Histoires de la Colline Miteïnaïa. Rencontre avec le monde invisible.(3)

Madame Rojniova

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en plusieurs parties de l’original russe de Madame Olga Rojniova, dans la série de ses «Histoires de la Colline Miteïnaïa», intitulé Встреча с миром невидимым. Рассказы игуменьи Казанской Трифоновой пустыни Ксении (Ощепковой)(Rencontre avec le monde invisible. Récits de l’Higoumène Xénia (Ochepkova) du Désert de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan-Saint Tryphon). Madame Rojniova introduit elle-même son texte : La plupart de mes récits sont rédigés sur base d’histoires que m’ont contées les sœurs du Désert Kazan-Saint Tryphon et leur père spirituel et confesseur, le Père Savva (Roudakov). Maintenant je souhaite que vous fassiez connaissance avec l’Higoumène de ce monastère, Ksénia Ochepkova. Matouchka Xénia nous parle de la proximité du monde invisible, du retour à la vie après la mort clinique, de la manière de tendre vers la paix de l’âme, de la conserver, et de maintes autres choses.

Bénédiction pour la vie monastique
Petit à petit, de nombreux jeunes, garçons et filles, apparurent sur la colline. Alors, Batiouchka nous emmena chez le Starets Ioann (Krestiankine), qui était son père spirituel depuis quelques années déjà. Chemin faisant, nous discutâmes à en perdre la voix : «Chez nous ce sera un monastère de femmes!» «Non, un monastère pour hommes!» «Eh bien, nous demanderons au Starets, et ce sera comme il bénira!». Le Père Ioann nous accueillit avec amour. Mais il n’adressa quasi pas la parole aux garçons ; ils restèrent debout près du mur. Il s’adressa immédiatement à nous, les jeunes filles, et se mit à donner des instructions. Il expliqua comment devaient se comporter les moniales, comment devait être un véritable monastère. Il nous bénit pour prendre le chemin du retour et pour la vie monastique, en fait, pour un monastère pour femmes. Et il en fut ainsi. Les garçons qui nous accompagnaient se dispersèrent : les uns se marièrent, les autres devinrent diacres ou prêtres mariés. Mais les sœurs restèrent.
Ma première obédience

L’Higoumène Xénia et sœurs du monastère (Photo : Pravoslavie.ri)

Au début, la vie de notre communauté était très peu organisée. L’hospice a été construit à partir des planches d’un ancien club (Il avait été démonté en ville et un club en briques avait été construit à la place). Toutes celles qui s’étaient installées dans le bâtiment, babouchkas et jeunes sœurs, toutes, nous gelions fortement. En hiver, on se couchait sous les couvertures et on empilait au-dessus un tas de vêtements. Et on comprenait très bien que le lendemain matin, on ne pourrait se lever que grâce à la prière, qui nous réchaufferait. Ma première obédience consista à prendre soin des babouchkas. Personne ne m’avait jamais rien appris dans ce domaine, mais ma maman avait soigné un malade alité pendant cinq ans. Ce ne fut pas difficile pour moi non plus de m’occuper des petites vieilles; je m’efforçais de le faire consciencieusement. De nombreuses babouchkas souffrirent avant leur mort, mais après, elle étaient couchées, toutes lumineuses dans leur cercueil, le visage comme de la cire. Passage de la vie corruptible à la vie incorruptible. Il était clair que leurs souffrances avant de mourir allégeaient leur sort après leur mort. C’était comme le signe de la part de Dieu de ce qu’elles étaient dignes de Sa miséricorde, le témoignage de ce qu’il leur avait été pardonné et qu’elles n’avaient pas souffert en vain. Nous pleurons ceux qui partent, mais le Seigneur nous donne des signes par lesquels nous pouvons comprendre que l’homme a reçu miséricorde. Pour moi, ces signes apparaissent notamment dans le jour précis où survient la mort, et dans la fête qui tombe le quarantième jour… Ainsi juge l’homme, ainsi juge Dieu… Les gens ont besoin de soutien et de consolation. Je me souviens de babouchka Valentina Ogloblina. Elle termina sa vie dans notre hospice. Avant de mourir, elle s’affaiblit notablement. Batiouchka devait partir pour affaires, et intuitivement, il décida de ne pas reporter au lendemain la communion de la malade. Le Seigneur l’avait donc informé et il se rendit auprès d’elle avant son départ, à trois heures et demie du matin, et lui donna les Saints-Dons. Il partit alors immédiatement. Et elle aussi, dès après la communion, s’en alla dans l’autre monde.

Le Père Savva

Maria Beliaeva. On l’amena chez nous déjà alitée. Elle était si douce, le visage rond, joyeux. Elle souriait et plaisantait. Avant de mourir, elle souffrit de fistules si profonde qu’elle atteignaient les os. Elle est morte le soir du Grand Samedi, quand s’ouvrent les Portes Royales et retentit le chant «Le Christ est ressuscité des morts, par Sa mort il a terrassé la mort!».
Une autre matouchka, Valentina, glissait dans la mort alors que le Père Savva était en route. Nous l’avons appelé, il est venu en hâte et a eu le temps de donner la communion. Tous ceux qui ont fini leur vie dans notre hospice sont partis, munis des Saints Dons. Ils étaient des gens extraordinaires, une autre formation, une autre éducation et une foi fervente.
«Je souhaite acquérir et conserver la paix intérieure»
En 1993, la moniale Agnia fut amenée chez nous, elle avait été tonsurée par le défunt Vladika Athanase (1927-2002). Elle était l’une de ces moniales en secret qui furent tonsurées pendant les années de persécution de l’Église. Elle vécut avec plusieurs autres moniales en secret, sous la Cathédrale de la Trinité à Perm, aidant à l’autel et dans l’église. Mère Agnia vécut avec nous pendant quelques années, jusqu’à sa mort. Parfois, nos babouchkas se disputaient entre elles, à l’hospice. Elles se querellaient, qu’y faire ? Avec la vieillesse, toutes les infirmités relèvent la tête, les caractères changent. Mais Matouchka Agnia n’a jamais juré, ne s’est jamais disputée, elle gardait le silence et priait, très douce et humble. Avant de mourir, elle fut tonsurée au grand schème et nommée Hilaria. Notre père spirituel dit qu’aujourd’hui, nous employons les mots «humilité», «douceur», «longanimité», mais nous ignorons ce qu’ils signifient.

Colline Miteïnaïa

Je priai pour que le Seigneur me fasse sentir ce que signifiait être humble et douce. Après ma prière, un moine de l’Athos m’offrit un petit livre d’instructions spirituelles, qu’il me dédicaça de ces mots : «Je souhaite acquérir et conserver la paix intérieure». Je pense que la moniale du grand schème Hilaria possédait cette paix intérieure. Tout comme le mal est concret, la vertu est concrète aussi, et quand l’homme vit une vie spirituelle, il apprend à discerner l’esprit de douceur ou, au contraire, l’esprit d’agressivité, il les ressent. Avant, les gens allaient trouver les pieux héros de l’ascèse et ne voulaient plus les quitter, sentant qu’autour d’eux rayonnait la Grâce Divine. Ils ne parlaient même pas, ils restaient juste à côté d’eux, et ils ne voulaient plus partir de là.
Les enfants spirituels du Père Nicolas Ragozine témoignaient de ce que l’esprit d’humilité et de douceur émanait du Starets. Le simple fait de se trouver à côté de telles gens nous transforme. La surabondance de grâce s’écoule d’elles et se déverse un peu dans notre vase. Chaque matin, je me rends sur la tombe du Père Nicolas et je sens son aide.
«Ou elle va mourir, ou un miracle va se produire.»

