Hiéromoine Seraphim (Rose): Le Tsar-Martyr Nicolas

Le Saint Tsar Nicolas II
Le Hiéromoine Seraphim Rose de bienheureuse mémoire est l'auteur du texte ci-dessous, écrit à l'origine en anglais, et publié sous le titre "Tsar-Martyr Nicholas II," dans la revue The Orthodox Word, Vol. 4, No. 4, p. 152-153. La version française ci-dessous est la traduction de la version russe du texte publiée sur le site «Николай II последний русский император», Nicolas II, dernier Empereur russe. Dans la version russe, deux passages de la version originale anglaise ont été omis, pour le reste les deux versions sont identiques.

«Car le mystère de l’iniquité agit déjà; il faut seulement que celui qui le retient encore ait disparu» (2Thess.2,7)

Selon les enseignements de Saint Jean Chrysostome et des autres Pères de l’Église, ce qui empêche l’apparition en ce monde de l’antichrist, cet être d’iniquité et d’anarchie, le plus puissant opposant de notre Seigneur Jésus Christ et de Son Église, c’est le pouvoir légal, exprimé et symbolisé par l’Empire Romain. Cette idée trouva son expression suprême dans l’Empire Chrétien: tout d’abord, lorsque Constantinople était la Nouvelle Rome, et ensuite dans l’Empire de la Russie Orthodoxe, lorsque Moscou devint la Troisième Rome. En 1917, un terme fut mis au «siècle de Constantin»; l’empire orthodoxe fut détruit, et le monde, à commencer par Moscou, fut jeté dans un siècle de l’iniquité et de l’athéisme (et dans l’apostasie, pour ce qui concerne la vie de l’Église) tel qu’on n’en avait jamais vu jusqu’alors.
Le Tsar Nicolas II fut le dernier représentant de cet idéal du pouvoir légal chrétien, et le siècle de l’iniquité commença précisément avec son assassinat. Toutefois, pour les Chrétiens Orthodoxes, ce siècle nouveau fut ouvert par un martyr, un témoin de l’Orthodoxie, fidèle jusqu’à la fin à son Église et à sa vocation sacrée. (…)
Le Tsar est né le jour de la fête du Saint et Juste Job. Au milieu de ses terribles souffrances, celui-ci évoqua le jour où il fut conçu: «Cette nuit! Que les ténèbres en fassent leur proie, Qu’elle disparaisse de l’année, Qu’elle ne soit plus comptée parmi les mois!» (Job 3,6).
Effroyable fut la nuit du meurtre du Tsar et de sa famille. Mais les Chrétiens d’antan disaient avec une profonde sagesse que le jour où l’on fait mémoire des martyrs est en réalité le jour de leur naissance. Et le nuit du meurtre du Tsar resplendit dans notre conscience comme la naissance au Ciel russe du Tsar-Martyr, offrande sacrificielle pour les péchés de son peuple. (…)
Ce point de vue est confirmé par la vision qu’eut en 1917 le grand starets Macaire, Métropolite de Moscou:

