Deux textes de Geronda Ephrem, Cathigoumène du Saint et Grand Monastère de Vatopedi, mis en ligne dans les pages anglaises du site Pemptousia les 14 et 18 Décembre 2013, présentent un saint geronda contemporain moins connu dans nos contrées: Geronda Amvrosios de Dadi. Voici l’adaptation française des deux textes ici réunis.
Le hiéromoine Amvrosios (né Spyridon Lazaridis) quitta cette vie le 2 décembre 2006 (nouveau calendrier), à l’âge de 92 ans. Il était le père spirituel du Saint Monastère de la Panagia Gavriotissa, à Dadi, ainsi que de milliers de Chrétiens dans toute la Grèce. Il fut dans le monde une source de la fragrance athonite du Christ, et l’une des saintes personnes qui ornèrent l’Église en l’époque contemporaine. Il est également le fruit de l’incarnation du Christ ; pendant des siècles, l’Église a été l’atelier de production des saints, et elle continue à l’être de nos jours.

Geronda Ephrem, Cathigoumène de Vatopedi, et Geronda Amvrosios

Le défunt Père Amvrosios naquit le 21 décembre 1912 au village de Lazarata, en Leukade, enfant de parents pieux, le maître d’école Panagiotis Lazaris et son épouse Louisa. Il fut le quatrième enfant d’une famille nombreuse. Dès son enfance, le petit Spyridon se distingua par sa nature paisible et son amour pour l’Église. Son caractère moral fut forgé par sa mère ; celle-ci dût prendre sur ses seules épaules le fardeau de l’éducation de ses enfants, car son mari fut enrôlé pour combattre sur les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale. Spyridon termina seulement deux années à l’école primaire, car il devait aider sa mère. Et quand vint son tour, il entra à l’armée et servit comme Evzone, car il était un jeune homme de belle apparence et de grande taille.
Lors d’un de nos entretiens, Geronda m’expliqua qu’après son service militaire, il voulait rejoindre la Sainte Montagne, mais il ne savait ni où, ni comment. Un jeune homme d’environ 25 ans apparut alors et lui dit : «Je connais bien les lieux, suis-moi». Et il le suivit. Ils descendirent au port et embarquèrent. «Il me donna également du pain, et nous partageâmes nos repas tout le temps que nous fûmes ensemble. Il ne me révéla toutefois pas comment il s’appelait. Nous débarquâmes à Dafni et nous nous enfonçâmes dans les profondeurs de la Sainte Montagne. Je me sentais en sécurité tant que j’étais auprès de lui. Chemin faisant, il m’indiqua le Monastère de Xéropotamou, où ils vénèrent les Quarante Martyrs. Il me demanda si je souhaitais les vénérer et j’acquiesçai. Nous entrâmes dans le katholikon, l’église principale du monastère. Lorsque j’embrassai l’icône, quarante hommes apparurent et nous entourèrent. Le jeune homme se tourna vers moi et me dit : ‘Ce sont les Quarante Martyrs. Ils sont heureux de ce que tu deviennes moine’. Nous poursuivîmes notre chemin  et atteignîmes Kariès, et ensuite le Saint Monastère de Koutloumousiou. Le jeune homme s’arrêta, pointa le doigt vers le monastère et dit : ‘C’est ici que tu demeurer, Spyro. Tu vas y devenir moine. Sois patient et obéis à ton geronda’. Et il disparut». Il semble qu’il s’agissait d’un ange du Seigneur, l’ange gardien de Spyridon. Celui-ci entra donc au Monastère de Koutloumousiou et après la période de noviciat, âgé alors de 25 ans, il devint moine et reçut le nom de Chariton.