Tombe du Père Nicolas dans la crypte

Peu de temps après mon arrivée au monastère, je tombai gravement malade. Je restait alitée six mois à l’hôpital, sans aucune amélioration. Les médecins m’avaient préparée à l’idée de mourir et voulaient me renvoyer mourir à la maison. Je craignais qu’étant si faible je ne puisse rentrer au monastère, mais le Père Savva me repris. Lors de mon départ, les médecins lui dirent «Ou elle va mourir, ou un miracle va se produire». Quand Batiouchka me ramena à la Colline Miteïnaïa, des connaissance lui dirent : «Pourquoi amenez-vous une mourante dans votre désert?! Il n’y a quasi rien à manger chez vous!» Pour moi, la maladie était devenue une école de prière. C’est effrayant de regarder la mort dans les yeux. En ces moments, je compris que la prière n’est pas une obligation, mais un cri de l’âme. Chacun a ses tentations, et beaucoup de ceux qui vécurent dans les camps admirent plus tard qu’ils avaient perdu la prière telle qu’ils la pratiquaient dans les camps. Dès lors, la période de ma maladie se déroula de façon profitable. Quand on me ramena au monastère, Batiouchka donna sa bénédiction pour que je reçoive la tonsure monastique puisqu’on ne savait pas dans quel sens les événements allaient s’orienter. J’en suis sincèrement reconnaissante envers Dieu car la tonsure fut pour moi la naissance à une vie nouvelle. Progressivement, et de façon miraculeuse, je retrouvai une bonne santé.
«Tu es le Dieu qui fait des miracles»
Les années se suivent inexorablement et je vis au monastère depuis vingt-sept ans déjà. En 1998, je devins la sœur aînée, et en 1999, la supérieure. Aujourd’hui, je suis higoumène. Quand j’étais une jeune fille, je m’attristais parfois de ce que les miracles de l’enfance étaient loin dans le passé, dans les contes d’enfants. Mais quand je me tournai vers Dieu, les miracles devinrent une partie inséparable de ma vie. Je pouvais le voir même dans les événements de la vie quotidienne. Il suffisait de regarder. Les sages disent : «Tu es le Dieu qui fait des miracles». Et ainsi, ma vie se remplit progressivement de joie, s’ornant de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. En effet, si on essaie de plaire à Dieu, toujours Il nous aidera par Ses miracles. La Providence Divine se manifestera en nos vies, nous La verrons et en prendrons conscience.
«Il faut aborder les gens avec discernement»

L’Higoumène Savva (Roudakov)

Je voudrais dire quelques mots sur le père spirituel et confesseur de notre monastère, l’Higoumène Savva (Roudakov). De l’histoire du monachisme et des leçons de la vie moderne, nous pouvons conclure que les monastères féminins qui ont un confesseur et père spirituel sont plus forts. Maintenant, nous voyons comment les monastères de Novo-Tikhvine à Ekaterinbourg, et de Sainte Élisabeth à Minsk prospèrent. Je pense que c’est grâce aux confesseurs de ces monastères, qui non seulement reçoivent la confession, mais s’occupent également des moniales, leur parlent, les nourrissent spirituellement. Chez nous, presque toutes les sœurs ont acquis la foi au début ou au milieu des années ’90 et sont venues au monastère alors qu’elles avaient déjà certaines conceptions profanes qui interféraient avec la vie spirituelle. Nous, les gens élevés à l’époque soviétique, il nous est très difficile de percevoir les vérités spirituelles. Ce qui était autrefois inculqué aux enfants dans la famille: obéissance, crainte de Dieu, amour de la prière, le culte et les Mystères, tout cela doit maintenant être rattrapé à l’âge adulte.
Et selon la parole de l’Apôtre Paul, notre confesseur, toujours avec douceur, «comme un père est pour ses enfants», «priant… persuadant… conjurant, de marcher d’une manière digne de Dieu, qui nous appelle dans Son Royaume et Sa gloire»(1Thes.2, 12).
Batiouchka nous apprend à accomplir les commandements de Dieu dans notre vie, et il dit : «Jadis le pharmacien ne donnait pas des comprimés tout prêts, mais des préparations particulières qu’il exécutait selon la prescription du médecin. A chacun sa poudre, à chacun son emplâtre. De même, toutes les âmes sont différentes. Ce qui est vie pour l’une signifiera mort pour l’autre. Alors, il faut ‘y prendre avec discernement».
Je rends grâce à Dieu de ce que, par les prières et la bénédiction de la Toute Sainte Mère de Dieu et de Saint Tryphon de Viatsk, je vis en ce lieu. Nous conservons au monastère une icône de la Très Sainte Mère de Dieu très vénérée localement, les reliques du Bienheureux Père Nicolas Ragozine reposent ici, et c’est ici que mena son podvig l’Apôtre de la région de Perm, saint Tryphon de Viatsk, et à proximité du monastère se trouvent de saintes sources miraculeuses. Et les gens qui viennent chez nous en retirent grand profit spirituel. […]
Traduit du russe
Source

Histoires de la Colline Miteïnaïa. Rencontre avec le monde invisible.(2)

Madame Rojniova

Le texte ci-dessous est la suite de la traduction en plusieurs parties de l’original russe de Madame Olga Rojniova, dans la série de ses «Histoires de la Colline Miteïnaïa», intitulé Встреча с миром невидимым. Рассказы игуменьи Казанской Трифоновой пустыни Ксении (Ощепковой)(Rencontre avec le monde invisible. Récits de l’Higoumène Xénia (Ochepkova) du Désert de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan-Saint Tryphon). Madame Rojniova introduit elle-même son texte : La plupart de mes récits sont rédigés sur base d’histoires que m’ont contées les sœurs du Désert Kazan-Saint Tryphon et leur père spirituel et confesseur, le Père Savva (Roudakov). Maintenant je souhaite que vous fassiez connaissance avec l’Higoumène de ce monastère, Ksénia Ochepkova. Matouchka Xénia nous parle de la proximité du monde invisible, du retour à la vie après la mort clinique, de la manière de tendre vers la paix de l’âme, de la conserver, et de maintes autres choses.

Une église, seule au milieu des champs et des bois.

Le Père Savva (Photo : Pravoslavie.ru)

Par la grâce de Dieu, mon chemin vers le monachisme fut court. J’ai reçu la tonsure monastique quand j’étais encore jeune. C’est arrivé comme ceci.
À la fin de l’année scolaire, les professeurs de notre école du dimanche décidèrent de nous organiser un voyage à l’église de Tous les Saints dans la petite ville de Verkhnechoussovka. En 1992, il était difficile d’y arriver: d’abord il fallait prendre un train omnibus, ensuite une micheline pour voie étroite, puis un vapeur pour traverser la Tchoussova, et enfin à pied vers la colline. Nous étions cinq: notre professeur, moi et trois autres personnes.
Quand nous sommes sortis de la petite gare, j’ai aperçu l’église de la Tchoussova sur la rive opposée; et elle m’a semblé extraordinairement belle, tout simplement merveilleuse, une église solitaire sur la colline, parmi les champs et les bois. Nous avons marché jusqu’à l’église où le recteur, le Père Savva (Roudakov) nous accueillit, mon futur père spirituel. Août commençait, et le père venait de rentrer de la fenaison. A côté de l’église, Batiouchka avait fait construire un établissement pour y accueillir les vieux indigents. Une solide communauté de moniales y était active et assurait les soins des pensionnaires.
De remarquables héros de l’ascèse

Monastère vu de la Colline Miteïnaïa (Photo : Pravoslavie.ru)