Le Songe du Métropolite Macaire
Je vis un champ. Notre Sauveur avançait sur un chemin. Je Le suivis en Lui disant: «Seigneur, je marche à Ta suite!». Il se retourna vers moi et répondit: «Suis-Moi!». Nous approchâmes finalement d’une énorme arche constellée d’étoiles. Au seuil de cette arche, le Sauveur se tourna vers moi et dit à nouveau: «Suis-moi!». Et Il pénétra dans un merveilleux jardin. Mais je demeurai sur le seuil et m’endormis. Toutefois, je m’éveillai bientôt et vis que je me tenais toujours devant l’arche. Au-delà de celle-ci, le Tsar Nicolas se trouvait à côté du Sauveur. Celui-ci dit au Tsar: «Dans Ma main, tu vois deux coupes; l’une au goût amer pour ton peuple, l’autre, douce, est pour toi». Le Tsar tomba à genoux et implora longuement le Sauveur de lui permettre de boire à la coupe amère avec son peuple. Mais le Seigneur refusa avec insistance. Le Tsar L’implorait de plus belle et sans cesse. Alors le Sauveur tira de la coupe amère un gros charbon ardent et le déposa dans la paume de la main du Tsar. Le Tsar se mit à faire passer prestement le charbon ardent d’une main à l’autre, et en même temps, son corps devint de plus en plus lumineux, jusqu’à ce qu’il fût complètement éclatant de lumière, tel une sorte d’esprit resplendissant. A ce moment, je m’endormis à nouveau. Quand je sortis du sommeil, je vis un immense champ couvert de fleurs. Le Tsar se tenait au centre du champ, entouré d’une grande foule à laquelle de sa propre main, il distribuait la manne. Une voix venue on ne sait d’où retentit alors: «Le Tsar a pris sur lui la faute du peuple russe. Au peuple russe, le pardon est accordé».
C’est évidemment pour le peuple russe au premier chef, que le Tsar revêt une grande signification. Toutefois, son rang de Tsar Orthodoxe retenant l’apparition de l’antichrist, et particulièrement sa qualité de martyr orthodoxe, lui confèrent un sens profond pour tous les fidèles orthodoxes.
Le peuple serbe aimait le Tsar russe de tout son cœur. Le 30 mars 1930, un télégramme fut publié dans les journaux de Serbie, selon lequel la population orthodoxe de la ville de Leskovats avait adressé une supplique au Saint Synode de l’Église Orthodoxe de Serbie requérant l’examen de la question de l’accueil officiel du défunt Tsar Nicolas II parmi le chœur des saints, car il avait non seulement été le dirigeant au cœur pur et humain du peuple russe, mais il avait, en outre, par sa fin en martyr, acquis la gloire spirituelle.
En 1925 déjà, la presse serbe avait publié la description de ce qui était arrivé à une serbe âgée qui avait perdu deux fils lors de la guerre, et qui considérait comme mort le troisième dont elle était sans nouvelles depuis des années. Un jour, après avoir prié pour tous les morts de la guerre qui venait de se terminer, la pauvre vielle s’endormit. En songe, elle vit l’Empereur Nicolas II qui lui dit que son troisième fils était vivant, qu’il se trouvait en Russie, là où il avait combattu pour la cause slave avec ses deux frères tombés au champ d’honneur. «Tu ne mourras pas sans avoir revu ton fils», lui dit le Tsar de Russie. Peu de temps après ce rêve, la vieille reçu des nouvelles selon lesquelles son fils était vivant, et quelques mois plus tard, elle eut la joie de le serrer en ses bras, sain et sauf, revenu de Russie.
En août 1927, les journaux de Belgrade annoncèrent que le peintre et académicien russe S.F. Kolesnikov était invité à venir peindre les fresques de la nouvelle église dans l’antique monastère serbe de Saint Naum, sur le Lac d’Ochrid. Le peintre russe avait reçu toute liberté dans son développement créatif d’ornement des murs et de l’intérieur de la coupole. L’artiste avait imaginé peindre sur les murs une quinzaine de saints disposés à l’intérieur d’oves. Les quatorze premiers furent hardiment exécutés, mais l’espace destiné au quinzième demeura vide, longtemps. Une sensation inexplicable poussait le peintre Kolesnikov à procrastiner. Un jour, juste avant le crépuscule, il entra dans l’église. En bas, tout était pénombre. Seule la coupole laissait encore passer les rayons du soleil couchant. L’ambiance dans l’église était particulière, éthérique. A cet instant, l’artiste vit que l’ove resté vide s’animait; comme à travers la vitre d’une fenêtre, l’air affligé, l’Empereur Nicolas II semblait l’observer. Surpris par l’apparition miraculeuse du Souverain Martyr russe assassiné, le peintre demeura figé de stupéfaction. Ensuite, comme l’écrivit lui-même Kolesnikov, sous l’influence d’une pieuse impulsion, il plaça une échelle contre l’ove, et sans tracer le contour du personnage au fusain, il commença à poser la couleur directement au pinceau. Cette nuit-là, Kolesnikov ne put dormir. Il revint à l’église dès l’aurore, et dès que les premiers rayons du soleil touchèrent le haut de l’échelle, il se remit à l’œuvre plus fiévreusement que jamais. Comme il l’écrivit lui-même: «Je peignais sans photo. J’avais jadis vu le défunt Souverain à plusieurs reprises, et son image était imprimée dans ma mémoire. Quand j’eus terminé mon travail, j’ajoutai en dessous une inscription: «Le Tsar de toutes les Russies, Nicolas II, qui reçut la couronne du martyre pour le bien-être et le bonheur des Slaves».
Bientôt, le monastère reçut la visite du Général Rostitch, commandant la division militaire du District de Bitola. Quand il visita l’église, il observa longuement le personnage du défunt Souverain, tel que l’avait peint Kolesnikov, et il dit, les joues baignées de larmes: «Pour nous, les Serbes, il est et restera le plus grand et le plus vénéré de tous les saints».
L’apparition du Tsar-Martyr est en soi une source d’inspiration pour tous les Chrétiens Orthodoxes. Mais il ne s’agit que d’une partie de la dimension orthodoxe du Tsar Nicolas II. Ses dispositions personnelles chrétiennes et pieuses, et son rôle actif de Tsar, contribuant à une véritable renaissance de l’Orthodoxie, font de lui le dernier, et l’un des plus grands représentant de la tradition de la monarchie orthodoxe, dont l’effacement (dont nous sommes nous-mêmes les témoins) inaugure dans le monde le siècle de l’iniquité.
O, Saint Tsar-Martyr Nicolas, prie Dieu pour nous!
Traduit du russe
Sources : 1, 2