Texte rapportant une rencontre organisée à Moscou le 1er juin 2016 avec Geronda Anastasios, disciple de Saint Païssios l’Athonite. Geronda Anastasios (Topozious) est un moine du Saint Monastère de Koutloumousiou, iconographe, peintre, écrivain ; il côtoya Saint Païssios pendant 20 ans. Le texte original russe a été mis en ligne le 7 juin 2016 sur le site Pravmir.ru

Introduction du Père Cyprien (Yachenko)
Le Père Anastasios vit en ermite à la Sainte Montagne, dans une vieille kelia datant du XVIIe siècle, à la limite de Karyès. Il est rare de pouvoir le rencontrer, et difficile de savoir où il vit. Il est un authentique homme de prière, et en outre il dessert une paroisse à Risso, près d’Ouranopolis, où il se rend le dimanche pour célébrer la liturgie. C’est un artiste, il peint des tableaux, mais se consacre aussi à l’iconographie. Et il écrit également ; deux de ses ouvrages, qu’il a personnellement illustrés, ont reçu le prix du «Meilleur livre de l’Année» en Grèce. Et Geronda est psalte ; il participe au chœur, et il remplace parfois celui-ci… Geronda Anastasios est venu à Moscou à l’occasion de l’ouverture de l’exposition «Athos, Sainte Montagne», qui se tient au Monastère de la Nouvelle Jérusalem.