Plus tard, j’appris qu’on nommait la colline au sommet de laquelle l’église était bâtie, la «Sainte Montagne», ou la «Colline Miteïnaïa», du nom du Bienheureux Miteïka qui venait souvent y prier la nuit dans les temps jadis. J’appris également qu’en ce lieu, le Saint Moine Tryphon de Viatsk (1546-1612), un remarquable héros de l’ascèse avait acquis de nombreux dons de l’Esprit-Saint. Pendant presque un quart de siècle, de 1957 à 1981, le célèbre starets-archiprêtre Nicolas (Ragozine) célébra à l’église de Tous les Saints et y acquit les dons de clairvoyance, de discernement spirituel, et de guérison de l’âme et du corps. À la fin de la vie du Starets, l’isba où il vivait était lézardée et trouée, mais lui, l’ascète, il s’occupait plus de ses paroissiens que de lui-même. Lorsque ses enfants spirituels proposèrent à Batiouchka de commencer la reconstruction, il a répondu que sa vie se terminait et que rien ne serait construit de son vivant. Mais après sa mort, il y aurait un monastère. Et le Père Nicolas parla à ses enfants spirituels du futur monastère, et il montra où il serait construit. Il décrivit même l’apparence de son successeur, le Père Savva, qui a dit de la perspicacité du Starets: «J’étais encore à l’école, et il m’avait déjà vu en esprit».
«Elle est si douce à ma gorge, Ta Parole».
Tout cela, je l’ai appris plus tard. Lors de ma première arrivée à la Colline Miteïnaïa, nous avons dîné, nous nous sommes reposés et sommes allés à l’office de minuit. Je me souviens de ce premier office de nuit de ma vie. Dans cet endroit isolé de l’agitation du monde, dans le silence de la nuit, les mots émouvants du cathisme dix-sept résonnaient : «Elle est si douce à ma gorge, Ta Parole, plus douce que le miel à mes lèvres». Ces mots touchèrent en mon âme des cordes inconnues de moi jusqu’alors. Puis Batiouchka sortit et prononça une homélie sur les bienfaits de la prière de nuit. Mes sensations étaient indescriptibles! Le lendemain, nous sommes allés aux sources saintes de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan et de Saint Tryphon de Viatsk. Encore de nouvelles impressions dans mon âme!
Un acte sans précédent pour moi

L’Higoumène Xénia (Photo : Pravoslavie.ru)

Je dois dire que je suis par nature une personne calme et timide. Avant mon voyage à Verkhnetchoussovska, je ne pouvais me décider de me rendre seule sans mes parents, à Moscou pour affaires, même si j’étais déjà une fille majeure. Et puis, le troisième jour de son séjour dans la communauté de l’église de Tous les Saints, je m’approchai du Père Savva et lui demandai sa bénédiction pour venir vivre et travailler avec eux. Pour moi, c’était un acte sans précédent.
Batiouchka donna sa bénédiction et je suis retournée à Perm, où j’ai démissionné de mon travail et, le 10 octobre 1992, je venue commencer mes obédiences à la montagne de Miteïnaïa. Je ne savais pas encore que le 10 octobre était le jour de la fête de Saint Savva des Solovki, patron céleste de mon futur père spirituel. Pour mes parents, mon acte était comme un coup de tonnerre dans un ciel dégagé, mais ils sacrifièrent leurs souhaits et leurs rêves concernant mon avenir. Je leur en suis très reconnaissante! Par la suite, certains parents sont venus chercher l’une ou l’autre de nos sœurs, qu’ils essayèrent de persuader de retourner dans le monde, mais mes parents me laissèrent partir, bien qu’ils aient eu beaucoup de mal à supporter mon départ au monastère.
Confesseur et constructeur du monastère

Le Père Savva et la communauté (Photo Pravoslavie.ru)

Au moment de mon arrivée sur la Colline de Miteïnaïa, le recteur de l’église de Tous les Saints, futur constructeur et confesseur de notre monastère, le Père Savva, servait ici depuis cinq ans déjà. Il arriva ici de Perm, sa ville natale, en 1987, directement après son ordination. A son arrivée, il aperçut sur la colline juste une vieille église délabrée et une petite isba branlante. Le poêle tenait à peine la chaleur, et pour se laver le matin, l’eau était gelée dans l’évier. Il n’y avait ni gens ni commodités. Des vieillards se rassemblaient pour l’office, traversant la Tchoussova avec le vapeur. Quand cessait la navigation, la colline était quasiment coupée du reste du monde. L’hiver, il fallait traverser la rivière en marchant sur la glace.

Le Starets Nicolas (Ragozine)

A côté de notre église, sur la colline, se trouve le cimetière, très ancien. Tellement ancien que lors des inhumations, les gens ne remarquaient plus les anciennes tombes, nivelées au raz du sol, et en creusant la fosse, il retrouvaient de vieux bouts d’ossements. Parfois, on les poussait juste à côté; on se préoccupait de ses propres défunts. Le Père Savva partagea avec nous ce qu’il ressentit au début de son sacerdoce ici, comme dans un conte : on se retrouvait littéralement dans une «Soirée du hameau» de Gogol ou dans un film où les «morts se promènent avec des faux». Avec les babouchkas, il récoltait tous ces morceaux d’ossements et leur donnait une sépulture décente. On lui raconta aussi, un peu plus tard, que sous son isba se trouvait aussi un défunt. Et quand les hommes creusèrent une cave pour le Père Nicolas (Ragozine), ils trouvèrent des ossements humains. Quel âge pouvaient avoir ces tombes? Un siècle? Deux? Ils enfuirent tout simplement ces os dans u coin de la cave et continuèrent tranquillement à creuser. Les gens du cru amenèrent leurs morts et le Père Savva célébra les funérailles, des pannichydes. Des hommes costauds, ébouriffés, l’air un peu terrifiant demandèrent de leur voix de basse au jeune prêtre si ce n’était pas trop effrayant de vivre ici. Mais il répondit : «Que craindre des morts? Je prie pour eux».
La présence des prières du starets
Sur la Colline de Miteïnaïa, je ressentis immédiatement la présence des prières de l’Archiprêtre Nicolas (Ragozine) ; tous ceux qui viennent nous voir sentent sa présence. Le Père Savva nous a parlé de l’aide spirituelle apportée par le starets Nicolas. Après la mort du Père Nicolas, deux prêtres avaient essayé de servir ici, mais il n’avaient pu résister à la solitude de ce trou perdu, aux terreurs, à l’absence de vie normale, de gens, de commodités… cela faisait évidemment beaucoup. Le Père Savva connut lui-même l’effroi. Il s’en tira par la prière. Quand ça devenait vraiment trop terrible, il enfilait le rason du Père Nicolas et il célébrait comme ça. Batiouchka ressentit particulièrement l’aide invisible du Père Nicolas pendant sa première liturgie sur la Colline Miteïnaïa, quand, jeune prêtre, il fut saisi d’effroi et de tremblements. Il sentit alors le puissant soutien du Starets. C’était comme s’il se tenait à côté de lui pendant la liturgie, l’aidait, le guidait, le conseillait. La sensation de la présence du Starets était si forte que le Père Savva s’en souvint toute sa vie
Notre monastère commença avec l’hospice.

Monastère et Tchoussova

Notre monastère commença avec l’hospice et avec les babouchkas, dont la plupart étaient des filles spirituelles de l’Archiprêtre Nicolas. Progressivement, toutes devenaient âgées et avaient besoin d’assistance, de soins. Quand le Père Savva allait chez elles pour célébrer l’un ou l’autre moleben, elles se mirent à lui demander, comme après en avoir conspiré : prends-nous chez toi!
Un jour, sur le ferry, Batiouchka approchait de chez l’une de ses babouchkas. Il regarda: la maison donnait sur la Tchoussova. Au printemps, la rivière avait monté, et envahi le sol de la cabane jusqu’à trente centimètres de haut. Elle était allongée sur le lit, la jambe est enflée, ne pouvant marcher. Elle gisait là dans son isba non chauffée et ne pouvait aller chercher du bois de chauffage. Ici, elle allait mourir, et personne ne serait là pour lui fermer les yeux… Batiouchka nous raconta plus tard comme il sortit tout triste de chez cette babouchka et pensa : que faire? Il ne pouvait venir avec le ferry chaque jour chez elle et chez toutes celles qui en avaient besoin. Il n’y parviendrait tout simplement pas. Il se sentait fatigué. Il était allé célébrer de nombreux molebens et autres offices, et il essayait de comprendre ce qu’il pouvait faire. Comment aider. Soudain arriva la solution : il allait effectivement prendre ces petites vieilles chez lui. Pour cela, il allait construire une maison, un hospice. Tout juste à côté de son isba et de l’église, sur la Colline Miteïnaïa. A la façon dont d’autres événements s’étaient déroulés, Batiouchka comprit que là était précisément son obédience; celle-ci lui arrivait par la Volonté de Dieu. Il n’avait pas même l’argent pour construire un petit bania, il ne pensait donc pas à une isba. Mais juste quand il décida de prendre les babouchka chez lui, quelqu’un lui offrit deux mille roubles. Jamais il n’avait tenu autant d’argent dans ses mains! Le Père Savva acheta les matériaux de construction, engagea des ouvriers, et la construction d’un bâtiment en bois commença. Il contenait huit cellules, quatre petites chambres-cellules au rez-de-chaussée et quatre au premier étage. Selon les calculs de Batiouchka, une ou deux pensionnaires pouvaient vivre dans une cellule. La construction n’était pas encore terminé qu’il y amenait déjà la babouchka qui ne pouvait plus se marcher. On arrivait au bout de la réserve de matériaux de construction alors que le bâtiment n’avait pas encore atteint sa hauteur sous toit. Batiouchka se dit : Eh bien nous voilà… Il n’y avait quasi plus d’argent et le bâtiment n’était pas achevé. Mais juste quand l’argent fut complètement dépensé, une nouvelle somme tomba du ciel, suffisante pour payer les ouvriers et continuer la construction. Quand on eut terminé la construction, l’argent cessa d’arriver en pareille quantité, et on se trouva en difficulté; il fallait des cierges, et acheter de la nourriture.
Ainsi, Batiouchka installa les petites vieilles dans ce bâtiment. Et il vécut en leur compagnie. Il célébrait à l’église, allait chez des particuliers pour célébrer des molebens et autre offices, et il prenait soin des babouchkas. Une d’entre elles était une lutteuse qui aidait Batiouchka. Ensuite, le Seigneur lui envoya des babouchkas un peu plus jeunes. Et puis, nous les très jeunes, sommes arrivées : les futures moniales Tamara et Xenia. Nous prîmes soin des pensionnaires et le Père Savva célébrait, de plus en plus de molebens pour des particuliers et des familles, et de nouveaux paroissiens demandaient à être nourris spirituellement par leur pasteur.(A suivre)
Traduit du russe
Source

