L’icône aujourd’hui, dans l’église Saint Georges

Le texte ci-dessous a été publié le 1 octobre 2019 dans sa version russe originale, sur la page du réseau social Live Journal de la paroisse des Saints Apôtres Pierre et Paul de la ville de Staraia Roussa, dans l’Oblast de Novgorod. Les auteurs du textes sont Evgueni Poselianine, Valeri Melnikov et Nadejda Dmitrieva. Staraia Roussa est une des anciennes villes de Russie. Il en est fait mention dans un document datant de 1167. Jadis, elle occupa le quatrième rang dans les villes de Russie, aujourd’hui, elle est devenue une simple petite ville de 30 000 habitants. L’écrivain Fiodor Dostoievski y loua et ensuite acheta, en 1876, une ‘datcha’, où il écrivit «Les Frères Karamazov».
«Très Sainte Mère de Dieu, sauve nous, et rends-nous dignes, nous indignes, de soulever et porter Ton icône toute pure dans les rues de notre ville» Voilà la prière des habitants de Staraia Roussa à la Très Sainte Mère de Dieu.
Cette icône est appelée ‘starorousskaia’ car elle se trouve depuis des temps immémoriaux dans la ville de Staraia Roussa. La tradition explique que des Grecs d’Olviopol, bourgade du Gouvernorat de Kherson, à l’embouchure du Boug méridional, l’amenèrent, aux premiers temps du Christianisme, à Staraia Roussa, où elle demeura jusqu’à la moitié du XVIIe siècle. La ville se trouvait alors sur l’ancienne voie reliant Varègues et Grecs.

L’icône ancienne, visible au ‘Musée Russe’ à Saint-Pétersbourg

Mais il existe deux autres versions de l’apparition de cette icône dans la ville de Staraia Roussa. Selon la première version, ce fut la Très Sainte Mère de Dieu Elle-même qui commanda de transférer l’icône de Tikhvine, où elle se trouvait à l’origine, à Staraia Roussa, où elle demeura dans l’église de la Résurrection, dans le Monastère de la Transfiguration du Sauveur, pendant tellement d’années que les habitants des lieux la considéraient comme leur icône. Selon le second récit, ce furent des Grecs qui amenèrent l’icône à Staraia Roussa, en janvier 1471, six mois avant la célèbre bataille de la Chelon, au cours de laquelle le Grand-Prince Ivan III vainquit l’armée de Novgorod, afin de renforcer les frontières Nord du Royaume russe. La veille de la bataille, les Novgorodiens prièrent devant l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu afin que Celle-ci leur accorde la victoire, et leur permette de continuer à vivre selon leurs habitudes. L’armée moscovite, conduite par le Prince Daniel Kholmski, comptait environ cinq mille hommes. Vinrent à leur rencontre une armée forte de quarante mille soldats de Novgorod la Grande. Malgré leur écrasante supériorité numérique, les Novgorodiens furent réduits en poussière. Les développements ultérieurs de l’histoire montrèrent le caractère providentiel de cet événement. Après la bataille de la Chelon, Ivan III plaça la Rus’ sur l’orbite géopolitique sur laquelle notre pays se meut encore aujourd’hui.
En ce qui concerne Novgorod, la Très Sainte Mère de Dieu ne S’était pas détournée de ceux qui La prièrent ; Elle répondit à ces prières en protégeant la vieille Rus’ et la foi Orthodoxe. Et à cette époque, celles-ci pouvaient être sauvées seulement dans le cadre d’une Rus’ unie, avec Moscou à sa tête. Si Novgorod ne s’était à cette époque soumise à Moscou, elle aurait plus tard connu sa perte de la main des envahisseurs polonais.
C’est peu après, vers 1656 qu’une épidémie de choléra atteignit Staraia Roussa et Tikhvine dans le Gouvernorat de Novgorod. Il fut révélé à un pieux habitant de Tikhvine, que le choléra disparaîtrait seulement lorsque l’icône miraculeuse de la Très Sainte Mère de Dieu Starorousskaia serait amenée à Tikhvine, et celle de la Très Sainte Mère de Dieu de Tikhvine, amenée à Staraia Roussa. Lorsque cette révélation fut connue parmi le peuple, tous exigèrent que ce commandement venu d’En-Haut soit mis en œuvre.

