Le prêtre dans la muraille de Sainte-Sophie

Théophile Gautier aimait, on le sait, à voyager. Il a légué ses récits de voyage en Espagne, en Russie, à Londres, mais aussi, fasciné par l’Orient, comme tant d’autres à l’époque, à Constantinople. Il embarqua en effet le 11 juin 1852 à Marseille, à bord du Leonidas, qui rejoignit Constantinople le 22 juin, via Malte, Syra et Smyrne. La narration de ce séjour est publiée aux Éditions Bartillat (Paris, 2008), sous le titre «Constantinople». L’extrait proposé ci-dessous, dont Théophile Gautier recueillit le contenu auprès de la communauté grecque de la ville, est précédé un peu plus haut dans le texte, à la page 318, par cette phrase : «...malgré ses dégradations de toutes sortes, Sainte-Sophie l’emporte encore sur toutes les églises chrétiennes que j’ai vues, et j’en ai visité beaucoup…». Le texte ci-dessous est repris des pages 321 et 322, en conservant certaines particularités orthographiques qu’on y observe.

Puisque je viens de prononcer le mot de légende, je vais en raconter une qui a cours dans Constantinople, et à laquelle les événements du jour donneront le mérite de l’à-propos. Lorsque les portes de Sainte-Sophie s’ouvrirent sous la pression des hordes barbares qui assiégeaient la ville de Constantin, un prêtre était à l’autel en train de dire la messe. Au bruit que firent sur les dalles de Justinien les sabots des chevaux tartares, aux hurlements de la soldatesque, au cri d’épouvante des fidèles, le prêtre interrompit le saint sacrifice, prit avec lui les vases sacrés et se dirigea vers une des nefs latérales d’un pas impassible et solennel. Les soldats brandissant leurs cimeterres allaient l’atteindre, lorsqu’il disparut dans un mur qui s’ouvrit et se referma: on crut d’abord à quelque issue secrète, une porte masquée; mais non:le mur sondé était solide, compacte, impénétrable. Le prêtre avait passé à travers un mur massif de maçonnerie.
Quelquefois, dit-on, l’on entend sortir de l’épaisseur de la muraille de vagues psalmodies (…) Quand Sainte-Sophie sera rendue au culte chrétien, la muraille s’ouvrira d’elle-même, et le prêtre, sortant de sa retraite, viendra achever à l’autel la messe commencée il y a quatre cents ans.

Saint Cosme d’Étolie. Les Temps sont mûrs. (1)

Athanasios Zoïtakis, professeur à la Faculté d’Histoire de l’Université d’État de Moscou (MGU), et auteur d’une monographie consacrée à Saint Cosme d’Étolie (Le texte original russe de la monographie précitée, qui compte plus de 200 pages, est accessible librement ici.), a commenté pour le site Pravoslavie.ru les prophéties de Saint Cosme se rapportant à notre époque parmi les deux cents prophéties que ce Saint nous a léguées.  Plusieurs textes du Professeur Zoïtakis au sujet de Saint Cosme d’Étolie ont déjà été traduits sur le présent blog. Voici la première partie de la traduction française du commentaire accordé au site Pravoslavie.ru.

La vénération populaire sans précédent dont fit l’objet Saint Cosme d’Étolie permit au monde de découvrir les prophéties de celui-ci. Saint Cosme vécut au XVIIIe siècle, mais il fut glorifié par l’Église seulement vers la moitié du XXe siècle. Le peuple, lui, ne douta jamais de la sainteté de cet homme. C’est ce qui permit la préservation de tout ce qui avait trait à la mémoire du saint. De très anciennes icônes le représentent. Chacune de ses paroles a été précieusement consignée. Et tout cela fut transmis de génération en génération. C’est ainsi que l’on conserve encore de nombreux objets liés à Saint Cosme: par exemple des vêtements, et des croix de bois et de métal, qu’il laissa sur les lieux où il allait prêcher. Lire la Suite

Romanité ou Barbarie? Les Noms de la Nation.