Histoires de la Colline Miteïnaïa. Rencontre avec le monde invisible. (1)

Madame Rojniova

Le texte ci-dessous est le début de la traduction en plusieurs parties de l’original russe de Madame Olga Rojniova, dans la série de ses «Histoires de la Colline Miteïnaïa», intitulé Встреча с миром невидимым. Рассказы игуменьи Казанской Трифоновой пустыни Ксении (Ощепковой)(Rencontre avec le monde invisible. Récits de l’Higoumène Xénia (Ochepkova) du Désert de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan-Saint Tryphon). Madame Rojniova introduit elle-même son texte : La plupart de mes récits sont rédigés sur base d’histoires que m’ont contées les sœurs du Désert Kazan-Saint Tryphon et leur père spirituel et confesseur, le Père Savva (Roudakov). Maintenant je souhaite que vous fassiez connaissance avec l’Higoumène de ce monastère, Xénia Ochepkova. Matouchka Xénia nous parle de la proximité du monde invisible, du retour à la vie après la mort clinique, de la manière de tendre vers la paix de l’âme, de la conserver, et de maintes autres choses.

Grand-Mère posa abruptement la question.

L’Higoumène Xénia (Photo : Pravoslavie.ru)

Mon papa est né quand mon grand-père avait cinquante ans. Quand je suis née, papa aussi était déjà avancé en âge. Il se trouve que mes grands-parents sont nés au XIXe siècle et que je vis au XXIe siècle. Grand-Père et Grand-Mère ont été élevés dans la foi et la piété, mais maman et papa ont grandi à l’époque soviétique, lorsque les gens étaient écartés de la foi. C’est comme ça qu’ils grandirent: la mémoire d’octobre, les pionniers, les komsomols, «la religion est de l’opium du peuple.» Et ma sœur et moi avons été élevés sans être baptisées, non-croyantes. Pour Grand-Mère, comme pour toutes les babouchkas, pareille situation était très pénible. Elles souffrirent tellement, cela leur faisait si mal, qu’on ne pouvait baptiser les bébés, qu’on ne pouvait jamais communier. Je ne sais pas comment ma vie aurait évolué si finalement ma babouchka n’avait posé la question abruptement, disant à sa fille, à ma mère:
Je ne peux pas mourir en paix si mes petites-filles ne sont pas baptisées.
En 1984, les autorités suivaient avec attention ceux qui baptisaient les enfants ou même les amenaient simplement à l’église. Mes parents travaillaient dans une usine militaire à Perm et eurent peur de baptiser leurs filles dans cette ville. Ma sœur et moi avons été emmenées dans une autre région, dans un village isolé où par miracle une église était encore ouverte, et nous avons été baptisées secrètement. J’avais treize ans à ce moment-là.
Nos babouchkas
Maintenant, en tant qu’higoumène du monastère, il m’arrive de rencontrer de nombreux pèlerins et d’écouter différentes histoires de leur vie. Et les gens avouent souvent: «Je suis venu à Dieu à l’âge adulte. Je ne sais pas pourquoi. Sans raison apparente…». Mais si je leur demande : «Et dans votre famille, il y avait des croyants?», ils répondent habituellement : «Oui, babouchka!». Les prières de nos babouchka sauvent, vivifient, font renaître à la vie éternelle nos âmes encroûtées. Elles ne sont pas dans le chœur des saints, nos babouchkas. Alors, comment plurent-elles tant à Dieu, qu’Il écoute leurs prières? Beaucoup d’entre elles sont mortes sans pouvoir attendre de recevoir la possibilité d’éduquer leurs petits-enfants dans la foi. Elles étaient les seules à croire. Et aussi, elles faisaient confiance à Dieu. C’est une chose que de simplement aller à l’église. Ce qu’il faut, c’est faire entrer Dieu dans notre vie, Lui faire confiance, espérer en Lui. Elles intercédaient auprès de Dieu pour leurs enfants et petits-enfants incroyants. Et le Seigneur ne fit pas honte à ces confesseurs de la foi. Mes deux babouchkas, du côté de maman et de papa, étaient profondément croyantes. Babouchka Daria était très pieuse, elle aimait les pauvres, accueillait les vagabonds, donnait jusqu’à ses miettes. Après avoir lavé les vêtements des pauvres, elles les mettait dans le four pour les tiédir. Grand-mère Xenia était un vrai cierge de prières. Elle est morte quand j’avais seulement trois ans. Mais elle a tellement prié pour moi que, quand on m’a demandé mon nom avant de me tonsurer, j’ai senti mystiquement que je voulais son nom. Et je suis tellement reconnaissante envers mes babouchkas! L’une était charitable, l’autre priait pour moi. Et par leurs prières, je suis la moniale Xénia.
De l’audace devant Dieu
Un jour, on nous amena au monastère une femme de trente sept ans, on l’amena comme on amène quelqu’un à l’hôpital. Et elle me raconta son histoire. Son mari faisait la noce, et pour que sa femme ne le gêne pas, il la saoulait. Un jour, il la quitta. Elle avala des médicaments. Réanimation, mort clinique. Soudain elle sentit son âme se détacher de son corps. Et elle vit ceci : son arrière-grand-mère se tenait à genoux devant Dieu et demandait en pleurant : «Reporte cela, Seigneur!». Et elle sentit son âme revenir dans son corps. Les gens de réanimation s’apprêtaient à l’emmener à la morgue. Mais ils l’observèrent : le pouls venait de recommencer à battre. Nos babouchkas, elles ont de l’audace devant Dieu…
La prière pour les proches

Moniale du grand schème Valentina (Photo pravoslavie.ru)