L’église Saint Georges à Staraia Roussa

Le souhait du peuple fut exécuté, et l’épidémie cessa. L’icône Starorousskaia demeura très longtemps à Tikhvine, environ deux cents ans. Les habitants de Tikhvine se voulaient pas rendre cette icône miraculeuse aux habitants de Staraia Roussa, la considérant comme leur trésor sacré et inaliénable. Il décidèrent d’exécuter une copie de l’icône Starorousskaia, qu’ils emmenèrent le 4 mai 1768 (ou 1788) à Staraia Roussa. Un jour de fête fut institué à cette occasion. Toutefois, les habitants de Staraia Roussa refusèrent de se satisfaire de l’état des choses. Ils adressèrent abruptement une supplique aux instances ecclésiastiques supérieures exigeant le retour de leur trésor sacré à Staraia Roussa. A partir de 1805, un profond différend opposa les deux villes quant à la détention de l’icône, et il perdura de nombreuses années. Jusqu’en 1888, les décisions prises étaient sans cesse favorables à Tikhvine, mais en 1888, justice fut rendue et le différend résolu au bénéfice de Staraia Roussa. Le 18 septembre, l’icône Starorousskaia fut emmenée en procession à la rencontre de tous les habitants de Staraia Roussa, et placée dans l’église du monastère de la ville. Depuis ce jour, l’icône est fêtée chaque année le 18 septembre. Lors de la révolution, la sainte icône fut donnée au musée, après qu’on en eût ôté les riches ornements. En 1941, pendant l’occupation allemande, l’icône disparut, et elle n’a pas été retrouvée à ce jour1 . Aujourd’hui, c’est un double2 de l’icône miraculeuse qui se trouve dans l’église Saint Georges, dans le chœur gauche, devant l’iconostase.
L’actuelle icône Starorousskaia de la Très Sainte Mère de Dieu se distingue par sa taille imposante. Elle mesure trois archines et 14 verchoks de haut3 . L’icône originale combinait les caractéristiques de deux types iconographiques proches : la Très Sainte Mère de Dieu de Tikhvine et la Très Sainte Mère de Dieu de Géorgie. Sur l’icône ‘double’ de l’église Saint-Georges, la partie supérieure du torse et le visage de l’Enfant sont tournés vers la gauche. Il tient dans Sa main droite un rouleau et élève Sa main gauche en signe de douleur et de tristesse devant les péchés des hommes. Ce type iconographique, très stylisé et composite provient de l’époque d’Ivan IV.

Tropaire du Ton 4
Vers la Très Sainte Mère de Dieu accourrons avec ferveur/
nous les pécheurs, et humblement prosternons-nous/
Des profondeurs de notre âme, crions avec repentir:/
Aide-nous, Maîtresse, fais-nous miséricorde/
Hâte-Toi, nous périssons sous nos nombreux péchés,/
Ne détourne en rien de Tes serviteurs,/
Car en Toi nous avons notre seule espérance.

Traduit du russe et du slavon

Sources : 1, 2

  1. Contrairement à ce qui est affirmé dans le texte, on peut voir au « Musée Russe » à Saint-Pétersbourg l’icône de la Très Sainte Mère de Dieu Stararousskaia, datant du début du XIIIe siècle et provenant de Staraia Roussa. N.d.T.
  2. Double. Ce terme a été choisi pour traduire le russe ‘Список’, terme propre au lexique de l’iconographie. Le ‘spicok’ n’est pas une simple copie formelle et peut ne pas reproduire exactement l’icône originale. Selon l’archimandrite Raphaël (Karelin), dans le ‘spicok’ le contenu vient en premier lieu, puis la forme. Dans la copie vient d’abord la forme, puis-le contenu. Dans le ‘spicok’, l’unité spirituelle est transmise à travers les couleurs et les lignes, et le mouvement passe de l’intérieur vers l’extérieur. Dans la copie – de l’extérieur à l’intérieur, mais cet intérieur est perçu par la coïncidence et la similitude avec l’original. Toutefois, la question de l’authenticité de l’icône n’existe sans doute pas, chaque icône canonique est authentique, car elle se réfère à un prototype divin. N.d.T.
  3. Elle serait la plus grande icône au monde : 278 cm de haut et 202 cm de large. N.d.T.