Un jour, l’higoumène demanda à Chariton de lire la neuvième heure dans le narthex. Mais Chariton était quasiment illettré. Il lut du mieux qu’il pouvait, mais avec grande difficulté. Cela déplut à l’higoumène qui l’enjoignit vertement de retourner dans sa cellule. Ce soir-là, pendant qu’il priait, la Panagia lui apparut, et par Sa grâce, il mémorisa le psautier tout entier en une seule nuit. Dieu se fit son Professeur. Il aimait à rappeler à chacun que Saint Grégoire Palamas éprouva lui aussi des difficultés d’apprentissage pendant son enfance. Sa famille l’emmena dans un monastère proche et après avoir prié la Panagia, les parents invitèrent Grégoire à faire trois métanies tous les soirs devant la Panagia, lui demandant chaque fois de faire de lui un bon élève. Et Grégoire devint le meilleur des élèves. Mais s’il lui advenait d’oublier ses métanies, il récoltait de mauvaises notes.
Voici une autre anecdote tirée de la vie du Moine Chariton, l’homme de Dieu. Pendant l’été, alors que Chariton travaillait au jardin, il aperçut un figuier. Ayant faim, il grimpa à l’arbre afin d’y cueillir et manger un fruit. Mais à la Sainte Montagne, les moines ne sont pas autorisés à manger quoique ce soit en dehors du réfectoire, car ce serait considéré comme de la gloutonnerie, un péché sérieux. Chariton mangea quelques figues. Et immédiatement, il glissa et tomba de l’arbre. Il se retrouva gémissant sur le sol, une jambe cassée. Alors qu’il était tombé au matin, c’est seulement pendant l’après-midi que les autres moines le trouvèrent, après l’avoir cherché ailleurs. (Un incident similaire survint voici une quinzaine d’années à la Skite de Kolchou, dépendant de Vatopedi, où le Père Ioannis, alors âgé de plus de 90 ans, tomba au jardin et se brisa la nuque. Il demeura étendu sous le soleil brûlant toute la journée, avant que le Père Petros de la Skite Sainte Georges le découvrit, alors qu’il lui rendait sa visite vespérale quotidienne, à la demande de son geronda. Le Père Ioannis fut emmené à l’hôpital à Thessalonique, où il fut soigné et remis en parfaite santé). Devant s’y mettre à quatre, les moines le déposèrent sur une porte et le transportèrent dans sa cellule.
Geronda Amvrosios racontait : «Alors que j’étais allongé sur mon lit, souffrant de la fracture, mon regard se posa sur la petite église des Saints Anargyres, située en face de ma cellule, et je sollicitai leur aide. Deux médecins entrèrent, revêtus de leur tablier blanc et s’occupèrent de ma jambe. «Tire, Kosmas», disait l’un. «Soutiens-la ici, Damianos», répondait l’autre. Au bout de cinq minutes, la douleur avait disparu et ma jambe était en parfait état». Lorsque les frères du monastère découvrirent qu’il était tout à fait rétabli, ils louèrent Dieu et les Saint Anargyres.
Parmi les membres de la communauté du Saint Monastère de Koutloumousiou, on comptait un geronda fort avancé en âge, et également cinq moines jeunes. Certains des jeunes voulaient se débarrasser du geronda âgé en le faisant remplacer. Mais ce dernier, ayant appris cela, décida de faire expulser les cinq jeunes. Un détachement de policier vint appréhender le Père Chariton et l’emmena de force au Monastère de Chilandar. Il y fut assailli par de nombreuses épreuves et maladies, à un point tel qu’il dut retourner dans le monde. Il se rendit auprès du Saint Geronda Porphyrios, qui lui conseilla de se rendre au Monastère de Dadi, dans le nome de Phtiothide. Tout ce qu’il y trouva fut un monastère abandonné, en ruines, habité par les rats, les serpents et les bêtes sauvages. Saint Porphyrios lui avait dit : «Vas-y, sois patient, obéis à Dieu, et Il t’aidera».
Le Père Chariton restaura donc le Saint Monastère de la Panagia Gavriotissa, où fut ultérieurement accueillie une communauté de moniales. Le Métropolite Amvrosios de Phtiothide en vint à tenir le Père Chariton en haute estime. Il en fit donc un hiéromoine et lui donna son nom.
Un jour, Geronda Amvrosios heurta de la jambe un obstacle. Il dût être hospitalisé et une broche métallique fut placée au niveau de la hanche. Mais cela lui occasionnait une brûlante douleur. Le Métropolite Damaskinos le fit venir en Suisse, où les médecins l’examinèrent. Ils constatèrent que la broche qui avait été placée était trop longue d’un centimètre. Il fut de nouveau opéré afin de la raccourcir. Avant qu’il ne puisse quitter l’hôpital, on lui découvrit également un impressionnant calcul à la vésicule. On le garda donc pour une opération supplémentaire.