La prière pour les proches, avec un cœur contrit, avec amour, porte tôt ou tard ses fruits. Dans notre monastère, la moniale du grand schème Valentina m’a parlé un jour de la façon dont sa mère croyante priait beaucoup pour elle, quand elle-même n’allait pas à l’église. Quand sa mère est morte, la fille commença à fréquenter l’église. Elle devint ensuite la moniale Barbara, et plus tard la moniale du grand schème Valentina. Voilà un modèle de mère-confesseur de la foi, et du fruit abondant des prières maternelles. Quand je devint moniale, j’ai moi-même commencé à prier assidûment pour mes parents, qui étaient à ce moment-là des personnes totalement incroyantes. Au bout de sept ans, maman a commencé à lire les psaumes. Puis papa et elle se sont mariés.
Première rencontre avec le monde invisible
Après mon baptême, tout dans ma vie semblait continuer comme avant, mais déjà la grâce commençai à agir dans mon âme. Quand j’étais en huitième classe, mes parents m’envoyèrent en voyage de Perm à Plioss, une vieille petite ville sur la Volga. Là je vis un grand nombre d’églises à demi-détruites, et sans explication je voulus soudain entrer dans chacune d’elles. Je parvins à convaincre deux amies et nous décidâmes de nous glisser secrètement dans les églises. Dans l’une, nous avons grimpé par-dessus la clôture, dans une autre, nous sommes entrées par une fenêtre à moitié fermée par des planches, dans une autre encore, nous avons escaladé les échafaudages, et dans une autre, nous nous sommes faufilées par l’étroit escalier en colimaçon jusqu’au clocher.
Et tout à coup, dans ces églises oubliées, mon âme a connu un frisson étrange, une caresse divine, le contact de la grâce divine. Maintenant, je sais que chaque église, même détruite, a son propre Ange Gardien, mais alors je ne savais pas pourquoi mon cœur était rempli d’une joie tranquille. C’était le premier contact de mon âme avec le monde invisible, et il est demeuré dans ma mémoire, longtemps, jusqu’à présent.
«Alors je pleurai.»
Je souhaite partager mon expérience de ce qu’il est utile, même pour les incroyants, d’aller dans des lieux saints. En 1991, j’étais encore incroyante. Un jour, sans raison, j’achetai un billet de voyage organisé de quelques jours, «Bakhtchisaraï-Yalta». Une excursion nous conduisit dans un monastère creusé dans la montagne. Je regardai la falaise et aperçus une image, une représentation, rouge au centre et comme quadrillée sur ses bords. Qui était-ce, impossible à comprendre. Mais je persistai à observer longuement cette représentation, comme si je voulais percer un secret, comprendre ce qui se passait dans mon âme, qu’était-ce? Absolument incompréhensible. Je rentrai à la maison. Plus tard, je me tournai vers Dieu, et plus tard encore, j’entrai au monastère. Un jour, je décidai de vérifier quand exactement j’avais reçu la tonsure monastique. Il s’avéra que c’était le 20 mars, le jour de la fête des sept hiéromartyrs de Chersonèse. Je fus perturbée, parce que le jour de la tonsure est toujours important pour les moines, et correspond le plus souvent avec une fête de l’église, et à ce moment-là, je ne savais absolument rien de ces saints martyrs. Dix ans après mon premier voyage, en 2001, alors moniale, j’étais à nouveau, à Bakhtchisaraï, près de la même falaise. Cette fois, l’église de la Dormition y avait été restaurée, et au–dessus, une reproduction restaurée elle aussi de la Très Sainte Mère de Dieu, en rouge, entourée par les sept hiéromartyrs de Chersonèse. Alors je pleurai. Je ne pense pas avoir besoin d’expliquer la raison de mes larmes…
Nous ne savons quand le Seigneur touchera notre âme.

L’Archimandrite Ioann (Krestiankine)

Je suis arrivée à l’Église après une excursion en bus dans ma région natale de Perm. Je pense que j’étais prête pour l’Église. Nous sommes passés devant la Cathédrale de la Sainte-Trinité, et le guide a dit: «Il y a une école du dimanche à la cathédrale». J’ai tout de suite vraiment voulu y aller, et ainsi, grâce à une excursion touristique toute banale, je me suis retrouvée à l’église. C’est pourquoi maintenant, étant higoumène d’un monastère, je soutiens de tels voyages dans les lieux saints, même s’ils ne sont pas des pèlerinages, mais sont de nature touristique: nous ne savons jamais à quel moment le Seigneur touchera notre âme et, peut-être, après avoir visité un monastère, des non-croyants viendront-ils à Dieu. À l’école du dimanche, j’appris beaucoup de choses, je commençai à entrer dans l’Église. Nous avions d’excellents enseignants, non seulement ils nous parlaient de Dieu, mais ils vivaient en Lui . Le Père Dimitri, l’un de nos professeurs, était fils spirituel du Starets Ioann (Krestiankine), et quand il racontait quelque chose, ses paroles tombaient directement dans le cœur, parce qu’elles avaient le pouvoir de l’expérience spirituelle personnelle. Alors, chaque soir, quand je rentrais chez moi, je lisais la Parole de Dieu. La littérature mondaine et la télévision étaient devenues sans intérêt pour moi. Pour la première fois, je communiai aux Saints Dons en toute conscience.
Comment choisir le bon chemin dans la vie ?

Très Sainte Mère de Dieu “de Tendresse”

Dans notre école du dimanche, jeunes et vieux venaient suivre les enseignements. Un jour, une servante d’autel de la cathédrale nous dit à nous les jeunes : «Pour choisir le bon chemin dans la vie, pour accomplir la Volonté de Dieu en ce qui vous concerne, il faut prier la Très Sainte Mère de Dieu. Lisez quarante fois son acathiste!». Je n’avais pas de recueil d’acathistes, et je lus à la place quarante fois le Canon à la Très Sainte Mère de Dieu. Aujourd’hui, il me semble que c’est précisément ma prière fervente de jeune fille qui m’amena ici au monastère. La plupart du temps, les gens ne connaissent pas la Volonté de Dieu à leur égard. Chacun, chacune, à la mesure de ses moyens, de ses connaissances, souhaite s’orienter dans une direction, mais il est possible que le Seigneur ait prévu quelque chose de tout différent. Et pour comprendre ce à quoi on est appelé, il faut prier, demander que coïncident notre volonté et la Volonté de Dieu, et que notre travail porte du fruit en cette vie sur terre.(A suivre)
Traduit du russe
Source

Histoires de la Colline Miteïnaïa. Voir un miracle.

Madame Rojniova

Madame Olga Rojniova a écrit une série de textes relatifs à la communauté de moniales du Monastère, ou ‘Désert’, de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan-Saint Tryphon, situé sur une colline de la région de Perm, qu’elle a intitulés «Histoires de la Colline Miteïnaia». La traduction d’une série de plusieurs de ces textes est proposée sur ce blog. Celle-ci est la troisième. Nous y retrouvons entre autres, le Père Savva (Roudakov), père spirituel de la communauté (et de Madame Rojniova elle-même). Madame Rojniova ajoute dans le présent texte le récit d’événements qui se déroulèrent dans un autre monastère, sur le même thème. L’original de ce texte a été publié initialement le 30 octobre 2014 et fut mis en ligne sur le site du Monastère le 1er mars 2020.

Pour eux s’accomplit la prophétie d’Isaïe : «Vous entendrez de vos oreilles et vous ne comprendrez point ; vous verrez de vos yeux, et vous ne verrez point» (Math.13;14)
«On parle de Dieu, de la foi, de l’Église… Mais pourquoi, aujourd’hui, on ne voit plus de miracles comme dans l’Évangile?! Quand les muets parlent et quand les sourds entendent! Où ils sont, aujourd’hui, les paralytiques qui se relèvent prennent leur grabat et rentrent chez eux sur leurs jambes?! Si je voyais un miracle pareil, je deviendrait tout de suite croyant! Je serais le premier à aller à l’Église!» (Extrait d’une conversation entendue dans un train).
Récit de l’Higoumène Savva (Roudakov)

L’Higoumène Savva (Roudakov)

