouve face à de grands labeurs, en permanence, et durant de nombreuses années, de même qu’à des afflictions en tous genres, mais il viendra un temps où le moine verra «l’aube de la Résurrection du Christ» et recevra sa récompense. A peine avais-je lu cela que Batiouchka ajouta :
– Vous voyez, vous venez de dire avant que des afflictions, il y en aura toujours, mais en fait, la situation intérieure de l’homme aura changé.
J’ai compris que, bien qu’il y ait des tribulations, celui qui a atteint la prière intérieure les supportera facilement, car avec lui sera le Christ, qui remplira d’une joie indicible le cœur de l’ascète, et cette joie dans le Seigneur ne sera vaincue par aucune affliction.
Pour le repas, je suis allé au monastère rompre le jeûne, car c’est la fin du Carême des Saints Apôtres.
Dimanche 4 juillet
Ces derniers temps, j’ai été fort occupé par mon obédience. On m’a même donné temporairement un auxiliaire, le Frère Ignace, du monastère. Je suis allé deux fois chez le Père Archimandrite et au monastère, pour différentes affaires.
Hier je suis arrivé aux vigiles avec Batiouchka après le cathisme, quand on chantait «Tu es béni, Seigneur». Aujourd’hui, je suis arrivé un peu en retard à la liturgie. J’ai dormi trop tard. Je me suis éveillé quand ils sonnaient les cloches.
Voici quelques jours, Batiouchka a reçu plusieurs exemplaires du livre «Sur les Monts du Caucase», deuxième édition, revue et complétée. J’aimerais le lire.
Dimanche 18 juillet
Cela fait longtemps que je n’ai plus rien noté. Il y aurait beaucoup à écrire.
Le 6 juillet, j’ai demandé à Batiouchka la signification et le sens de la conclusion du volume cinq des écrits de Mgr Ignace. Je ne vais pas entreprendre de décrire toute notre conversation, j’écris juste ce qui suit.
Batiouchka me répondit : «Le cinquième volume des écrits de l’Évêque Ignace, contient les enseignements des Saints Pères appliqués au monachisme contemporain et enseigne comment lire les écritures des Saints Pères. L’Évêque Ignace développe une vision profonde de tout cela et même, peut-être, plus profonde à cet égard que l’Évêque Théophane. Sa parole exerce un effet puissant sur l’âme, car elle émane de l’expérience…
Après cela, Batiouchka me dit : «La pensée m’est venue à l’esprit de tout lâcher et de partir… mais maintenant, je me dis que j’ai enseigné aux autres qu’il faut imiter le saint dont on porte le nom. Dans le monde, j’étais Paul, l’Apôtre, et maintenant, Barsanuphe, l’Évêque de Tver. L’Apôtre Paul fut un serviteur de la Parole et un prédicateur, et l’Évêque Barsanuphe a lui aussi beaucoup œuvré au service de la Parole et de la prédication, parmi les Tatares et d’autres peuples installés dans la région de Kazan. Cela signifie que moi aussi je dois occuper semblable poste. Et je me souviens aussi comment un bienheureux, rencontré fortuitement, m’a montré du doigt en criant «l’Apôtre, l’Apôtre». Et ce doit donc être la volonté de Dieu.
– Et cela signifie que moi, il est nécessaire que j’essaie d’imiter Saint Nicolas ?
– Évidemment !
– Mais en quoi consistait son activité et quel était son trait caractéristique ?
– Et bien réfléchissez-y ! Saint Nicolas s’est distingué par son grand zèle pour la foi orthodoxe ainsi que par son amour pour le Seigneur et pour les hommes. Souvenez-vous que lors du Concile, le Saint Évêque, mu par son grand zèle a frappé Arius. Mais les Saints Pères du Concile n’ont pas perçu les mouvements de son âme, et ils l’ont jugé et lui ont ôté son omophore. Mais la Très Sainte Mère de Dieu le justifia et lui rendit son omophore.
Le dix juillet je suis allé avec Batiouchka aux vigiles, mais il ne resta guère et m’appelant, il sortit de l’église et alla immédiatement se coucher sur son lit. J’ai commencé par lui lire un extrait du livre «Sur les Monts du Caucase». Ensuite, nous avons conversé un peu. (A suivre)
Traduit du russe
Source : 
Saint Père Nikon, prie Dieu pour nous.