Geronda se remémorait l’épisode : «J’étais dans ma chambre. Un moine apparut. Nous sortîmes ensemble sur la terrasse, nous nous installâmes dans des sièges et au cours de notre conversation, je lui parlais du calcul et de l’opération qui était prévue pour l’enlever. Le moine dit alors : «Je suis Saint Nectaire ; je suis venu te rendre visite. Moi aussi j’ai été malade. Je suis décédé à l’hôpital d’Erétéon, dans la banlieue d’Athènes. J’ai enduré calomnie et maladie, le tout, avec patience. Dieu me fit don d’une grande grâce suite à ma patience». Ensuite, il se leva, me toucha et partit. Après son départ, j’eus la sensation de devoir uriner. Lorsque je m’exécutai, un calcul de la taille d’une petite orange sortit avec l’urine. Je l’emballai dans une serviette de papier et la déposai dans le tiroir de la table de nuit. L’opération était programmée le lendemain. Le médecin suisse entra et me demanda de me préparer pour descendre à la salle d’opération. Je lui répondis que ce n’était plus nécessaire, ouvris le tiroir et lui montrai la pierre. La voyant, le médecin me dit : «Votre foi à vous, les Orthodoxes, est vivante. La nôtre est contaminée». L’opération fut annulée et le calcul trôna sur le bureau du médecin pendant de nombreuses années».
Malgré son évidente sainteté, rare à notre époque, Geronda Amvrosios vivait retiré dans l’ombre, à Dadi. Il n’aimait pas être mis à la lumière, se mettre en avant, être le centre de l’attention. C’est peut-être la raison pour laquelle la taille de la communauté de moniales demeura modeste. Un jour, pendant notre entretien, il me dit : «J’ ai demeuré ici, vécu ici, insignifiant ; je me suis occupé de prières, de liturgie et de ce genre de choses». Il ne voulait pas devenir un objet d’attention. Même à Dadi, au village, on ne le connaissait guère, car il n’y allait que rarement. Il restait au monastère, s’occupait des tâches domestiques, consacrait de longs moments à la prière et à sa mission de prêtre et ‘pneumatikos’ de la communauté. J’ai pu constater qu’une fois qu’il avait dit une chose, il se retirait en lui-même et priait. Ses conseils étaient toujours très efficaces. Il m’expliqua combien la Grâce de Dieu l’avait aidé : «Je suis illettré, mais nombreux sont les lettrés et les professeurs d’université qui viennent ici. Mon esprit s’ouvre et je leur dit tant de choses. Mais je ne sais comment cela se peut».
Un jour, un jeune homme vint voir Geronda Amvrosios et lui demanda : «Que dois-je faire?» Geronda lui répondit : «Tu deviendras moine». Jamais cette idée n’avait effleuré le jeune homme, mais à cet instant, il sentit un feu s’allumer en lui, et il devint effectivement moine. Quand nous nous rendions au metochion d’Athènes, nous allions voir Geronda et nous constations qu’il n’était pas vraiment de ce monde. C’était un ermite et il observait strictement sa règle de moine, se levant la nuit pour prier. Il éprouvait un immense amour envers la Panagia. A sa demande, la Sainte Ceinture de la Panagia, préservée au Monastère de Vatopedi, lui fut amenée à Dadi. Quand elle arriva, il fut submergé de joie.
Geronda Amvrosios s’endormit dans le Seigneur quinze ans jour pour jour après Saint Porphyrios. C’était un homme de Dieu. L’Église est le Corps Mystique du Christ. Puissions-nous bénéficier de ses prières et de ses bénédictions. Après son décès, j’ai donné son nom à un de nos moines, en son honneur. Sa vie, sa présence, son témoignage du Christ confortent notre foi.

Geronda Amvrosios et Saint Porphyrios

Que la bénédiction de Geronda Amvrosios vienne sur nous.
Sources 1, 2.