Et, comme ils ne pouvaient l’aborder à cause de la foule, ils découvrirent le toit à l’endroit où il était, et par l’ouverture ils descendirent le grabat où gisait le paralytique. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : «Mon fils, tes péchés te sont remis»(Mc.2;4-5). Voici quelque temps, j’ai baptisé Youri Alexandrovitch Volkov, un habitant de la petite ville de Vierkhnetchoussovski, l’ancien président du conseil de la bourgade, aujourd’hui pensionné. Ayant reçu le baptême à un âge déjà avancé, Youri a vécu la majeure partie de sa vie hors de l’Église. Étant novice en la matière, il était habité de nombreux doutes, de perplexité. Je priais pour que sa foi s’affermît. Il y a un vapeur qui fait le trajet entre la bourgade de Vierkhnetchoussovski et notre Désert de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan-Saint Tryphon. Et voici peu de temps, Youri Alexandrovitch rencontra un groupe de gens sur le vapeur ; ils accompagnaient un invalide en chaise-roulante. Ils firent connaissance et conversèrent en attente de l’appareillage. L’homme sur la chaise-roulante était un ancien militaire qui avait fait la campagne d’Afghanistan. Pendant la campagne, il servait dans un hélicoptère. Sous le feu de l’ennemi, l’hélicoptère brûla. Il fut le seul survivant de tout l’équipage. Il était plus mort que vif, le corps couvert de blessures, la colonne vertébrale brisée. C’est à peine s’il lui restait un ou deux os indemnes. Il subit donc plusieurs opérations, mais rien n’y fit et depuis plusieurs années, la partie inférieure de son corps était paralysée. Les amis qui accompagnaient l’invalide demandèrent le chemin qui mène à la source de l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan. Youri Alexandrovitch pensa en lui-même: «Pourquoi perdre du temps à ce genre d’efforts? Pendant tant d’années, cet homme a été cloué à la chaise-roulante… cCest très naïf de rêver que le baigner dans une source pourrait l’aider… Juste de l’eau… et de l’eau très froide… et quoi?! En quoi cette eau va l’aider?! Ses amis ont l’air de gars sérieux, et les voilà partis dans une telle absurdité… Eh bien, qu’ils y aillent, ce sera au moins une promenade; les lieux sont pittoresques et le temps est merveilleux, c’est l’été…» Mais il n’en souffla pas un mot, expliquant par le détail comment atteindre la sainte source. A ce moment-là, le vapeur s’approchait déjà de la berge, et ils se séparèrent. Un mois et demi plus tard, Youri Alexandrovitch rencontra de nouveau sur le bateau-vapeur ces gens accompagnant l’ancien soldat d’Afghanistan à la chaise-roulante. Il les regarda avec attention. L’«Afghan» se souleva de sa chaise et se tint sur ses jambes. Et ils avaient tous l’air si heureux… Ils l’accompagnaient une fois encore à la sainte source.
Plus d’un mois s’écoula et Youri Alexandrovitch les rencontra pour la troisième fois. Il s’étonna de constater que l’«Afghan» n’était pas avec eux. Il tombait un crachin d’automne, les vagues froides de la Tchoussova battaient les flancs du vapeur. Manifestement, ils n’avaient pas emmené l’invalide avec eux pour qu’il ne prenne pas un refroidissement dans le mauvais temps…
– Bonjour les gars ! Alors, votre ami est resté à la maison, n’est-ce-pas?
– Comment-ça à la maison! Mais le voici!
A cette réponse Youri Alexandrovitch n’en crut pas ses yeux. Au milieu du groupe se tenait un homme pas du tout invalide, un bâton à la main. Il se mouvait et se déplaçait seul. En trois mois cet homme qui avait été paralysé pendant des années, se tenait sur ses jambes.
Ce miracle fut donc double. Non seulement le paralysé marcha, mais ce que Youri Alexandrovitch avait vu affermit considérablement sa foi.

Récit d’Anna, guide d’excursion du Monastère de l’icône du Sauveur non-faite de main d’homme, à Klykovo
«Alors il dit à cet homme : «Étends ta main» Il l’étendit, et elle redevint saine comme l’autre»
Toutes sortes de gens viennent au monastère pour travailler en tant que volontaire. Même des incroyants, parfois. Des vagabonds, d’anciens détenus juste sortis de captivité. Ils venaient tout simplement parce qu’ils n’avaient nulle part où aller, et au monastère, on les nourrissait et on les logeait. Il suffisait de travailler et on mangeait à sa faim. Un de ces hommes était arrivé depuis peu de temps. C’était l’été et il faisait chaud. Il portait une vareuse de football aux manches courtes. Ses bras étaient couverts de tatouages. Il sortait juste de prison. Non-baptisé, il vivait sans Dieu. Voilà en deux mots sa biographie…
C’est sur le territoire de notre monastère que se trouve la kelia et la petite tombe de la bienheureuse et célèbre staritsa, la moniale du grand schème Sepfora. Elle passa ici la dernière année de sa vie sur terre. Matouchka était clairvoyante. Des guérisons miraculeuses se produisirent alors qu’elle était encore vivante, et elles continuèrent à se produire après sa mort. Elle accorda son aide spirituelle à tous les malades et aux affligés.
Et un jour, ce volontaire se retrouva dans la cellule de Matouchka. On l’oignit de l’huile de la lampade qui brûle dans la cellule devant des icônes. Il présenta son front, à contre-coeur. A quoi cela pouvait-il servir? On lui traça une croix sur le front. Il resta immobile une minute et dit :
– Mais qu’avez-vous fait?! Ma main est en feu!
– Comment-ça, ta main?! C’est sur le front qu’on a tracé la croix!
– Et moi je vous dis qu’un feu brûle ma main!
Il faut préciser que lors d’une bagarre, un tendon de sa main avait été sectionné et son auriculaire ne pouvait plus se tendre; il demeurait courbé. Et il sécha. Progressivement il se dessécha complètement. Seulement l’auriculaire. Mais le reste de la main n’avait plus de force. Il ne pouvait plus rien soulever de lourd, ni même utiliser correctement un pinceau… Et voilà que c’était précisément cette main qui «brûlait». Il regarda : l’auriculaire recroquevillé s’était redressé et redevenait normal! Imaginez cela : un homme coriace qui court comme un bambin, montrant à tous son auriculaire. C’est à peine s’il ne pleurait pas de joie et de tendresse. Il courait rempli de bonheur à travers tout le monastère. Peu de temps après, il se faisait baptiser.
Voilà ce que signifie un appel instantané à Dieu! Pourquoi le Seigneur lui a–t-Il accordé une telle miséricorde? Qui le sait? Peut–être quelqu’un de sa famille, sa maman, sa babouchka, avait-il beaucoup prié pour lui… Matouchka Sepfora eut pitié et par ses prières, non seulement l’homme guérit, mais il devint un baptisé, tous ses péchés appartinrent au passé… Peut-être Matouchka Sepfora avait-elle vu qu’il y avait quelque chose de bon dans son âme… Mais le miracle fut instantané!
Par les prières de nos Saints Pères, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, aie pitié de nous!
Traduit du russe
Source

Histoires athonites du Père Savva

Dans le texte traduit récemment ici et intitulé «Les traces de Saint Seraphim dans la neige» l’auteur, Madame Olga Rojniova évoquait le récit du pèlerinage de moniales du Désert de la Très Sainte Mère de Dieu de Kazan-Saint Triphon auprès des reliques de Saint Seraphim à Diveevo. Ce désert précité est situé sur une colline de la région de Perm, la Colline Miteïnaïa. Madame Rojniova a écrit une série de textes relatifs à cette communauté monastique, qu’elle a intitulés «Histoires de la Colline Miteïnaia». Selon la tradition, en des temps lointains, on apercevait parfois le bienheureux ‘Miteïka’ en prière, la nuit sur la colline, qui a depuis adopté le nom du ‘bienheureux’. La traduction d’une série de ces textes est proposée sur ce blog. Celle qui se trouve ci-dessous, concerne le Père Savva (Roudakov), père spirituel de la communauté depuis les années ’80 (et qui participa aussi au pèlerinage auprès des reliques de Saint Seraphim). Le Père Savva fut le confesseur et père spirituel de Madame Rojniova elle-même, et il est aujourd’hui encore le Recteur de l’église de ce désert, et de deux autres églises paroissiales situées elles aussi sur cette colline. L’original a été publié initialement sur la page VK de l’auteur et fut mis en ligne sur le site du Monastère le 28 mai 2019.