Nous sommes unis aujourd’hui par l’amour à Geronda Païssios l’Athonite, qui a rejoint officiellement le chœur des saints l’an dernier, et que nous célébrons maintenant dans notre calendrier le 12 juillet. A la fin de notre entretien, nous pourrons voir le septième film de la série concernant Saint Païssios. Ces films couvrent quasiment l’entièreté de sa vie.
Voici des années, je tombai évidemment des nues quand plusieurs anciens athonites m’incitèrent à tourner un film au sujet de Geronda Païssios. Mais ensuite, par la volonté de Dieu, je me retrouvai face à un tel concours de circonstances que je compris que je devais tourner ce film. J’en tournai un premier, transi par la peur. Après, six autres furent tournés. Quand nous avons tenté d’établir combien de films il faudrait tourner, Geronda Euthimos, un disciple de Saint Païssios, se mit à réfléchir très fort et il finit par dire « Tournez-en autant que vous voulez». Je lui répondis : «Il n’y a pas moyen de me donner un nombre approximatif?». Et il me dit alors : «Bon, pas plus de cent!». Je compris qu’il s’agissait d’une plaisanterie, mais nous en avons maintenant réalisé sept et hier, treize autres ont été approuvés, me tombant du ciel. Le sujet est tellement vaste. Il s’agit véritablement d’une personnalité unique de notre époque. Sur la Saint Montagne, les anciens disaient : «Les pareils à Païssios, on en voit que tous les mille ans, ou tous les sept siècles». Un vieux geronda me dit : «Si on rassemblait tous les moines de l’Athos pour les presser, comme des oranges, afin d’en récolter le «jus», la récolte n’équivaudrait pas même à un seul Païssios». Il est un véritable prophète de notre temps, qui prononça trente prophéties, dont la moitié se sont déjà réalisées. C’était un homme qui avait réellement en lui ce qu’il appelait un «téléviseur noir-blanc». Il lui suffisait de prier et s’ouvrait toute la vie de l’homme qui se tenait devant lui. Saint Païssios voyait également les peuples, et des événements qui se dérouleront entre maintenant et la fin des temps se révélaient à lui. Dans notre film, nous abordons cela avec beaucoup de prudence, car si on commence à parler de cette multitude de miracles accomplis par Saint Païssios, cela n’en apportera aucune preuve, et cela pourrait produire l’effet contraire. Dans le film, nous n’abordons que ce que nous sommes en mesure de placer sous les yeux des gens du monde. En outre, Saint Païssios l’Athonite est également une personnalité unique en ce qu’il a créé une nouvelle théologie, une théologie non livresque. Cet homme avait terminé à peine plus de deux classes primaires, il était dépourvu de tout bagage conceptuel, et au moyen d’exemples simples, il transmettait les vérités les plus profondes, que les théologiens éprouvent du mal à élucider. J’ai rencontré à la Faculté de Théologie de l’Université d’Athènes des professeurs de théologie renommés, qui maîtrisaient plus de dix langues, qui avaient écrit de nombreux livres et qui s’étaient rendus auprès de Saint Païssios afin de lui demander de bénir les ouvrages qu’ils avaient l’intention de rédiger, en quelque sorte, afin qu’il en précise les fondements théologiques. Ainsi donc, ces académiciens se rendaient auprès d’un homme qui n’avait pas terminé l’école primaire. Mais il disposait manifestement d’une grande clairvoyance spirituelle qui lui permettait de donner des instructions extrêmement précises.
Il a évidemment accompli des miracles. Des milliers de gens venaient à lui. Il les accueillait tous, les appelant par leur nom et répondant aux questions qui les préoccupaient avant même qu’ils ne les aient posées. Ces gens venaient de pays divers et parlaient des langues diverses ; il ne connaissait pas ces langues et répondait immédiatement en grec. Mais il se faisait, de façon extraordinaire, que ces gens comprenaient ses réponses.
La vie de moine sur l’Athos est une vie secrète. Saint Païssios se qualifiait «d’opérateur radio de Dieu». Il a créé une langue théologique qui permet d’expliquer de façon très précise d’importants phénomènes spirituels. Il disait : «Si on ne remplit pas le réservoir de carburant, la voiture n’avance pas, n’est-ce pas? Panne d’essence. Il en va de même avec l’homme : si la grâce n’entre pas en lui, il ne pourra rien faire de bon et sa vie sera dépourvue de grâce, et ses œuvres, de même». Et il disait aussi : «Il faut aller à l’église et prier pour que le réservoir se remplisse d’essence, pour recevoir la grâce». Et encore : «Que sont nos prières? C’est comme décrocher le téléphone ; sur une certaine fréquence, il nous met en contact avec un correspondant. C’est la même chose avec Dieu, sur la bonne fréquence. Cette fréquence s’appelle «humilité». Si nous ne sommes pas humbles, si nous nous comportons avec fierté, nous ne pourrons tomber aux pieds de Dieu. Et si nous ne nous sommes pas purifiés, si nous sommes sales, le Seigneur ne nous sauvera pas». Il parvenait donc, à l’aide d’analogies avec notre vie quotidienne et ses éléments technologiques, des analogies propres à notre civilisation, à transmettre des concepts fondamentaux.
Geronda Anastasios est un veinard, il vit dans l’accomplissement des instructions de Saint Païssios.
Geronda Anastasios :
Parfois, la Grâce de Dieu nous rend dignes de rencontrer, de regarder dans les yeux et de nous entretenir avec nos frères et sœurs. Aujourd’hui, je vois le visage d’hommes et de femmes que je ne connais pas, pour la plupart. Au risque de me répéter, je veux vous raconter une histoire essentielle à propos de Geronda Païssios.
Trois moines avaient décidé d’aller chaque année en Égypte, afin d’y rencontrer Saint Antoine le Grand. Quand ils arrivèrent auprès du Saint, le premier moine posa beaucoup de questions, le deuxième posa des questions, mais moins que le premier. Et le troisième, le plus petit, ne demanda rien. Et ils partirent. Un an plus tard, un scénario identique se répéta. La troisième année, alors que les choses s’étaient déroulées comme les deux années précédentes et que les moines s’apprêtaient à repartir, Saint Antoine demanda au plus jeune : «Mon héros, mon moine, tu es venu à moi et tu repars, pour la troisième fois en trois ans, ne veux-tu rien me demander?» Et le petit moine répondit : «Il me suffit de te voir, et toutes mes misères s’évanouissent. Je ne pense plus à rien, ton visage me donne de la joie».
Il en allait de même avec Geronda Païssios. Quand on s’approchait de lui, tout le reste s’en allait en fumée. Tout ce qu’on avait en tête disparaissait, et il suffisait tout simplement de contempler le Saint homme.
Geronda Cyprien a dit que notre amour pour Saint Païssios nous unit. Un jour, Yannis, un artiste de Thessalonique, décida de mettre fin à ses jours. Il s’attacha à une grosse pierre et se jeta dans la mer pour s’y noyer. Mais soudain, il se retrouva sur la rive, hors de l’eau. Saint Païssios approcha de lui, lui mit la main sur le dos et lui dit : «Yannis, pourquoi as-tu fait cela?». Au même instant, Geronda Païssios se trouvait au Mont Athos, tout en apparaissant à Yannis et en lui parlant. Après cela, Yannis se mit à rendre visite à Geronda Païssios plusieurs fois par an, lui posant maintes questions. Lors de chacune de ces visites, Saint Païssios commença à parler de façon à répondre aux questions de Yannis alors même que celui-ci n’avait pas encore eu le temps de les exprimer. Un moine, membre de la communauté de Geronda Cyprien, demanda un jour à Yannis «Tu parvenais à demander ce que tu voulais?». Yannis répondit : «La dernière fois, il n’a pas pu répondre». Yannis avait décidé, cette fois-là, de ne penser à rien quand il se trouverait en présence de Geronda Païssios. Pour y parvenir, il s’était efforcé de tracer dans sa tête une figure géométrique complexe. Imaginez une figure géométrique compliquée, et toutes les tentations s’évaporeront. Yannis s’imaginait que Saint Païssios ne parviendrait pas à deviner. Quand il arriva auprès de Geronda Païssios, celui-ci tenait à la main un petit bâton qu’il semblait balader sur le sol. Soudain il commença à dessiner sur le sol, et que dessina-t-il ? La figure géométrique à laquelle l’artiste s’efforçait de penser. Tel était Saint Païssios, capable d’aller te chercher alors que tu te noies en mer, et de t’emmener dans les Cieux du Père, du Fils et du Saint Esprit. Il s’agit vraisemblablement de la plus grande chose que les saints puissent faire pour nous : nous prendre par la main et nous emmener sur le chemin qu’eux ont déjà parcouru.