Romiosini i Varvarotita«Romanité ou barbarie? L’Origine historique du conflit séculaire entre Hellénisme et Occident», est un ouvrage écrit par Anastasios Philippidès et publié en 1994 sous le titre «Ρωμηοσύνη ή βαρβαρότητα». Outre l’originalité et la pertinence de son analyse historique, dans la lignée des enseignements du P. Jean Romanides et du Métropolite Hiérotheos de Naupacte, il constitue un éclairage extrêmement intéressant de la situation de crise qui se déploie en Grèce depuis quelques années. Il semble que le livre précité n’ait pas été traduit en français à ce jour. La traduction du prologue du livre, rédigé par le Métropolite Hiérotheos et de l’introduction de l’ouvrage se trouvent ici. Pour la cohérence avec le propos de l’auteur nous avons traduit le grec Ελλάδα et Έλληνες non par Grèce et Grecs, mais par Hellade et Hellènes (la version anglaise du livre ayant retenu Hellas et Hellenes). Le texte ci-dessous, celui du premier chapitre du livre, concerne justement l’histoire, conflictuelle, de la distinction entre les deux appellations. La traduction du prologue du livre (rédigé par Monseigneur Hierotheos de Naupacte) est accessible ici.

Les deux courants du XIXe siècle
Nous entamerons notre étude par une clarification des termes ‘Hellènes » et ‘Romains’ au sujet desquels existe un énorme débat. Les Hellènes de 1994 pourraient être surpris en découvrant que jusqu’au début du XXe siècle se déroula un grand conflit idéologique à propos du recours à l’un ou l’autre de ces termes en tant qu’appellation nationale. Ce conflit reflétait le conflit général entre deux courants idéologiques dans notre pays, qui avait débuté au XVIIIe siècle, et dont les racines pouvaient toutefois être tracées jusqu’à de nombreux siècles auparavant. Lire la Suite

L’Aspect religieux de la Guerre de Crimée (1853-1856)

vigilyanskii1_0L’Archimandrite Vladimir Vigilianski, ancien directeur du service de presse du Patriarcat de Moscou, a écrit le texte ci-dessous, publié le 29.03.2016, sous le titre Религиозный аспект Крымской войны (1853-1856) dans les pages en langue russe du site multilingue Katehon.ru
Depuis que j’aperçus à Londres, au croisement de Regent Street et Pall Mall, la statue érigée en la mémoire des soldats anglais tombés lors de la Guerre de Crimée (1852-1856), mon intérêt pour cette guerre ne fit que croître. J’ai beaucoup lu, à propos des causes géopolitiques de cette guerre, des motifs concrets, des opérations militaires, et de la défaite de la Russie. Voici quelques conclusions que j’ai tirées : Lire la Suite

Romanité ou Barbarie ? Prologue

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Le Métropolite Hiérotheos de Naupacte a rédigé le prologue du livre «Romanité ou barbarie? L’Origine historique du conflit séculaire entre Hellénisme et Occident», écrit par Anastasios Philippidis et publié en 1994 sous le titre «Ρωμηοσύνη ή βαρβαρότητα». Il semble que le livre précité n’ait pas été traduit en français à ce jour. Voici la traduction du prologue, à partir de la version anglaise du texte. Celle d’extraits du livre suivra.

Prologue
Bien souvent au cours de conversations variées, il m’est arrivé de remarquer que le terme «byzantinisme» était utilisé avec une connotation négative. On utilise le terme byzantologie quand quelqu’un parle pour ne rien dire. On recourt à ces termes sans y penser, alors que la raison de leur utilisation et de leur prévalence dans ces contextes est tout à fait tombée dans l’oubli. Lire la Suite

Katekhon, mission de Constantinople, mission de la Russie.

Le texte ci-dessous, de Youliana Biezouglova été publié le 25 juin 2016 dans les pages russes du site Katehon.ru. Il s’agit d’un éclairage projeté sur le lien qui unit l’Empire Romain d’Orient, Constantinople-Nouvelle Rome, et la Russie, dans laquelle les éléments de l’histoire se conjuguent à la philosophie, la géopolitique et la spiritualité.

Parler de Byzance sans respect
Signifie signer à l’encre de l’ignorance.
A.S. Khomiakov

 

Écrire à propos de Byzance est chose malaisée. Voilà plus de cinq siècles que disparut de la carte du monde politique cet empire brillant et à la longévité la plus importante de toute l’histoire de l’humanité. Il semble qu’il fut dès l’origine impossible de débattre à son sujet sinon de façon objective, du moins sans que la passion ne s’en mêlât. Mais Byzance signifie souffrance, sang versé, et tant nous-mêmes, qui nous disons ses héritiers, que l’Occident, portons une lourde part de responsabilité dans sa chute. Lire la Suite