Première nuit sur l’Athos
C’est en 2000 que j’allai pour la première fois au Mont Athos. A l’époque, la pensée que j’étais le père spirituel et le bâtisseur d’une communauté de moniales me troublait quelque peu. Même si le monastère avait été construit suite à la bénédiction de mon propre père spirituel, l’Archimandrite Ioann (Krestiankine), même si le Starets Archiprêtre Nikolaï (Ragozine) avait prédit sa fondation, j’étais torturé par la pensée suivante : «Mais que fais-je ici sur la Colline Miteïnaïa? Est-ce bien ma place? Peut-être devrais-je abandonner tout ça, car c’est un monastère pour femmes, pour des sœurs, abandonner toutes ces babouchkas et partir au Mont Athos? Mener mon podvig là-bas… Ou alors entrer dans un monastère d’hommes?»
Et puis voilà, c’était ma première nuit sur l’Athos… Je participais à l’office. Trois heures du matin. Le soir, je n’était pas parvenu à somnoler. Cela faisait plus de vingt-quatre heures sans sommeil… Dans l’église, il n’y avait pas d’électricité, les cierges brûlaient, on priait. Il faisait étouffant. La tête me tournait, je sortis dans le porche et m’assis sur un banc. Là, il faisait plus frais, l’air froid arrivait de la cour, mais le son de l’office me parvenait clairement de l’église. Je fermai le yeux et commençai à prier.
Soudain, j’entendis : un vieux moine du grand schème arrivait en traînant les pieds, tout courbé. Il approcha, s’assit dans un coin du porche, sur un banc de pierre. Je ne voyais pas son visage, seulement sa barbe blanche, et il était tout lumineux, il éclairait les ténèbres! Il se signa et me demanda à voix basse :
– Qui es-tu?
– Je suis un hiéromoine.
– Où sers-tu, depuis combien de temps?
– Dans un monastère pour femmes, depuis treize ans.
Il m’interrogeait d’une voix impérieuse, comme s’il disposait de tout pouvoir. J’en perdis le souffle. Je compris que dès ma première nuit sur l’Athos j’entendais ce pourquoi j’avais entrepris ce long voyage : pour que le Seigneur et la Très Sainte Mère de Dieu me dévoilent Leur volonté au sujet de la suite de mon chemin. Et ce moine du grand schème me parlait comme s’il connaissait mes pensées idiotes, comme s’il savait que je voulais quitter le monastère de moniales. Il me dit brièvement et très simplement :
– Eh bien, c’est là que tu vis, restes-y. Ne vas nulle part ailleurs. C’est là que tu dois mourir. Porte ta croix jusqu’au bout, et tu seras sauvé.
Il se leva en silence et s’éloigna lentement, de son pas traînant de vieillard. Je restai assis. Je ne lui avais rien demandé, je n’avais pas essayé d’engager la conversation. Et voilà que dès le premier jour de mon séjour sur l’Athos, le Seigneur me révélait Sa volonté.
Startsy athonites
Oui… Là, sur l’Athos, des startsy mènent leur podvig… Certains d’entre eux restent inconnus du monde entier… Dans le kondakion de l’office aux saint héros de l’ascèse de la Sainte Montagne, on dit : «Menant sur elle la vie angélique»…
On me raconta que dans les années ’70, un groupe de nos prêtres russes arriva sur l’Athos et s’arrêtèrent au Monastère Saint Panteleimon. Ils partirent ensuite en promenade dans les environs et tombèrent sur une skite abandonnée. Ils décidèrent d’y célébrer la liturgie, le lendemain. Ils interrogèrent les frères athonites au sujet de la skite et apprirent que cela faisait longtemps que plus personne ne vivait ni ne célébrait là. Le lendemain donc, ils commencèrent la liturgie, et au cours de l’office ils virent se faufiler dans l’église un petit moine, vieux, très vieux. Il était tellement vieux qu’il ne pouvait plus marcher ; il avançait comme il pouvait à quatre pattes. Même les moines les plus anciens de Saint Panteleimon ne le connaissaient pas. C’était manifestement un de ces moines d’avant la révolution. Il se traîna à sa place et dit d’une voix à peine audible :
– La Mère de Dieu ne m’a pas trompé. Elle m’a promis que je communierais encore une fois avant de mourir.
On lui donna la communion et il mourut sur place, dans l’église. Comment vivait-il? De quoi se nourrissait-il? Il avait reçu les Saints Dons et était parti tout droit vers Dieu et la Très Sainte Mère de Dieu, qu’il avait priés toute sa vie.
A pied sur l’Athos
Après mon premier séjour sur l’Athos et ma rencontre avec le starets, ma folle idée de partir dans un autre monastère, même à la Sainte Montagne, s’évanouit. Quelques années s’écoulèrent… Pendant tout un temps, il fit calme chez nous au monastère. Mais de façon générale, dans la vie monastique, le calme complet ne règne jamais. Si on mène son podvig correctement, si on mène la lutte spirituelle, alors les afflictions et les tentations sont les compagnes inséparables de ce combat. Commença une période de pénibles tentations, intérieures et extérieures. L’arme principale dans le combat spirituel, c’est la prière.Bien sûr, tous nous priions, tout le monastère. Mais il fallait admettre que nos faibles forces de prière étaient insuffisantes. Il fallait une aide, un soutien spirituel. On me donna la bénédiction d’aller prier chez les startsy de l’Athos, là ou le ciel est plus près de la terre, et où s’élève sans cesse la prière pour le monde entier. Jadis, ceux qui faisaient monter leur prière vers Dieu prenaient un vœu, comme par exemple aller en pèlerinage dans un lieu saint ou dans un monastère connu. Ils y allaient, du moins en partie, à pied, afin d’offrir leurs efforts à Dieu. Il me sembla que je devais, pour mon monastère bien-aimé, offrir un effort, un sacrifice. Quand je demandai la bénédiction pour offrir ce genre d’effort, on me bénit pour aller marcher en priant sur le Mont Athos, et de vénérer les trésors sacrés de chaque monastère, d’y prier y demander de l’aide.
Les terribles Karoulias

Les Karoulias

Et au cours de mes pérégrinations sur la Sainte Montagne, je séjournai aux Karoulias. Une «karouli», c’est une poulie, un système de levage à l’aide duquel les moines-ermites, sans descendre au bas des falaises, pouvaient échanger avec les pêcheurs des poissons, du sucre, des olives, etc. contre les produits de leur artisanat. Les Karoulias se situaient à l’extrême Sud de la péninsule athonite, non-loin de Katounakia.
Les Karoulias sont d’inaccessibles falaises, des sentiers très étroits, des kelias désertes, anciens havres d’ermites. Accrochés aux falaises, des nids d’hirondelles et des maisonnettes d’ermites, celles-ci ressemblant à celles-la. Il y a les Karoulias extérieures et les Karoulias intérieures ou «terribles», appelées ainsi car les cellules des moines sont collées aux falaises et pour y parvenir, il faut se hisser, quasiment ramper le long de la falaise en se tirant à l’aide de chaînes et de cordes; c’est très dangereux et absolument effrayant.
Le vapeur de Daphni arriva à son arrêt terminus, les Karoulias, et je descendis sur le quai de béton, l’arsana. De l’arsana un sentier d’escaliers de pierres s’élevait dans la montagne. En montant je découvris les ruines d’une petite église, la paraklisis et la kelia incendiée du célèbre Archimandrite du grand schème Stéphane le Serbe, qui vécut là. A côté se trouvait une grotte, dans laquelle je savais que l’Archimandrite Sophrony (Sakharov), fils spirituel de Saint Silouane l’Athonite, avait mené son podvig. Des Russes vivaient non loin de la kelia qui avait brûlé : le Hiéromoine Elie et un moine. Nous fîmes connaissance. Ils vivaient là depuis deux ans, et ils avaient connu le Père Stéphane quand il vivait encore. J’avais lu à son sujet jadis et voilà que je rencontrais des gens qui me parlaient de lui l’ayant connu personnellement.
L’Archimandrite du grand schème Stéphane des Karoulias
D’origine serbe, il fut antifasciste pendant la seconde guerre mondiale, participant à la résistance. Il raconta comment il avait été arrêté, avec d’autres combattants de la résistance et comment on l’avait condamné à être fusillé. Il fit alors à la Très Sainte Mère de Dieu le vœu selon lequel s’il demeurait vivant, il partirait et deviendrait moine sur le Mont Athos. Quand ils ont commencé à tirer, on l’a poussé et il s’est encouru. Il sentit les balles lui mordre le dos, les bras, la joue, sans lui causer de dommage. Les Allemands ne le poursuivirent pas, ce qui fut également un miracle. Après la guerre, il reçut la tonsure monastique sur l’Athos et mena ici son podvig pendant une petite cinquantaine d’années. Il connaissait plusieurs langues étrangères, écrivit des articles sur la spiritualité, des instruction. Le Père Élie voyait le Starets travailler sur sa terrasse et pendant ce temps, des colombes blanches comme neige arrivaient et se posaient sur ses épaules. Quand il avait terminé d’écrire, soudain, les colombes s’envolaient.