Voici deux ans, le Patriarche œcuménique Bartholomée vint en visite à la Sainte Montagne. Bien que ce type de comportement ne soit pas adapté pour un moine, un jeune père s’approcha de lui et demanda : «Votre Sainteté, que pensez-vous de Geronda Païssios?». Les anciens étaient stupéfaits : «Comment ose-t-il?» Mais le Patriarche lui répondit : «Fais confiance à l’Église». Il s’écoula moins d’un an avant que Saint Païssios soit officiellement compté dans le chœur des saints. Ce fut une décision très rapide, un grand courage de la part du Patriarche. Certains disaient : Voilà qu’on fait des saints bien vite, maintenant! Ils avaient vécu près de lui, ils le connaissaient, et il aurait fallu laisser un certain temps s’écouler.

Vous voyez, je suis athonite, aujourd’hui, j’arrive à Moscou, et nous parlons de Saint Païssios. Il est possible qu’en Grèce se tienne quelque part, en ce moment, une rencontre au cours de laquelle on parle de Saint Seraphim de Sarov. Ou de Saint Jean le Russe. J’ai 67 ans. Je suis allé 67 fois m’incliner et me recueillir devant Saint Jean le Russe, il est devenu un compatriote pour nous. Je suis grec et il était russe. Qu’est-ce que cela signifie? C’est la bénédiction du Père et du Fils et du Saint Esprit, qui nous tire de la corruption et de la mort et qui nous mène à la vie. C’est ce que nous chantons tout le temps «Le Christ est ressuscité!».

Le Père Grégoire était l’un des voisins de Geronda Païssios. Il arriva à la Sainte Montagne à l’âge de onze ans. Il venait d’un village aux environs de Thessalonique. Il arriva au Mont Athos et y vécut 75 ans, sans jamais sortir de la Sainte Montagne. Geronda Païssios l’aimait beaucoup. Moi aussi, j’aimais bien aller voir Geronda, quand j’étais enfant, recevoir sa bénédiction, des conseils. Un jour des étudiants vinrent auprès du Père Grégoire, et il leur dit : «Depuis que j’ai mis le pied sur la Sainte Montagne, je ne l’ai jamais quittée». Ils étaient bien élevés, éduqués, mais au lieu de se taire avec respect, ils lui demandèrent : «Geronda, vous vous souvenez des femmes?». Il répondit : «Oui, je m’en souviens». Ils n’en restèrent pas là et lui demandèrent : «A quoi ressemblent-elles les femmes?». Ils s’attendaient à ce qu’il leur réponde l’une ou l’autre chose qu’ils s’imaginaient déjà. Voici ce que leur répondit le Père Grégoire : «Je me souviens des femmes. Quand je regarde la Panagia, je me souviens de ma mère». Il connaissait deux femmes : sa mère et la Panagia. Et pour lui, toutes les femmes de la terre ressemblaient à la Panagia et à sa mère. (A suivre)

Traduit du russe

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