L’Archimandrite du Grand Schème Stéphane des Karoulias

Un jour un ami du Père Élie arriva de Russie et il l’envoya auprès du Père Stéphane afin qu’il demande sa bénédiction. Le Starets était âgé de presque quatre-vingt ans, il avait les yeux bleus comme le ciel. Pendant des années, selon l’usage des moines athonites, il ne se lava pas, mais il ne dégageait aucune odeur. Il mangeait très peu, il préférait les aliments non cuits ; dans sa poche, il avait toujours des vermicelles secs, qu’il mangeait lui-même et dont il nourrissait les oiseaux. Lors de l’Annonciation, de la falaise il fit descendre un filet à la mer et demanda : «Mère de Dieu, envoie-moi un petit poisson». Il remonta le filet et il contenait un poisson, comme à chaque fois.
Quand il répara sa cellule délabrée, un ami lui apporta des matériaux de construction. Cet ami avait une fille de cinq ans, Despina. Et quand le Starets avait besoin de l’aide de son ami, il sortait devant la mer et criait haut et fort: «Despina, dis à papa qu’il vienne me voir, j’ai besoin de lui!» Et la fille accourait vers son père: «Papa, ton Père Stéphane t’appelle». Pourquoi n’adressait-il pas son appel directement à son ami? Peut-être l’enfant, par sa pureté, pouvait-il mieux entendre l’appel spirituel, qui sait… et quand l’ami arrivait, il demandait : «Père Stéphane, tu m’as vraiment appelé?» Et le Starets répondait: «Oui, j’ai demandé à Despina de te dire que je t’attendais».
Dans les derniers temps, il faisait le fol-en-Christ, afin de cacher ses dons spirituels. Quand des Russes approchaient, le Père Stéphane chantait «Les soirées à Moscou». Et quand ils étaient arrivés et qu’il avait fini sa chanson, il préparait du thé pour régaler ses visiteurs. Un ami du Père Élie regardait l’ermite avec méfiance : un vieillard qui chante pareilles chansons, est-ce cela un starets-intercesseur?!
La bouilloire était vieille, noire de fumée. Elle avait perdu sa poignée, restait le pot. Quand l’eau commençait à bouillir, le Père Stéphane prenait la bouilloire entre ses mains et versait l’eau dans les tasses. Les visiteurs étaient stupéfaits et regardaient le Père Stéphane avec effroi : la bouilloire était bouillante. Mais le Starets versait tranquillement l’eau et n’était aucunement brûlé.
Le Père Élie raconta que lorsque les États-Unis bombardèrent la Serbie, le Starets pria avec ardeur jetant toute sa force spirituelle dans la prière au secours de sa patrie. L’affliction s’abattit sur lui avec une force telle qu’il en ressentit de grandes souffrances spirituelles. C’est alors que sa kelia brûla. Y eut-il une cause spirituelle? On ne peut qu’émettre des suppositions. Quand il s’installa dans la grotte voisine pour prier de façon prolongée en faveur de ses compatriotes qui brûlaient dans les explosions des bombes que la grotte elle-même brûla. Père Stéphane mourut en Serbie. Il était rentré dans sa patrie avant de mourir, dans un monastère dont la supérieure était une parente à lui. Il s’endormit dans le Seigneur lors de la fête de l’Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu. Et celle qu’il avait priée pendant tant d’années accueillit son âme.
Un accueil chaleureux
Le Père Élie me proposa de passer la nuit dans leur cellule. Ils aménagèrent de la place dans l’entrée et me donnèrent un vieille couverture et même un vieux coussin, déchiré. J’étais tellement fatigué que cet accueil me réjouit profondément. La nuit approchait et ayant prié, je me couchai, les jambes dans la grotte et la tête vers la sortie ; ainsi, je pouvais voir le ciel étoilé. Allongé là, je me dis que ce couchage nocturne me rappelais mes séjours d’enfance dans la forêt. Mais bien vite, il apparut clairement que les séjours d’enfance dans la forêt n’ont rien de commun avec les «nuitées athonites». J’avais beaucoup entendu parler des terreurs de l’Athos, et ici, aux Karoulias, j’en pu faire l’expérience personnelle.

Le Père Savva

La nuit débuta par une tempête: bourrasques et vents forts. Les pierres, des bâtons et des copeaux commencèrent à dévaler du haut des falaises. En bas, la mer faisait rage. J’aspirais à dormir, mais je ne parvenais pas à m’endormir profondément et me retrouvai entre veille et sommeil. Je sentis sur mes épaules, sur ma tête, les éclaboussures des vagues, et dans ce demi-sommeil je me couvris la tête avec le coussin déchiré. Les cauchemars s’abattirent. Dans cette somnolence, il me sembla que les moines complotaient contre moi, qu’ils avaient l’intention de me tuer et de me jeter en bas de la falaise. De toutes mes forces je tentais de m’éveiller, et je compris alors qu’il ne s’agissait que d’un mauvais rêve. Et puis ma conscience s’éteignit à nouveau et les ennemis apparurent. Dans mon sommeil, j’entendais comment un des moines sortit de la grotte en passant à côté de moi, et il ne revint pas. L’effroi me saisit à nouveau : ils avaient comploté contre moi. Je tremblais d’effroi et je sentais que je claquais des dents. Le délire cauchemardesque me tortura toute la nuit; c’est le soleil du matin qui le dissipa. La tempête s’était calmée et toutes les terreurs avaient disparu. Il s’avéra que le moine qui était sorti de la grotte avait souffert d’un mal de dents pendant toute la nuit. Il ne pouvait dormir et erra autour de la grotte toute la nuit. Le matin, il partit à la clinique. Le second moine proposa de me montrer les alentours. En chemin, il raconta comment vinrent quatre pèlerins qui avaient décidé de se rendre aux Karoulias intérieures. Comme moi, il passèrent la nuit dans la grotte. Pendant toute la soirée, l’un d’eux raconta qu’il était alpiniste et considérait que le chemin ne l’effrayait pas du tout. Il guiderait les autres qui n’auraient qu’à suivre. Mais au petit matin, quand ils atteignirent le bord de la falaise d’où partait le sentier de la descente, menant aux Karoulias intérieures, la détermination quitta l’alpiniste, et il refusa catégoriquement de poursuivre le chemin. Et ses amis firent demi-tour avec lui. Manifestement, la cause de cette crainte était plus spirituelle que physique, mais la descente abrupte pouvait toutefois effrayer les plus braves.
Traduit du russe
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Les traces de Saint Seraphim dans la neige

Le texte ci-dessous est la traduction d’un original russe de Madame Olga Rojniova, publié le 22 janvier 2015 sur le site Pravoslavie.ru. Il s’agit du récit d’un pèlerinage effectué par un groupe de jeunes moniales accompagnées de leur père spirituel auprès des reliques de Saint Seraphim de Sarov en 1991. Un pèlerinage sur lequel Saint Seraphim veilla lui-même tout particulièrement.

Photo : Pravoslavie.ru

Le voyage ne put se faire qu’à la fin de l’automne, pas le bon moment pour voyager. Le gel fixait la raspoutitsa, la cimentant pendant la nuit. Le matin, les talons battaient le sol durci, mais à midi, ils enfonçaient de nouveau dans les ornières ramollies du chemin de campagne. Prélude à l’hiver: un ciel nuageux, la noirceur des arbres, le silence maussade des oiseaux, les jacassements stridents d’une pie solitaire. Prélude à l’hiver, pressentiment, avant-goût, attente de l’hiver. Un matin, la première jeune neige tomba, cachant le vieux feuillage fané. Elle remplit l’air d’un souffle froid, glacial.
On se tenait sur un terrain vague. Celui-ci était complètement désert, justifiant son nom. Pas de piste, pas de chemin, rien. Là, on ne savait vers où aller. Lire la Suite